Interview de Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée, chargée des PME, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, à France 2 le 5 juillet 2023, sur les conséquences des émeutes sur les commerces et le tourisme en France.

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Média : France 2

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue dans les 4V, Olivia GREGOIRE.

OLIVIA GREGOIRE
Bonjour.

THOMAS SOTTO
C’est déjà l’heure des comptes et la note s’annonce salée après les émeutes urbaines de ces derniers jours. Déjà, maintenant que le calme est à peu près revenu, est-ce que vous pouvez nous dire combien de commerces, combien d’entreprises ont été touchés ou détruits lors de ces émeutes ?

OLIVIA GREGOIRE
Bien sûr. On est à un chiffre qui est assez inquiétant, un peu plus de 1 000 commerces ont été directement touchés. Alors, de façon différente, certains complètement détruits, d’autres juste la vitre ou... Mais c’est quand même un traumatisme. Pour donner une idée quand même ; il y a plus de 400 bars-tabacs qui ont été attaqués. Je vais avoir une pensée pour les buralistes ce matin ; certains sont en larmes. Je tiens à dire qu’ils sont absolument résistants ; on a déjà 160 bars-tabacs qui ont réouvert malgré les difficultés depuis la semaine dernière. On a quasiment 400 agences bancaires, 200 magasins alimentaires de la grande distribution dont ALDI que je cite parce qu’ils ont été très frappés, très touchés. On a aussi des magasins de sport, on a aussi des opticiens, des pharmaciens, commerçants indépendants, quelques centaines. On est donc là sur un bilan assez important. Certains sortent des chiffres ; j’ai entendu Geoffroy ROUX De BEZIEUX hier.

THOMAS SOTTO
Il dit, un milliard de dégâts.

OLIVIA GREGOIRE
Oui. Alors, la mission du ministre, c’est de garder le sang-froid et de parler des choses quand on a des chiffres. Au moment où je vous parle, on est encore en train de remonter un certain nombre de chiffres ; je pense par exemple, aux restaurateurs, aux hôteliers. Je travaille avec leurs organisations professionnelles depuis plusieurs jours, ils sont en train de remonter des chiffres. Une fois qu’on a les chiffres, il faut voir les montants des sinistres.

THOMAS SOTTO
Pardon mais pour dire les choses clairement, dire " un milliard de dégâts ", c’est n’importe quoi aujourd’hui ?

OLIVIA GREGOIRE
Ce n’est pas le chiffre aujourd’hui qui est validé et ce n’est pas le chiffre que nous avons ; nous sommes en train de remonter les chiffres.

THOMAS SOTTO
Il y a combien le chiffre validé pour l'instant, à date ?

OLIVIA GREGOIRE
On sera certainement sur quelques centaines de millions possiblement. Mais je rappelle quand même une évidence : plus de 90% de nos commerçants sont assurés. Ils vont être accompagnés par les assureurs, on en reparlera.

THOMAS SOTTO
On va parler des chiffres et de tous les dispositifs mis en place et des aides. Mais je voudrais juste, peut-être un petit peu, un point humain. Vous en avez rencontré pas mal de ces commerçants, dans quel état sont-ils ? Comment se relèvent-ils de ça ?

OLIVIA GREGOIRE
Pour l'instant, la plupart d'entre eux ne se relèvent pas. Ça fait sept ans que je suis engagée en politique, trois ans que je suis ministre. Ça fait trois jours que j'ai des femmes et des hommes en larmes dans les bras qui me disent" je ne sais pas, madame la ministre, si je vais rouvrir." Ils sont bouleversés, sidérés et pour certains extrêmement abattus. Ils sont d'ailleurs nombreux. J'étais sur le terrain, hier, avec Bruno LE MAIRE. J'étais aussi avant-hier dans le 15e, puisqu'à Paris dans le 15e, le quartier de Falguières a été touché. C'est la première fois que des commerçants me disent " on aurait besoin d'un peu de soutien psychologique. "

THOMAS SOTTO
De soutien psychologique ?

OLIVIA GREGOIRE
Et donc j'entends... Parce qu'avant de se relever, avant d'envoyer les papiers à l'assureur, avant d'envisager demain, il faut gérer aujourd'hui et parler de ce qu'on ressent, de la colère, parce que les commerçants sont en colère, ils sont sidérés.

THOMAS SOTTO
Pardon, mais concrètement, le Gouvernement veut mettre en place du soutien psychologique pour les commerçants ?

OLIVIA GREGOIRE
Concrètement, on a deux associations très solides dans notre pays que je salue APESA, AMAROK. J'ai demandé à ces deux associations d'être aux côtés des conseillers qui sont dans toute la France, dans les départements, qui s'appellent les conseillers à la sortie de crise. Dont je veux dire ce matin, à ceux qui nous écoutent, qu'on trouve leurs coordonnées le plus simplement du monde. Vous allez sur le site des impôts, en ce moment-même ; vous avez un fichier avec toutes les coordonnées des conseillers départementaux à la sortie de crise, dont leur téléphone portable, ce n'est pas une boîte vocale. Vous êtes un commerçant, vous sentez que vous êtes à bout, vous n’avez plus de force, vous êtes en colère, ça ne va pas. On a le droit de ne pas aller dans ces moments-là ; on appelle son conseil départemental à la sortie de crise. On peut avoir un accompagnement psychologique par des psys.

THOMAS SOTTO
Gratuit ? Pris en charge par l’Etat ?

OLIVIA GREGOIRE
Gratuit, grâce à ces deux associations qui sont mobilisées notamment dans les trois régions qui ont été très touchées : l'Ile-de-France, Auvergne Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur.

THOMAS SOTTO
Olivia GREGOIRE, ils ont besoin d'être aidés aussi financièrement. Quelles mesures de soutien pouvez-vous leur annoncer, ce matin, à tous ces commerçants ?

OLIVIA GREGOIRE
Alors, nous avons dès vendredi, dès samedi, reçu les assureurs, reçu les banquiers ; on a demandé deux choses : d'abord de la simplicité, mais aussi de la réactivité. Donc on a obtenu, des assureurs, trois choses importantes : j'ai demandé par exemple que le délai de déclaration qui est normalement de cinq jours quand on a un sinistre (et vous imaginez le stress, on l'a tous eu, il y a le problème à gérer) parfois on appelle le sixième jour et badaboum, on ne peut pas être indemnisé. Je remercie les assureurs qui ont accepté notre demande avec Bruno LE MAIRE ; on passe de 5 à 30 jours pour le délai de la déclaration.

THOMAS SOTTO
Ça s’est acté ?

OLIVIA GREGOIRE
Vous avez, donc depuis le moment du sinistre, 30 jours pour déclarer. Je veux quand même dire que le plus tôt est le mieux parce que le plus tôt vous déclarez, le plutôt vous êtes indemnisé. Deux, on a obtenu aussi que pour les commerçants indépendants les plus touchés, les franchises soient abaissées ; c'est obtenu. Troisièmement, on a aussi…

THOMAS SOTTO
Dans quelle proportion ? On le sait ça ou pas ?

OLIVIA GREGOIRE
Ce sera au cas par cas.

THOMAS SOTTO
Au cas par cas.

OLIVIA GREGOIRE
Donc je ne tire pas de moyenne. Ce qui est certain, c'est qu'il va y avoir une attention toute particulière aux commerçants indépendants qui n’ont pas les reins solides.

THOMAS SOTTO
Des annulations de charge ?

OLIVIA GREGOIRE
Alors troisième chose juste, une rapidité d'indemnisation. C'est aussi un engagement pris par les assureurs que je veux remercier. En parallèle de ça, Bruno LE MAIRE et moi-même avons annoncé et depuis quelques jours qu'on pouvait, en appelant son conseiller départemental à la sortie de crise dont les coordonnées, je le redis, sont sur impôts…

THOMAS SOTTO
Ça, vous l’avez déjà dit, c’est sur le site, oui.

OLIVIA GREGOIRE
Oui, mais parfois il faut répéter pour que ça passe bien : impots.gouv.fr. Vous avez la liste, vous pouvez étaler votre dette fiscale ou sociale. Et dans les cas les plus sérieux de commerçants qui auraient été très touchés, nous envisageons - au cas par cas, là aussi - des annulations de charges pour qu'ils retrouvent de la respiration.

THOMAS SOTTO
Les soldes ; certains demandent que les soldes soient peut-être un peu allongées. Aujourd'hui, elles sont prévues, pratiquement dans tout le pays, jusqu'au 28 juillet. Est-ce que cette demande-là, vous l'entendez ou pas ?

OLIVIA GREGOIRE
Jusqu’au 25 juillet parce que ça a été voté dans la loi PACTE il y a quelques années. En gros, ça démarre au tout début le 1er mercredi de juillet. La réalité, et les commerçants nous le disent, c'est que les deux premiers week-ends sont hyper importants pour les soldes.

THOMAS SOTTO
Donc le premier, c'est mort déjà.

OLIVIA GREGOIRE
Voilà, vous l’avez très bien dit : le premier, c'est mal parti. Le deuxième, on va se rattraper. Donc je vous annonce ce matin qu'à la demande des commerçants et j'ai proposé à la Première ministre et au Président, nous allons permettre aux commerçants qui le souhaitent d'ouvrir ce dimanche.

THOMAS SOTTO
Donc tous ceux qui veulent pourront ouvrir ce dimanche ?

OLIVIA GREGOIRE
Les préfets sont informés dans quelques minutes dans le cadre de la CIC, la cellule de crise. Ils vont recevoir une instruction pour que tous les commerçants qui souhaitent ouvrir ce dimanche, puissent le faire pour se rattraper notamment du week-end passé. J'ajoute aussi ce matin, qu'à la suite de la demande des commerçants, et je pense que c'est plutôt une bonne idée, nous allons prolonger d'une semaine les soldes jusqu'au 1er août. Les soldes ne s'arrêteront donc pas le 25 juillet mais le 1er août. Deux annonces, ce matin, pour soutenir aussi l'activité de nos commerçants. Après j'ai envie de dire quelque chose de tout simple : profitons-en pour faire les courses chez nos commerçants de proximité ce week-end. N'hésitez pas à aller faire vos soldes…

THOMAS SOTTO
Plutôt que sur Internet ? Vous dites allons aux magasins ?

OLIVIA GREGOIRE
Plutôt que n'importe où ailleurs. Ils ont besoin de leurs clients, ils ont besoin de soutien et ils ont besoin qu'on les soutienne pendant ces soldes.

THOMAS SOTTO
Une prise en charge par l'Etat du chômage partiel dans certains cas est-il envisagé et envisageable ?

OLIVIA GREGOIRE
Oui, les entreprises détruites ou empêchées de fonctionner parce qu'il y a eu un couvre-feu, parce qu'il n’y avait pas transport, ont le droit au chômage partiel. Et pour en bénéficier, là aussi, le même interlocuteur, vous en parlez à votre conseiller départemental à la sortie de crise. Olivier DUSSOPT a aménagé ce chômage partiel pour accompagner les entreprises frappées.

THOMAS SOTTO
Olivia GREGOIRE, vous vous occupez aussi du Tourisme. On s'interroge sur l'impact de ces émeutes sur le tourisme. Est-ce que vous notez déjà des annulations importantes ? On entend, çà et là, des chiffres impressionnants.

OLIVIA GREGOIRE
Çà et là, on entend beaucoup d’âneries. Le tourisme va bien. D'abord, le tourisme repartait formidablement. Je vais être extrêmement claire ce matin, nous n'avons pas de vague d'annulations, de vague de départs anticipés. J'ai fait le tour de l'ensemble des plateformes.

THOMAS SOTTO
Pardon mais quand le patron de l'Office de tourisme de Paris affirme que 20 à 25% des touristes étrangers auraient annulé leur séjour dans la capitale prévu début juillet.

OLIVIA GREGOIRE
Alors, monsieur, j’ai eu le plaisir d'échanger avec lui ; c'est un grand spécialiste, Jean-François RIAL qui…

THOMAS SOTTO
Il dit n'importe quoi ?

OLIVIA GREGOIRE
Non, on n’est est pas comme ça, à 7h48, je ne dis pas ça. Mais il a d'ailleurs corrigé lui-même, je crois que c'est un tweet, il a corrigé son tweet en disant qu'ils ne parlaient que de son voyagiste à lui et qu'en l'occurrence, les chiffres n'étaient pas de cette ampleur. Donc moi j'ai envie de dire entre tout ça…

THOMAS SOTTO
C’est quoi les chiffres à peu près ? Qu'est-ce que vous avez comme premières remontées ?

OLIVIA GREGOIRE
On a des remontées qui sont infinitésimales. On est à moins de 0,5% peut-être de frémissement, donc aucune leçon ne peut être tirée. Deuxièmement, malheureusement, je crois aux prophéties auto-réalisatrices, donc il est important que les acteurs du tourisme ne prêchent pas le pire parce que souvent, le pire advient. Nous avons eu ces émeutes, nous n'avons pas, ni dans les vols chez AIR France, ni chez les hôteliers, d'effondrement, ni des réservations, ni de départs anticipés. On va tenir et il ne faut pas rajouter des problèmes aux problèmes.

THOMAS SOTTO
Donc la saison n'est pas par terre ?

OLIVIA GREGOIRE
Mais la saison n'est pas par terre. Et je pense même, je vais vous dire, j'aurai l'occasion de revenir vous voir, que la saison sera belle. Nos hôteliers et nos restaurateurs sont prêts. Et je pense que les touristes seront là.

THOMAS SOTTO
Je vais vous montrer la Une de La Dépêche du Midi " Le monde ne nous reconnaît plus. " Vous savez qu'il y a des images qui ont circulé en boucle comme souvent sur ce qui s'est passé, sur ces émeutes : des images impressionnantes, des images qui peuvent être affolantes. Quel message vous faites passer par exemple aux Américains ou aux Britanniques qui déconseillent quasiment leurs ressortissants de venir en France, qui disaient " oubliez, oubliez la Coupe du monde, oubliez les JO, oubliez la France. " ?

OLIVIA GREGOIRE
Alors, déjà nous sommes plusieurs. Bruno LE MAIRE était sur CNN hier soir ; je serai sur Al-Jazeera ce soir. Je pense qu'il est important d'informer. Vous savez, dans ces crises, on a déjà connu et d'autres pays du monde aussi en ont connu, on n’est pas les seuls à connaître des émeutes. Il faut donner des chiffres et informer. Donc on a à cœur d'informer sur la réalité de la situation, le retour au calme, le fait que nous gérons les choses. Et c'est vrai que ces images ont été terribles ; il est important que les ministres, si je puis dire, montent au créneau et les acteurs du tourisme aussi pour calmer le diagnostic et pour faire en sorte qu'on fasse passer les informations de retour au calme et de maintien de l'ordre.

THOMAS SOTTO
Autre sujet pour finir, c'est une préoccupation quotidienne des Français, c'est évidemment le coût de la vie. L'inflation était de 4,5% en mai ; est-ce que déjà on a une indication pour juin ou pas ?

OLIVIA GREGOIRE
Oui, on a une indication et merci de poser la question parce que dans l'actualité, elle est passée un peu discrètement. Ne nous privons pas d'une nouvelle encourageante. On est en deçà de 14%, on est à 13,6% d'inflation alimentaire au mois de juin ; on était à plus de 15 au mois d'avril. Donc la décrue de l'inflation alimentaire a commencé, on est à 4,5 d'inflation globale, on était à plus de 5. La décrue a commencé, les prix commencent à baisser et dans les supermarchés...

THOMAS SOTTO
Quand est-ce qu'on le sentira vraiment dans les magasins ?

OLIVIA GREGOIRE
Là, ça va commencer à partir de cette semaine. Depuis le 1er juillet, de nouveaux prix sont indiqués à la suite des renégociations commerciales.

THOMAS SOTTO
Ça tarde quand même, ça rechigne. Vous qui vous êtes beaucoup battu pour le panier anti-inflation.

OLIVIA GREGOIRE
Non, ce n'est pas que ça tarde, c’est que comme toujours…

THOMAS SOTTO
Ça ne vous agace pas quand même que les prix restent élevés ?

OLIVIA GREGOIRE
Je ne m'agace pas pour... J'essaye de ne plus m'agacer ; je le conseille à tous ceux qui nous écoutent. Ce qui est important c'est que les hausses n'ont pas été plus 15% du jour au lendemain ; les hausses ont été, comme on dit, par escalier, par paliers. Et donc les baisses sont aussi par paliers de 5 – 10%

THOMAS SOTTO
Mais là ça va s'accélérer parce qu'on est au bout ?

OLIVIA GREGOIRE
Là, vous allez en voir sur beaucoup plus de produits dès le mois de juillet. Ça va concerner du snacking, ça va concerner des gâteaux, ça va conserver... Pour l'instant, on était un peu sur l'huile et les pâtes ; là, c'est en train, si je puis dire, de faire tache d'huile sur les gâteaux, sur le snacking, sur les blancs de poulet, sur la volaille ; les prix sont en train de baisser.

THOMAS SOTTO
Merci Olivia GREGOIRE d’être venue dans " Les 4V ". Je rappelle ce que vous annoncez ce matin, donc les magasins qui le veulent peuvent ouvrir dimanche et ce week-end sans problème, et la prolongation des soldes d'une semaine qui vont donc durer, ces soldes, jusqu'au 1er août. Merci d’être venue et bonne journée à vous.

OLIVIA GREGOIRE
Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 12 juillet 2023