Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur l'égalité entre les femmes et les hommes, à Paris le 3 juillet 2023.

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Circonstance : Remise du rapport du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes

Texte intégral

Madame la Présidente, Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs,

Je suis ravie de vous accueillir aujourd'hui, avec la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, Isabelle Rome, pour la remise du rapport d'évaluation de la stratégie internationale de la France pour l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2018 - 2022, réalisé par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Madame la Présidente du Haut Conseil, je vous remercie d'être parmi nous, avec les membres du Haut Conseil qui sont directement concernés par ce rapport. Vous me remettrez dans quelques instants, ainsi qu'à Isabelle Rome, ce rapport.

Le Ministère de l'Europe et des affaires étrangères a accepté le principe d'une évaluation de sa stratégie par une instance indépendante, qui est un bon principe, et a coopéré de bonne foi et en toute transparence avec la commission, lui fournissant ainsi qu'au cabinet Technopolis toutes les informations nécessaires.

Je note que l'approche d'ensemble ne prend pas toujours la pleine mesure des progrès accomplis et de l'exemplarité de notre bilan. Loin de nous décourager, nous nous appuierons sur plusieurs recommandations du rapport, pour le renouvellement de la stratégie, dans des travaux qui associent d'ailleurs l'ensemble des parties prenantes concernées. Ils ont démarré il y a un peu plus d'un mois, le 2 juin.

Vous le savez : le Président de la République a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de ses deux quinquennats. Nous avons été parmi les premiers pays à nous doter officiellement d'une diplomatie féministe, en 2019. D'autres pays ont emboîté le pas et une douzaine de pays sont aujourd'hui dotés de diplomaties féministes.

Vous recommandez dans votre rapport de donner une définition de ce qui est une diplomatie féministe et vous avez raison. Je m'y emploie souvent.

Il s'agit de mettre la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes parmi les toutes premières priorités de notre politique étrangère, tout comme la promotion des droits des femmes.

La meilleure des réponses est d'agir, de mettre cette diplomatie féministe en pratique. Partout où je me rends, au Brésil, en Inde, en Afrique du Sud ou encore en Côte d'Ivoire, j'échange sur les droits des femmes, je rencontre des organisations qui défendent et promeuvent les droits des femmes, mais j'en parle aussi dans mes entretiens politiques.

Je reviens de Mongolie où j'ai participé avec d'autres femmes ministres des affaires étrangères à une réunion qui a permis de promouvoir les droits des femmes et l'égalité entre les femmes et les hommes. Le rôle des femmes pour lutter contre le changement climatique, contre l'insécurité alimentaire et leur action pour empêcher les conflits était au coeur de nos échanges. Nous avons pris rendez-vous pour une réunion à New York, en septembre, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies. La diplomatie féministe, c'est concret, je le disais.

C'est aussi un discours de vérité : celui notamment que j'ai tenu à Genève, à l'ouverture du Conseil des droits de l'Homme, au mois de février, pour dénoncer l'effacement des femmes de la société afghane, pour dire notre soutien aux femmes iraniennes qui résistent à l'oppression du régime et pour condamner les violences sexuelles utilisées comme armes de guerre, comme c'est le cas par les troupes de Poutine en Ukraine.

En Afghanistan, les femmes et les filles sont chassées des espaces publics, des écoles et même des projets humanitaires, où les Talibans leur interdisent de travailler. Le Conseil de sécurité a d'ailleurs condamné à l'unanimité cette politique de ségrégation inacceptable, dans sa résolution 2681 du 27 avril dernier.

Autre exemple en mars 2022, nous avions cherché et obtenu l'exclusion de l'Iran de la Commission sur la condition de la femme (CSW en anglais), pour marquer notre opposition à la répression par le régime iranien du mouvement de défense des libertés et des droits de l'Homme.

Je ne porte pas seule ces messages. Notre réseau diplomatique n'a jamais été aussi mobilisé. J'ai donné des instructions à nos ambassades et nos consulats le 8 mars dernier. 96% d'entre eux sont déjà dotés d'une feuille de route pour l'égalité entre les femmes et les hommes, plus de la moitié ont déjà formalisé leurs cadres de concertations sur le sujet avec les autorités du pays de résidence, ce qui n'est pas évident partout.

Nous le savons, ce combat, notre combat, est difficile. Mais les messages portent. Nous avons mis le poids politique, nécessaire, pour ériger les droits des femmes et l'égalité entre les femmes et les hommes en priorité de l'agenda international, je le répète.

Nos messages sur l'universalisation de la Convention d'Istanbul sur les violences faites aux femmes ont aussi été entendus par plusieurs pays : ces derniers mois, la Moldavie, le Royaume-Uni, l'Ukraine et, il y a un mois, l'UE dans son ensemble, y ont adhéré formellement.

Nous continuerons de mener ces démarches. Pour compléter notre action dans le champ de la diplomatie multilatérale, j'ai également décidé que le soutien aux organisations féministes francophones serait l'une des priorités du sommet de la Francophonie l'an prochain.

Notre diplomatie féministe ne peut pas être menée sans moyens. Là encore, je veille à ce qu'ils soient mobilisés. La part de l'aide au développement qui bénéficie à l'égalité entre les femmes et les hommes n'a jamais été aussi élevée et elle est désormais beaucoup mieux comptabilisée. Elle a plus que doublé en cinq ans pour atteindre plus de 47% en 2022 et ce chiffre va continuer d'augmenter. J'y veillerai d'ailleurs personnellement.

Tous nos instruments y contribuent : l'Agence française de développement mais aussi le fonds de solidarité pour les projets innovants, nos canaux humanitaires et nos financements aux organisations internationales. Autres exemples : nous avons investi depuis l'officialisation de notre diplomatie féministe plus de 400 millions d'euros en faveur de la santé et des droits sexuels et reproductifs, 166 millions d'euros en faveur de l'éducation des filles via le Partenariat mondial pour l'éducation. Nous avons doublé notre contribution globale à ONU Femmes.

Le 8 mars dernier, j'ai annoncé l'optimisation et la pérennisation du Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), créé en 2019, dont la contribution prévue initialement a même été augmentée (134 millions au lieu de 120 millions). Il permet de soutenir un millier d'organisations dans 73 pays différents, des femmes qui militent pour leurs droits, le plus souvent en risquant leur propre vie. Toujours le 8 mars, j'avais annoncé des contributions additionnelles en faveur des femmes ukrainiennes. Je viens d'annoncer à Oulan Bator une contribution au PNUD, à hauteur d'1 million d'euros, sur l'agenda "femmes, paix et sécurité".

Pour assurer une transformation profonde, il faut bien entendu aussi que l'égalité entre les femmes et les hommes soit pleinement mise en oeuvre et respectée au sein de notre ministère. Nous avons encore du chemin à parcourir mais nous avons lancé une dynamique pour que les femmes accèdent aux postes à responsabilité ; une dynamique que je souhaite continue et irréversible. Nous avons doublé le nombre d'ambassadrices en 10 ans. Nous devons bien sûr poursuivre nos efforts (les femmes ambassadrices représentent un peu moins d'un tiers).

La secrétaire générale du Quai d'Orsay est une femme, pour la première fois de l'histoire de notre ministère. Notre porte-parole est une femme. Notre représentante à l'OTAN également. Il faut regarder au-delà des nominations et vers l'avenir, pour que les mérites des jeunes femmes diplomates qui oeuvrent au quotidien pour nos intérêts soient pris en compte. J'ai lancé le 8 mars dernier le programme Tremplin, qui doit permettre de faciliter cette dynamique et de maintenir nos efforts dans la durée. Je me félicite aussi que mon ministère vienne de recevoir, pour la deuxième fois, le label "égalité femmes / hommes" de l'organisme de certification AFNOR.

Je poursuivrai aussi une politique de tolérance zéro pour éliminer le harcèlement sexuel à l'intérieur du ministère et dans le réseau.

Il y aurait des centaines d'autres éléments à mettre en avant. Vous en retrouverez certains dans nos stratégies, comme la nouvelle stratégie pour la santé et les droits sexuels et reproductifs que j'ai lancée le 8 mars dernier, comme notre future stratégie pour la diplomatie féministe ou encore dans la stratégie sur laquelle mon ministère travaille pour promouvoir et défendre les droits des femmes dans l'environnement numérique.

Voilà ce que je voulais vous dire aujourd'hui. Et un autre mot pour conclure : agissons ensemble, tirons dans le même sens. Parce que les adversaires des femmes et de leurs droits sont unis et ne manquent pas.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juillet 2023