Interview de M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à France Info le 8 juin 2023, sur la canicule et la sécheresse.

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Ça grimpe et ce n'est que le début, l'an dernier la France a connu trois épisodes de canicule, dont l'un particulièrement précoce, et ce n'est qu'un aperçu de ce qui nous attend dans les décennies qui viennent. Bonjour Christophe BÉCHU.

CHRISTOPHE BÉCHU
Bonjour Marc FAUVELLE.

MARC FAUVELLE
Ministre de la Transition écologique. Vous dévoilez ce matin un plan pour faire face justement à ces vagues de chaleur à répétition. On se souvient qu'il a fallu attendre la canicule de 2003 pour qu'on installe dans chaque EHPAD une salle climatisée. 20 ans après, est-ce qu'on est encore en retard ?

CHRISTOPHE BÉCHU
On a le mérite d'avoir ce Plan canicule santé, et qui finalement ne se préoccupe que de la santé et que de la santé des plus âgés. Et les vagues de chaleur, vous l'avez dit, non seulement elles n'ont pas disparu, mais elles se multiplient, elles s'intensifient, 2022 c'est un record en nombre de jours, c'est trois épisodes caniculaires, mais c'est 33 jours de canicule, et en moyenne sur les 10 dernières années on a vécu environ 10 jours de canicule par an, quand c'était deux à la fin des années 80. Et le dérèglement climatique va amener à ce que le nombre de vagues de chaleur soit à nouveau multiplié par deux. Donc il faut à la fois qu'on comble une partie des trous des plans précédents, et qu'on mette en place de nouveaux dispositifs. Typiquement, on a aujourd'hui depuis 2003, des registres communaux pour que les personnes fragiles s'inscrivent.

MARC FAUVELLE
Encore faut-il qu'elles le fassent.

CHRISTOPHE BÉCHU
5% seulement. Comment on améliore à la fois la connaissance et l'inscription ? Il y a trois mesures dans ce plan de gestion des vagues de chaleur, une pour faire en sorte que les jeunes qui sont en SNU puissent être mobilisés pour faire les inscriptions. Une, qui va concerner les tuteurs ou les curateurs, et puis une expérimentation qu'on lance, avec LA POSTE où les facteurs vont faire en sorte d'aller déposer des flyers, d'aller donner des informations, parce qu'on est convaincu que cette présence humaine elle peut être aussi de nature à améliorer ce niveau-là. Et puis on s'occupe d'autres personnes vulnérables…

MARC FAUVELLE
Alors, on va y venir, simplement pour les personnes fragiles qui vivent à domicile, donc les 30 000 jeunes qui aujourd'hui ou demain feront leur SNU, vont faire du porte-à-porte, c'est ça ?

CHRISTOPHE BÉCHU
On va effectivement les utiliser pour qu'ils puissent sensibiliser les personnes au fait que s'inscrire sur un registre, c'est juste donner son nom et c'est ensuite pouvoir être contacté pour qu'on s'assure que tout va bien. On se souvient du drame de ces volets fermés pendant la canicule de 2003, du fait que personne ne prenait de nouvelles des voisins et qu'ensuite on a découvert l'ampleur des décès. Pour éviter ça, il faut permettre aux services municipaux de pouvoir passer des coups de téléphone quand on a des vagues de chaleur, pour s'assurer que tout va bien, parfois pour pouvoir aussi venir à domicile, donner un coup de main, s'assurer qu'il y a bien une pièce fraîche etc., et donc l'inscription elle est cruciale. J'en profite pour passer le message et pour dire qu'effectivement avec les jeunes en SNU, avec LA POSTE, on va faire en sorte d'amplifier ces inscriptions.

MARC FAUVELLE
Et c'est peut-être un rôle qu'on peut jouer tous, aussi, de s'assurer tout simplement que ses voisins vont bien. Les personnes fragiles, ce sont aussi les plus jeunes, Christophe BÉCHU, dans les crèches, dans les écoles, qu'allez-vous faire, qu'allez-vous annoncer tout à l'heure ?

CHRISTOPHE BÉCHU
On va aller vers des pièces rafraîchies. Vous l'avez dit, ça a été une des mesures qui a été prise après la grande canicule de 2003…

MARC FAUVELLE
Mais c'est quoi une pièce rafraîchie, dans une école par exemple, où les fenêtres ne ferment pas ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Une vague de chaleur, c'est quand vous avez une température de plus de 25,3° pendant 24 heures. Et donc le meilleur moyen de lutter contre ça, c'est d'avoir un endroit qui précisément est rafraîchi. Comment on peut faire ? Que ce soit à domicile, que ce soit au bureau, que ce soit dans une école, la pose de stores, le fait de prendre l'habitude de rafraîchir un endroit en n'ouvrant pas les fenêtres pendant la journée, pour ne pas laisser rentrer cette chaleur. Vous avez des guides pratiques…

MARC FAUVELLE
Vous ne pensez pas que les enseignants le font déjà, ça, aujourd'hui, et qu'on enfonce - sans mauvais jeu de mots - des portes ouvertes ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Alors, je vais être très clair : on s'adresse aux propriétaires de ces écoles. On ne s'adresse pas à chaque enseignant, parce qu'on sait qu'on peut avoir une salle de classe qui compte tenu de son exposition, même avec des stores, même avec un certain nombre d'éléments, ne remplira pas les conditions. Notre sujet, c'est de travailler avec les mairies, c'est de travailler avec les départements, c'est de travailler avec les régions, qui sont propriétaires de ces équipements, c'est aussi de pouvoir les accompagner ; on a mis en place un Fonds vert, qui permet d'aller financer des mesures de plantations d'arbres, de minéralisation de cours l'école, de lutte contre les îlots de chaleur, et qui demain doivent être capable de pouvoir accompagner une partie de tout ça. Et puis c'est le cas des examens, parce que vous savez que l'année dernière on a eu des reports de brevet, de Bac. Il faut qu'on rentre dans une logique, où parce que ce dérèglement climatique s'intensifie, nous devons avoir une doctrine, des guides, pour accompagner les décideurs et pas se retrouver à chaque fois à se demander ce qu'on va faire. Et dans ce guide, dans ce premier plan de gestion des vagues de chaleur, ce sont bien des mesures à destination des employeurs, à destination des particuliers, à destination des services publics, qui vont caler un ensemble de règles.

MARC FAUVELLE
Je reviens aux écoles. Aujourd'hui une école sur cinq seulement est convenablement isolée. Combien de temps il faudra pour isoler toutes les autres ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Tout l'enjeu c'est que dans un an, on puisse faire le plan à l'issue d'une année, à l'issue d'une année entière, pour faire en sorte qu'on ait une couverture de tout le territoire par des pièces rafraîchies.

MARC FAUVELLE
Donc les pièces qui ne seront pas forcément dans les établissements scolaires, on va aller les repérer aussi à côté ?

CHRISTOPHE BÉCHU
L'enjeu c'est que si on a des endroits dans lesquels ce n'est pas possible, il faut pour trouver des espaces qui sont rafraîchis, à proximité immédiate.

MARC FAUVELLE
La question, question toute bête : on pourrait installer des clims dans les écoles qui ne sont pas suffisamment isolées aujourd'hui ? C'est une hypothèse ou pas ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Ce que je… Vous savez…

MARC FAUVELLE
Ou c'est ce qu'il faut éviter à tout prix ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Il y a 45 000 écoles en France. Ce serait très prétentieux de ma part d'aller proposer des solutions partout. On sait que la clim…

MARC FAUVELLE
Mais ça peut être une solution provisoire ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Je n'exclus rien, l'enjeu c'est la préservation des plus fragiles. La clim, on sait aussi l'impact qu'elle est susceptible d'avoir, par ailleurs, mais s'il s'agit d'aller préserver un espace par école, pour que quand on a des épisodes de chaleur on puisse faire en sorte de préserver les plus fragiles, il faut qu'on utilise tous les moyens à notre disposition.

MARC FAUVELLE
La question se pose aussi au travail, est-ce qu'il faudra aménager les horaires, par exemple permettre aux salariés d'arriver plus tôt le matin ?

CHRISTOPHE BÉCHU
C'est exactement le cas. Globalement on a une chance, c'est que l'on a une capacité, grâce à Météo France, de pouvoir prévoir de manière précise, une vague de chaleur, une semaine avant son arrivée. Cette semaine, elle peut être mise à profit pour faire évoluer les horaires, c'est particulièrement vrai pour les chantiers qui sont en extérieur, les chantiers du BTP etc., on a quelques points de friction qu'il faut qu'on corrige. Aujourd'hui il y a parfois des arrêtés municipaux qui vous empêchent de faire du bruit très tôt le matin, et donc qui empêchent de commencer tôt des chantiers. Dans les…

MARC FAUVELLE
Donc on pourra commencer un chantier à 05h00 du matin par exemple ?

CHRISTOPHE BÉCHU
De façon exceptionnelle, quand on a une vague de chaleur, on pourra faire en sorte de pouvoir aménager des horaires de manière à éviter d'exposer la vie des ouvriers qui travaillent sur les chantiers.

MARC FAUVELLE
L'hiver dernier, le gouvernement avait lancé on s'en souvient l'application EcoWatt, pour anticiper les risques de coupure de courant. Est-ce qu'on peut imaginer faire la même chose en amont de ces vagues de chaleur, pour prévenir la population ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Alors, il y a effectivement un plan, plus exactement un point dans ce dispositif, qui consistera à pouvoir utiliser des SMS via l'application FR-ALERTE, pour que les gens qui sont dans une zone qui va être concernée par une canicule intense, on puisse leur rappeler les bons comportements à adopter, le fait de s'hydrater de manière régulière, le fait de fermer les volets, et ça typiquement, ce dispositif FR-ALERTE, qui existe déjà, que peut-être un certain nombre d'auditeurs qui sont en train de nous écouter connaissent parce qu'ils ont reçu l'avis qu'il y avait un risque de pluies intenses, de tempête, dans le secteur dans lequel ils se trouvaient, nous allons l'élargir aux canicules, dès cet été.

MARC FAUVELLE
Donc on recevra un texto plusieurs jours avant. Il y aura une démarche à faire avant ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Absolument pas.

MARC FAUVELLE
Non.

CHRISTOPHE BÉCHU
La démarche elle se fait au travers de ce dispositif, sans que vous n'ayez rien à faire.

MARC FAUVELLE
Il y a également la question de l'eau, cruciale, Christophe BÉCHU, plusieurs départements ont déjà pris des mesures de restriction. Est-ce que vous envisagez de le faire sur tout le territoire ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Vous savez, la gestion de l'eau, à la différence de l'énergie, elle dépend de plein de situations différentes, et on peut avoir une situation dans laquelle on n'a plus du tout d'eau dans un secteur, et dans un autre où il en reste, mais les bassins ne communiquent pas entre eux. Ma consigne, depuis le début du mois de février, et depuis qu'on voit qu'on a eu une saison de recharge qui n'est pas suffisante, ça a été de dire aux préfets : n'ayez pas la main qui tremble. Je continue à le dire aujourd'hui. La semaine prochaine nous dévoilerons les chiffres pour les nappes phréatiques au 1e juin. Ça va…

MARC FAUVELLE
Ça va un tout petit peu mieux ou pas, après les pluies de ces dernières semaines ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Je ne peux malheureusement pas dire ça.

MARC FAUVELLE
Bon.

CHRISTOPHE BÉCHU
On attendra la semaine prochaine pour donner les chiffres précis, mais on l'a vu par exemple dans le Nord de la France, il a plu un peu en avril et en mai, mais on vient d'avoir 21 jours sans pluie, ce qu'on appelle une sécheresse éclair, et donc l'humidité des sols elle a été gommée par ces épisodes. Il faut bien avoir conscience que ne pas gaspiller l'eau, faire en sorte de rester dans des démarches de sobriété, et de lutte contre le gaspillage, c'est une priorité absolue.

MARC FAUVELLE
Mais il n'y aura pas d'interdiction d'arrosage des golfs, de remplissage des piscines, de nettoyage des voitures, sur tout le territoire, a priori.

CHRISTOPHE BÉCHU
Il y aura ces interdictions, partout où nous manquons d'eau, c'est déjà le cas aujourd'hui dans une dizaine de départements, et ça va évidemment se poursuivre, vu les niveaux des nappes phréatiques, en particulier sur le pourtour méditerranéen et sur le couloir rhodanien.

MARC FAUVELLE
Christophe BÉCHU, ministre de la Transition écologique, invité d'actu de France Info, merci et bonne journée à vous.

CHRISTOPHE BÉCHU
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 juin 2023