Interview de M. Olivier Véran, ministre délégué, chargé du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à BFMTV le 29 juin 2023, sur les violences urbaines consécutives à la mort de Nahel.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Olivier VERAN.

OLIVIER VERAN
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes porte-parole du Gouvernement. Merci d'être dans ce studio ce matin. Plus que jamais, on a besoin évidemment d'avoir un bilan, bilan de la nuit, une nuit de violences, partout en France, pour la deuxième nuit de violences après la mort du jeune Nahel, qui a été tué par un policier après un refus d'obtempérer. On va essayer de comprendre avec vous, non seulement ce qu'il s'est passé, ce qu'il se passe encore, puisqu'au moment où l'on se parle, le président de la République a convoqué une cellule de crise à Beauvau. Cellule de crise, marche blanche à 14h00, dispositif policier exceptionnel, et savoir quelles ont été les consignes qui ont été données. D'abord, Olivier VERAN, quel bilan de la nuit pour les forces de l'ordre ?

OLIVIER VERAN
Ça a été une nuit violente, dans beaucoup de villes de notre pays, avec des symboles de la République qui ont été attaqués, parfois d'ailleurs, de manière organisée, presque coordonnée. Ce matin, il y a des enfants qui ne pourront pas aller à l'école, parce qu'il y a une école qui a brûlé. Il y a des familles qui ne pourront pas se rendre dans leur mairie pour chercher de l'aide ou faire des papiers, parce qu'il y a une antenne de mairie, une mairie qui a brûlé. Il y a des enfants qui n'iront pas en centre de loisirs. Il faut vraiment se rendre compte de cela. Ce qui a été attaqué, ce sont des lieux publics…

APOLLINE DE MALHERBE
Les images que vous voyez d'ailleurs sur BFM TV, ce sont les images du commissariat de Trappes qui a été donc pris pour cible cette nuit.

OLIVIER VERAN
Un commissariat qui a été attaqué, plusieurs commissariats ont été pris pour cible, et les premiers pénalisés de cela ce sont les Français, puisque ce sont des services publics. Et clairement, c'est une partie de la République qui a voulu être attaquée cette nuit. Ce qui s'est passé, le drame qui a provoqué cela, la mort de Nahel, est un drame terrible, et évidemment mes premières pensées vont vers la famille, les amis, les voisins, les proches, et finalement vers la France toute entière qui est marquée par cela. Parce qu'un jeune de 17 ans a trouvé la mort dans des conditions terribles. La justice fait son travail, le policier en question est toujours en garde à vue, le procureur de la République aura à communiquer, à prendre une décision, éventuellement de déferrement, de mise en examen, ce n'est pas à moi de le dire, la justice est indépendante, mais l'enquête a cours. Les réactions qui ont eu lieu cette nuit, ne sont pas des réactions qui visent à réparer ou à apporter de la justice, ce sont des réactions qui visent à attaquer la République, mais ce n'est pas la République qui est en garde à vue, ce n'est pas la République qui a tué ce jeune homme, ce n'est pas non plus la police de la République qui est responsable de cela, c'est un homme qui doit être jugé, si la justice l'estime nécessaire, et c'est justement la République qui garantit que cette personne, si elle est coupable, sera punie, et que le crime sera réparé.

APOLLINE DE MALHERBE
On va revenir aussi sur l'aspect politique, bien sûr, puisqu'Emmanuel MACRON lui-même a parlé de ceux qui n'appellent pas forcément au calme ou qui tentent de récupérer. Le ministre de l'Intérieur a dit "honte à ceux qui n'appellent pas au calme". Mais je voudrais d'abord qu'on en sache plus sur la situation, au moment où on se parle Olivier VERAN, est-ce que la situation de ces commissariats dont vous dites qu'ils ont été pris pour cible, de ces voitures de police qui ont pu être pris pour cible, de certains… chez les forces de l'ordre, chez les pompiers qui ont pu être blessés, est-ce que la situation au moment où on se parle est sous contrôle ?

OLIVIER VERAN
C'est pour cela que le président de la République a demandé une cellule interministérielle de crise, en présence vous l'avez vu sur les images, il y a eu un tour images de la Première ministre et des principaux ministres concernés, ainsi que les préfets, pour pouvoir faire un point détaillé de la situation, faire un bilan de cette nuit qui s'est achevée. Parler aussi, avoir une pensée pour les forces de l'ordre et les pompiers qui ont été blessés en maintenant la sécurité partout sur le territoire. Et puis être toujours dans l'anticipation, c'est-à-dire dans les moyens qu'il est nécessaire de déployer, un, pour sécuriser la marche blanche cet après-midi, et deux, pour pouvoir sécuriser ce qui doit l'être dans l'ensemble des villes de notre pays, pour la nuit, les nuits à venir.

APOLLINE DE MALHERBE
Aviez-vous suffisamment anticipé ? On sait qu'il y a eu 2 000 policiers qui ont été mobilisés en Ile-de-France. Etait-ce suffisant ?

OLIVIER VERAN
Ce sont des effectifs tout à fait extraordinaires qui ont été mobilisés la nuit dernière. Après, vous avez eu des attaques avec des forces très mobiles de l'autre côté, par petits groupes, qui ont réussi parfois à se faufiler et à atteindre des lieux publics. La présence des forces de police était absolument indispensable, et d'ailleurs elle a permis d'éviter que la situation et que le bilan ne soit plus grave que ce qu'il est déjà.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour avoir une idée, quand on voit 2 000 policiers en Ile-de-France, au moment par exemple de la 3e journée de mobilisation intersyndicale contre la réforme des retraites, il y avait 11 000 policiers et gendarmes qui avaient été mobilisés, dont 4 000 seulement à Paris. Vous n'avez pas l'impression que vous n'aviez pas mesuré l'ampleur la colère ?

OLIVIER VERAN
On ne peut pas, pardonnez-moi, comparer une manifestation qui va regrouper parfois plusieurs centaines de milliers de personnes, avec des possibilités d'avoir des fragmentations de grands groupes, et ce qui s'est passé avec des scènes d'émeutes par endroits, qui ont mobilisé en général des groupes de quelques individus voire au plus fort de quelques dizaines d'individus. Donc les mécaniques de maintien de l'ordre et de sécurisation des lieux ne sont pas les mêmes.

APOLLINE DE MALHERBE
Du point de vue des policiers, les témoignages qui nous remontent sont saisissants. Le service police/justice de RMC et de BFM TV en ont recueilli certains, je vous le cite : "On n'a aucun moyen de se défendre. Le département brûle de partout. On est insuffisant en nombre. Nos véhicules sont désormais cassés". Un autre qui dit : "Tous les commissariats sont à court de munitions. Je viens d'ouvrir la réserve pour qu'ils viennent alimenter les commissariats". Un autre qui dit : "Des tirs de mortiers sont sur nous, directement, pas seulement sur le commissariat mais sur nous personnellement". Il y en a un qui parle de "nuit chaotique". L'autre qui dit "Il n'y a plus non plus de munitions sur le secteur de Melun". Beaucoup de services sont en rupture de munitions, et ça, ça nous revient de différents départements. Des magasins pillés, barricades et embuscades partout, des collègues blessés. Manque de munitions, ça encore ça revient, ça revient, ça revient. Ça commence à bouger dans le 93, nous dit l'un, à Thiais, Vitry, des barricades se forment. Premières attaques quand il y avait seulement un chef de poste et le standard. Ils ont été pris, parfois de cours, et certains l'ont dit, notamment un témoignait sur RMC à 06h40, qui revenait de sa nuit, de la BAC en Ile-de-France, et qui nous disait : "On a été dépassé".

OLIVIER VERAN
Pardonnez-moi, les témoignages sont importants, il faut regarder toutes les situations au cas par cas. Et plus fort que les témoignages, comme ceux que vous pouvez donner, il y a ce qu'on appelle la cellule interministérielle de crise, parce que là vous avez…

APOLLINE DE MALHERBE
Qui encore une fois, je le disais, se déroule en ce moment même.

OLIVIER VERAN
Tous les responsables d'opérations par territoire, qui ont vécu toute la nuit, avec une vision globale des choses, et qui sont capables de faire un retour détaillé et précis.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous les entendez ces témoignages, notamment sur la question des munitions.

OLIVIER VERAN
Mais j'entends évidemment les témoignages que vous portez ce matin, je vous dis juste qu'on a besoin, notamment sur les questions de matériel, sur les questions humaines, sur la question des destructions, sur la question des modalités d'opérations d'un certain nombre de jeunes cette nuit, cela c'est l'objet justement de la cellule interministérielle de crise. Rendre compte de manière précise, adapter ce qui doit l'être, anticiper ce qui doit l'être.

APOLLINE DE MALHERBE
Avec cette consigne, notamment, de ne pas aller au contact, pour qu'il n'y ait pas forcément de provocation. Alors, là encore tous les témoignages des policiers nous le disent, il y avait une des consignes qui était notamment de ne pas patrouiller comme ils le font habituellement pour ne pas que leur présence attise encore la colère, mais également le fait de ne pas forcément aller au contact et de laisser parfois piller, plutôt que de n'intervenir.

OLIVIER VERAN
Garantir la sécurité d'un lieu public, garantir la sécurité des biens et des personnes, à commencer d'ailleurs par la sécurité de ceux-là mêmes qui viennent parfois s'en prendre à des bâtiments publics ou à des personnes, cela, si vous voulez, c'est un métier, c'est quelque chose que ni vous ni moi ne savons faire, ça nécessite une formation, ça nécessite de l'expérience, de l'expertise, et donc on peut faire confiance aux forces de police pour être capable d'adapter les modalités de réactions et de sécurisation des lieux et des personnes, en fonction des situations auxquelles ils font face. Evidemment qu'il y a cette volonté d'être dans l'apaisement, et en même temps du respect ferme des lois républicaines.

APOLLINE DE MALHERBE
Et la nouveauté, peut-être cette nuit en particulier, c'est bien sûr qu'il y a la région Ile-de-France, tout cela part de Nanterre, on le disait, mais ça s'est étendu à l'ensemble du territoire. Les policiers étaient particulièrement mobilisés sur la région Ile-de-France, mais c'est venu un peu de partout, je cite Amiens, Toulouse, Lille, Clermont-Ferrand, Dijon, Villeurbanne, de nombreuses villes du Nord mais aussi des villes comme Marcq-en-Barœul. On a aussi à Mons-en-Barœul, le maire qui s'est exprimé au micro de BFM TV, qui dit à notre correspondant sur place, que cette nuit il a fait face à la sauvagerie, c'est son mot "sauvagerie", d'une cinquantaine d'individus, qu'il n'y avait que trois agents dans la mairie pour se protéger, avant le renfort des forces de l'ordre. Il explique qu'il était déjà maire en 2005 au moment des émeutes urbaines, mais qu'il n'avait je cite, jamais vu un tel niveau de violence. Est-ce que vous redoutez, on entend souvent cette référence à 2005, est-ce que vous redoutez que les émeutes ne soient du même ordre ?

OLIVIER VERAN
Je le redis Apolline de MALHERBE, parce que c'est important. Il s'est passé à un drame terrible, un jeune a perdu la vie, un homme est en garde à vue, et c'est cet homme qui devra rendre compte devant la justice de l'acte qu'il a commis, si la justice détermine qu'il en est responsable. Nous avons tous vu les images vidéo, qui ont sans doute d'ailleurs trop tourné, pardonnez-moi de le dire, sur l'ensemble des chaînes et des réseaux sociaux, parce que ce sont des images qui sont insoutenables. Mais chacun…

APOLLINE DE MALHERBE
Quelles images vous voulez dire ? Celles où on voit le policier qui tire ?

OLIVIER VERAN
Oui, bien sûr.

APOLLINE DE MALHERBE
Il n'aurait pas fallu les montrer ?

OLIVIER VERAN
Je ne sais pas s'il ne fallait pas les montrer, mais en tout cas elles ont énormément tourné. A titre humain, je trouve que ce sont des images qui sont très difficiles à soutenir. Ce n'est pas ça le sujet…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais s'il n'y avait pas eu les images…

OLIVIER VERAN
Non mais attendez…

APOLLINE DE MALHERBE
Non non mais je m'arrête un instant, puisque vous mentionnez ces images. Certains se disent au fond, on entend régulièrement parler, régulièrement, heureusement pas trop régulièrement, mais enfin il y a plus d'une dizaine de personnes qui ont perdu la vie dans des moments de refus d'obtempérer, il est rarissime qu'on ait en effet la vidéo de cet instant-là. On a un bien souvent uniquement le témoignage des policiers. S'il n'y avait pas eu d'ailleurs cette vidéo, on en serait sans doute resté au témoignage du policier qui lui dit être intervenu en état de légitime défense, et sa première version était de dire que la voiture lui fonçait dessus, ce que les images contredisent. Est-ce qu'au fond, vous ne devriez pas dire l'inverse : heureusement qu'il y a eu ces vidéos ?

OLIVIER VERAN
Non non. Pardonnez-moi. Je vous dis que les images qu'on voit, elles sont insoutenables, parce qu'on voit quelqu'un qui se faire abattre, et dans les conditions que chacun a pu voir, et revoir, et revoir, et revoir, et revoir.

APOLLINE DE MALHERBE
Bien sûr.

OLIVIER VERAN
Ce n'est pas le poids de l'image, ce n'est pas le rôle de l'image, ce n'est pas l'apport de cette vidéo que je mettais en question, c'était la multidiffusion, sur tous canaux, de quelque chose qui relève, et c'est aussi un peu le côté médecin qui vous le dit, il y a aussi le côté intime. C'est important que ces images soient exploitées par la justice. Voilà. Nous ne sommes pas la justice, et donc c'est pour ça que je ne commente pas, je ne commente pas cela ce matin. Je reviens quand même sur votre question, d'abord pour souligner que l'appel au calme lancé par les maires, notamment le maire de Nanterre hier, est absolument remarquable, il est nécessaire, et montre que la République est unie, qu'elle est solide, qu'elle est forte. D'accord ? Il vise aussi, cet appel des maires, à dire : ne confondez pas tout. Il y a eu un drame, encore une fois, individuel, une situation qui est une situation qui est isolée, individuelle, qui doit donner lieu à l'intervention de la justice, mais ce n'est pas la République qui est jugée, et ce ne sont pas les écoles qui sont jugées, ce ne sont pas les centres aérés et qui sont jugés, ce ne sont pas les véhicules de la police municipale d'une commune, qui maintiennent l'ordre et qui assurent la sécurité et les bien pour tout le monde au quotidien, qui sont visés. Donc il ne faut pas, parce que je réponds à votre question, est-ce qu'on doit partir sur des émeutes de 2005 etc., entre guillemets est-ce qu'il y aurait une forme de légitimité, parce que les banlieues réagissent nuit après nuit et s'en prennent à la République ? La réponse elle est non, évidemment non.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, il y a justement sur ces questions…

OLIVIER VERAN
Et Apolline de MALHERBE, question la question, la question des inégalités dans notre pays, la question de la jeunesse qui souffre de ces inégalités dans notre pays, elle est au cœur des politiques que nous menons. Je ne veux pas faire de la politique ici ce matin, ce n'est clairement pas le moment et ça n'est pas le lieu. Mais voyez quand même que, au moment où cela a commencé, le président de la République était où ? À Marseille. Et pourquoi est-ce qu'il s'attache autant à Marseille ? Parce que c'était la ville de France où le taux de chômage était le plus élevé par rapport à la moyenne nationale.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous dites "ce n'est pas le lieu"…

OLIVIER VERAN
Où les écoles étaient les plus vétustes, où les bâtiments des quartiers populaires étaient les plus urgents à rénover. Et donc c'est la politique que nous menons. Nous voulons corriger ces inégalités, et nous menons une action à destination de ces jeunes qui aujourd'hui disent : la République ne nous convient pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que Olivier VERAN, vous dites, ça n'est pas forcément le temps de la politique mais la politique elle était immédiate avec d'un côté un appel au calme, de l'autre une condamnation vis-à-vis de ceux qui n'appelleraient pas suffisamment au calme. On a Gérald DARMANIN qui ce matin a non seulement donné le bilan des interpellations, 150 interpellations dans toute la France, mais a également ajouté cette phrase, honte à ceux qui n'ont pas appelé au calme. La réponse de Jean-Luc MELENCHON ne s'est pas faite attendre, je le cite, les chiens de garde nous ordonnent d'appeler au calme, nous appelons à la justice.

OLIVIER VERAN
Vous savez dans un moment comme celui-ci, il y a les gens qui agissent et il y a les gens qui commentent. Agir c'est garantir les lois de la République, agir c'est garantir que lorsqu'un délit a été commis, il puisse être puni, agir c'est faire en sorte que les victimes se sentent soutenues, accompagnées et que justice leur soit apportée. Le commentaire, c'est souvent d'ailleurs l'apanage des mêmes dans toute situation et c'est souvent d'ailleurs de l'extrême des spectres politiques, ça ne fait pas avancer, ça ne fait pas progresser. Il y aura un temps politique sans doute Apolline de MALHERBE ou des commentaires politiques pourront être faits, aujourd'hui on est dans le temps de l'émotion, on est dans le temps de la justice. Donc je ne m'inscrirais pas dans un débat à distance avec monsieur MELENCHON ou je ne sais quel autre responsable politique…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin en l'occurrence l'autre responsable politique, c'est votre collègue, c'est le ministre de l'Intérieur.

OLIVIER VERAN
Non, non, non, pardonnez-moi, je fais bien le distinguo entre ceux qui agissent et ceux qui commentent. Gérald DARMANIN, il a passé la nuit debout en lien avec les préfets, les services de police pour regarder ce qui se faisait et être capable d'intervenir. Gérald DARMANIN, il est ce matin en cellule interministérielle de crise aux côtés du président de la République. Il a le constat de la situation, il est en lien à la fois avec la police, à la fois avec les élus locaux, il fait son travail.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand il dit honte à ceux qui n'appellent pas au calme, est-ce qu'il ne pense qu'aux politiques ou est-ce qu'il pense aussi à la famille ?

OLIVIER VERAN
Vous savez commenter l'émotion d'une famille ou d'une mère qui vient d'apprendre que son fils est mort, je ne m'inscrirais jamais là-dedans et personne ne devrait le faire. Quand vous venez d'apprendre que votre fils vient d'être tué, quand vous êtes sous le choc, il n'y a pas de commentaire à faire sur la manière dont vous pouvez exprimer votre douleur et votre détresse.

APOLLINE DE MALHERBE
La mère effectivement de Nahel qui a appelé à une marche blanche d'hommage à 14h00 aujourd'hui et elle a ajouté d'hommages et de révolte, une révolte pour mon fils. Et alors que l'avocat de la famille était interrogé précisément sur ce non-appel au calme, en tout cas ou à la paix après la mort de Nahel, voilà ce qu'il répondait maître Yassine BOUZROU.

MAITRE YASSINE BOUZROU
La famille doit gérer un décès, il n'appartient pas à la famille d'appeler au calme et je pense que ces questions-là n'ont pas lieu d'être, la famille souffre beaucoup en ce moment, donc le reste moi ne m'intéresse pas, n'intéresse à mes clients. Ce qui est important c'est que la justice fonctionne et que le policier qui a tué ce jeune homme soit poursuivi et condamné pour ce qu'il a fait.

APOLLINE DE MALHERBE
Un appel à une marche d'hommage et de révolte, est-ce que vous avez regretté ce mot de révolte ?

OLIVIER VERAN
Mais encore une fois, je ne commenterais pas les paroles d'une mère qui vient de perdre son fils, d'Apolline de MALHERBE, gardons-nous de le faire. Il y a une marche blanche qui aura lieu cet après-midi à 14h00, c'est une marche blanche, le mot est important, c'est une marche d'hommage, c'est une marge d'émotions, il a besoin d'avoir un exutoire collectif et je préfère que cet exutoire se fasse dans le cadre d'une marche solennelle blanche teintée d'émotions et qui appelle des réponses plutôt que dans l'explosion de violence, ça où la portée par des personnes qui sont mues parfois par d'autres mobiles que celui de rendre justice à un jeune qui a trouvé la mort, parce que encore une fois quand vous décidez de brûler une école, ce n'est pas pour rendre justice à Nahel. Ça ne rend pas justice Nahel de brûler une école, ce qui rend justice à Nahel encore une fois c'est que la justice si elle l'estime nécessaire juge et condamne l'auteur de ces faits.

APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous le fait que dans ce moment d'émotion le président de la République ait immédiatement condamné l'acte aussi du policier et laissé entendre immédiatement que ce n'était pas acceptable, que ce n'était pas excusable, est-ce que vous trouvez que c'était aussi les mots qu'il fallait porter immédiatement ?

OLIVIER VERAN
Le président de la République a recentré le débat autour d'un fait, un jeune homme de 17 ans a trouvé la mort d'une balle dans la tête et le président de la République dit un jeune homme de 17 ans qui meurt dans ces conditions, c'est inexcusable et c'est impardonnable. Le président de la République ne dit rien du travail de la justice, il n'est pas en train de commenter cela, il ne commente pas les conditions dans lesquelles cela est arrivé, le président de la République est porteur de l'autorité de l'État et le dit avec nous, avec la population, qu'à chaque fois qu'un jeune homme doit trouver la mort, ce n'est pas excusable, ce n'est pas pardonnable.

APOLLINE DE MALHERBE
Et Elisabeth BORNE qui a rajouté que cet acte ne semblait pas conforme aux règles, je précise que le nom et l'adresse du policier ont été dévoilés sur les réseaux sociaux, que sa famille est menacée, que sa femme et ses enfants ont dû être relogés, est-ce que ça aussi vous le regrettez ?

OLIVIER VERAN
Bien sûr. Bien sûr parce que la femme et les enfants du policier ne sont pas en garde à vue, ils ne portaient pas d'arme, ils ne sont pas porteurs d'autorité. Ils vivent leur vie, ils ont… ils vivent leur drame à eux d'une certaine manière et donc ils n'ont pas être menacé. On ne se fait pas justice soi-même et on ne recourt pas à la violence pour répondre à une autre forme de violence. L'État de droit, c'est le respect de ces règles-là.

APOLLINE DE MALHERBE
Olivier VERAN, on entendait ce matin sur RMC, Rossana, elle est à la tête du centre social et culturel de Nanterre dans le quartier du vieux pont qui est donc le quartier dont est originaire Nahel, elle a bien connu Nahel enfant. D'ailleurs elle nous a informé que ce centre de loisirs avait été saccagé cette nuit, ce qu'elle regrettait profondément disant que les enfants de Nanterre ne pourraient donc pas être accueillis, mais pour autant lorsque je lui disais mais est-ce que vous condamnez ces violences parce qu'elle disait c'est épouvantable ce qui s'est passé cette nuit, tout ce saccage, elle disait, je ne peux pas condamner parce qu'en fait c'est trop simple de dire je condamne ou je ne condamne pas. Elle était bouleversée, mais elle disait au fond ces jeunes sont sans aucun espoir et seule la violence leur apparaît comme une manière de s'exprimer.

OLIVIER VERAN
Mais c'est là où je voulais vous emmener tout à l'heure, Apolline de MALHERBE, c'est qu'il y a une partie de la jeunesse de notre pays qui aujourd'hui n'a que de la colère à la place d'avoir de l'espoir et c'est cette jeunesse à qui nous nous adressons avec les politiques qu'on veut mener, c'est pour ça qu'on dédouble les classes dans les zones, dans les quartiers d'éducation prioritaire, c'est pour ça qu'on casse les grandes tours dans les quartiers populaires, ces tours qui assignent à résidence des milliers de nos jeunes pour avoir un bâtiment, des logements qui soient plus dignes et qui donnent le sentiment d'appartenance plus réel à la République.

APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous tout cela est lié ?

OLIVIER VERAN
En tout cas il y a une question de de moyens qui est nécessaire et que nous mettons en place, vraiment dans les villes, dans les quartiers populaires comme jamais nous l'avons fait dans notre pays, c'est la question de l'égalité républicaine. Il y a la question qui consiste à dire à cette jeunesse, vous avez la même place dans la République et la République vous apporte le même soutien et le même amour qu'à n'importe quel jeune de ce pays et la vie d'un jeune ne vaut ni plus ni moins que la vie d'un autre genre, c'est-à-dire qu'elle vaut ce qu'il y a de plus précieux.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ça veut dire au fond, Olivier VERAN que sans excuser vous comprenez ?

OLIVIER VERAN
Je ne comprends, n'excuse, ne justifie, ne légitimerai jamais le recours à la violence d'aucune manière. L'État de droit fait que lorsqu'il y a des actes de violence qui sont commis, eh bien il y a un système de protection collective qui vient protéger les victimes et condamner les coupables, c'est comme ça fait justice, c'est comme ça qu'on rend justice dans la République.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous laissez entendre que cette colère au minimum…

OLIVIER VERAN
Il ne faut pas laisser…

APOLLINE DE MALHERBE
L'expression de violence non, mais…

OLIVIER VERAN
Laisser à penser, personne, jamais qu'il ne pourrait en être autrement.

APOLLINE DE MALHERBE
L'expression de violence, on l'a bien compris non, mais la colère, le sentiment de ne pas avoir les mêmes chances que d'autres, ça en revanche vous le comprenez.

OLIVIER VERAN
Et là si vous voulez, je ne veux pas considérer que ce qui s'est passé cette nuit, qu'incendier une école ce soit un sentiment de détresse collective. Je crois qu'il y a des choses qu'ils sont aussi, des choses qui étaient assez organisées, il y a parfois des zones dans notre pays où il y a de la violence, où il y a parfois du trafic et où on voit parfois en dehors de tout drame comme celui-ci, comme les nuits de la Saint-Sylvestre par exemple des véhicules qui sont brûlés, des bâtiments publics qui sont incendiées, etc. Donc il faut se poser la question de ce qui peut conduire à cette forme de violence collective, c'est nécessaire quand on mène des politiques publiques et je crois vraiment à la réduction des inégalités comme un moyen d'apporter une réponse efficace, mais il ne faut pas considérer que ce qui s'est passé de cette nuit serait une forme de détresse collective après la mort de Nahel.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci Olivier VERAN d'avoir fait le point avec nous ce matin au moment même où cette cellule de crise se tient donc à Beauvau, vous êtes le porte-parole du Gouvernement.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 juin 2023