Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution relative à l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur (no 1173).
(…)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.
M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger
Je vous remercie d'avoir inscrit cette proposition de résolution à l'ordre du jour de votre assemblée. Au-delà de l'accord avec le Mercosur, elle nous permet de débattre de la politique commerciale, voire du commerce international. En effet, les interventions de la gauche et de l'extrême droite de l'hémicycle ("Ah !" sur les bancs du groupe RN) tendent à remettre en cause le commerce international lui-même.
M. Arnaud Le Gall
C'est faux ! Ce n'est pas bien de mentir, quand on est au Gouvernement !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Disons-le tout de suite : le protectionnisme solidaire que vous appelez de vos vœux serait mortifère pour notre économie. (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES.) Vous voulez ériger des murailles autour de notre pays ; peut-être empêcheront-elles les produits des autres d'y entrer. (M. Nicolas Meizonnet s'exclame.)
M. Arnaud Le Gall
Le commerce international existait avant les accords et il existera encore après !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Néanmoins, certains ne sont pas produits en France, et ne le seront jamais (Exclamations sur les bancs du groupe RN) : si demain nous interdisons les importations de pétrole, il n'y aura plus d'essence à la pompe.
M. Arnaud Le Gall
Vous racontez n'importe quoi !
M. Olivier Becht, ministre délégué
C'est une réalité ! Il existe en économie des avantages comparatifs : il est plus facile et moins cher de produire certains produits dans certains pays que dans d'autres. C'est ce qui a permis aux ménages français d'acquérir, durant les trente ou quarante dernières années, des biens d'équipements à moindre coût. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et LR.) En 1980, le prix d'un téléviseur était équivalent à un mois du salaire médian ; aujourd'hui, à moins d'une semaine.
M. Matthias Tavel
Et combien de chômeurs en plus ?
M. Olivier Becht, ministre délégué
Votre protectionnisme solidaire reviendrait donc à imposer aux ménages français une inflation qui réduira fortement leur pouvoir d'achat (Mêmes mouvements) …
Mme la présidente
Seul M. le ministre délégué a la parole.
M. Olivier Becht, ministre délégué
…les empêchant d'accéder à certains biens d'équipement. Il faut le dire. (Brouhaha.)
Ensuite, ces mêmes murailles empêcheront également nos produits de sortir (Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI-NUPES et LR) : votre mesure pénaliserait la majorité des entreprises françaises exportatrices, les PME et PMI comme les grandes entreprises. Le constat vaut également pour l'agriculture :…
Un député
Vous tuez l'élevage !
M. Olivier Becht, ministre délégué
…certaines grandes filières, comme les vins et spiritueux, les céréales, le lait – la filière laitière exporte 40 % de sa production –, l'élevage porcin, ont une balance commerciale largement excédentaire. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.)
M. Vincent Descoeur
La viande bovine a été occultée !
M. Olivier Becht, ministre délégué
On nous avait ainsi annoncé que le Ceta, conclu avec le Canada,…
Mme Danièle Obono
Un scandale !
M. Olivier Becht, ministre délégué
…serait le dernier clou enfoncé dans le cercueil de la filière bovine française ; sur les bancs du Rassemblement national, les mots employés étaient les mêmes qu'aujourd'hui. Or l'agriculture a augmenté ses exportations de plus de 30 % ; nous exportons trois fois plus de bœuf français au Canada que nous n'importons de bœuf canadien. Voilà les chiffres : c'est la réalité ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur quelques bancs des groupes RN et LR.)
M. Emeric Salmon
Vous rendez-vous compte de la bêtise de vos propos ?
Mme Danièle Obono
Et les paysans ? Ils vont mieux ? Ils vous intéressent, les gens ?
M. Olivier Becht, ministre délégué
Cela signifie-t-il que nous devons privilégier un libre-échange dépourvu de limites ? La réponse est non. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES.) Certes, au cours des dernières décennies, le libre-échange, notamment sur certains produits, avec certains pays, a pu engendrer un dumping social, environnemental et sanitaire qui n'est favorable ni aux consommateurs français, ni aux consommateurs européens.
M. Matthias Tavel
Ce n'est que ça, tout le temps ! C'est la nature même du libre-échange !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Aussi menons-nous, depuis quelques années, une révolution de la politique commerciale. ("Ah !" sur quelques bancs des groupes RN et LFI-NUPES.) Une révolution : voilà qui devrait plaire aux bancs de la gauche !
Mme Danièle Obono
On a lu le torchon de Macron en 2017. On est au courant !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Elle vise à replacer l'humain et la planète au cœur des considérations.
M. Sébastien Delogu
L'homme et le pétrole !
M. Emeric Salmon
Il faut arrêter le libre-échange, alors !
M. Olivier Becht, ministre délégué
La défense de l'humain passe par l'introduction dans les traités des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT), afin de lutter contre le travail forcé et contre le travail des enfants, avec des mécanismes de sanctions. Elle passe aussi par le vote de mesures miroirs visant à protéger les consommateurs des pesticides, des antibiotiques de croissance et des néonicotinoïdes.
M. Grégoire de Fournas
Franchement !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Pour défendre la planète, nous imposons le respect des normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne, le règlement contre la déforestation et la dégradation des forêts et l'inscription obligatoire dans les traités d'une clause relative à l'accord de Paris. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Voilà la révolution que nous menons pour garantir plus de responsabilité et, surtout, une vraie réciprocité entre les partenaires commerciaux.
M. Arnaud Le Gall
Sans aucun moyen de contrôle ?
M. Olivier Becht, ministre délégué
Venons-en au Mercosur ("Ah !" sur de nombreux bancs) – si tant est que la question vous intéresse : depuis sept minutes et sept secondes, on n'entend que hurlements sur les bancs de l'extrême gauche comme de l'extrême droite, qui ne font preuve d'aucun respect.
M. Matthias Tavel
Vous racontez n'importe quoi !
M. Arnaud Le Gall
Vous mentez aux Français !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Je vous ai, quant à moi, écouté religieusement (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES) , sans intervenir ; or, depuis que j'ai pris la parole, vous vociférez. (M. Thibault Bazin s'exclame.) Le fond du sujet ne vous intéresse pas : vous êtes, par principe, opposés à tout échange économique. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Dans l'intérêt de tous, je vous remercie de vous calmer. La parole est à M. le ministre délégué, et à lui seul.
M. Olivier Becht, ministre délégué
Parlons…
M. Arnaud Le Gall
Des Français !
M. Olivier Becht, ministre délégué
…du Mercosur, donc, même au milieu des vociférations. Il réunit quatre États,…
M. Thibault Bazin
Tout ça pour gagner du temps !
M. Olivier Becht, ministre délégué
…le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay, avec lesquels nous entretenons de bonnes relations. Depuis vingt-trois ans, nous menons des négociations avec lui. En 2019, un accord a été présenté au Conseil européen. La France a pris ses responsabilités et affirmé qu'il était inacceptable en l'état. De fait, il était totalement opposé à cette révolution de la politique commerciale que nous souhaitons mener, afin de prendre en considération les aspects humain et environnemental.
Un député
Qu'est-ce qui a changé ?
M. Olivier Becht, ministre délégué
J'y reviendrai dans un instant :…
Plusieurs députés du groupe LR
Non, c'est bon ! Ça suffit !
M. Olivier Becht, ministre délégué
…nous tenons le même discours dans tous les cercles. À la demande du Président de la République, nous avons donc posé trois conditions pour envisager de conclure un accord avec les pays du Mercosur.
M. Arnaud Le Gall
Ce n'est pas ce que vous aviez dit.
M. Olivier Becht, ministre délégué
Premièrement, l'accord de Paris doit faire l'objet d'une clause essentielle. Si l'un des États du Mercosur se retirait des signataires de l'accord de Paris, l'accord commercial deviendrait immédiatement caduc. Deuxièmement, nous avons imposé les normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne : les mesures miroirs tendent à prescrire aux producteurs des pays concernés les règles qui s'appliquent aux producteurs français, notamment dans le secteur agricole.
M. Maxime Minot
Mais concluez !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Nous avons été très clairs sur ce point. Pierre angulaire de notre politique, le règlement contre la déforestation interdit toute importation de produits, y compris alimentaires, issus de la déforestation, que celle-ci touche l'Amazonie, la forêt atlantique ou d'autres forêts de ces pays.
M. Jean-Yves Bony
Incontrôlable !
M. Olivier Becht, ministre délégué
La troisième condition était d'inscrire dans l'accord des mécanismes de sanction précis et opérationnels devant entrer en vigueur en même temps que lui.
Un député du groupe LR
Paroles, paroles, paroles !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Nous avons posé ces trois conditions sur la table et les avons défendues à la fois devant le Conseil des ministres de l'Union européenne, devant la Commission européenne et, surtout, devant les autorités brésiliennes : j'ai tenu exactement le même discours à Brasilia la semaine dernière. Il n'y a aucune ambiguïté et aucun double discours : les conditions de la France sont très claires. De leur seule acceptation lors des négociations entre la Commission européenne et les États du Mercosur dépendra notre décision.
M. Antoine Léaument
On pourra voter ?
M. Arnaud Le Gall
On préfère encore un 49.3 !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Sur cette proposition de résolution, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de votre assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Entre le fond du texte et la position du Gouvernement, la convergence est évidente. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 16 juin 2023