Texte intégral
BENJAMIN FONTAINE
Bonjour Olivier KLEIN.
OLIVIER KLEIN
Bonjour.
BENJAMIN FONTAINE
Cette nuit, un pompier est décédé en luttant contre un feu de plusieurs véhicules dans un parking souterrain de Saint Denis en Seine-Saint-Denis. C'est le premier décès depuis le début des violences mardi. Quelle est votre réaction ce matin ?
OLIVIER KLEIN
Comme vous, je viens d'apprendre ce drame. Evidemment j'adresse toutes mes condoléances à sa famille, à l'ensemble des sapeurs-pompiers qui font un travail remarquable en général et encore plus depuis quelques jours, comme l'ensemble des forces de sécurité, les policiers. J’ai évidemment beaucoup d'émotion. Vous savez, quand on est élu local, nos relations avec les sapeurs-pompiers en particulier les sapeurs-pompiers de Paris sont des relations quasi quotidiennes. Donc voilà, une réaction d'émotion, et évidemment ça renforce encore plus l'appel au calme que l'on porte depuis le début de ces événements, de ces violences. Le retour au calme en mémoire de Nahel, le retour au calme maintenant en mémoire de ce pompier pour vraiment éviter de nouveaux drames comme on vient de le connaître cette nuit avec le décès de ce pompier. Le retour au calme, c'est vraiment l'urgence absolue porté par le gouvernement, porté par les élus locaux et porté par les citoyens. Moi je me déplace beaucoup depuis plusieurs jours, les habitants de nos quartiers n'en peuvent plus de ces violences qui se retournent contre eux, et donc maintenant il est vraiment temps de trouver - même si on ne voit que ça s'améliore - trouver les voies d'apaisement définitives.
AGATHE LAMBRET
Justement, la mort de ce pompier c'est un drame mais cette 6ème nuit sinon a été plus calme - vous allez me dire ce que vous en pensez - alors que les violences marquaient déjà le pas hier soir. Alors il est trop tôt pour parler de décrue disait hier le préfet de police de Paris, mais aujourd'hui est-ce que vous constatez, vous, une décrue ?
OLIVIER KLEIN
Oui, on voit que les nuits qui se succèdent fort heureusement sont plus calmes ça, mais le la mobilisation du gouvernement, des forces de police, des élus, des polices municipales, des politiques nationales sont très fortes et restent à un très haut niveau. Il faut que cette décrue continue. Il ne faut jamais crier victoire, il faut continuer à porter cet appel, appeler à cette responsabilité de tous, y compris celle des parents. Il y a ces rassemblements devant toutes les mairies ce midi qui va porter aussi cet appel au calme, parce que c'est de notre responsabilité à nous tous, hommes et femmes politiques, acteurs de terrain, parents, de porter ce retour au calme, faire que cette colère cesse de se diriger contre son propre quartier, contre ses propres voisins, contre ses propres équipements publics, et contre nos élus. Parce que la violence contre nos élus, c'est s'attaquer à la République et là encore ces violences sont inqualifiables.
BENJAMIN FONTAINE
Est-ce que vous avez pu échanger avec le maire de L’Haÿ-les-Roses depuis ce qui s'est produit hier ?
OLIVIER KLEIN
Alors juste un ou deux SMS de soutien, un remerciement de sa part une fois que la Première ministre et le ministre de l'Intérieur se sont rendus sur place. Vous imaginez bien qu'il était très pris et je n'ai pas voulu l'embêter. Mais j'ai échangé avec des dizaines et des dizaines d'élus locaux, j'étais à Persan samedi matin…
BENJAMIN FONTAINE
Où la mairie a aussi été incendiée.
OLIVIER KLEIN
Où la mairie a été incendiée. Le poste de police municipale et le conservatoire ont été très abîmés et je me suis rendu sur place à la demande de la Première ministre. J'ai beaucoup échangé avec le maire de Persan et les parlementaires qui étaient sur place.
BENJAMIN FONTAINE
Avec cette voiture bélier lancée dans la maison du maire de L’Haÿ-les-Roses, vous estimez vous aussi qu'on a passé un nouveau cap dans la violence ?
OLIVIER KLEIN
Chaque cap est insupportable mais s'attaquer à un élu à un maire, c'est s'attaquer à la République. Les élus locaux et les maires en particulier font un travail remarquable, c'est des élus de terrain, de proximité. J'ai été maire moi-même, j'ai été premier adjoint au maire, je sais à quel point les élus s'investissent pour leur ville et sont aux côtés de leurs habitants. Et évidemment c'est un acte inqualifiable, injustifiable et impardonnable de s'attaquer à un élu, de s'attaquer à sa mairie, de s'attaquer à sa famille, et bien évidemment Vincent JEANBRUN, comme tous les élus qui ont été attaqués ces derniers jours, ont tout mon soutien. Mais bien évidemment il a, je crois, le soutien de l'ensemble de nos concitoyens.
AGATHE LAMBRET
Il va bénéficier d'une protection renforcée disait hier le préfet de police de Paris. Concrètement comment est-il protégé aujourd'hui ce maire ? Est-ce que vous savez s'il a pu retourner dans sa maison avec sa famille ?
OLIVIER KLEIN
Ecoutez, je ne sais pas. Je crois que son épouse a été hospitalisée, je ne sais pas si elle est sortie hier de l'hôpital. Je n’ai pas ce niveau de détails, vous vous en doutez bien. Mais je peux vous dire que ce que je sais des élus locaux, nous avons tous le numéro du préfet, le numéro de notre commissaire, mais vous savez le plus important, c'est l'ensemble de notre société qui doit être protégé dans cette période. C'est l'ensemble de nos équipements publics. Les élus locaux aussi bien évidemment parce qu’on est garant de cet apaisement, on est garant de ce lien fort entre la République et nos concitoyens, mais toute la République doit être protégée dans un moment aussi grave.
AGATHE LAMBRET
Et comment on fait concrètement Olivier KLEIN ? Emmanuel Macron – vous étiez hier soir à l'Elysée pour une nouvelle réunion de crise - a annoncé qu'il allait recevoir les 220 maires des communes qui ont subi des violences, mais le maire de L’Haÿ-les-Roses disait vendredi : on a été laissés seuls. Aujourd'hui, comment allez-vous faire pour protéger ces élus ?
OLIVIER KLEIN
Je ne veux pas commenter les propos de Vincent JEANBRUN dans ce moment extrêmement douloureux. Moi je crois vraiment que le gouvernement depuis le début a eu la bonne réponse. D'abord une réponse d'apaisement, de recueillement en direction de la famille de Nahel pour faire part de notre émotion. Ensuite une réponse sur " la justice doit faire son chemin " et elle fait son chemin. Et puis nous avons mis en place graduellement des protections, des protections des équipements publics au regard de la montée de cette colère et de ces actes inqualifiables qui se sont produits un peu partout dans le pays. D'abord vers des équipements publics, en direction des violences en direction des forces de l'ordre, des violences en direction des commerces. Il n’y a rien qui peut justifier une telle violence, et vraiment l'action du gouvernement aujourd'hui se concentre sur ce retour au calme, parce que nos quartiers ont besoin de ce retour au calme. Les victimes de ces violences sont les habitants de ces quartiers, ils souhaitent cet apaisement, ils souhaitent ce retour au calme, ils souhaitent que l'image de ces quartiers ne soit pas durablement dégradée par ces violences qui n'ont aucun sens. Brûler une bibliothèque, brûler une école, brûler tout ce qu'on a fait dans le cadre du renouvellement urbain et de la politique de la ville, c'est de l'automutilation et cette automutilation elle n'est pas acceptable.
BENJAMIN FONTAINE
Vous avez dit : l'état d'urgence pour l'instant n'est pas une solution à envisager, c'est ce que le gouvernement a dit. Il était réclamé pourtant par le maire de L’Haÿ-les-Roses, il n'est toujours pas question de l'instaurer aujourd'hui ?
OLIVIER KLEIN
Ecoutez, toutes les options qui permettent le retour au calme sont sur la table bien évidemment, parce que c'est la première des priorités. Mais il faut avoir une réponse utile, graduée. Aujourd'hui on constate une forme de décrue, il va falloir vérifier que ça se mesure. C'est une décision du président de la République suivie d'un conseil des ministres si on devait aller vers ça, voilà. Ça reste une possibilité. On voit que dans cette période où, j'oserais dire même si ce n'est pas suffisant, les choses s'améliorent un peu.
AGATHE LAMBRET
Ç’a été évoquée hier soir en réunion à l'Elysée, l’état d’urgence ?
OLIVIER KLEIN
Ce qui a été évoqué hier soir en permanence, c'est la nécessité du retour au calme, l'absolue nécessité du retour au calme pour protéger nos policiers, nos concitoyens. Et on le voit cette nuit avec ce drame et la mort d'un sapeur-pompier de Paris, on voit que cet appel au retour au calme est nécessaire.
AGATHE LAMBRET
Toujours avec Olivier KLEIN, ministre délégué chargé de la Ville et du logement, on parlait des maires qu'il faut protéger, vous-même, Olivier KLEIN, vous avez quitté votre maison quelques jours pour éviter aux policiers déjà surchargés d'avoir à la protéger aussi ?
OLIVIER KLEIN
Alors, c'est plus compliqué que ça, j'ai un logement à Paris parce que vous connaissez les conditions de transport dans Paris, et donc j'ai un logement de fonction, mais c'est vrai que comme élu local, j'ai eu parfois la tentation d'être à Clichy-sous-Bois, aux côtés des élus, surtout de Clichy pour les accompagner, mais, voilà, un ministre n'est plus tout à fait une personne normale, et la priorité des forces de l'ordre à Clichy comme partout ailleurs, c'est de protéger les équipements publics, et ils avaient pas besoin de m'avoir dans leurs pattes.
AGATHE LAMBRET
Vendredi, Emmanuel MACRON en a appelé à la responsabilité des parents, vous êtes, vous le dites, un élu local, vous connaissez bien la situation dans les quartiers, c'est de la faute des parents ?
OLIVIER KLEIN
Non, ce n’est pas de la faute des parents, mais, oui, quand on est parent on a des responsabilités, il m'est arrivé de faire quelques mariages, je me rappelle de ce qu'on dit aux futurs époux quand ils se marient, on rappelle la responsabilité des parents, et c'est une responsabilité qui est juste, quand on voit ces enfants ou des jeunes de 14-15 ans ne pas être rentrés à 22, 23h dans la période actuelle, eh bien, oui, quand on est parent, on se doit de vérifier pourquoi ils sont dehors, et leur dire, en ce moment, vous ne sortez pas, ce n'est pas pour vous embêter, c'est pour vous protéger, et c'est pour protéger votre quartier et votre ville.
BENJAMIN FONTAINE
Mais, Olivier KLEIN, on parle du rôle des parents, on parle des associations de quartiers aussi, on leur demande de faire de la médiation, ces associations, elles ont le sentiment parfois de ne pas être entendues, ne pas être écoutées, ça fait bientôt une semaine qu'il y a ces violences, pourquoi ne pas les avoir encore reçues ?
OLIVIER KLEIN
Alors, d'abord, vous vous doutez bien que le ministre de la Ville et du logement que je suis échange en permanence avec tout le monde, et y compris les associations, je vous rappelle qu'il y a eu un conseil interministériel de la Ville qui s'est réuni vendredi matin, dans lequel il y avait des associations présentes. La Commission…
AGATHE LAMBRET
Mais pas d’annonce très forte pour les quartiers…
OLIVIER KLEIN
Mais parce que ce conseil interministériel de la Ville s’est réuni dans des conditions extrêmement particulières, dans cette situation, le président de la République a fait des premières annonces sur Quartiers 2030 à Marseille qui devaient être détaillées vendredi matin dans le cadre du CIV, mais les conditions de ce CIV ne permettaient pas… les élus locaux, les associations présentes avaient besoin de s'exprimer, de parler de cette violence, de cette situation, bien évidemment, les annonces qui étaient prévues dans le cadre de Quartiers 2030, l'action plus forte dans le domaine de l'école, comme le président a commencé à le dire, l'action plus forte dans le domaine de l'entreprenariat, l'accompagnement de la création d'entreprises, toutes ces actions seront détaillées, la volonté qu'on aide plus les petites associations, qui est au coeur de mes préoccupations pour bien les connaître, comme ancien militant associatif, comme élu local…
BENJAMIN FONTAINE
Mais quand même, depuis une semaine, Olivier KLEIN, on parle plus de sécurité que de discours, que…
OLIVIER KLEIN
Mais c’est normal, la priorité aujourd’hui, c’est le retour au calme, et ce n'est pas simplement la priorité du gouvernement, c'est la priorité de tous les Français, et la priorité des habitants de ces quartiers, moi, j'ai été à Persan, je vous le disais, vendredi matin, quand j'ai parlé aux habitants devant ce conservatoire qui avait été abîmé, les habitants étaient très tristes, quand j'ai parlé aux habitants de Clichy-sous-Bois qui ont vu la moitié de la bibliothèque abîmée, et qui ne pourra pas être utilisée, les jeunes qui viennent dans cette bibliothèque travailler depuis plusieurs semaines maintenant, parce qu'on l'ouvre tous les dimanches, et parce que c'est mieux de travailler dans une bibliothèque tranquille, ils sont très en colère, donc c'est normal, c'est une priorité indispensable le retour au calme…
BENJAMIN FONTAINE
Donc maintenant, vous allez pouvoir les recevoir, maintenant que…
OLIVIER KLEIN
Cet après-midi, j’ai une réunion avec… alors, vous savez, les associations des quartiers populaires, elles sont très nombreuses, et c'est normal, j'ai des réunions cet après-midi avec des associations, avec le Conseil national des villes, avec des membres de la commission de Mohamed MECHMACHE que j'ai nommés, avec un panel associatif et un panel d'habitants, et puis, à chaque fois que je me rendrai dans les quartiers dans les mois qui viennent, je continuerai à échanger avec les associations, vous savez, en ce moment, on est en train d'écrire le nouveau contrat de ville, celui qui commencera au 1er janvier 2024. Et je le dis, la politique de la ville, c'est du sur-mesure, ça se travaille quartier par quartier, avec les habitants, avec les associations, mais oui, aujourd'hui, la priorité c'est le retour au calme, dans lequel les associations, les habitants, tout le monde doit concourir.
AGATHE LAMBRET
Justement Emmanuel MACRON, en 2017, avait promis la fin de l'assignation à résidence, c'était une promesse de sortir de ces quartiers pour ces jeunes, une promesse d'égalité des chances, est-ce que ces émeutes aujourd'hui ne signent pas, eh bien, l'échec de cette promesse ?
OLIVIER KLEIN
La politique de la ville, c'est tout sauf un échec, c'est une action au long cours, d'abord, dans ces quartiers, que je connais bien, souvent, quand on va mieux, on les quitte. Un des enjeux de la politique de la ville, c'est de faire que, évidemment, l'émancipation, c'est le refus de l'assignation à résidence, mais aujourd'hui, ce qui compte et ce qui nous permettra de mesurer la réussite de ces quartiers, c'est, oui, la politique de la ville a marché, et parce qu'elle a marché, j'ai envie de rester dans mon quartier ; aujourd'hui, dans ces quartiers, en permanence, on traite de nouvelles populations souvent plus fragiles, et donc il faut continuer à mener cette action, bien évidemment, toujours avec la même énergie, vous savez, dans les villes où il y a eu des exactions, ce n'est pas des villes dans lesquelles il ne s'est rien passé, c'est des villes dans lesquelles la politique de la ville joue son rôle dans lesquelles les élus locaux jouent un rôle formidable, donc c'est ce travail commun qu'il faut continuer. Il faut aller plus vite, la politique de la ville, une de ses difficultés, c'est sa capacité à gérer le temps, parce qu’on parle à des générations qui n'ont pas vu ce qui s'est passé avant, d'où on part, et puis, il y a des générations qui, légitimement, aspirent à aller mieux plus vite.
AGATHE LAMBRET
Oui, mais ça fait des décennies qu'on en parle, et il y a eu beaucoup de signaux d'alarme, vous aviez notamment signé l'appel de Grigny en 2017, c’était un appel à relancer la politique de la Ville…
OLIVIER KLEIN
Mais ces signaux d’alarme sont entendus…
AGATHE LAMBRET
Et ensuite…
OLIVIER KLEIN
Oui, oui, je me rappelle, j’avais signé, il y avait par exemple tout un chapitre sur l'ANRU qui demandait qu'on nomme un président, il se trouve que celui qui a été nommé, c’est moi…
AGATHE LAMBRET
Vous avez été président de l’ANRU…
OLIVIER KLEIN
Et quand j’ai pris la présidence…
AGATHE LAMBRET
L’Agence Nationale de Rénovation Urbaine…
OLIVIER KLEIN
L’Agence Nationale de Rénovation Urbaine. Quand j’ai pris la présidence de cette agence, il y avait 5 milliards, fruit du quinquennat précédent de François HOLLANDE, quand j'ai fini ce quinquennat, il y avait 12 milliards, donc on a multiplié par plus de 2 le budget qui va permettre de changer ces quartiers, mais oui, c'est trop long, parce que dire qu'il y a 12 milliards, ça veut dire qu’on va dépenser 50 milliards, mais ces 50 milliards, on va les dépenser en 10 ans, donc il faut intervenir sur le dur, le logement, les transports, la tranquillité, les associations. Et ce qu'il faut, c'est agir sur tout en même temps, mais aucun des acteurs de la politique de la ville, sérieux, honnête, ne vous diront que la politique de la ville ne marche pas, parce que, où on en serait si cette politique de la ville n'existait pas depuis 40 ans…
AGATHE LAMBRET
Eh bien, les élus disent qu'il n’y a pas assez pour le social, c'est bien de raser des tours, mais il ne faut pas oublier l’Education, le social, le taux de chômage qui explose dans les quartiers…
OLIVIER KLEIN
Mais relisez-moi dans le texte, je dis depuis toujours, c’est l’urbain, et c’est l’humain, et c’est les deux que je veux mener, que mes prédécesseurs ont menés, mais oui, il faut mettre l'accent sur la présence d'adultes dans ces quartiers, mettre l'accent sur l'acte éducatif, normalement, enfin, le président a commencé à le dire, on va multiplier les cités éducatives dans tous ces quartiers, ces cités éducatives qui permettent de sortir du silo, faire que l'école, travailler avec les animateurs, avec les éducateurs sportifs, avec l'Education nationale, tout ça fait partie de notre projet qu'on va continuer à mener, et surtout, à aider les petites associations, parce qu'elles jouent un rôle formidable dans nos quartiers, et ce rôle est nécessaire.
BENJAMIN FONTAINE
Mais il est temps, Olivier KLEIN, non, depuis 2017 ?
OLIVIER KLEIN
Mais beaucoup a été fait depuis 2017, les CP, le dédoublement des classes préparatoires en CP, en CE1, en moyenne section, c'est une révolution. Vous savez, je suis prof, je vois à quel point l'apprentissage de la lecture a été accéléré, les vacances apprenantes, qui a été mis en place, c'est des centaines de milliers d'euros, qui a permis, dans une ville comme la mienne et dans beaucoup de villes, les maires vous le diront, on a multiplié par deux le nombre d'enfants qu'on peut envoyer en vacances pour deux fois moins cher.
BENJAMIN FONTAINE
Mais si je vous écoute vous dites aussi refaire revenir des médiateurs dans les quartiers, sauf que les associations aujourd'hui nous disent " on a moins de moyens, on n’a plus d'emplois aidés, on peut moins faire appel à ces emplois aidés ", c'est compliqué du coup.
OLIVIER KLEIN
Il y a les adultes-relais, et moi je le dis, ça fait partie des choses que je veux faire évoluer, on ne peut pas mener une action dans un quartier sans en avoir les moyens pour l'action et les moyens pour recruter, et ça fait partie des annonces de Marseille, du président de la République, simplifier les recrutements des adultes-relais, sortir d'un certain nombre de de carcans administratifs qui disaient " oui, vous vous pouvez être adulte-relai, vous ne le pouvez pas ", il y a les bataillons de la prévention qui ont été mis en place par ma prédécesseur Nadia HAI, sur lequel il va falloir probablement continuer à travailler, mais je le redis, il n'y aurait rien de pire que cette période fasse le procès de la politique de la ville, cette période, aujourd'hui, elle nous appelle à la responsabilité, et d'abord le retour au calme, et ensuite continuer à travailler main dans la main, avec les élus locaux, avec les associations, et avec les habitants de ces quartiers.
BENJAMIN FONTAINE
Et poursuivre le dialogue, c'est ce que vous nous dites Olivier KLEIN…
OLIVIER KLEIN
Bien sûr.
AGATHE LAMBRET
Olivier KLEIN toujours, ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, « nous devons d'abord qualifier les événements avant d'en tirer les conclusions » a insisté le président hier soir dans une réunion à l'Elysée, ça veut dire quoi ? Que vous ne comprenez pas ce que veulent les jeunes et que vous attendez d'en savoir plus avant d'ajuster la réponse politique ?
OLIVIER KLEIN
C'est important de comprendre ce qui s'est passé. Vous savez, moi ce que j'ai vu depuis le décès dramatique de Nahel, c'est d'abord la parole du président de la République et celle de la Première ministre qui a rendu hommage à ce jeune homme et qui a demandé la justice. J'ai vu que la justice avançait et donc j'ai vu une parole qui était juste, et malgré cette parole juste, on n'a pas empêché la colère de ces jeunes s'exprimer, mais aussi si des actes de pillage, des actes contre les équipements publics, contre nos élus. Et donc bien évidemment, la réponse elle doit aussi être d'une certaine manière en qualifiant ce qui s'est passé, en comprenant parce que moi je crois que la politique de la ville agit dans ces quartiers, j'en suis même certain, mais néanmoins elle n'a pas empêché cette colère de s'exprimer. Et donc il m'arrive d'être un peu un scientifique donc on a besoin je crois, oui, d'analyser les raisons de cette colère et de cette expression et surtout de ne pas l'excuser parce qu’elle est inexcusable, en tout cas dans son expression. La colère, elle est compréhensible mais ce qui n'est pas acceptable, c'est cette violence dirigée, cette espèce d'automutilation, et ça il faut le comprendre bien évidemment pour agir mieux.
AGATHE LAMBRET
En 2005, vous étiez premier adjoint au maire de Clichy-sous-Bois. C'est de là qu'étaient parties les émeutes de 2005 après la mort de deux adolescents poursuivis par la police. Il y avait eu énormément de violences, trois semaines de violences à l'époque, mais aujourd'hui les observateurs, les spécialistes s'accordent pour dire qu’on a encore franchi un cap dans la violence. Est-ce que vous le constatez aussi ? Qu'est-ce qui est différent ?
OLIVIER KLEIN
Moi je ne veux pas être dans les comparaisons morbides. D'abord je veux rappeler que pour Clichy-sous-Bois, la mort de Zyed et Bouna reste un événement extrêmement tragique et dans le coeur de cette ville. La mort de Nahel restera toujours un événement tragique et je le redis : ce qui est différent, et c'est là où c'est difficile, c'est que la parole du président de la République et de la Première ministre est à la hauteur de la gravité de la mort de ce jeune homme. La justice passe et passe vite et elle continuera son travail, mais malgré tout cette violence est présente, et donc aujourd'hui on a qu'une priorité : c'est le retour au calme et ensuite on essaiera de comprendre comment cette étincelle, parce que la mort d'un enfant c'est plus qu'une étincelle, a à nouveau eu cet effet de violence, mais je ne veux pas comparer parce que je pense qu'il n’y a pas de comparaison à avoir. On est presque vingt ans après, la situation dans les quartiers a profondément changé, nos villes ont changé mais néanmoins, ça reste des terrains de de fragilité extrême, d'extrême pauvreté et je pense que ça nous oblige. Ça nous oblige à aller plus vite, ça nous oblige à réfléchir à nos pratiques. Nous les élus locaux, les hommes politiques et les femmes politiques on doit regarder ce qui s'est passé avec lucidité mais sans aucune bienveillance dans la violence gratuite et inacceptable.
AGATHE LAMBRET
Et réfléchir aussi aux relations entre la police et la population, parce que ça c'est une constante depuis des années, cette relation extrêmement conflictuelle. Le politologue Jérôme FOURQUET dans Le Parisien l'autre jour parlait d'un cercle vicieux et vicié. Des humiliations d'un côté, des tutoiements, des contrôles d'identité à répétition, et donc en retour une jeunesse qui se sent humiliée et qui répond aussi parfois par la violence.
OLIVIER KLEIN
La relation entre la police et la population dans une démocratie elle est évidente et elle doit être apaisée, et je peux vous assurer que l'énorme majorité des policiers le souhaite. Moi j'ai des relations quand j'ai été élu local quasi quotidiennes avec le commissaire de police. Quand on lui demande d'intervenir dans une réunion publique, il vient. Il y a un délégué police population qui joue un rôle déterminant dans les relations avec la police, on a un centre de loisirs jeunesse dans la ville d'à-côté, de Montfermeil, qui est mis en place par des policiers. Il y a Raid aventure qui vient. Mais oui, il faut continuer à travailler à cette relation, à l'apaiser pour que chacun se sente… D'abord les policiers comme des poissons dans l'eau dans nos quartiers et que les jeunes perçoivent le rôle de la police comme un rôle normal dans une démocratie, parce qu'on a besoin des forces de sécurité, on a besoin des gardiens de la paix. C’est extrêmement important pour vivre normalement dans nos quartiers.
BENJAMIN FONTAINE
Et Olivier KLEIN, quand les syndicats Alliance et UNSA parlent dans un communiqué de nuisibles, de sauvages pour désigner les émeutiers, est-ce que ça c'est de nature à apaiser ?
OLIVIER KLEIN
Mais bien sûr que non. Dans cette période, chacun doit faire preuve de responsabilité.
BENJAMIN FONTAINE
Ça vous choque ?
OLIVIER KLEIN
Oui, le mot « nuisibles » est insupportable, mais je crois je crois que dans cette période l'appel au calme il est permanent et chacun - les hommes politiques, l'ensemble des Français – doivent participer à cet appel au calme. Personne ne doit mettre de l'huile sur le feu, ni les hommes politiques qui disent qu'on a le droit de casser ceci ou cela ou des choses comme ça qui sont tout aussi insupportables et inqualifiables. L'objectif du gouvernement, l'objectif de tous les Français c'est le retour au calme et cet objectif il est normal. Il est maintenant plus qu'urgent. On voit que ça s'améliore mais il ne faut surtout pas lever le pied parce que cette amélioration doit être totale.
BENJAMIN FONTAINE
Rapidement Olivier KLEIN, depuis ce week-end une cagnotte circule sur Internet pour le policier mis en examen à l’origine du tir qui a tué Nahel, elle a récolté plus de 800 000 euros, est-ce qu’il faut la fermer comme le demande Olivier FAURE ?
OLIVIER KLEIN
Ce n’est pas le sujet du gouvernement, je ne regarde pas, et le gouvernement ne regarde pas ces sujets de cagnotte, l’objectif du gouvernement c’est le retour au calme et c’est vraiment notre priorité.
AGATHE MAHUET
Mais est-ce que ça vous choque cette cagnotte ?
OLIVIER KLEIN
Je n’ai pas à commenter cette cagnotte, je ne sais pas qui l’a mise en ligne…
BENJAMIN FONTAINE
Jean MESSIHA, qui est une figure de l’extrême-droite.
OLIVIER KLEIN
Je crois que quand l’extrême-droite fait des choses elle ne le fait pas sans arrière-pensée, mais aujourd’hui ma priorité c’est bien le retour au calme et à l’apaisement.
BENJAMIN FONTAINE
Ça vous dérange de vous exprimer sur cette cagnotte ?
OLIVIER KLEIN
Je ne sais pas…
AGATHE MAHUET
Jean-Luc MELENCHON hier sur LCI disait que le pouvoir avait peur des policiers.
OLIVIER KLEIN
Mais non, le pouvoir travaille avec les policiers, heureusement, nous sommes dans une démocratie, que Jean-Luc MELENCHON fasse attention à ce qu’il dit pour au contraire dire " oui, il faut maintenant que ça s’arrête ", qu’il ne dise pas qu’on a le droit de casser une école et pas le droit de casser ceci ou cela. Vous savez, j’ai parlé à des dizaines de maires ces derniers jours, y compris des maires issus de la NUPES, ils n’ont qu’un objectif, parce qu’ils travaillent, c’est le retour au calme, et je peux vous assurer que les maires de tous bords, y compris ceux de la NUPES, n’apprécient pas ces propos va-t-en-guerre qui n’ont aucun sens dans la période. L’objectif du gouvernement, le mien, du président de la République, de la Première ministre, du ministre de l’Intérieur, c’est le retour au calme et c’est l’objectif de tous les Français et des élus locaux, que j’irai rencontrer à midi avec d’autres ministres parce que notre présence sur les frontons des mairies, enfin sur les parvis des mairies, est importante.
BENJAMIN FONTAINE
Merci Olivier KLEIN, ministre délégué en charge de la Ville et du Logement, d’avoir été l’invité du 8.30 France Info ce matin.
OLIVIER KLEIN
Merci.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 10 juillet 2023