Texte intégral
LÉA SALAMÉ
Bonjour Olivier DUSSOPT.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
LÉA SALAMÉ
Merci d'être avec nous ce matin. Épilogue probable, aujourd'hui à l'Assemblée nationale, des cinq de mois de contestation contre la réforme des retraites, Olivier DUSSOPT, avez-vous des regrets ?
OLIVIER DUSSOPT
Je n'ai pas de regrets parce que cette réforme est nécessaire. Peut-être que nous aurions pu faire mieux évidemment, parce qu'on peut toujours faire mieux quand on est dans l'action publique, peut-être que nous aurions aussi pu mieux partager la contrainte qui pèse sur notre système de retraite, et d'ailleurs on le voit avec cette proposition de loi déposée par le groupe LIOT et soutenue par une grande partie des oppositions, c'est une proposition de loi qui coûte, et nous le disons depuis le début qu'elle coûte, elle coûte 15 milliards d'euros par an. Pourquoi est-ce que nous disons qu'elle coûte 15 milliards d'euros par an ? parce que c'est le déficit du système de retraite si nous ne faisons rien, et cette proposition de loi propose de ne rien faire justement, et de laisser le déficit filer.
LÉA SALAMÉ
Mais moi je voudrais juste, pas faire une autopsie de ces cinq mois, parce que ce serait… le mot est violent, mais juste essayer de comprendre. Cinq mois de débats passionnés, 14 journées de mobilisation, des matinales, des journaux télé, des chaînes d'info que vous avez fait à foison, est-ce que vous vous dites à un moment on a raté quelque chose ou non ? vous avez commencé en disant "je n'ai aucun regret."
OLIVIER DUSSOPT
Je vous le dis, on peut toujours faire mieux, donc on peut reprendre chacune des journées et voir là où on aurait pu faire mieux. Cette réforme elle a été votée, elle a été débattue 175 heures, elle a été votée deux fois au Sénat, elle a été adoptée par l'Assemblée du fait du rejet…
LÉA SALAMÉ
Elle n'a jamais été votée par l'Assemblée nationale.
OLIVIER DUSSOPT
Pardon mais, il y a une Constitution, on y reviendra tout à l'heure pour la loi LIOT, le fait d'engager la responsabilité du gouvernement sur un texte, la Constitution dit que si les motions de censure sont rejetées ça vaut adoption du texte, et donc c'est ce qui s'est passé, elle a été validée par le Conseil constitutionnel, et le 1er septembre prochain vont entrer en vigueur des mesures que tout le monde connaît, notamment sur le début du relèvement de l'âge, mais vont aussi entrer en vigueur des mesures sur le relèvement des pensions minimales, sur une meilleure protection des carrières longues, sur l'ouverture de la retraite progressive à la Fonction publique.
LÉA SALAMÉ
Et pourtant, ce matin encore, sondage Harris qui date d'hier, 66% des Français restent opposés à cette réforme, c'est presque 7 Français sur 10 que vous n'avez pas convaincus.
OLIVIER DUSSOPT
Parce que cette réforme est avant tout vue comme une réforme qui augmente et qui relève l'âge de départ, c'est la mesure principale, et nous savons depuis le début que cette mesure n'est pas populaire.
LÉA SALAMÉ
Yaël BRAUN-PIVET va donc invoquer tout à l'heure probablement l'article 40 de la Constitution pour empêcher le vote de cette proposition de loi de LIOT, "coup d'État démocratique, attaque inédite contre les droits du Parlement" clame l'opposition qui accuse la présidente de l'Assemblée nationale d'être aux ordres de l'Élysée, d'être plus garante de la séparation des pouvoirs. Qu'une loi aussi importante finalement, qui va changer la vie de millions de Français, n'ait pas été votée par l'Assemblée nationale, est-ce que c'est un problème démocratique ?
OLIVIER DUSSOPT
Je répète, la loi, la réforme, a fait l'objet de 175 heures de débats et elle a été adoptée, là vous parlez d'une proposition de loi.
LÉA SALAMÉ
Je parle de vote, vous me parlez "adoptée", moi je…
OLIVIER DUSSOPT
Cette proposition de loi, il y a eu un vote, la motion de censure c'est un vote, je vous le rappelle, mais cette proposition de loi des oppositions, qui a été examinée la semaine dernière en commission, qu'est-ce qui s'est passé en commission ? une majorité de députés, 38 contre 34, ont voté la suppression de cette, et le rejet donc, de cette proposition de loi. Qu'a fait l'opposition, qu'a fait la France insoumise à ce moment-là ? ils ont déposé, dans la minute, 1500 amendements pour bloquer le débat et empêcher le vote final en commission, donc les mêmes qui nous disent "on veut un vote", ont essayé de bloquer le vote la semaine dernière. La présidente de l'Assemblée nationale a évoqué, vous l'avez dit, l'article 40, qu'est-ce que dit l'article 40 de la Constitution ? il dit que les députés ne peuvent pas déposer des propositions qui créent des charges. Lorsqu'une proposition de loi coûte 15 milliards par an, ça s'appelle une charge, aussi vrai que, un et un font deux.
LÉA SALAMÉ
Olivier DUSSOPT, j'entends la technique constitutionnelle…
OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est pas de la technique, c'est du droit constitutionnel.
LÉA SALAMÉ
Personne ne vous la reproche, j'essayais juste de prendre un tout petit peu de hauteur et d'essayer de comprendre si le ministre qui a porté cette réforme pendant cinq mois, voilà…peut-être que vous êtes soulagé ce matin, peut-être que vous êtes juste content de l'avoir fait passer et qu'elle va s'appliquer.
OLIVIER DUSSOPT
Il n'y a pas de soulagement, c'est un engagement qu'avait pris le président de la République, que l'ensemble des candidats de la majorité aux législatives avaient pris aussi, qui a été débattu, qui entre en vigueur, et je vous l'ai dit, le 1er septembre toutes les mesures entreront en vigueur, les mesures sur l'âge, mais aussi toutes les mesures de protection de renforcement des droits des assurés.
LÉA SALAMÉ
Vous appelez aujourd'hui les syndicats à venir négocier ce qu'il reste à négocier, l'index seniors, la formation, les conditions de travail, allez-vous pouvoir parler aux syndicats ? Laurent BERGER a été dur vous concernant personnellement, dans "La Tribune" la semaine dernière, "j'ai confiance en la Première ministre, sa loyauté, sa sincérité à vouloir construire un agenda pour avancer sur certains sujets essentiels pour les Français, mais j'ai des doutes sur son ministre du Travail, sur son envie d'avancer avec nous."
OLIVIER DUSSOPT
Moi quand j'ai des choses à dire à quelqu'un je les dis directement, donc j'aurai l'occasion de le dire directement.
LÉA SALAMÉ
Mais, il a perdu confiance ?
OLIVIER DUSSOPT
Je n'en sais rien, vous lui poserez la question. Vous savez, on est dans un débat…
LÉA SALAMÉ
Mais vous lui répondez quoi quand il dit "je doute de son envie de…" ?
OLIVIER DUSSOPT
On est dans un débat où depuis le début il y a eu des discussions avec l'ensemble des organisations syndicales, la sienne en particulier, avec, pendant tout l'automne, quatre mois de concertation, au cours desquels, sur les carrières longues, sur les pensions minimum, sur la prise en compte de la pénibilité, il y a des points de convergence, pas des formes d'accord, il n'y a pas un accord total bien évidemment, et il y a un désaccord sur l'âge, mais il y a des points de convergence que nous avions tous soulignés pendant la concertation et tout le monde pensait normal, logique, qu'on pouvait avoir un débat au cours duquel chacun dirait son opposition, pour les syndicats, à l'âge, mais aussi ce qui était bien dans la réforme, ça n'a pas toujours été le cas. Donc, nous proposons à toutes les organisations syndicales, à toutes les organisations patronales, de construire un agenda social partagé. Il y a des sujets qui sont plutôt à l'initiative du gouvernement, que nous poussons, vous avez parlé de l'emploi des seniors, il y a des sujets à l'initiative des partenaires sociaux, ils ont conclu il y a 10 jours un accord sur la gouvernance de la branche accident du travail et maladie professionnelle, cet accord doit être inscrit dans la loi, il faut qu'on en parle, et puis il y a des sujets que la loi nous impose d'évoquer, qu'ils doivent discuter au cours de cette année, et donc l'objectif est d'avoir un calendrier de discussions qui soit le plus partagé possible.
LÉA SALAMÉ
En tout cas vous repartez au front avec un nouveau projet de loi sensible, présenté hier en conseil des ministres, le projet de loi plein emploi, qui doit donner naissance à France travail, qui sera le successeur de Pôle emploi, ça va, pas de burn-out en vue, Monsieur le ministre ?
OLIVIER DUSSOPT
Non, soyez tranquille.
LÉA SALAMÉ
Tous les 15 jours vous avez un nouveau projet de loi.
OLIVIER DUSSOPT
Oui, peut-être que ça fait de la peine à certains de mes opposants, mais pas de burn-out.
LÉA SALAMÉ
Votre projet de loi est déjà sous le feu des critiques des syndicats qui dénoncent un texte qui porte atteinte à la solidarité nationale, un texte qui fait la chasse aux allocataires du RSA, qui veut les fliquer en conditionnant le versement du RSA à un contrat d'engagement, ce n'est pas franchement un projet de loi qui va apaiser les choses là !
OLIVIER DUSSOPT
Le contrat d'engagement, vous savez depuis quand il existe ? depuis 1988 avec la création du RMI, depuis 1988 il y a un contrat d'engagement, et ce que nous disons avec ce texte c'est plusieurs choses. D'abord que la situation actuelle, personne ne peut s'en satisfaire, il y a un rapport de la Cour des comptes en 2022 qui est très bon pour cela et qui décrit une situation qui signe une forme d'échec collectif, la Cour des comptes a regardé ce que deviennent les allocataires du RSA, sept ans, c'est une tranche de vie sept ans, sept ans après leur première inscription, après sept ans 42 % sont encore au RSA, et seulement 33 % en emploi, pour la plupart en emploi précaire.
LÉA SALAMÉ
Alors, qu'est-ce qui va changer avec votre projet de loi ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous allons renforcer l'accompagnement, renforcer le suivi, pour qu'il y ait un suivi social et professionnel, aujourd'hui…
LÉA SALAMÉ
Mais pardon, pardon de vous poser les choses concrètement, parce qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites, notamment par le président de la République pendant la campagne, qui avait parlé du "travail obligatoire", de "20 heures de travail obligatoire", c'était ses mots-là ne se retrouvent pas dans le projet de loi, donc maintenant je voudrais savoir. Un allocataire du RSA, prenons par exemple une mère de famille célibataire, de trois enfants, qu'est-ce qu'elle va devoir faire…
OLIVIER DUSSOPT
Par exemple on ne va…
LÉA SALAMÉ
Non, non, répondez-moi, c'est 20 heures, c'est quoi ?
OLIVIER DUSSOPT
Je veux bien vous répondre, mais il faut me laisser le faire.
LÉA SALAMÉ
Oui, mais juste qu'on explique.
OLIVIER DUSSOPT
On ne va pas lui proposer une formation après 17h ou le soir parce que justement elle a des enfants, et vous avez raison de prendre cet exemple, parce que presqu'un tiers des allocataires sont des familles monoparentales. Ce que je dis, c'est qu'aujourd'hui, quand vous regardez la situation, au-delà du fait que le RSA ne fonctionne pas autant qu'il le faudrait pour l'insertion, vous avez aussi un allocataire sur cinq qui ne fait l'objet d'aucun suivi, ni social, ni professionnel, donc nous ce que nous disons c'est que nous allons investir, investir dans l'insertion, la formation, l'accompagnement, pas de travail gratuit, pas de bénévolat obligatoire, mais des actions adaptées…
LÉA SALAMÉ
Mais cette mère de famille elle va faire quoi, vous allez lui proposer quoi, est-ce qu'elle va être contrôlée tous les mois pour savoir si elle respecte son contrat d'engagement ?
OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est pas l'objet.
LÉA SALAMÉ
Non, mais expliquez-nous concrètement ce qui va changer.
OLIVIER DUSSOPT
On va lui proposer un contrat personnalisé, c'est ainsi écrit dans la loi, avec son conseiller en accompagnement social, son conseiller professionnel, parce qu'on veut les deux aspects, regarder quelles sont ses qualifications, quels sont ses besoins de formation, est-ce qu'elle a des problèmes de mobilité, est-ce qu'elle a des problèmes de logement, est-ce qu'elle a évidemment des problèmes de garde d'enfant, comment on peut faire pour améliorer tout cela, parce que sans accompagnement le retour à l'emploi est quasi mission impossible.
LÉA SALAMÉ
Mais donc c'est quoi qui va changer par rapport à sa situation aujourd'hui ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est simplement le fait…
LÉA SALAMÉ
C'est quoi ces 20 heures ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est simplement le fait qu'on va, un, garantir une offre de formation et d'insertion partout sur le territoire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, on va garantir le fait que ce soit adapté, on va le définir avec les allocataires, et lorsque les engagements ne seront pas tenus, là il y aura la possibilité de sanctions bien évidemment, c'est le propre du contrat d'engagement. Pourquoi on fait ça ? parce que, contrairement à ce que vous avez dit, ou ce que vous avez rappelé et cité au tout début, ce n'est pas de la stigmatisation, la seule stigmatisation c'est quand on maintient les gens dans la précarité, nous on veut accompagner les gens vers l'emploi et on a une politique emploi qui marche puisque ce matin l'INSEE…
LÉA SALAMÉ
C'est ce que j'allais vous dire, j'allais vous faire réagir, il reste 30 secondes, sur les chiffres de l'emploi de l'INSEE qui viennent de tomber.
OLIVIER DUSSOPT
Ils sont bons.
LÉA SALAMÉ
Qui sont bons, effectivement, +0,3 % au premier trimestre.
OLIVIER DUSSOPT
Là où on attendait 40.000 emplois nets au premier trimestre c'est 87.000, et par ailleurs l'INSEE dit qu'au quatrième trimestre de l'année 2022 ce n'est pas 42.000 emplois créés, mais plutôt 57.000, et c'est tant mieux. Et il y a un chiffre qui est encore plus intéressant derrière tout ça, c'est que sur les derniers mois de l'année 2022, pour la première fois depuis 25 ou 30 ans, plus de la moitié des emplois crées sont directement des CDI, ce n'était jamais arrivé. Ça signifie qu'on crée de l'emploi par dizaines de milliers, l'économie crée de l'emploi, et que cet emploi est moins précaire qu'il y a deux ans, trois ans, cinq ans, ce qui est tant mieux.
LÉA SALAMÉ
Merci Olivier DUSSOPT d'avoir été avec nous et bonne journée, enfin ça va être une journée…
OLIVIER DUSSOPT
Ce sera une bonne journée.
LÉA SALAMÉ
Ça sera une journée dure pour vous à l'Assemblée nationale.
OLIVIER DUSSOPT
…
LÉA SALAMÉ
Belle journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 juin 2023