Texte intégral
ORIANE MANCINI
Notre invité politique ce matin, c’est Jean-Christophe COMBE. Bonjour.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous, vous êtes ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. On est ensemble pendant 20 minutes, pour une interview en partenariat avec la Presse régionale, représentée par Stéphane VERNAY de Ouest France. Bonjour Stéphane.
STEPHANE VERNAY
Bonjour bonjour.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Jean-Christophe COMBE, vous vous occupez de beaucoup de sujets qui sont évidemment très concernant pour les Français, on va parler de la dépendance, on va parler de la fin de vie, on va parler de la petite enfance aussi puisque c'est des sujets donc vous vous occupez, du RSA. Mais d'abord, alors qu'il commence à faire chaud et qu'il a fait chaud ces derniers jours dans plusieurs régions de France, l'été s’annonce lui aussi avec des températures élevées, quelles mesures allez-vous prendre pour aider les personnes âgées à faire face à ces canicules éventuelles ?
ORIANE MANCINI
Alors, d'abord ça fait plusieurs mois en fait qu'on se mobilise pour préparer en fait cette période estivale, parce qu’on le sait, ces périodes de vagues de chaleur, elles vont se multiplier, elles vont être de plus en plus intenses avec le changement climatique, et on a appris de ce qu’on n’avait pas très bien fait en 2003. Et donc on se mobilise, on informe, d'abord dans les établissements pour les personnes âgées, les personnes en situation de perte d'autonomie, qui sont accueillies en particulier dans les EHPAD, dans les résidences autonomie où on mobilise les professionnels pour protéger des personnes âgées, personnes qui risquent des coups de chaleur, qui risquent aussi à la déshydratation, et donc changer leurs habitudes, les adapter à ces températures, donc ça veut dire pouvoir bénéficier de pièces rafraîchies dans ces établissements…
ORIANE MANCINI
Et il y en a dans tous les EHPAD maintenant ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Il y en a dans tous les EHPAD aujourd'hui. C'est s'hydrater de façon régulière, c'est adapter le régime alimentaire, les médicaments, les tenues vestimentaires, bref vraiment s'adapter à ces périodes de fortes chaleurs. Et puis anticiper aussi ce qui se passe souvent l'été, a fortiori en période de pénurie de professionnels, c'est d'assurer la continuité de l'accompagnement dans ces établissements, en mobilisant d'autres professionnels sur les territoires, pour faire en sorte que nos personnes âgées elles soient bien accompagnés pendant tout l’été.
ORIANE MANCINI
Et pour celles qui ne sont pas en EHPAD ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Pour celles qui sont à domicile, la clé en fait de la résilience face à ces vagues de chaleur, c'est le lien social, c'est-à-dire qu'on va organiser le repérage des personnes qui sont isolées à domicile. Vous savez que depuis 2003 on a mis en place des fichiers canicule qui sont à la main des communes, et donc on va travailler ; on travaille depuis des mois à l'enrichissement de ces fichiers, on mobilise aujourd'hui notamment des jeunes engagés dans le Service national universel, pour pouvoir enrichir ces fichiers canicule, qui vont servir aux services municipaux, aux CCAS, aux associations, à appeler en fait les personnes, pour leur passer des informations, des recommandations, et puis prendre de leurs nouvelles et s'assurer qu'elles ne sont pas en difficultés…
ORIANE MANCINI
Régulièrement, quotidiennement, quand il fait très chaud.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Régulièrement, oui, façon régulière en cours de semaine. Elles-mêmes elles peuvent appeler en général des services de la Ville, pour pouvoir être aidées lorsqu'il le faut. Et les mêmes consignes que celles que j'ai édictées pour les établissements, s'appliquent à domicile : il faut garder les volets fermés, aérer la nuit pour rafraîchir, adapter aussi son activité, son alimentation, boire régulièrement, bref…
ORIANE MANCINI
Vous n'avez pas d'inquiétudes particulières, la France est prête à faire face à une éventuelle canicule.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Eh bien on est toujours vigilant, on est toujours très vigilant, forcément. Encore une fois, ces fortes chaleurs elles ont un impact fort sur les personnes les plus fragiles, pour la raison que j'ai dit tout à l'heure, avec risques de coups de chaleur et de déshydratation. Donc moi j’en appelle à…
ORIANE MANCINI
Et les services hospitaliers aussi, on sait que c'est compliqué en ce moment dans les services d'urgence, que ça sera encore plus compliqué cet été avec des services qui vont fermer. Est-ce que là aussi tout est prêt ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Eh bien c'est l'objectif en fait, aussi de nous mobiliser, nous, les professionnels sur les territoires, les professionnels libéraux, toutes les équipes mobiles de gériatrie etc., pour éviter justement que les personnes âgées elles aillent en premier recours aux urgences et emboliser des services qui là aussi souffrent de pénurie de professionnels pendant l'été.
STEPHANE VERNAY
Vous vous préparez, vous vous adaptez, vous avez tiré les leçons de 2003, mais en réalité on n'a pas encore eu le cas d'un dôme de chaleur ou d'une vraie, d'une méga-canicule en France, est-ce que vous avez vraiment l'assurance qu'on pourrait faire face, est-ce qu'il y a des endroits particulièrement fragiles où il y aurait des dangers par rapport à ce type de phénomène ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Eh bien les zones urbaines denses…
STEPHANE VERNAY
Dont Paris par exemple, on dit que Paris est très mal adaptée à ce genre de…
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
… au centre de Paris, voilà, on a des pics de chaleur qui sont bien supérieurs à ceux qu'on peut retrouver en zone rurale par exemple. Je pense aussi, et ça c'est un enseignement, j'y ai beaucoup travaillé lorsque j'étais directeur de la Croix-Rouge, les personnes à la rue aussi qui souffrent très très fortement de ces pics de chaleur, avec la réverbération et l'accumulation de la chaleur sur la chaussée. Il faut qu'on soit tous très vigilants, et moi j'en appelle à la vigilance de chacun, parce que c'est l'affaire de tous. Je parlais de lien social tout à l'heure, il appartient à chaque citoyen aussi de faire attention aux personnes qui sont fragiles, dans son voisinage…
STEPHANE VERNAY
Et on est vraiment en capacité de faire face ? Pour l'instant tout ça est très théorique en réalité.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
En tout cas on fait tout pour tirer les enseignements de ce qu'on a déjà connu et se préparer. Moi je ne peux pas vous dire qu'il y a zéro risque, il faut qu'on soit extrêmement vigilant, il y a toujours des risques, en tout cas on fait tout aujourd'hui pour que les Français soient informés que notre système de santé il soit en alerte, qu'il soit mobilisé et qu'il puisse répondre le cas échéant à un pic de chaleur. Après il y a d'autres dimensions, il y a une question d'approvisionnement en énergie, on a parlé d'un plan de sobriété aussi parce qu’on ne fait pas que de l'adaptation, on continue à réduire aussi notre consommation électrique notamment, enfin voilà, il y a d'autres dimensions, il y a évidemment les transports, il y a l'activité économique, enfin c'est l'ensemble de nos activités qui sont impactées potentiellement par ces vagues de chaleur.
ORIANE MANCINI
Vous vous occupez également des questions de dépendance, du grand âge. Est-ce qu'une grande loi de dépendance verra le jour durant ce quinquennat ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Alors, je l’ai toujours dit, puisqu'en fait on me pose la question depuis que j'ai été nommé ministre il y a un an…
ORIANE MANCINI
Eh bien parce que c'était une promesse d'Emmanuel MACRON qui n'a jamais vu le jour.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
En fait, moi ce que je porte, c'est une grande réforme du grand âge, du bien vieillir. Je présenterai une feuille de route dans quelques jours. Il y a des mesures qui relèvent de la loi, et elles seront inscrites dans la loi, donc notamment via la proposition de loi qui est en cours d'examen à l'Assemblée nationale et qui sera réinscrite les 20 et 21 juillet prochains à l'Assemblée nationale, pour terminer son examen.
ORIANE MANCINI
Sur le bien vieillir, on va en parler.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Sur le bien vieillir. Il y a des choses qui relèvent des financements et qui seront inscrites en projet de loi de finances, en projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024. Et puis aussi on profitera d'une mesure qui a été inscrite dans la proposition de loi, qui est une loi de programmation pour parler justement financement de l’accompagnement de perte d'autonomie dans notre pays.
ORIANE MANCINI
Donc, pas de grande loi dépendance, mais plusieurs mesures décidées dans le budget, dans des propositions de loi.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Mais une grande réforme, je donnerai la visibilité totale pluriannuelle, interministérielle, avec la feuille de route que je présenterai, et ensuite…
ORIANE MANCINI
Ça sera quand ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Elle sera déclinée dans les jours qui viennent, enfin avant le 14 juillet.
ORIANE MANCINI
Est-ce que vous pouvez nous en dire juste un peu plus sur ce plan, vous l'avez appelé Plan action grand âge ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
L'approche elle est simple, c'est celle que j'ai portée dans le cadre du Conseil national de la refondation, dédié au bien vieillir, qui partait du principe assez simple que notre pays va faire face à une transition démographique, et qui va l’impacter en fait dans toutes ses dimensions. Et donc l'enjeu au travers de cette réforme, c'est d'adapter en fait notre société dans toutes ses dimensions à ces enjeux de vieillissement, et donc ça va concerner les transports, le logement, notre système de santé, bref là aussi tous les éléments de la vie, l'offre médico-sociale aussi, si on veut continuer à investir dans le virage domiciliaire, comme le souhaitent les Français, donc pouvoir bien vieillir à domicile, il va falloir qu'on investisse dans le domicile…
ORIANE MANCINI
Donc plus d’infirmières à domicile.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Voilà, d'auxiliaire de vie.
ORIANE MANCINI
D’auxiliaires de vie, d’infirmières à domicile.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
De professionnels soignants ou non, pour pouvoir accompagner les personnes en perte d'autonomie dans leurs gestes du quotidien. Voilà, pour la toilette, pour manger, pour prendre ses médicaments, etc., faire de l'activité aussi. Et puis une transformation aussi de nos établissements, de nos EHPAD en particulier, qui devront être plus médicalisés, parce qu’ils vont accueillir des personnes qui sont plus âgées, plus dépendantes, souvent atteintes de maladies neuro-évolutives, et l'accompagnement en soins beaucoup plus fort.
STEPHANE VERNAY
Vous évoquez les transformations lourdes, des investissements massifs, est-ce que vous êtes en capacité de chiffrer les besoins en termes de financements, dans les années qui viennent, sur toutes ces adaptations ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Alors, grâce à la création la 5e branche par le président de la République en 2020, on bénéficie aujourd'hui d'un financement relativement dynamique sur la branche autonomie. On va prendre 10 milliards d'euros supplémentaires par an entre 2021 et 2026, on passe de 32 à 42 milliards…
STEPHANE VERNAY
Et c’est suffisant ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Je vous ai parlé tout à l'heure d'une loi de programmation…
ORIANE MANCINI
Mais comment la financer cette 5e branche ? Parce qu’on a entendu parler de coquille vide, c'était l'un des reproches de cette 5e branche.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Eh bien, elle est financée de multiples façons, l'année prochaine elle va bénéficier d'un complément de CSG, 0,15 points qui vont lui apporter 2,4 milliards d'euros par an. Il y a la fameuse Journée de solidarité qui a été mise en place après 2003, qui rapporte presque 2 milliards et demi d'euros par an. Voilà, il y a d'autres financements qui mobilisent la solidarité nationale, donc ça, je vous ai parlé de la loi de programmation tout à l'heure, lorsqu'on va travailler à cette loi de programmation, on va regarder si l'évolution qu'on anticipe du vieillissement de la population, nécessite des financements complémentaires, pour pouvoir financer une adaptation de l'offre, plus de services d'aide à domicile, plus d’EHPAD, le développement de l'habitat intermédiaire, je vous ai parlé des résidences autonomie, des établissements, des résidences services seniors, des colocations aussi, parce que ce qu'on voit, c'est que les Français ils ont envie de vivre à domicile, donc ça peut être un chez soi traditionnel ou un chez soi plus collectif qui permet justement de maintenir dans l'autonomie. La relation sociale elle stimule, elle permet d'être stimulé, stimulation cognitive, mobilité etc.
ORIANE MANCINI
Sur les EHPAD, après le scandale des EHPAD, est-ce qu'il y aura des mesures de lutte contre la maltraitance au sein des EHPAD et est-ce qu'il y aura de meilleurs contrôles de ces établissements ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Alors là, je rappelle que dès la crise, le scandale ORPEA en fait, on a pris l'engagement d'un contrôle dans les 2 ans, des 7 500 EHPAD…
ORIANE MANCINI
On en est où ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Ça avance, voilà, conformément…
ORIANE MANCINI
Quelle proportion a déjà été contrôlée ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
… en 2024. On a un gros tiers des EHPAD qui ont déjà été contrôlés dans notre pays, donc on continue…
ORIANE MANCINI
Avec quels résultats ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
On a embauché… Eh bien il y a…
ORIANE MANCINI
Il y a eu des cas de maltraitances, j’imagine, que vous avez découverts.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Il y a eu des cas où on a saisi le procureur de la République, il y a des cas où il y a beaucoup de recommandations, il y en a d'autres où il y a des injonctions. Il y a eu des suspensions aussi, des transferts d'autorisations à d'autres… des retraits…
ORIANE MANCINI
Vous avez des proportions à peu près ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Je n’ai pas les chiffres précis…
STEPHANE VERNAY
Mais globalement… les cas problématiques, vous les trouvez quoi, à la marge ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Ils sont marginaux. Ils sont marginaux. C’est-à-dire que c'est vrai qu’il y a eu un effet loupe avec l'affaire ORPEA sur le secteur, la réalité c'est que la très grande majorité des EHPAD, qui soient publics associatifs ou privés commerciaux, sont bien-traitants, les personnes sont bien accueillies, elles vivent en liberté et bien accompagnées, par des professionnels engagés dans ces EHPAD, mais effectivement, à des endroits, des établissements…
STEPHANE VERNAY
Et améliorer la sécurité, la qualité de l'accompagnement, ça passe aussi par des plans de formation des personnels, une meilleure rémunération, ça fait partie du problème de l’équation ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Par un taux d'encadrement, moi j'ai toujours on dit qu'il y avait une corrélation entre…
STEPHANE VERNAY
Le taux d'encadrement.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
… donc le nombre d’usagers…
STEPHANE VERNAY
Et ça vous agissez, sur ce…
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Le président de la République s'est engagé à ce qu’on recrute 50 000 soignants supplémentaires d'ici à 2027, donc ce qui augmenterait le taux d’encadrement à 7,5 pour 10…
STEPHANE VERNAY
Et vous y êtes sur la montée en charge ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Donc on est sur la montée en charge. C'est compliqué, parce qu'aujourd'hui il y a un sujet, vous l’avez cité, d'attractivité des métiers, et donc c'est très difficile en fait de recruter aujourd'hui des soignants, quand bien même on souhaiterait en recruter, parfois j'entends des chiffres, 100 000, 200 000 etc., la réalité c'est qu’il faut les former et qu'ensuite il faut pouvoir les recruter dans ces établissements.
STEPHANE VERNAY
Et les payer plus pour pouvoir les recruter ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Il y a une question de salaire, mais ce n'est pas la seule chose, il y a une question de formation, de parcours professionnel, de pénibilité aussi, donc encore une fois de parcours et de carrière pour ces professionnels. C'est des métiers qui sont difficiles, des questions d'organisation aussi, d'une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, dans ces activités.
ORIANE MANCINI
Et pour les gens qui nous écoutent, les EHPAD, les maisons de retraite ça coûte souvent très cher pour les résidents, pour les familles, est-ce qu’il y aura des mesures pour les aider.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Un enjeu sur le reste à charge, parce qu'on dit reste à charge pour les résidents et les familles. La Première ministre a confié à la députée Christine PIRES-BEAUNE, une mission sur cette question du reste à charge en EHPAD, on va y travailler avec les départements, parce que je pense que ça nécessite une transformation profonde en fait du modèle économique, de la gouvernance aussi de ces établissements, et je ferai des propositions d'ici au projet de loi de financement de la Sécurité sociale. C'est un vrai enjeu, parce qu'effectivement le reste à charge il est élevé, le coût d'une place en EHPAD c’est plus de 2 000 € en moyenne aujourd'hui, ce n'est pas accessible à tous les Français. On a un enjeu aussi dans la prise en charge, dans l’accompagnement de la perte d’autonomie, de redistribution et de solidarité nationale, de faire en sorte que dans toutes les familles y compris les plus modestes puissent accéder à un service qui soit adapté à la situation des personnes en perte d'autonomie.
ORIANE MANCINI
L'autre sujet, c'est la fin de vie, le gouvernement qui travaille sur une loi fin de vie pour légaliser l'aide active à mourir. Pourquoi vous y êtes réticent à la légalisation à cette aide active à mourir ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Je n’ai pas dit que j’étais réticent, j’ai dit que j'avais un certain nombre de convictions et de doutes liés au débat actuel. Je me suis prononcé vendredi dans un grand quotidien national sur ce sujet-là.
ORIANE MANCINI
Dans Le Figaro pour ne pas le citer.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Dans Le Figaro effectivement, pour rappeler que derrière l'enjeu individuel du choix de sa fin de vie, en fait, il y avait aussi un message collectif qu'il fallait passer et qu'il ne fallait pas que ce message collectif ce soit celui de dire que les personnes vulnérables dont, en tant que ministre des Solidarités j'ai la responsabilité - donc personnes handicapées, personnes âgées en perte d'autonomie, personnes en situation de précarité - que le message ce soit que leur vie ne vaudrait pas d'être vécue ou de leur mettre ainsi une pression en fait sur les épaules qui tendrait à dire : voilà, vous êtes un point pour la société, pour votre famille, on vous donne aujourd'hui les outils pour en finir. Donc avoir beaucoup de précaution. Moi ce que je dis derrière ça, c'est qu'il faut faire attention aux messages collectifs qu'on envoie à ces assez personnes en situation de vulnérabilité et que, par conséquent, si la loi doit évoluer, il faut qu'elle soit bien encadrée et qu'elle prenne en considération ces situations.
ORIANE MANCINI
Mais c’est le message envoyé par qui qui n'est pas le bon ? Par la Convention citoyenne, par le gouvernement ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
La Convention citoyenne n’a absolument pas abordé cette question de des personnes en situation de vulnérabilité. C'est une question qu'on voit peu traitée dans le débat public.
ORIANE MANCINI
C'est un manque ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Pour moi, c’est un manque aujourd'hui et je considère que c'est mon rôle en tant que membre du gouvernement et en responsabilité vis-à-vis des personnes en situation de vulnérabilité dans notre pays, que d'aborder cette question-là et de la poser dans le débat et de dire : voilà, il y a quelqu'un dans notre gouvernement, dans notre majorité qui pense aussi à ces personnes-là et qui nous dit collectivement qu'il faut qu'on fasse attention à la façon dont on va les accompagner.
ORIANE MANCINI
Mais du coup clairement, est-ce que pour vous il faut faire évoluer la loi ? Il faut aller jusqu'à légaliser l'aide active à mourir ou est-ce qu'il faut s'en tenir au cadre de la loi Claeys-Leonetti, déjà en commençant par l'appliquer notamment sur la question des soins palliatifs ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Je l’ai dit aussi. Ce que je pense, c'est qu’on a aujourd'hui la chance d'avoir un modèle qui est typiquement français avec la loi Claeys-Leonetti. Tout le monde l'a dit d'ailleurs, que ce soit la Convention ou que ce soient les débats actuels. Elle n’est pas suffisamment appliquée, on ne connaît pas suffisamment bien ce que sont des directives anticipées, on ne bénéficie pas tous du même accès aux soins palliatifs qui changent quand même beaucoup la donne. C'est-à-dire qu’aujourd'hui, on voit qu’une personne qui arrive en soins palliatifs peut avoir une idée sur la fin de vie, et lorsqu'elle est bien accompagnée change tout à fait son idée. Donc il y a un sujet d'abord d'application effectivement de la loi actuelle.
ORIANE MANCINI
Une nouvelle loi n’est pas nécessaire dans l'immédiat.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
On verra quelle sera l'issue du débat, voilà.
ORIANE MANCINI
Mais votre conviction, on sent que vous être pris par une forme de solidarité gouvernementale mais votre conviction personnelle, c'est que non : qu'il faut déjà commencer par appliquer la loi Claeys-Leonetti.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Ma conviction personnelle, c’est que d’abord il faut qu’on applique la loi actuelle.
STEPHANE VERNAY
Appliquer la loi, ça commence aussi par développer les services de soins palliatifs dans les départements qui n'en ont pas. Ou est-ce qu'on en est aujourd'hui ? Il y en a quand même une vingtaine qui sont sous-dotés très clairement.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Je pense que globalement, on est sous-doté. Il y a des départements qui sont particulièrement concernés.
STEPHANE VERNAY
Mais le débat a permis de faire progresser ça ou pas ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Oui, complètement. D'ailleurs Agnès FIRMIN LE BODO, qui est en charge du dossier, a dit très clairement que la première étape à porter, c'était un grand plan soins palliatifs pour développer les soins palliatifs dans notre pays. Qu’une évolution de la loi devrait inévitablement s'accompagner d'abord d'un développement des soins palliatifs dans notre pays.
STEPHANE VERNAY
Et là, le travail est fait.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
C’est en cours.
STEPHANE VERNAY
Ça démarre.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Ça démarre et, pareil, c'est quelque chose qui va prendre du temps.
ORIANE MANCINI
Sur la loi plein emploi puisque vous allez être auditionné là-dessus par les sénateurs.
STEPHANE VERNAY
Oui, vous êtes auditionné cet après-midi sur la loi plein emploi qui arrive en séance au Sénat le 10 juillet. Un des objectifs pour améliorer le plein emploi, c'est la garde d'enfants pour qu'elle ne soit plus un frein à trouver du travail. Est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi est-ce que c'est un point clé ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
C'est un point clé et c'est un engagement du président de la République qui avait annoncé pendant sa campagne présidentielle qu’il voulait créer 200 000 places d'accueil - celles qui manquent - d'ici à 2030. Aujourd'hui il faut savoir que dans notre pays, il y a 150 000… enjeu d'égalité entre les femmes et les hommes derrière ce chantier. On parle beaucoup de plein emploi mais il y a aussi une question d'égalité entre les femmes et les hommes. Il y a une question aussi de lutte contre les inégalités de destin, c'est-à-dire de lutte contre la reproduction sociale de la pauvreté. C'est trois années pour le développement des enfants qui comptent particulièrement et donc on a un enjeu de pouvoir répondre aux besoins des familles. C'est premier besoin qui est exprimé en fait par les familles dans notre pays, leur trouver une place d’accueil.
STEPHANE VERNAY
Donc vous disiez 200 000 places supplémentaires, ça c’est l’objectif à 2030 mais 100 000 dès 2027, vous y serez ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
100 0000 d’ici à 2027, c’est un challenge extrêmement important parce que…
STEPHANE VERNAY
C’est beaucoup quand même.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Parce que là aussi, on a un sujet de pénurie de professionnels comme d’ailleurs dans tous les…
STEPHANE VERNAY
Même problématique que dans tous les EHPAD. Attractivité…
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Attractivité des métiers, organisation des carrières, organisation du travail, conciliation vie familiale-vie professionnelle, pénibilité ; bref, les mêmes ressorts que ceux qu'on retrouve dans tous les métiers en fait du lien, du soin, de l'accompagnement, dans les champs dont j'ai la responsabilité.
STEPHANE VERNAY
Y compris les problèmes de maltraitance dans les crèches ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Il y a deux jambes dans ce service public de la petite enfance. Il y a une jambe quantitative - on l'a dit – il y a une jambe aussi qualitative. C’est pour ça que j'avais demandé un rapport à l'Inspection générale des Affaires sociales en juillet dernier, et donc on va investir aussi. Revoir notamment les référentiels de qualité, travailler sur la lutte…
STEPHANE VERNAY
En passant par des contrôles ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Contrôles, formations des professionnels...
ORIANE MANCINI
Vous avez dit que l’ensemble des mesures de ce rapport serait pris en compte. Est-ce que ça veut dire que vous allez renforcer les contrôles, revoir le taux d'encadrement, le niveau de qualification et que le financement sera conditionné à la qualité de l’accueil ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Exactement. Et je ferai ces annonces, des annonces précises à ce sujet-là ce vendredi à Nancy, justement sur la deuxième…
ORIANE MANCINI
Mais vous suivrez tout ça.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Et je suivrai tout ça.
STEPHANE VERNAY
Ça commence par l’obligation d’avoir deux professionnels par crèche, y compris dans les micro-crèches ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Exactement. La Première ministre a été très claire et l'a annoncé.
STEPHANE VERNAY
Dès maintenant ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Dans les mois qui viennent. On va changer la réglementation pour que, effectivement, ce soit le cas. L'objectif, c'est vraiment qu'on ait une qualité et des exigences en termes de qualité et de normes qui soient équivalentes quel que soit le mode d'accueil : en crèche publique, privée commerciale ou chez nos assistantes maternelles.
ORIANE MANCINI
Un mot sur les prestations sociales puisque c'est aussi un dossier dont vous avez la charge. Emmanuel MACRON avait promis un versement automatique des prestations sociales. On en est où ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Le projet est porté. D'ici 2025 en fait, on atteindra l'objectif d'avoir un pré-remplissage en fait des formulaires de demande de prestation sur le RSA, la prime d'activité et les APL. Il faut savoir qu’il y a un enjeu de simplification de notre système, de sécurisation aussi du système. On a beaucoup parlé ces derniers temps de fraudes, d'erreurs. Vous avez vu que la branche famille avait vu ses comptes non certifiés par la Cour des comptes, ce qui était problématique. Un enjeu de sécurisation et de confiance dans notre système de solidarité. Il y a un sujet de non-recours, c'est 34 % par exemple des personnes qui devraient avoir droit au RSA et qui n'y ont pas recours.
ORIANE MANCINI
Mais comment vous faites pour lutter contre ce non-recours ? Il y aura des mesures ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Alors en fait, on va… Solidarité à la source, c’est deux choses. C’est sécurisation du système, et donc en particulier avoir une meilleure connaissance et une automatisation en fait du profil des personnes, donc de leurs revenus. Vous allez voir apparaître sur votre fiche de paie en juillet un montant net social qui va être le montant de revenu de référence pour calculer les aides. Et puis, on va lutter contre le non-recours de plusieurs façons. Déjà avec ce pré-remplissage qui va nous permettre de faire du aller vers les personnes, alors qui sont connues des administrations et des caisses de Sécurité sociale. Je vais lancer une expérimentation dans les jours qui viennent qui s’appelle Territoires zéro non-recours dans une dizaine de départements. On va mobiliser les acteurs locaux – les CCAS, les associations, les CAF etc. - pour aller comprendre les phénomènes en fait de non-recours, aller chercher des personnes qui sont complètement exclues.
ORIANE MANCINI
Une dernière question, Stéphane.
STEPHANE VERNAY
C'était le RSA pour tout le monde mais par contre, en contrepartie, vous voulez que dans la loi il soit clairement indiqué qu'il faut qu'il y ait un taux d’activité qui conditionne ce versement ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Moi, je suis persuadé que la meilleure des politiques sociales dans notre pays c'est l'emploi, c'est le travail, et que la première des dignités à offrir à une personne, c'est un emploi. Et donc toutes nos politiques publiques, que ce soit la solidarité à la source ou que ce soit la future stratégie de lutte contre la pauvreté, doit nous conduire à aider et accompagner les personnes vers l'emploi.
ORIANE MANCINI
Et donc, il faut le conditionner ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Et donc c'est normal que lorsque quelqu'un va recourir et va s'inscrire au RSA…
STEPHANE VERNAY
Pour vous, c'est normal ?
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Exactement. Puisse prendre des engagements pour pouvoir rentrer dans un parcours de formation, d'insertion vers une activité professionnelle.
ORIANE MANCINI
Merci Jean-Christophe COMBE d’avoir été avec nous.
JEAN-CHRISTOPHE COMBE
Merci à vous.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup.
Source : service d’information du Gouvernement, le 28 juin 2023