Interview de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à France Bleu Berry le 21 juin 2023, sur les dégâts provoqués par les orages dans le Cher, les agriculteurs face au réchauffement climatique et la dissolution des Soulèvements de la terre.

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Texte intégral

SARAH TUCHSCHERER
Après la stupéfaction, l’heure est à l'estimation des dégâts provoqués par les orages dans le Cher, lundi soir, des toitures ont été arrachées, des maisons inondées et des cultures détruites. Le ministre de l'Agriculture, Marc FESNEAU sera à Mehun-sur-Yèvre, cet après-midi et il est notre invité ce matin, François.

FRANÇOIS BRETTON
Bonjour Marc FESNEAU.

MARC FESNEAU
Bonjour.

FRANÇOIS BRETTON
D'abord, alors, vous n’êtes pas encore allé sur place mais vous avez sûrement eu des remontées. Quelle est l'ampleur des dégâts dans les cultures sur le Cher ?

MARC FESNEAU
Alors, des remontées sont en train de se faire ce qu'on sait sur la partie viticole ce n'est que soixante hectares de l'appellation Quincy sont touchés sur les 300 hectares, notamment sur la commune de Preuilly, avec à la fois la vendange 2023 totalement détruites et des dégâts qui sont autour de 100 %, ce qui est extrêmement rare, d'avoir des dégâts totaux, des parcelles et des viticulteurs... La totalité des vendanges est perdue. Deuxièmement, ce qu'il faudra aussi estimer c'est des pertes pour les années suivantes, parce qu'il y a des dégâts tels qu’on peut s'inquiéter pour les années suivantes, compte tenu des dégâts faits sur les pieds de vigne et puis, des dégâts aussi sur les cultures, les grandes cultures, blé, orge, maïs, colza et là, on est en train de documenter les choses pour regarder, c'est aussi sous Preuilly et évidemment et puis sur une commune voisine, Sainte-Thorette, notamment. Donc, les dégâts sont en cours d'estimation et l'idée aussi, en me déplaçant à la fois au-delà de témoigner du soutien du Gouvernement auprès des agriculteurs et des viticulteurs, c'est de regarder, de documenter un peu les dégâts qui ont été produits par cet orage de grêle.

FRANÇOIS BRETTON
Justement, vous parliez de ces parcelles de vignes notamment détruites à 100 %, il y a un vigneron qui témoigne ce matin sur France Bleu Berry, nous dit : "Je ne vais rien pouvoir produire pendant les trois prochaines années". Quelle aide vous allez pouvoir donner à ce monsieur, mais plus généralement aux agriculteurs touchés ?

MARC FESNEAU
Alors, on est d'abord dans le régime assurantiel qui a été rénové l'an dernier, qui permet de couvrir qu'on soit assuré d'ailleurs ou pas assuré des dégâts de grêle, ce qui n'était pas le cas l’an dernier et puis, après, il faut qu'on fasse du cas par cas. Il y a une trentaine de viticulteurs qui ont l'air d'être concernés pour regarder ce qui peut être pris en charge cette année et puis la perte sur les années à venir. Mais ça, ça nécessite quand même de pouvoir le documenter et de regarder avec le régime assurantiel ce qui peut être pris en charge par cela. Et puis, d'autres besoins qui pourraient naître en trésorerie ou autres parce que quand vous perdez la récolte, vous perdez la production, les clients, il y a parfois des effets, des effets retard. Donc, c'est l'ensemble de ça qu'il faudra regarder.

FRANÇOIS BRETTON
Est-ce que l'état de catastrophe naturelle va être reconnu pour les communes frappées par ces orages ?

MARC FESNEAU
Alors ça, c'est moins dans mon périmètre mais effectivement, j’irais d'ailleurs dans la commune de Preuilly pour regarder ça et je suis en relation avec mon collègue, Gérald DARMANIN, pour regarder. Il me semble que les choses s'imposent compte tenu des la toiture, des dégâts en particulier sur la mairie et qu'on puisse faire diligence. J'aurai un échange ce matin avec lui avant le Conseil des ministres, avec Gérald DARMANIN, pour regarder les choses et qu'on fasse diligence sur les communes qui justifient d'un classement de l'état de catastrophe naturelle.

FRANÇOIS BRETTON
On le disait cet épisode orageux, c'est comme un nouveau coup de massue pour les agriculteurs et les viticulteurs. On a eu les sécheresses, les incendies, la grêle aussi, l'an dernier en mai, en juin, que fait le Gouvernement pour aider la profession justement face au réchauffement et au dérèglement climatique ?

MARC FESNEAU
Alors, il y a deux volets. Le premier, c'est le volet assurantiel, puisque l'État, au travers du nouveau dispositif assurantiel va mettre près de 400 millions d’euros par an pour essayer de couvrir ces dégâts-là qui sont des dégâts exceptionnels liés à des phénomènes exceptionnels dont on voit globalement malheureusement, lié au dérèglement climatique qui s'accentue. Et puis, deuxième élément, c'était d'essayer avec les agriculteurs de construire - c'est plus du moyen terme - des systèmes de protection là où ça peut se faire : des tours anti-grêle, des systèmes de protection contre la grêle qui permettent d'être plus résilients. Mais ça nécessite un peu plus de temps et c’est plutôt de l'accompagnement aux investissements des agriculteurs pour faire en sorte de faire face à ce dérèglement qui va produire malheureusement des événements climatiques plus nombreux et plus fort.

FRANÇOIS BRETTON
Et pour lutter contre ce dérèglement, le réchauffement, est-ce qu'il faut aussi que les agriculteurs s'adaptent et que les consommateurs changent leurs pratiques ?

MARC FESNEAU
Les agriculteurs s'adaptent, d'abord, on continue et la viticulture ne fait pas défaut à cela. Donc, ce sont les pratiques qui peuvent changer, ce sont mes systèmes de protection. Après, on est dans un système, ce n'est pas simplement le Cher, c'est globalement, on a besoin à la fois d’essayer d'atténuer les effets du changement climatique, c'est tout ce qu'on peut faire pour mieux stocker du carbone pour décarboner notre industrie et nos logements, nos transports et l'agriculture. Et puis, deux, ce sont les systèmes d'adaptation, c’est ce que je viens d'évoquer, c'est-à-dire comment on rend les systèmes plus résilients pour pas que les événements climatiques successifs viennent mettre à mal l'économie des exploitations.

MARC FESNEAU
Donc c’est les deux volets sur lesquels il faut travailler. Reconnaissons que sur la question du dérèglement climatique, d’abord c’est l’échelle mondiale et deuxième élément, c’est du temps long pour qu’on essaye de conjurer cette augmentation de températures qui est un peu, reconnaissons-le, effrayante.

FRANÇOIS BRETTON
Justement, est-ce qu'on a le temps de le faire ? La France travaille aujourd'hui sur un scénario du réchauffement à + 4 degrés. Est-ce qu’il ne faut pas agir dès maintenant pour justement adapter et que tout le monde soit prêt ?

MARC FESNEAU
C'est ce qu'on fait, la France doit faire sa part. C'est 1,7 % des émissions de gaz à effet de serre, la France, donc il faut qu'on fasse sa part pour que, dans les instances internationales, on incite les autres pays au niveau européen d'abord - mais ça on est plutôt sur la bonne voie - et au niveau mondial à faire en sorte, donc dès à présent on est dessus. Alors il y a scénario à 2, scénario à 4. Le scénario, ce n'est pas pour dire qu'on va vers le scénario : c'est pour éviter le scénario. Mais il faut se préparer à tous les scénarios, c'est la responsabilité politique de regarder les scénarios du pire et puis essayer évidemment d'éviter le scénario du pire. Et par ailleurs, je le répète, c'est un sujet qui doit nécessiter une prise de conscience mondiale. Au niveau français, on est plutôt sur une trajectoire qui se tient en termes de réduction des gaz à effet de serre. C'est très difficile pour tous les secteurs, parce que c'est très compliqué de changer un modèle à cette vitesse-là, et c'est une course contre-la-montre qu'on mène. Mais en même temps, je pense qu'on est capable de relever le défi si on est capable de le faire aussi à niveau mondial et que les grands émetteurs de gaz à effet de serre, eux aussi font leur part.

FRANÇOIS BRETTON
Marc FESNEAU, le Conseil des ministres se penche aussi tout à l'heure sur la dissolution à des Soulèvements de la terre, le mouvement écologiste. Pourquoi est-ce qu'il faut dissoudre ce mouvement selon vous ?

MARC FESNEAU
Tout simplement parce qu'à mon sens d'ailleurs, ce n'est pas un mouvement écologique, c'est une nébuleuse qui justifie la violence en toute occasion, en tous lieux, et la violence n'est jamais justifiable, en aucune occasion et aucun lieu quelle que soit la cause.

FRANÇOIS BRETTON
Mais est-ce que c'est vraiment le bon message qu'on envoie ? Ce sont des gens qui sont quand même des militants écologistes qui portent un message radical.

MARC FESNEAU
Oui mais le message radical, ça ne peut pas être : je détruis la maison du voisin, je fais des irruptions chez le voisin, je détruis. Parce que si on rentre dans cette logique, monsieur, je vais vous dire : on rentre dans la logique que le voisin fait un permis de construire avec lequel on n'est pas d'accord, et on a le droit de le détruire parce qu'on n’est juste pas d'accord. Et donc les cibles qui sont données, les intrusions, la destruction de biens, en démocratie, en République ce n’est pas possible. La violence, ça ne peut pas être un mode d'action. Parce que si c'est la violence qui s'impose et pas la loi, aucun des projets qu'ils visent ne sont interdits, aucun. Ils ont passé tous les recours, toutes les voies administratives, toutes les études nécessaires et préalables. Si la règle c'est : quand bien même on a franchi tous écueils juridiques et administratifs et que les projets sont autorisés, je me donne le droit, moi comme citoyen, individu, militant de détruire. Alors ce n'est plus une société démocratique qu'on construit, c'est ce qu'on appelle un régime totalitaire, et c'est la loi du plus fort qui s'impose : c'est celui qui est le plus capable de détruire. Et vous comprenez bien qu’en démocratie, en République, dans une société normale on ne peut pas accepter ça.

FRANÇOIS BRETTON
Merci Marc FESNEAU d'avoir été avec nous ce matin.

MARC FESNEAU
Merci à vous.

FRANÇOIS BRETTON
Le ministre de l'Agriculture qui se rendra donc à Mehun-sur-Yèvre aujourd'hui au soutien des agriculteurs touchés par les orages.

MARC FESNEAU
Absolument.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 22 juin 2023