Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à BFMTV le 5 juillet 2023, sur les conséquences économiques des émeutes en France, l'inflation, le Livret A et les voitures électriques.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Apolline de MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d’être dans ce studio ce matin. Vous êtes le ministre de l’Economie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et économique. Et je vais vous dire, on va parler de tout ça. On va parler de l’économie, on va parler des finances, et on va parler aussi de l’industrie et du renouvellement industriel de la France, mais d‘abord, combien ça va coûter tout ça, et à qui, qui va finir par payer les dégâts, les pillages, est-ce que c’est les habitants eux-mêmes, est-ce que c’est les assureurs, est-ce que c’est l’Etat, est-ce que c’est les parents ? Qui doit payer ?

BRUNO LE MAIRE
C’est d’abord les assureurs qui vont payer, les commerces sont assurés, les assurances doivent jouer. Et elles joueront, je les remercie d’ailleurs d’avoir accepté de simplifier les procédures, d’allonger le délai de dépôt de plainte, et j’appelle tous les commerçants qui nous écoutent à déposer leur plainte le plus vite possible, même si le délai a été étendu à notre demande de 5 jours à 30 jours. Et les assureurs ont accepté, ce qui était une demande forte du gouvernement, de réduire les franchises pour les commerçants indépendants qui sont les plus touchés, parce qu’il faut bien mesurer que c’est plus de 1.000 commerces qui ont été touchés, c’est près de 500 débits de tabac, c’est près de 400 agences bancaires, c’est des centres commerciaux, c’est des magasins de sport, tout ça pour rien, absolument pour rien. C’est détruire pour détruire, abîmer le pays pour abîmer le pays, c’est totalement inqualifiable, inexcusable, et injustifiable. Et donc je voudrais avoir un mot de soutien, pas simplement un mot de soutien financier, j’étais hier à Arpajon avec la ministre des PME, Olivia GREGOIRE, et j’ai vu le désarroi complet des commerçants, leur colère parfois, et surtout, leur tristesse profonde, leur abattement, quand vous avez deux ans, cinq ans, vingt ans de travail qui partent en fumée du jour au lendemain quand on voit, j’ai vu un fromager à Arpajon, sa vitrine a été saccagée, et l’intérieur saccagé aussi, mais pourquoi ? Pour voler des fromages ! J’ai vu un cinéma à Arpajon, le cinéma a été lui aussi pillé, la vitrine cassée, le cinéma avait été refait à neuf pour les jeunes des quartiers, avec des séances à 4 euros la séance, spécialement pour les jeunes des quartiers. Ils ont détruit la vitrine, et ils ont volé quoi, des chips et des canettes de coca, tout ça est absurde et révoltant. Et donc je veux dire vraiment avec beaucoup de coeur mon soutien à tous les commerçants de France, je pense à vous. Et nous ferons le nécessaire avec les assureurs, et évidemment, sur les charges sociales et fiscales pour être à vos côtés dans les mois qui viennent.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous dites sur les charges fiscales et sociales, est-ce que vous allez juste les reporter ou est-ce que vous allez les… voilà, leur offrir, dire : attendez, on fait un vrai geste, parce que pour l’instant, c’est surtout des reports ce que vous faites, des reports de charges, des reports de PGE…

BRUNO LE MAIRE
Oui, ce sera principalement des reports, mais je le dis, là aussi…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais là, ils ont besoin de plus…

BRUNO LE MAIRE
Certains ont besoin de plus, lorsque tout votre débit de tabac a été brûlé, lorsque votre commerce ne peut pas redémarrer, nous annulerons les charges sociales et les charges fiscales.

APOLLINE DE MALHERBE
Annulées ?

BRUNO LE MAIRE
Annulées, oui, quand vous ne pouvez pas redémarrer, enfin, il y en a, il a juste la vitrine qui a été cassée, c'est très violent, c'est très dur à vivre, mais on met des plaques en bois, on reconstruit la vitrine, et on peut redémarrer dans quelques jours, il y en a d'autres, tout a été détruit, ça a été incendié, une fois encore, pour rien, dans un acte d'une violence et d'une bêtise absolument incommensurable, eh bien, ces commerçants-là, nous annulerons les charges sociales et fiscales.

APOLLINE DE MALHERBE
Et que ferez-vous pour la perte d'exploitation, c'est-à-dire pour tous ces jours où ils ne pourront plus faire de chiffre, c’est-à-dire, il n’y a plus rien qui rentre ?

BRUNO LE MAIRE
C’est là que l’annulation des charges sociales et fiscales pourra jouer, mais vous avez la moitié des commerçants qui sont couverts pour perte d'exploitation, donc ceux-là pourront faire jouer leurs assurances, et pour les autres, on regardera une fois encore au cas par cas, et j'ai rétabli dans chaque préfecture un conseiller à la sortie de crise, c'est-à-dire, une personne physique, je tiens beaucoup à ce qu’il y ait un contact physique, parce que les commerçants que j'ai vus, très souvent en larmes, ils n’ont pas besoin d'un ordinateur, ils ont besoin d'un regard en face d’eux, et une personne qui leur parle et qu'il leur explique : voilà ce que l'on va faire, voilà comment on peut vous accompagner. Donc je les invite tous à consulter le site " impots.gouv.fr ", ils trouveront le 06 du conseiller à la sortie de crise à la préfecture, et ils peuvent y aller, il y a des équipes à leur disposition.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais je voudrais bien comprendre les choses, Bruno LE MAIRE, vous nous dites ce matin que pour ceux qui sont le plus durement touchés, vous êtes prêt à annuler purement et simplement les charges, et à prendre en charge une partie de la perte d'exploitation ?

BRUNO LE MAIRE
Et nous verrons une fois encore au cas par cas, dans le cadre des conseillers à la sortie de crise ce qui doit être fait, l'annulation des charges sociales et fiscales, c'est déjà un geste très puissant, ça va aider beaucoup la trésorerie des commerçants les plus touchés, s'il y a besoin d'aide spécifique, complémentaire, sur un commerçant, ici, ou un commerçant, là, nous serons là…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne vous interdisez rien ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne m’interdis rien, parce que je pense qu’il faut bien mesurer l'état de choc dans lequel sont les commerçants qui ont été agressés, et au-delà des commerçants, tous nos compatriotes, la violence que nous avons vue depuis 5 jours a bouleversé nos compatriotes.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que les parents doivent aussi payer pour leurs enfants, cette question, elle revient notamment du côté de la droite, depuis quelques jours, est-ce qu’il faut supprimer les aides, est-ce qu’il faut supprimer les allocations, est-ce qu’il faut aussi supprimer les aides au logement pour des parents dont les enfants seraient jugés, condamnés pour ces émeutes ?

BRUNO LE MAIRE
Qu’il y ait la responsabilité des parents, bien sûr, l'un des faits saillants de ces émeutes, c'est qu'il y a eu beaucoup de jeunes mineurs, des enfants de 13, 14, 15 ans qui étaient dans la rue, qui ont saccagé, qui ont pillé. Quand vous avez des enfants, vous en êtes responsable, ce n'est pas facile quand c’est des adolescents, je le sais bien, mais vous en êtes responsable, c’est vous qui vous occupez de les soigner, de les éduquer, de les élever, c'est votre responsabilité. Et je pense qu'il est important dans ces moments troublés de rappeler des choses simples, la responsabilité des parents est d'éduquer et d'élever leurs enfants, et de veiller sur eux…

APOLLINE DE MALHERBE
Responsabilité avec des conséquences sur cette responsabilité, est-ce que, effectivement, je vous repose la question…

BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr, il faut bien qu’il y ait…

APOLLINE DE MALHERBE
Il faut supprimer les…

BRUNO LE MAIRE
Il y a des conséquences pour les parents lorsqu’ils ne respectent pas ce qui est la règle, qui est d'élever et d'éduquer leurs enfants, eh bien, ça doit avoir des conséquences pour les parents, lesquelles, il va y avoir beaucoup de propositions, moi, je ne vais pas trancher ce matin, à chaque fois, il y a des sujets juridiques et des sujets légaux, il peut y avoir aussi des sujets moraux, est-ce qu’il faut exclure du logement social, est-ce qu'il faut revenir sur les allocations familiales, tout ça doit être considéré avec beaucoup d’attention…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est des questions, mais vous n’avez pas de réponses…

BRUNO LE MAIRE
Non, parce qu’il faut avoir un débat, rien n’est si simple que ça…

APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas, vous n’êtes pas opposé à l’idée que les parents…

BRUNO LE MAIRE
Mais je ne veux surtout pas que dans la précipitation, nous prenions des mesures dont l'effet serait contraire à ce qui est recherché, prenez les allocations familiales, vous avez une femme seule, elle a 4 enfants, l'aîné a 16 ans, il a pillé, les 3 derniers sont exemplaires à l'école, vous avez 2 filles, 1 garçon, ils sont exemplaires à l'école, ils travaillent bien, ils se donnent du mal, ils font leurs devoirs le soir dans des conditions pas toujours évidentes, est-ce que c'est une bonne idée de lui supprimer les allocations familiales, parce que celui de 16 ans s'est mal comporté, je ne sais pas, il y a peut-être des solutions qui sont plus efficaces, en tout cas, je veux qu’il n’y ait aucune ambiguïté, oui, il faut engager la responsabilité des parents, mais faisons-le de manière efficace et juste.

APOLLINE DE MALHERBE
On a parlé des sous, pour rembourser les commerçants, qu'en est-il pour rembourser le service public, pour reconstruire des services publics qui n’étaient déjà quand même pas flambants, et qui se retrouvent carrément quasiment à l'arrêt, je recevais ce matin le maire d'Aulnay-sous-Bois, Bruno BESCHIZZA qui nous disait qu'il n'a plus de cuisine centrale, il ne peut plus faire de plats chauds pour les écoles, il n'est même pas sûr de pouvoir le faire à la rentrée, il a 50 voitures de la police municipale qui ont cramé, 50 véhicules qui ont cramé, il a besoin de ça tout de suite, il dit : eh bien, c'est sympa, on m'a reçu à l'Elysée hier, mais c’était de la câlinothérapie, moi, je veux des sous, je veux du sonnant et trébuchant…

BRUNO LE MAIRE
Le plus important, c’est ce que vous dites, c'est le « tout de suite », tout de suite, c'est quoi, c'est d'abord modifier les règles pour que nous puissions reconstruire les mairies qui ont été saccagées, les écoles, les bibliothèques qui ont été brûlées le plus rapidement possible, et pour ça, qu'on puisse s'affranchir des règles ordinaires qui ralentissent les travaux, avec des autorisations qui prennent des plombes, il faut que ça aille vite, le plus vite possible, donc nous allons, dès ce matin, en Conseil des ministres, examiné, à la demande du président République, les mesures, soit réglementaires, soit législatives, qui permettent de reconstruire vite, d'être aux côtés des maires, d'être aux côtés de nos concitoyens, et qu'on puisse effacer le plus vite possible la trace de ces événements, pour avoir des bâtiments publics qui soient reconstruits. Ensuite, combien ça coûtera, quelles sont les aides qui seront nécessaires, moi, ma porte est ouverte pour en discuter avec…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est le retour du quoi qu’il en coûte…

BRUNO LE MAIRE
Non, certainement pas ! J’ai vu des chiffres qui circulaient sur les commerçants, aujourd’hui, le seul chiffre…

APOLLINE DE MALHERBE
1 milliard, c’est ce que dit le MEDEF…

BRUNO LE MAIRE
Le seul chiffre officiel disponible, c’est celui de la Fédération française d’assurance, 280 millions d'euros pour les dégâts qui ont déjà été déclarés, alors, tous les sinistres ne l'ont pas été, mais je pense qu'il est important de ne pas donner le sentiment…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais au final, ce ne sera pas 1 milliard pour vous…

BRUNO LE MAIRE
Je ne sais pas combien ce sera, mais soyons prudents sur les chiffres…

APOLLINE DE MALHERBE
C’était un chiffre farfelu du MEDEF…

BRUNO LE MAIRE
Soyons prudents sur les chiffres, il n’est pas question de revenir à un quoi qu'il en coûte, il est question de soutenir chaque commerce qui a été touché, chaque maire dont les bâtiments publics ont été abîmés.

APOLLINE DE MALHERBE
Le chômage partiel, est-ce qu'il sera aussi pris en compte, il y a une partie de ceux qui travaillaient, soit dans ces bâtiments, dans ces banques, dans ces magasins ?

BRUNO LE MAIRE
Le chômage partiel sera utilisé, mais c'est le chômage partiel dans sa version classique, pas dans sa version exceptionnelle du Covid, avec un reste à charge pour les entreprises.

APOLLINE DE MALHERBE
Nous sommes le 5 juillet, Bruno LE MAIRE, et c'est donc le mois de juillet, je voudrais que vous écoutiez ce que vous disiez à ce même micro le 9 juin dernier.

BRUNO LE MAIRE
Je dis aux Français que dès le mois de juillet, sur un certain nombre de références et de produits, les prix baisseront en juillet, et nous le vérifierons et nous sanctionnons ceux qui ne jouent pas le jeu.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous la constatez, vous, la baisse de prix ?

BRUNO LE MAIRE
Comme quoi que je ne dis pas que des bêtises, parce que c’est exact, vous avez un certain nombre de prix qui ont commencé à baisser au début du mois de juillet, et ça devrait s'accélérer dans le courant du mois de juillet, je m'étais engagé à ce que l'inflation ralentisse et diminue au tournant de l'été, c'est le cas, j'ai toujours dit que pour les prix alimentaires, ce serait plus lent, et que ce serait aussi le cas, c'est le cas. Aujourd'hui, tout le monde commence à jouer le jeu, ça a été un bras de fer difficile, mais tout le monde a commencé à jouer le jeu, les distributeurs, qui ont fait oeuvre utile dès le départ avec le trimestre anti-inflation, et ensuite, les industriels, qui ont été un peu plus difficiles à convaincre, mais ils s'y sont mis. Donc vous allez avoir dans le courant du mois de juillet, ça a déjà commencé, un certain nombre de produits, je pense à la volaille, je pense aux céréales, je pense aux pâtes, je pense aux huiles, dont les prix vont commencer à baisser. Je sais bien que quand vous faites vos courses…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour l‘instant, c’est du 0,1%, ce n’est rien…

BRUNO LE MAIRE
Mais ça augmentait de 1, 2, 3% chaque mois avec des hausses qui étaient de 13, 14, 15 % par mois, par rapport aux mois de référence de 2022, là, la baisse commence, et il faut qu'elle s'accélère avec l'objectif que d'ici l'automne, nous ayons cassé cette spirale inflationniste sur les prix alimentaires.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous considérez que ça y est, l’inflation, quand même, le gros de l'inflation est derrière nous ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je ne dis pas que le gros de l’inflation est derrière nous, je dis qu'elle devait commencer à baisser à l’été, que c'était mon engagement, que cet engagement est tenu, qu'un certain nombre de prix de produits alimentaires devaient baisser, cet engagement est aussi tenu, et qu'il faut accélérer pour que ce soit visible dans le panier des consommateurs, ça, ce sera à l'automne où, vraiment, je pense que la baisse sera plus visible…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n’aurez donc pas besoin de sortir le bâton. Vous aviez menacé de faire du name and shame, comme on dit, c'est-à-dire de pointer du doigt les industriels qui ne joueraient pas le jeu…

BRUNO LE MAIRE
Il reste, je vais vous dire, je vais être très clair avec vous, il reste 4 ou 5 grands industriels, grandes multinationales qui ne jouent pas le jeu, je suis en discussion avec elles…

APOLLINE DE MALHERBE
Lesquelles ?

BRUNO LE MAIRE
Et soit, on arrive à trouver…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne direz pas lesquelles, vous dites toujours que vous allez le faire, et puis, vous ne le faites pas…

BRUNO LE MAIRE
Parce que je constate que la menace est parfois efficace, et que ce qui compte pour moi, ce n’est pas de me faire plaisir en citant des noms et en les clouant au pilori, c'est que les prix baissent pour le consommateur, donc je préfère jouer de ce levier, il y en a encore 4 ou 5 qui ne jouent pas le jeu, certains pour des raisons économiques, parce qu'ils sont dans une situation économique très difficile, ce que je peux comprendre, 1 ou 2 sans aucune raison valable, eh bien, ceux-là, soit, ils obtempèrent et ils jouent le jeu d'ici la semaine prochaine, soit, nous donnerons leur nom, et puis, les consommateurs seront libres de choisir s'ils continuent à acheter leurs produits ou non…

APOLLINE DE MALHERBE
C’est dans l’alimentaire ?

BRUNO LE MAIRE
C'est des multinationales qui ne font pas que de l'alimentaire, c’est aussi hygiène, produits de beauté et autres produits.

APOLLINE DE MALHERBE
UNILEVER, MARS ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne donne pas de nom ce matin, mais je le dis, si jamais ces 2 ou 3 multinationales qui ont les moyens de baisser les prix ne le font pas, eh bien, il faut que le consommateur le sache.

APOLLINE DE MALHERBE
D’ici la semaine prochaine, on l’a bien compris, il y a aussi cette menace de taxer, vous aviez dit, s’il le faut, j’utiliserai l'outil fiscal. Et pourquoi vous ne le faites pas, c'est-à-dire, quand on regarde le FMI, le FMI nous dit aujourd'hui que 45% de la marge, de la marge, c'est-à-dire, enfin, de ce qu'est… de cette inflation, de cette part qui a augmenté, 45% pour toute l’Union européenne, 45%, c’est dû à une augmentation du chiffre d'affaires des entreprises.

BRUNO LE MAIRE
Mais nous avons récupéré les marges excessives qui ont été faites par les producteurs d'énergie, ça nous a rapporté plusieurs milliards d'euros qui ont financé de bouclier contre l'augmentation du prix du gaz et du prix de l’électricité, donc on l’a fait…

APOLLINE DE MALHERBE
Et pourquoi vous ne feriez pas une taxe exceptionnelle, là ?

BRUNO LE MAIRE
Mais parce que je préfère que l’argent aille dans la poche du consommateur, la taxe, ça va dans ma poche, alors, je suis très content comme ministre des Finances, ça remplit les caisses de l'Etat, mais ça ne remplit pas les poches des Français, donc il est plus difficile, plus exigeant, mais dans le fond, plus juste et plus efficace pour le consommateur d'obtenir des baisses de prix ; j'ai obtenu des baisses de prix, et ces baisses de prix, elles vont dans la poche du consommateur, et moi, mon obsession, c'est le citoyen, c’est le consommateur, ce n’est pas de remplir les caisses de l'Etat avec une taxe, c'est facile de faire voter une taxe, tout le monde est pour, donc vous arrivez au Parlement, vous proposez une taxe, vous pointez du doigt les industriels, tout le monde est content, et à nouveau, la France se singularise avec des niveaux de taxes trop élevés, et le consommateur qui n'a rien vu, je pense d'abord et avant tout aux consommateurs.

APOLLINE DE MALHERBE
Une question sur le livret A, le Livret A, Bruno LE MAIRE, le taux du Livret A est aujourd'hui de 3%, et certains économistes disent qu'il pourrait atteindre 4,1%. Est-ce que vous confirmez, est-ce que c'est une perspective à laquelle vous êtes attaché ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne confirme rien du tout, je confirme juste que le gouverneur de la Banque de France me fera ses propositions en fin de semaine prochaine, donc j'examinerai les propositions du gouverneur sur le Livret A, comme ce Livret d'épargne populaire, et puis, je prendrai ma décision après les recommandations du gouverneur…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous confirmez que le Livret A restera intéressant, plus intéressant que l'inflation ?

BRUNO LE MAIRE
Le Livret A, il est intéressant aujourd'hui, ce qui est le plus intéressant, c'est de Livret d'épargne populaire, et je redis que nous avons réussi à faire augmenter de 20% le nombre de titulaires d'un Livret d'épargne populaire, mais il reste encore plusieurs millions de nos compatriotes qui pourraient avoir accès à ce Livret d'épargne populaire avec un revenu garanti de plus de 6%, c'est-à-dire maintenant très au-dessus de l'inflation, donc je dis à ces millions de nos compatriotes qui ont droit au Livret d'épargne populaire : ouvrez un Livret d'épargne populaire, il n’y a pas de meilleure protection de votre épargne. Et quant aux taux, une fois encore, j'attendrai la proposition du gouverneur.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a Carlos TAVARES, le patron de RENAULT, qui s'exprime aujourd'hui dans le journal Le Figaro, et qui a l’air de vous renvoyer dans vos buts, vous aviez dit qu'il fallait que, notamment, RENAULT relocalise la production de la voiture électrique, vous avez parlé de la vallée de l'électricité, désormais, et c'est vraiment là-dessus que vous misez beaucoup pour le renouvellement industriel de la France, sauf que lui, il dit : eh bien, non, en fait, l'Europe a déroulé le tapis rouge aux constructeurs chinois, et je veux surtout que le ministère me laisse tranquille sur ma stratégie industrielle, et décider si je veux relocaliser ou pas. Il a l’air de dire d’ailleurs qu’il ne va pas le faire.

BRUNO LE MAIRE
Nous verrons, il est bien content, par ailleurs, monsieur TAVARES comme d'autres industriels, de bénéficier des aides françaises, des bonus sur les véhicules électriques, du soutien à l'industrie française, moi, j'ai un seul point réel de désaccord avec Carlos TAVARES, quand on voit l'accélération du changement climatique, quand on voit ce qu'on a connu au mois de juin, je pense qu'il faut accélérer la bascule vers le véhicule électrique, et que la bonne stratégie économique, c'est de s'engager totalement vers le véhicule électrique. Ensuite, je sais que Carlos TAVARES est un homme de défis, et qu’il les a relevés brillamment dans sa carrière industrielle, il va continuer à construire des véhicules en France. Il construira des véhicules électriques…

APOLLINE DE MALHERBE
Continuer, oui, mais ceux dont vous espériez qu’ils allaient revenir comme la e-208…

BRUNO LE MAIRE
Non, mais il s’est engagé, il le dit très clairement, à produire des véhicules électriques haut de gamme en France, mais il y a un défi…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais, vous vouliez aussi la petite voiture…

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, je lui demande de relever ce défi, je souhaite qu'il relève ce défi de construire des petits véhicules électriques comme la e-208 en France, peut-être pas intégralement la production du e-208, mais pourquoi pas une partie. Ce que je constate, c’est que Luca de MEO chez RENAULT, construit un petit véhicule, la R5 électrique…

APOLLINE DE MALHERBE
Et pourquoi STELLANTIS ne le ferait pas ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, c’est justement la question que je pose. Et je sais une fois encore que Carlos TAVARES est un grand industriel, que c'est un homme de défis, qu'il a fait un travail exceptionnel à la tête de PSA, et maintenant à la tête de STELLANTIS, où je lui dis…

APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais là, c’est la partie où vous dites qu’il est gentil, mais la vérité, c’est qu’il vous provoque un peu…

BRUNO LE MAIRE
Mais ce n’est pas une question de gentil ou de méchant…

APOLLINE DE MALHERBE
Il vous provoque un peu, là, quand même…

BRUNO LE MAIRE
C’est juste une question de défi industriel, le défi industriel pour la France, c'est de construire, non seulement des véhicules haut de gamme, mais aussi des petits véhicules électriques, comme la e-208 sur notre territoire, moi je souhaite que Carlos TAVARES relève le gant, et relève ce défi.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous le souhaitez, mais il ne le fait pas…

BRUNO LE MAIRE
Mais nous verrons, on va continuer les discussions…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, il le dit ce matin, il dit qu’il ne le fait pas.

BRUNO LE MAIRE
Mais il ne dit pas les choses aussi clairement que cela, il dit qu’il peut faire des véhicules électriques haut de gamme en France, que c'est plus difficile pour les véhicules électriques de taille plus réduite, comme la e-208, je dis voilà, il y a un défi, mais relevons le, ensemble. Nous, nous apportons des aides, nous, nous aidons l'industrie, nous, nous essayons de favoriser l'achat de véhicules électriques sur notre territoire…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, Bruno LE MAIRE, il dit…

BRUNO LE MAIRE
Je souhaite que les industriels fassent preuve aussi tout simplement d'un peu de patriotisme économique, l'économie, c'est effectivement des comptes de résultats, ces des marges qu'il faut réaliser, mais c'est aussi un peu de patriotisme.

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, là, lui, il dit que l'Europe s'est trompée, qu'elle a tout faire envers, qu'elle a déroulé le tapis rouge aux constructeurs chinois, et qu'il ne faut donc pas s'étonner aujourd'hui qu'il n'ait pas les moyens, lui, de faire revenir la production de la PEUGEOT 208…

BRUNO LE MAIRE
Mais l’Europe a pris, mais je partage le constat sur le fait que l'Europe a pris 5 à 10 ans de retard sur le véhicule électrique par rapport à la Chine, mais regardez sur les batteries, toutes les batteries électriques étaient produites en Chine, on a réussi à rattraper notre retard grâce à l'action du président de la République et du gouvernement, on va ouvrir 4 Gigafactory produisant des batteries électriques sur le sol français, donc le défi peut être relevé, et on me disait, il y a 5 ou 6 ans : mais, abandonnez les batteries électriques, ça ne marchera jamais, nous y sommes arrivés, nous créons des emplois à Dunkerque, à Douvrin, et ailleurs ; je souhaite qu'on fasse la même chose sur le véhicule, sur les véhicules électriques haut de gamme, mais aussi sur les petits véhicules électriques.

APOLLINE DE MALHERBE
Et puisqu'on parle de voitures, il y a tous ces voitures qui ont brûlé, de nombreux propriétaires de voitures brûlées dans les émeutes qui n'étaient pas assurés pour l'incendie, pour le risque d'incendie, et qui se retrouvent sans voiture pour aller travailler, sans voiture pour emmener les enfants à l'école, qu'est-ce que vous allez faire pour eux ?

BRUNO LE MAIRE
D’abord, je redis à quel point c’est révoltant et à quel point, la première leçon à tirer de ces jours et ces nuits d'émeutes et de ces jours que nous venons de vivre, c'est le respect de l'autorité, le problème fondamental de notre nation, c'est le respect de l'autorité, l'autorité des policiers…

APOLLINE DE MALHERBE
Deux claques et au lit ?

BRUNO LE MAIRE
L’autorité de l’école, l’autorité du médecin, l’autorité des institutions, l’autorité du maire. Il faut rétablir le respect de l’autorité de notre police.

APOLLINE DE MALHERBE
Deux claques et au lit, Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
Non, ce n’est pas du tout l’expression que je reprendrais.

APOLLINE DE MALHERBE
Comme l’a dit le préfet de l’Hérault ?

BRUNO LE MAIRE
Justement, l’autorité n’a pas besoin de claques. L’autorité, elle est naturelle, elle n’a pas besoin de claques.

APOLLINE DE MALHERBE
Elle n’a pas l’air d’être naturelle. Est-ce qu’il faut trouver d’autres solutions ?

BRUNO LE MAIRE
L’autorité doit être naturelle. Quand j'étais à l'école, l'enseignant que j'avais en face de moi j'avais du respect pour lui : c'est l'autorité. Quand je rencontrais des personnalités, j'avais du respect pour ces personnalités.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça c'est un très joli tableau. Quand vous avez le maire de L’Haÿ-les-Roses qui vous dit quand un enfant tape une enseignante et qu’on le renvoie on a le père qui vient et qui crache à la figure de la directrice.

BRUNO LE MAIRE
Je rejoins entièrement ce que dit Vincent JEANBRUN qui est un ami et quelqu'un à qui j’adresse une nouvelle fois tout mon soutien à lui et à sa famille. Le respect de l'autorité ne peut pas être négociable parce qu'il n’y a pas de nation sans règles communes et sans valeurs communes.

APOLLINE DE MALHERBE
J’ai l’impression que c’est très théorique.

BRUNO LE MAIRE
Non, ça n’est pas théorique. Mais ce sur quoi il faut s'engager avec les sanctions appropriées, les moyens de faire respecter ces règles, sinon il n'y a plus de nation possible, il y a des communautés. S’il y a d'un côté les gens qui respectent les règles et les autres qui ne les respectent pas, vous n’avez plus une nation, vous avez des communautés qui sont face à face.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous dites « si », mais c'est déjà le cas.

BRUNO LE MAIRE
C'est déjà le cas dans un certain nombre de lieux du territoire et ça doit notre défi collectif, le respect de l'autorité.

APOLLINE DE MALHERBE
Et la question des voitures ?

BRUNO LE MAIRE
Je reviens aux voitures parce que c'est un sujet majeur. Vous avez 4 800 voitures qui ont brûlé, 10 à 15% des propriétaires de ces voitures ne sont pas assurés tous risques, ont uniquement une garantie au tiers. Nous allons rétablir et utiliser le fonds de garantie aux victimes avec le ministre de la Justice, Eric DUPOND-MORETTI qui permettra d'indemniser les personnes les plus modestes, ceux qui ont un revenu pour être tout à fait exact inférieur à 26 000 euros par an. Elles pourront avoir une indemnisation jusqu'à 4 600 euros pour leur véhicule.

APOLLINE DE MALHERBE
C’est toujours pareil, c’est très bien de mettre un montant mais il y a ceux qui qui bossent, qui gagnent leur vie mais pas suffisamment pour s’en sortir et juste au-dessus de ce plafond, qui n’ont plus de voitures pour aller travailler. Eux ne sont pas aidés.

BRUNO LE MAIRE
Mais il se trouve que c'est les personnes les plus modestes qui ont été touchées, que le fonds de garantie des victimes il est réservé aux personnes qui ont les revenus les plus modestes. Moi je pense tout simplement à la personne qui doit aller travailler le matin pour faire le ménage chez CARREFOUR ou ailleurs, qui doit prendre sa voiture : sa voiture a brûlé, elle se retrouve au chômage technique uniquement parce qu'elle a été l'objet d'une agression qui est inqualifiable et qui est absolument révoltante. Je souhaite qu'elle puisse être indemnisée le plus vite possible, se racheter un véhicule avec ces 4 600 euros.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous débloquerez donc ce fonds en priorité pour eux. Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie, merci d'avoir répondu à mes questions.

BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 12 juillet 2023