Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur le projet de loi industrie verte, à l'Assemblée nationale le 17 juillet 2023.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Présentation du projet de loi industrie verte à l'Assemblée nationale

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame, Messieurs et rapporteurs,
Monsieur le ministre, cher Roland Lescure,
Mesdames et Messieurs les députés,


Nous sommes très heureux, avec Roland Lescure, de vous présenter, aujourd'hui, ce projet de loi pour une industrie verte.

Le 4 septembre 1958, place de la République, le général de Gaulle affirmait : “la nécessité de rénover l'industrie nous pousse à être dynamiques et expéditifs”.

Voilà exactement ce que nous vous proposons avec ce projet de loi Industrie verte : être dynamiques et expéditifs pour réindustrialiser la France et décarboner - sans délai - notre industrie nationale.

En 1958, le choix économique se posait en des termes simples : reconstruire ou périr. La France a fait le choix, à l'époque, de la reconstruction : elle a bâti, elle a innové, elle a électrifié. Elle a créé une filière de centrales nucléaires et elle a gagné la bataille économique.

En 2023, je le reconnais bien volontiers, le choix se pose dans des termes plus complexes : reconstruire notre industrie sans périr. Car au défi de la réindustrialisation, défi économique vital, s'ajoute le défi de la décarbonation de notre économie, qui est un défi vital tout court.

Pour répondre à ce défi, il y a deux options possibles dont nous allons débattre tout au long de nos échanges. La décroissance de la production ou la décarbonation de la croissance.

Notre choix, avec la majorité, est fait. Nous voulons résolument faire le choix de la décarbonation de la croissance et nous refusons tout aussi résolument le choix de la décroissance qui conduirait à l'appauvrissement des Français et à l'appauvrissement de notre nation. Le choix d'une décarbonation de la croissance conjugue la lutte contre le réchauffement climatique et l'innovation, le climat et la prospérité, la réduction des émissions et l'industrie.

Pourquoi est-ce que nous faisons ce choix de la décarbonation de notre croissance ? Nous le faisons pour 3 raisons.

La première, c'est tout simplement l'avenir de notre nation. Nous voulons que la nation française reste une nation de production qui conserve et développe une production manufacturière à haute valeur ajoutée dans les décennies qui viennent.

Inutile de nous attarder trop longtemps sur le suicide économique de la désindustrialisation. Ce suicide économique, qui a été commis au cours des quatre dernières décennies, qui est le produit d'une nation qui renonce à elle-même, d'une nation qui se trahit, d'une nation qui a détruit 2 millions d'emplois industriels et bafoué sa culture ouvrière. Triste bilan d'une triste politique ou plutôt d'une absence de politique.

Je préfère, avec les députés de la majorité, insister sur le succès de notre réindustrialisation que nous avons engagée avec le président de la République depuis 2017, en nous affranchissant d'un certain nombre de tabous comme la fiscalité du capital. Nous avons abaissé la fiscalité du capital tout simplement parce qu'il n'y a pas d’industrie sans capital et qu'il n'y a pas de développement industriel sans fiscalité favorable pour le capital.

Nous avons, depuis 2017, et dans les deux dernières années, créé près de 100 000 emplois industriels, ouvert 300 usines, développé des investissements industriels massifs à Crolles, à Dunkerque, à Douvrin, partout ailleurs sur le territoire. C'est le résultat de votre politique, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, et vous pouvez en être fiers.

Nous le faisons pour une deuxième raison, qui est l'emploi. Nous voulons que la France crée des emplois qualifiés et des emplois bien rémunérés, c’est-à-dire des emplois industriels.

L'industrie en France doit retrouver ses lettres de noblesse et l'ouvrier ses titres de gloire. Dans l'électricité, dans la chimie, dans l'automobile, dans l'aéronautique, dans le luxe ou dans le médicament, ouvriers et ingénieurs doivent occuper désormais une place centrale dans notre économie, une place qu'ils ont toujours occupée et qu'ils n'auraient jamais dû perdre au cours des quatre dernières décennies.

La troisième raison pour laquelle nous voulons engager la décarbonation de notre économie, c'est tout simplement pour le climat.

Et je voudrais combattre ici un raisonnement rapide et, comme beaucoup de raisonnements rapides, un raisonnement faux : produire moins en France, ce serait polluer moins. Ce serait donc préserver la planète. C'est l'exact contraire, car la France, je le rappelle, émet de 2 à 5 fois moins de CO2 par unité produite sur notre territoire que ses grands partenaires économiques. Là où nous émettons 100 tonnes de CO2 par million de PIB produit, c'est 229 aux Etats-Unis et c'est 500 en Chine.

À chaque fois que nous délocalisons, nous réimportons des produits qui sont lourdement carbonés. À chaque fois que nous produisons en France, nous décarbonons notre économie et nous décarbonons la planète. C'est bien la raison principale pour laquelle il faut accélérer le développement de l'industrie verte sur notre territoire comme nous vous le proposons : produire plus en France, c'est produire mieux. Et c'est exactement ce que vous propose ce projet de loi.

Alors, comment allons-nous faire ? Il y a dans cette loi sur l'industrie verte deux objets principaux.

Le premier, c'est de décarboner l'industrie existante. Car on ne construira pas l'industrie de demain sur les ruines de l'industrie d'hier. C'est tout le contraire. Les grands sites industriels de Fos, de Dunkerque, de Crolles et d'ailleurs ont besoin de se décarboner et d'être accompagnés dans leur décarbonation.

Il n’est pas question de les laisser tomber, il est question au contraire de les accompagner et de les soutenir dans leur décarbonation.

Le deuxième objectif, c’est d’investir dans 5 technologies clés choisies, mesurées : l’hydrogène vert, les pompes à chaleur, les batteries électriques, l’éolien et les panneaux photovoltaïques. Ce sont toutes les technologies vertes d’aujourd’hui et de demain qui nous permettront d’être aux avant-postes de l’industrie du XXIe siècle.

Quels instruments est-ce que nous allons vous proposer dans ce projet de loi industrie verte ?

Je laisserai à Roland Lescure le soin de présenter les détails du projet de loi.

Mais je voudrais juste, pour terminer, insister sur 3 principes nouveaux et fondamentaux qui brisent certains tabous, qui brisent certaines habitudes ou qui reviennent sur une certaine paresse politique.

Premier principe : l'impôt n'est pas la solution. Et pour financer la décarbonation et l'investissement industriel, ce n'est certainement pas en augmentant les impôts que nous réussirons à accélérer la décarbonation de notre économie.

Au contraire, pour financer la transition écologique, il faut inventer de nouveaux modes de financement qui passent par les normes, par le signal prix et par l'épargne. La norme “Triple E” qui vous est proposée dans ce projet de loi permettra d'inciter, justement, à la décarbonation des entreprises.

Quant à l'épargne, le produit d'épargne vert que nous vous proposons, le Plan d'Epargne Avenir Climat, nous permettra précisément de lever 1 milliard d'euros pour financer la transition climatique et l'industrie verte. Je rappelle qu'il y a, en France, 5 800 milliards d'euros d'épargne financière des ménages français. Il me semble qu'une petite partie d'entre elle pourrait être redistribuée, à bon escient, vers la décarbonation de notre économie sans qu'il soit besoin de créer un ISF vert ou je ne sais trop quel impôt ou je ne sais trop quel prélèvement supplémentaire dans un pays qui a déjà le record du monde des prélèvements obligatoires de tous les pays développés.

Deuxième principe : la vitesse est clé. On ne peut pas dire qu'il y a urgence climatique d'un côté et ralentir de l'autre côté la réalisation de projets qui permettent de décarboner notre industrie et d'accélérer la transition climatique. Nous vous proposerons donc d'accélérer les procédures.

Le troisième principe auquel je tiens beaucoup, c'est celui de la préférence européenne et de la préférence accordée aux contenus européens. Là aussi, les choses sont simples : plus il y a de contenus européens dans un produit industriel, moins il y a de CO2. Il me semble donc que les bonus sur les véhicules électriques, et que même tous les avantages fiscaux devraient d'abord être réservés à des produits à contenus européens, c'est-à-dire des produits à contenus décarbonés. Et je souhaite que cette évidence nationale devienne demain une évidence européenne.

Voilà les grands éléments de ce projet de loi industrie verte que nous allons examiner aujourd'hui. Je me réjouis que vous soyez venus nombreux cet après-midi. Je ne doute pas que vous serez encore plus nombreux dans les heures qui viennent. L'Industrie française le mérite, la transition climatique encore plus.


Merci à tous.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 18 juillet 2023