Texte intégral
FREDERIC RIVIERE
Bonjour, Bruno Le MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour, Frédéric RIVIERE.
FREDERIC RIVIERE
Le sommet pour un nouveau pacte financier mondial d'ouvre aujourd'hui, à Paris, il va durer deux jours et sera lancé ce matin par le président de la République. Une centaine de Chefs d'Etat et de Gouvernement vont y participer autour de l'idée qu'aucun pays ne peut résumer l'enjeu dans ces termes.
BRUNO LE MAIRE
Nous, on peut parfaitement le résumer en ces termes. C'est un sommet majeur, un sommet inédit, qui était voulu par le président de la République et qui vise dans le fond à repenser les institutions de Bretton Woods de 1945 dans le sens, c'est un plus grand soutien aux pays qui font face à l'extrême pauvreté et surtout qui font face au changement climatique. Parce que les pays qui subissent le plus violemment les conséquences du changement climatique, ce sont les pays qui sont en situation d'extrême pauvreté. Ce sommet va rassembler un nombre très important de Chefs d'Etat, la moitié venus du continent africain. Il va poser les bases d'un nouveau cadre financier mondial, visant à soutenir ces pays, avec des solutions originales et leur permettre de faire face aux conséquences du réchauffement climatique.
FREDERIC RIVIERE
Alors, vous avez parlé des institutions de Bretton Woods, le FMI, la Banque mondiale, le président de la République souhaite que ces institutions soient réformées parce qu'elles ne parviennent plus vraiment à assurer leur mission dans un monde qui a beaucoup changé, depuis leur création en 1944. Qu'est-ce que vous souhaitez en faire de ces institutions ?
BRUNO LE MAIRE
Ce qu'on souhaite, c'est tout simplement qu'elles mettent le climat en priorité absolu leurs engagements. Aujourd'hui, les banques multilatérales de développement, elles ont un objectif, c'est un objectif nécessaire, c'est la lutte contre l'extrême pauvreté. Cet objectif est d'autant plus nécessaire que je rappelle que, pour la première fois depuis des décennies, l'extrême pauvreté se remet à progresser dans un certain nombre de pays à cause du Covid, à cause du réchauffement climatique. Donc, il faut évidemment garder cet objectif de lutte contre l'extrême pauvreté. Mais nous proposons que ces banques multilatérales de développement rajoutent comme objectif la lutte contre le réchauffement climatique. Nous proposons qu'elles travaillent davantage ensemble. Aujourd'hui, c'est un peu trop chacun dans son couloir. Nous proposons qu'elles aient des approches régionales, plutôt que projet par projet. Quand vous faîtes une installation de lutte contre le réchauffement climatique, ça peut être de l'hydrogène, ça peut être du solaire, il faut penser à l'échelle régionale, sortir de la logique, projet par projet, pays par pays qui est une logique beaucoup trop limitée. Et enfin, troisième proposition sur les banques multilatérales de développement, c'est qu'elles utilisent mieux leur bilan, qu'elles prennent un peu plus de risques. Rien qu'en prenant plus de risques en utilisant mieux leur bilan, nous pouvons lever dans les banques multilatérales de développement, 200 milliards de dollars dès les mois qui viennent pour lutter contre le réchauffement climatique.
FREDERIC RIVIERE
Dans une tribune publiée hier par le quotidien Le Monde, treize Chefs d'Etat et de Gouvernement, parmi lesquels l'américain Joe BIDEN, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der LEYEN, la Première ministre de la Barbade, Mia MOTTLEY, qui est d'ailleurs l'une des instigatrices de ce sommet, le président sénégalais Macky SALL ou encore le chancelier allemand Olaf SCHOLZ et puis Emmanuel MACRON, bien entendu, appellent à une transition écologique juste et solidaire et reconnaissent dans cette tribune qu'il va falloir pour cela trouver, des financements innovants. Vous l'avez évoqué à l'instant, il va donc falloir inventer de nouvelles taxes, taxe sur les transactions financières, taxe sur le fret maritime, taxe sur les compagnies pétrolières et gazières. Quelles sont les pistes favorites de la France ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord, je vais reprendre ce terme de solidarité parce que c'est bien le terme qui va être au coeur de ce sommet pour un nouveau cadre financier. Le coeur de cette initiative du président de la République, c'est la France à travers le président de la République qui a porté cette idée de solidarité pour les pays les plus menacés par le réchauffement climatique. Cette solidarité, elle peut prendre trois formes. D'abord, effectivement, la taxation, nous, nous voulons taxer les émissions de CO2 du transport maritime. Nous portons cette proposition. Elle mettra du temps à aboutir, soyons lucides, parce qu'il faut que tous les Etats se mettent d'accord mais nous voulons porter, c'est l'idée.
FREDERIC RIVIERE
Il en sera question le mois prochain, en juillet ?
BRUNO LE MAIRE
Il en sera question dès le mois prochain. Je rappelle que c'est la France qui a porté l'idée d'une imposition minimale à l'impôt sur les sociétés. Nous avons eu gain de cause. C'est la France qui a porté l'idée d'une imposition sur les gens du numérique. Nous avons eu gain de cause. Nous engageons aujourd'hui, ce troisième combat d'une taxation pour les émissions de CO2 du transport maritime, c'est un geste de solidarité.
FREDERIC RIVIERE
Elle est chiffrée, cette taxation ?
BRUNO LE MAIRE
Non, elle n'est pas encore chiffrée, mais c'est des sommes qui peuvent être très importantes quand on voit ce que peut rapporter l'IS, l'impôt sur les sociétés minimal, rien qu'à l'échelle nationale, des milliards d'euros. Vous voyez bien que ce genre de taxe, à l'échelle internationale, peut être un moyen de financement très solide. Le deuxième élément de la solidarité qui est fondamental, c'est la dette. Quand vous êtes un pays en extrême pauvreté, que vous avez une charge de la dette qui est trop lourde, il faut la restructurer. Donc, nous voulons le faire, nous voulons le faire avec nos partenaires chinois et la présence du poids ministre chinois est un geste décisif de la volonté de la Chine de participer à ces restructurations de dettes. Nous en avons deux aujourd'hui : la Zambie et le Sri Lanka, sur lesquels nous sommes sur le point d'arriver à un accord. C'est une très bonne nouvelle et nous voulons, je pense que c'est une idée très forte et très juste prévoir une clause climat dans les dettes des pays les plus pauvres. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que lorsqu'un pays fait face à un épisode de sécheresse majeur, un drame climatique, on suspendrait le paiement du service de la dette. Je crois beaucoup à cette clause climat dans le service de la dette des pays les plus pauvres. Je pense que c'est un geste de solidarité. Et le troisième, enfin, c'est la mobilisation des moyens financiers du FMI. Nous pouvons et nous voulons mobiliser cent milliards de dollars de fonds du FMI pour aider les pays les plus pauvres.
FREDERIC RIVIERE
Et un groupe d'experts qui a travaillé avec l'ONU estime les besoins de financement à 2 000 milliards de dollars par an d'ici à 2030. C'est l'équivalent d'un tiers du budget annuel des Etats-Unis. Où peut-on trouver des sommes aussi astronomiques ?
BRUNO LE MAIRE
Les chiffres que je vous donne montrent que grâce…
FREDERIC RIVIERE
On atteindrait 2 000 milliards par an ?
BRUNO LE MAIRE
On n'atteint pas 2 000 milliards par an mais vous voyez qu'on atteint des sommes qui sont très significatives, 200 milliards pour le bilan des banques de développement, cent milliards de droits de tirage spéciaux du FMI qui vont être prêté aux pays qui sont en grande difficulté, le produit de la taxe lorsqu'elle verra le jour sur les émissions de CO2, du transport maritime. Enfin, tout ça fait des chiffres en centaines de milliards de dollars. Je ne dis pas que c'est suffisant.
FREDERIC RIVIERE
On n'a pas parlé du secteur privé.
BRUNO LE MAIRE
Je dis simplement qu'à l'initiative de la France, nous avons pris aujourd'hui la main et nous arrivons à dégager des sommes très significatives.
FREDERIC RIVIERE
Comment comptez-vous, on n'en a pas parlé, comment comptez-vous mobiliser aussi le secteur privé en la matière ?
BRUNO LE MAIRE
Alors, c'est le dernier levier, il est absolument décisif, je pense qu'on ne l'utilise pas assez, c'est vrai pour le climat, c'est vrai pour d'autres sujets les moyens considérables du secteur privé. On voit bien qu'il y a beaucoup d'entreprises qui se portent très bien, tant mieux, il faut utiliser mieux ses ressources. Nous voulons que l'argent public serve de garanties à des investissements privés, c'est ce qu'on appelle l'effet de levier qui permettrait de dégager aussi des investissements beaucoup plus importants.
FREDERIC RIVIERE
Ce sommet doit-il être aussi l'occasion de rétablir la confiance avec les pays du Sud auxquels on a fait des promesses non tenues, par exemple les fameux cent milliards de dollars par an à partir de 2020 pour leur permettre de faire face au changement climatique ?
BRUNO LE MAIRE
Oui. Je pense que c'est effectivement très important. Politique, c'est quelque chose d'humain et le fait que le président de la République arrive à rassembler autant de chefs d'Etat venus de tous les continents avec une forte participation des Etats africains, je pense que c'est déjà un moyen de se parler, de discuter et d'échanger directement, franchement pour arriver à résoudre les problèmes. Le fait que nous ayons sur la table quatre solutions de financement très claires : la restructuration de la dette, la mobilisation des moyens des banques multilatérales de développement, le FMI et comme vous le disiez très bien l'argent privé tout ça fait un agenda qui est clair, qui est cohérent, qui est convaincant. On sort de ces sommets déclaratoires où il s'agissait d'avoir le chiffre le plus élevé possible sans qu'on sache très bien ce qu'il y avait derrière. Là, c'est concret, c'est opérationnel, c'est exactement ce dont ces pays ont besoin pour lutter contre le réchauffement climatique.
FREDERIC RIVIERE
Il nous reste une minute. Est-ce que vous voyez la transition écologique comme une opportunité pour la croissance et l'emploi, comme les Verts ou comme un défi coûteux qui va demander, coûteux mais nécessaire, qui va demander des efforts et des sacrifices ?
BRUNO LE MAIRE
Alors, je ne savais pas que j'étais vert mais de ce point de vue-là, je le suis. Je pense que c'est une opportunité formidable, une opportunité historique de renouveler complètement nos modes de production, d'aller vers des productions plus propres et décarbonées. Très concrètement, quand on ouvre des usines de batteries électriques en France où nous venons de le faire, c'est bien la preuve que c'est la lutte contre le réchauffement climatique et cette transition énergétique qui va nous permettre d'avoir une croissance plus solide et plus respectueuse de la nature.
FREDERIC RIVIERE
Merci, Bruno Le MAIRE, bonne journée à vous.
BRUNO LE MAIRE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 juin 2023