Interview de Mme Sonia Backès, secrétaire d'État, chargée de la citoyenneté, à RMC le 13 juillet 2023, sur la lutte contre les dérives sectaires.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Sonia BACKES. Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes secrétaire d'État en charge de la Citoyenneté, vous faites de la lutte contre les dérives sectaires une priorité et vous avez des annonces à nous faire ce matin sur RMC. (…)

Intervention de Guillaume BIET, journaliste police justice

APOLLINE DE MALHERBE
Sonia BACKES, je reviens avec vous, vous qui êtes donc la secrétaire d'État en charge de la citoyenneté et qui avez en charge cette lutte contre les dérives sectaires. Vous venez d'entendre cette enquête, vous dévoilez ce matin sur RMC plusieurs mesures pour lutter précisément contre des dérives sectaires et il y a un point en particulier sur lequel il est parfois difficile de réussir à avoir prise, c'est l'emprise. Comment on fait et quelles sont les mesures ?

SONIA BACKES
Exactement. Donc en fait, l'affaire que vous avez présentée illustre parfaitement bien toutes les difficultés qu'on a sur ces affaires. C'est-à-dire que d'abord, comment on fait pour empêcher les victimes de rentrer ? On voit bien que là, on passe par la psychanalyse, par une forme de spiritualité psychanalytique, enfin des choses un peu étranges. Et en fait tout ça, il n'y a pas de filtre, donc y a une première partie de notre réponse qui doit être comment on fait pour empêcher ces personnes-là de s'afficher psychanalyste, etc.

APOLLINE DE MALHERBE
Psychanalyste, catholique, psychologue alors qu'ils ne le sont pas.

SONIA BACKES
Ça, c'est la première partie, c'est une des premières réponses. Ensuite on a la question, vous voyez, que là on travaille sur l'abus de faiblesse lié à la suggestion. Là, on va passer à des outils plus forts de dire la suggestion, le fait même de mettre quelqu'un sous emprise est un délit. Et ça va être important, ça va donner des outils aux enquêteurs, ça va donner des outils aux juges. Là vous voyez bien, c'est une affaire qui dure depuis 44 ans. Depuis 44 ans, on sait qu'il y a des choses. La Miviludes, qui est l'organisme de l'État qui maîtrise le sujet des sectes, alerté à plusieurs reprises mais il n'y avait pas les outils. Donc l'idée c'est la stratégie nationale que nous sommes en train de présenter répond aux différentes problématiques qu'on a identifiées, notamment dans le cadre de cette affaire, mais dans le cadre de toutes les affaires.

APOLLINE DE MALHERBE
On a l'impression qu'en ce moment, le secteur de la santé est particulièrement touché par ce genre de dérive. Là, il s'affichait pseudo psy, d'autres vont dire être médecin et guérir avec les plantes. En réalité, il y a beaucoup de charlatans qui prolifèrent sur Internet, qui disent justement se méfier à la fois des vaccins, de tout cela. Comment on fait pour distinguer ? Comment est-ce qu'on fait justement pour mettre des garde-fous pour que ces dérives, qui s'apparentent de plus en plus à une forme de secte et d'emprise, soient vraiment, vraiment stoppées ?

SONIA BACKES
L'une des actions très importantes que nous menons avec le ministère de la Santé, c'est d'avoir un tri en fait de tous ces praticiens. Vous savez, on a fait déférencer 6 000 personnes de Doctolib l'année dernière parce que, alors c'est selon, naturopathe psychologique, quantique. Enfin, il y a des trucs particulièrement étranges parfois. L'idée, c'est comment on fait le tri. Il y en a qui, finalement, ne posent pas de problèmes. Il y en a qui simplement vont vous dire : en plus de votre traitement médical, buvez des jus de légumes. Ça ne pose pas de problèmes. La problématique se pose quand on finit par remplacer la médecine par…

APOLLINE DE MALHERBE
De dire " arrêtez votre traitement médical et le jus de légumes, etc. "

SONIA BACKES
Exactement. Et là, d'une part on va déréférencer, alerter, le ministère de la Santé va mettre des systèmes d'alerte sur leurs différents outils pour dire : " attention, n'allez pas voir ce praticien-là ", et ensuite on crée dans le projet de loi qui va être présenté à la rentrée, un délit d'encourager les personnes à arrêter leur traitement médical, ce qu'on n'avait pas jusqu'à présent. Ce sont des outils qu'on n'avait pas du tout.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c'est un nouveau délit.

SONIA BACKES
Oui, tout à fait.

APOLLINE DE MALHERBE
Délit d'encourager. Comment il va s'appeler ? Délit d'encourager…

SONIA BACKES
Les personnes à arrêter un traitement médical.

APOLLINE DE MALHERBE
À arrêter un traitement médical.

SONIA BACKES
C'est Thierry CASASNOVAS qui a été mis en examen, vous le savez.

APOLLINE DE MALHERBE
On s'en souvient très bien.

SONIA BACKES
Mais sur la base d'autres délits, donc là on a clairement un délit qui qui n'existait pas. Et vous l'avez dit, ç'a évolué post-Covid : on a une relation à la science, à la médecine qui a évolué et donc il faut qu'on apporte des réponses.

APOLLINE DE MALHERBE
Les réseaux sociaux ont un rôle ? Est-ce qu'il faut là aussi créer de nouveaux garde-fous ?

SONIA BACKES
Les réseaux sociaux ont un rôle absolument essentiel. On le voit bien, c'est maintenant l'outil de diffusion. Avant les organisations à caractère sectaire recrutaient dans la rue, aujourd'hui elles recrutent sur les réseaux sociaux, donc il y a plusieurs parties. Il y a une partie dans le projet de loi pour justement contraindre les plateformes à supprimer les contenus les plus dangereux, à supprimer les comptes des personnes les plus dangereuses. Et puis après, il y a toute une partie conventionnelle, c'est-à-dire comment on fait pour que, quand la Miviludes alerte finalement les plateformes sur un contenu, sur une personne, ce contenu soit enlevé.

APOLLINE DE MALHERBE
Et de manière efficace et rapide. Qu'est-ce que vous pouvez dire à ceux qui nous écoutent, qui parfois sont sous emprise, s'ils se réveillent ? Est-ce que vraiment ils peuvent frapper à la porte des commissariats ? Est-ce que vraiment ils trouveront une écoute attentive ?

SONIA BACKES
Oui, alors ils peuvent surtout frapper à la porte des associations qui sont très présentes sur le terrain. Dans notre plan, il y a aussi la formation des policiers et des gendarmes qui aujourd'hui n'ont pas forcément les outils. Mais d'abord ce que je veux dire, c'est attention parce que les dérives sectaires ne se présentent pas sous une forme qu'on imagine. Ce n'est plus le temple solaire, ce n'est plus des gens avec des grandes toges blanches et un chapeau pointu. Non, c'est un psychanalyste, c'est un naturopathe, c'est quelqu'un qui tout simplement vous dit : j'ai une solution…

APOLLINE DE MALHERBE
Voilà, qui va prétendre. Où même un religieux qui va prétendre être là pour s'occuper de votre spiritualité.

SONIA BACKES
Pour l'instant qui vous propose des solutions magiques, a priori ça ne fonctionne pas.

APOLLINE DE MALHERBE
Les solutions magiques n'existent pas en réalité. Sinon, ça fait bien longtemps que la vie serait autrement. Et donc quand on vous propose une solution magique, c'est toujours un peu louche. En tout cas, il faut avoir cette vigilance. Et puis vous créez donc cet outil, vous nous le dites ce matin, le délit d'encouragement à arrêter son traitement médical. Merci Sonia BACKES d'être venue l'annoncer sur RMC ce matin.

SONIA BACKES
Merci.

APOLLINE DE MALHERBE
Je rappelle que vous êtes secrétaire d'État en charge de la Citoyenneté.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 juillet 2023