Texte intégral
Interventions de M. Olivier Dussopt,
ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion
et de M. Jean-Christophe Combe,
ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour le plein emploi (projet de loi n° 710, texte de la commission n° 802, rapport n° 801).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat que nous engageons aujourd'hui sur ce projet de loi pour le plein emploi nous donne la possibilité de tordre le cou à trois idées reçues.
Non, nous n'avons pas tout essayé pour lutter contre le chômage. Au contraire, nous pouvons encore développer et mobiliser de nouvelles politiques d'accompagnement et de retour à l'emploi.
Non, le chômage de masse n'est pas une fatalité pour notre pays. Depuis maintenant quelques années, nous constatons que le chômage baisse et il peut continuer à baisser. L'objectif de plein emploi est atteignable.
Je veux enfin tordre le cou à l'idée selon laquelle le plein emploi dans notre pays serait une utopie. Aujourd'hui, tout démontre que cet objectif peut être atteint pour peu que nous mettions en place les bonnes politiques en matière de développement économique et d'emploi.
Je suis donc très heureux, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous présenter ce projet de loi pour le plein emploi. Un projet de loi qui veut faire la preuve que personne n'est inemployable, que tous les demandeurs d'emploi doivent être accompagnés, que les personnes en situation de handicap à la recherche d'un emploi sont avant tout des personnes qui cherchent un emploi et que nous devons accompagner en conséquence.
C'est aussi un projet de loi qui permettra au marché du travail d'inclure ceux qui en sont le plus éloignés aujourd'hui, ceux-là mêmes qui, pendant des décennies, ont été relégués au second rang par la fatalité du chômage de masse.
C'est enfin un projet de loi qui, fidèle à l'ambition fondamentale de la majorité présidentielle depuis six ans, tend à lutter contre les assignations à résidence, à permettre des mobilités professionnelles et à promouvoir des logiques de parcours et d'émancipation.
Vous le savez, ce texte complète la série des réformes menées depuis 2017 pour libérer le potentiel de croissance et d'emploi dans notre pays.
Nous avons d'ores et déjà voulu faciliter l'accès des jeunes à l'emploi, avec la réforme de l'apprentissage, avec le contrat d'engagement jeune ou encore avec l'engagement de la réforme du lycée professionnel.
Nous avons également souhaité mettre en place des règles plus incitatives pour le retour à l'emploi – tel est l'objet de la loi, promulguée au mois de décembre dernier, portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, qui réforme l'assurance chômage.
Nous voulons continuer d'augmenter le taux d'emploi des seniors et le nombre de personnes en emploi – c'est une des raisons qui nous ont amenés à conduire la réforme des retraites, il y a quelques semaines.
Ces réformes nous ont plus que jamais rapprochés du plein emploi. En effet, qui aurait pu imaginer, il y a quelques années encore, que nous enregistrerions aujourd'hui le taux de chômage le plus faible que notre pays ait connu depuis quarante ans et que le taux d'emploi serait le plus fort depuis que celui-ci est mesuré, soit depuis 1975 ? Le taux d'emploi a en effet atteint 68,6 %, ce qui est un record depuis la création de l'indicateur.
Nous observons par ailleurs une augmentation très significative du taux d'emploi des jeunes comme du taux d'emploi des seniors.
Cela s'explique à la fois par le retour à l'emploi de beaucoup d'entre eux, par les politiques d'accompagnement et par les politiques d'inclusion que nous avons menées, et qui ont par exemple permis, en l'espace d'un an, de faire baisser de 15 % à 12 % le taux de chômage des personnes en situation de handicap.
En somme, nous sommes plus proches que jamais d'atteindre l'objectif de 5 % de chômage dans notre pays.
Il nous a fallu beaucoup de travail et beaucoup d'efforts pour sortir d'une forme de déni collectif, d'inaction et d'un manque de détermination qui a pu conduire à se satisfaire d'une situation de chômage de masse aussi durable.
Si les résultats qui sont déjà atteints nous réjouissent, ils nous interpellent et nous obligent.
Comme je l'indiquais, le plein emploi est plus que jamais un objectif atteignable. Il nous faut créer un peu plus de 700 000 nouveaux emplois pour y parvenir, alors que l'économie française a d'ores et déjà créé 1,7 million d'emplois.
Nous devons toutefois faire face à de nouveaux enjeux.
En effet, le défi est non plus seulement de faire baisser les chiffres du chômage et de remettre en emploi ceux qui en étaient très proches, mais de tenir deux objectifs complémentaires et qui prennent une acuité nouvelle.
Notre première ambition est de permettre aux personnes les plus fragiles qui sont sorties de l'emploi depuis longtemps de trouver ou de retrouver un emploi. Le plein emploi est en effet par essence le plein emploi pour tous et partout.
La seconde ambition que je vous propose de partager, mesdames, messieurs les sénateurs, est de faire en sorte que les entreprises ne peinent plus à recruter alors même que notre pays compte encore de nombreuses personnes au chômage qui cherchent activement un emploi.
Vous le mesurez tous dans vos départements : les entreprises manquent, non pas d'activité, mais de main-d'œuvre. Nous devons apporter une réponse à ces difficultés de recrutement. Nous devons aller plus loin que les mesures qui ont été mises en œuvre pour réduire ces difficultés et ces tensions de recrutement.
Cela passe par la rénovation du service public de l'emploi, qui est l'objet du projet France Travail.
Celui-ci s'appuie sur un constat assez simple : notre pays a un problème d'efficacité de son service public de l'emploi. Ce n'est pas lié à l'investissement de celles et ceux qui le font vivre, mais à sa complexité, à son atomisation, à son manque d'intelligibilité ou alors au manque de coordination qui crée des parcours trop hachés et qui ne répondent pas suffisamment aux besoins des entreprises.
Pour les travailleurs en situation de handicap, le parcours d'orientation vers l'emploi est complexe, trop souvent impersonnel, et donc, source d'incompréhension et de déception. Tel est l'objet du titre III du présent projet de loi.
Notre objectif est donc de mieux coordonner les acteurs du service public de l'emploi et d'améliorer l'accompagnement des entreprises et des personnes.
Avant de revenir sur les trois principaux objectifs de ce projet de loi, je tiens à rappeler que celui-ci est avant tout le fruit d'une méthode de concertation avec l'ensemble des acteurs.
J'ai confié, en septembre dernier, une mission de concertation et de préfiguration à Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises. Le rapport qu'il m'a remis le 17 avril dernier, au terme d'une très large concertation, traduit l'essentiel des principes relevés par la mission et rendus consensuels par la concertation. Nous avons repris ces principes dans le projet de loi que nous vous présentons, mesdames, messieurs les sénateurs.
Une concertation relative à l'emploi des personnes en situation de handicap a également été menée.
Le Président de la République a réuni une Conférence nationale du handicap (CNH) le 26 avril dernier. Les mesures en faveur de l'emploi des personnes handicapées qui ont été proposées dans ce cadre sont également issues d'une large concertation.
Chacune des mesures que je défendrai devant vous a été présentée à l'occasion des travaux des vingt-cinq groupes de travail réunis par mon ministère dans le cadre de la préparation de la CNH.
Au travers de ce projet de loi, nous ouvrons plusieurs chantiers.
Le premier est l'amélioration de la gouvernance du service public de l'emploi. C'est un chantier essentiel, car les remontées du terrain attestent de difficultés d'adaptation aux problématiques locales et du sentiment que les acteurs n'échangent pas suffisamment.
Nous mettons donc en place le réseau France Travail. Fondé sur des principes de partenariat et de coordination, celui-ci regroupera l'État, les collectivités locales, les opérateurs et l'ensemble des acteurs qui interviennent dans les champs de l'insertion, de la formation et de l'emploi.
Ce regroupement permettra aux usagers de mieux identifier la cohérence entre les acteurs qui agiront demain sous une même bannière. Il rendra possible une offre de services plus homogène, plus cohérente sur tout le territoire et plus lisible pour les demandeurs d'emploi comme pour les entreprises.
Le projet de loi définit un patrimoine commun à chacun des membres du réseau qui permettra de mieux coordonner celui-ci : des méthodes et des règles de coordination, des critères d'inscription et d'orientation, des référentiels métiers et des référentiels formations seront mis en commun et partagés.
Cela ne signifie pas que le projet serait une sorte de big-bang entraînant la fusion de tout dans tout. Il s'agit, bien au contraire, d'élaborer des méthodes et des outils qui puissent être utilisés par chacun des acteurs dans le cadre de l'exercice de leurs compétences.
Cela sera rendu possible, notamment, par la mise en réseau des systèmes d'information, qui permettra de partager les données entre acteurs.
Dans le cadre de ce patrimoine numérique commun, le système d'information de Pôle emploi évoluera vers une plateforme France Travail accessible à tous les acteurs et facilitant le travail de chacun.
Ce patrimoine commun permettra aussi aux élus d'accéder à davantage d'informations, en particulier à des données agrégées sur les parcours et sur les accompagnements qui seront partagées avec les collectivités locales et avec leurs élus, permettant des comparaisons tant sur les objectifs que sur les moyens.
Sans partage de données, il n'y a pas de coordination des interventions ni de suivi des accompagnements. Une telle évolution constitue une avancée concrète qui répond à une demande formulée de longue date.
Nous souhaitons ensuite mettre en place une gouvernance territorialisée et simplifiée de France Travail.
Celle-ci reposera sur un copilotage entre l'État et les collectivités locales, qui associera, à chaque échelon territorial pertinent, les partenaires sociaux au niveau national et au niveau régional.
Cette gouvernance partagée est le moyen le plus sûr d'assurer la cohérence du réseau tout en réduisant le nombre d'instances existantes.
Nous créons ainsi une nouvelle instance de gouvernance nationale, le comité national France Travail, qui définira les orientations stratégiques et les modalités de pilotage du patrimoine commun.
Au niveau local, des comités territoriaux assureront un pilotage régional, départemental, mais aussi au niveau des bassins d'emploi. Les collectivités territoriales y seront toutes représentées.
Je souhaite affirmer de nouveau devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que la création de France Travail ne réduit pas le champ des compétences des collectivités locales. C'est même le contraire, puisque les régions gardent toutes leurs prérogatives en matière de formation et les départements, en matière d'insertion, tandis que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) conservent toutes leurs prérogatives dans le champ social.
La coprésidence du réseau France Travail ne signifie pas qu'une tutelle de l'État est instaurée. Au contraire, l'État et les collectivités auront conjointement la main pour fixer ensemble l'orientation des opérateurs et des partenaires du réseau, au premier rang desquels l'opérateur principal qu'est Pôle emploi.
Les collectivités n'auront donc pas moins de compétences, mais davantage de visibilité, tout en disposant d'un pouvoir d'orientation plus fort sur l'ensemble des enjeux relatifs à l'insertion et à l'emploi.
Aucune disposition du texte ne modifie d'ailleurs la répartition des compétences entre l'État et les collectivités ni la répartition des compétences entre les collectivités elles-mêmes.
Enfin, dans le cadre de la mise en place du réseau France Travail et de sa gouvernance, nous proposons que Pôle emploi prenne en charge de nouvelles missions au service du collectif.
Pôle emploi sera en effet chargé de proposer et de coordonner les communs physiques, numériques et méthodologiques du réseau France Travail, pour le compte de tous et en lien avec chacun, en application des orientations définies par les comités coprésidés par l'État et les collectivités locales.
Il ne s'agit en rien d'une recentralisation, puisque l'opérateur principal devra mettre sa capacité de soutien technique et opérationnel au service de tous pour produire ce patrimoine commun, en lien étroit et en coconstruction avec tous les acteurs concernés. Son action s'inscrira donc dans le cadre défini par la gouvernance, à laquelle il en rendra compte.
À cet égard, je souhaite souligner que le changement de nom de Pôle emploi en opérateur France Travail que propose le Gouvernement ne doit pas être interprété comme une marque de domination sur les autres acteurs dans le cadre du réseau. Pour répondre aux inquiétudes que vous avez exprimées à juste titre, madame la rapporteure, je tiens à indiquer que nous modifierons le schéma de présentation de manière à éviter que celui-ci ne donne l'impression visuelle qu'un opérateur serait plus important que les autres.
Ce changement de nom vise à atteindre deux objectifs.
Nous souhaitons d'abord marquer l'importance du changement de positionnement de Pôle emploi, sa transformation en opérateur agissant au service du collectif qui déploie son action dans un cadre territorialisé et partenarial. S'ils le souhaitent et uniquement s'ils le souhaitent, les missions locales et les Cap emploi pourront se saisir de la marque France Travail dans leur dénomination.
Nous voulons également rendre plus lisible le réseau pour les usagers – un enjeu auquel nous devons être sensibles au vu de la complexité et de la diversité des acteurs. Je m'efforcerai d'apporter des réponses, madame la rapporteure, aux interrogations que vous avez exprimées en ce qui concerne le changement de dénomination de Pôle emploi en France Travail.
Par ailleurs, dans le cadre de ce réseau, les initiatives locales seront mises au cœur du nouveau service public de l'emploi. Lors de mes déplacements dans les départements, j'ai souvent entendu que le réseau France Travail existe déjà localement. France Travail intégrera ces solutions locales, car il est hors de question de remplacer ce qui fonctionne bien.
Les missions locales, par exemple, continueront de jouer un rôle central auprès des jeunes en difficulté. À la demande de l'Union nationale des missions locales, qui s'en inquiétait, nous avons supprimé une mention relative à l'exercice des compétences des missions locales par délégation de France Travail. L'État continuera de conventionner directement avec les missions locales pour ce qui concerne leur financement, et les collectivités seront toujours aussi présentes dans leurs instances de coordination.
Il n'a jamais été question de fusion ni de remise en cause du statut et de l'autonomie des missions locales, qui seront préservés au sein du réseau France Travail. Si l'hypothèse d'une fusion a été évoquée il y a quelques années, celle-ci n'a pas vu le jour, et c'est heureux. Le présent texte ne comporte aucune disposition en ce sens.
Il importe cependant que les missions locales, Cap emploi et Pôle emploi soient mieux coordonnés dans leurs actions avec tous les autres acteurs de l'emploi et mieux outillés. Tel est notre principal objectif de ce projet de loi.
Son deuxième grand objectif est l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, notamment les plus fragiles d'entre eux.
Nous le savons, il faut aller plus loin pour les plus fragiles. Certains constats doivent nous alarmer collectivement : 16 % des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) perçoivent toujours celui-ci plus de dix ans après leur première inscription et 18 % des allocataires ne sont orientés vers aucun organisme de suivi social ou professionnel. La Cour des comptes a montré que sept ans après une première inscription, 42 % des allocataires le sont encore de manière continue ou récurrente.
L'inactivité exclut, isole, précarise, appauvrit et éloigne chaque jour un peu plus du travail, qui est le plus sûr moyen d'acquérir indépendance et autonomie. C'est pourquoi nous voulons tenir pour de bon la promesse de solidarité qui est celle du RSA en prenant une série de mesures concrètes.
L'ensemble des personnes en recherche d'emploi seront inscrites auprès de l'opérateur France Travail. C'est le meilleur moyen de garantir un accompagnement à chacun et d'éviter des ruptures de parcours.
Pour les plus isolées, le projet de loi prévoit la reconnaissance d'une nouvelle catégorie d'organismes, souvent associatifs, chargés de repérer et d'aller vers les personnes qui ne sont plus suivies pour leur proposer des solutions d'accompagnement et d'insertion adaptées. Ces acteurs, qui seront intégrés au réseau France Travail, seront chargés de retrouver, d'identifier et d'accompagner ceux que l'on appelle parfois les invisibles et qui, malheureusement, sont durablement éloignés du marché de l'emploi.
Nous souhaitons par ailleurs que le parcours d'accompagnement soit formalisé dans le cadre d'un contrat d'engagement rénové et unifié. Ce nouveau contrat d'engagement sera proposé à tous les demandeurs d'emploi, quelle que soit leur situation.
Il détaillera les engagements réciproques de l'organisme référent – les ateliers, les actions de formation, de mise en situation professionnelle, de levée des freins à l'emploi – et de la personne accompagnée en termes d'assiduité et de participation à ces mêmes activités.
Il intégrera un plan d'action précisant l'objectif d'insertion sociale et professionnelle du demandeur d'emploi, et après un diagnostic complet, les demandeurs d'emploi pourront être orientés vers un parcours à visée d'insertion sociale pour lever les freins rencontrés en matière de logement, de garde d'enfants, de santé ou de mobilité, avant un parcours d'insertion professionnelle. Chaque fois que c'est possible, ces deux parcours devront être juxtaposés.
Le parcours d'accompagnement tiendra compte de l'âge de la personne en recherche d'emploi – le texte le prévoit –, mais aussi de son niveau de qualification, de la situation économique du bassin d'emploi, des freins à l'emploi en termes de mobilité ou de garde d'enfants, mais aussi de situations particulières, notamment la situation de proche aidant. J'approuve pleinement les modifications apportées par votre commission sur ce dernier aspect du texte.
Le régime de contrôle et de sanction des allocataires du RSA sera lui aussi rénové.
L'instauration d'un nouveau premier niveau de sanction, la suspension-remobilisation, permettra de suspendre temporairement l'allocation au premier manquement sans interrompre l'accompagnement. Si la personne respecte ses engagements, elle bénéficiera d'un versement rétroactif des droits. À défaut, le RSA pourra être supprimé, comme c'est le cas aujourd'hui. Le texte ne modifie pas, en effet, les modalités de radiation prévues par la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et mises en œuvre par les présidents de conseil départemental.
Enfin, dans l'esprit du contrat d'engagement jeune, ce nouveau contrat permettra de proposer un accompagnement intensif et personnalisé. Pour les allocataires du RSA les plus éloignés de l'emploi, France Travail proposera, en fonction des possibilités de chacun, jusqu'à quinze ou vingt heures hebdomadaires d'ateliers, de formations ou de solutions locales.
Cet accompagnement sera renforcé par la prise en compte des difficultés de nature sociale et les freins à l'emploi qui doivent être levés.
Enfin, pour que cet accompagnement puisse intégrer une offre de formation adaptée, je saisis l'occasion de ce débat pour indiquer que nous souhaitons conforter le principe de contractualisation pluriannuelle entre l'État et les régions pour la formation, et donc, la poursuite d'un plan d'investissement dans les compétences aux côtés et en complément de l'investissement des régions.
Nous le savons, la formation permet de revenir vers l'emploi. C'est pourquoi l'atteinte du plein emploi suppose de former les demandeurs d'emploi afin de répondre aux besoins de compétences des entreprises.
Dans le cadre de ce nouveau plan d'investissement dans les compétences (PIC), priorité sera donnée aux publics les plus fragiles, aux métiers en tension, aux formations à distance, aux formations courtes avant embauche, en somme, à tous les dispositifs qui ont fait leurs preuves dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences qui s'achève.
Le troisième chantier du présent projet de loi concerne la poursuite de l'engagement pour l'emploi des personnes handicapées.
Les personnes en situation de handicap rencontrent encore trop de difficultés pour accéder ou retourner à l'emploi. Nous souhaitons prolonger la politique volontariste menée au cours des dernières années, au travers des mesures concrètes de la Conférence nationale du handicap, autour de trois axes clairs.
Le Gouvernement souhaite en premier lieu améliorer l'orientation professionnelle des personnes handicapées en la confiant au service public de l'emploi. Pour ce faire, nous supprimons l'orientation vers le marché du travail ordinaire par les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), de manière à faire de l'orientation en milieu ordinaire, au sein duquel chacun est présumé pouvoir travailler, un droit universel.
Aussi le service public de l'emploi proposera-t-il, comme à tous les demandeurs d'emploi, un accompagnement à toute personne en situation de handicap et sans emploi qui en exprime le souhait. France Travail pourra proposer aux personnes en situation de handicap et sans emploi un appui au diagnostic personnalisé pour déterminer l'environnement professionnel le plus adapté en fonction de leur degré d'autonomie.
Cela permettra la construction d'un projet professionnel défini sur la base d'immersions dans différents environnements, que ce soit des établissements et services d'aide par le travail (Ésat), des entreprises adaptées ou des entreprises ordinaires proposant des emplois accompagnés ou non. Sur cette base, France Travail formulera une préconisation. Celle-ci pourra être, le cas échéant, une orientation en Ésat prononcée par la MDPH, mais nous changeons la logique, en considérant qu'un demandeur d'emploi en situation de handicap est d'abord un demandeur d'emploi et que l'orientation en milieu ordinaire est un droit acquis qui doit être respecté.
Nous souhaitons ainsi mettre un terme aux orientations prononcées uniquement sur la base d'un dossier administratif sans tenir compte de la réelle capacité et la réelle volonté de travail des personnes.
Dans le même temps, la trajectoire de développement de l'emploi accompagné est confortée, son pilotage étant confié jusqu'en 2027 au ministère du travail. Nous considérons en effet que l'emploi accompagné qui permet de soutenir les personnes en situation de handicap invisible devra être intégré au dispositif du réseau France Travail.
Le deuxième axe concerne l'accès aux droits des personnes en situation de handicap.
Les personnes reconnues handicapées au titre d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'incapacité auront ainsi les mêmes droits, prévus dans le code du travail, que les personnes titulaires d'une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH), sans passer par la MDPH. Les personnes bénéficiaires d'une obligation d'emploi pourront être recrutées en entreprise adaptée, bénéficier d'un emploi accompagné ou avoir une rémunération majorée en formation professionnelle sans avoir à passer par la demande d'une RQTH.
Selon la même logique, les conditions de travail des personnes en Ésat vont évoluer, et leurs droits sociaux convergeront avec les droits individuels et collectifs des salariés en matière de prise en charge de la mutuelle, des frais de transport du domicile au travail, de droit de grève et de droit syndical. Il s'agit d'une amélioration considérable, qui permettra de rapprocher concrètement l'emploi des personnes en situation de handicap de celui du reste de la population, sans remettre en cause la protection contre le licenciement dont ces dernières bénéficient.
Nous souhaitons enfin favoriser l'engagement des employeurs privés et publics. Pour les accompagner dans le recrutement de personnes en situation de handicap, le modèle des entreprises adaptées de travail temporaire et celui des contrats à durée déterminée, dits « tremplin », jusqu'alors expérimentaux, pourront entrer de manière pérenne dans le code du travail.
Je proposerai ainsi deux amendements, le premier visant à compléter le passeport numérique de compétences et de prévention qui est géré par la Caisse des dépôts et consignations afin d'y intégrer la totalité des aménagements dont a bénéficié une personne au titre de son handicap pour en assurer une traçabilité, et le second, visant à assurer la portabilité, sans contrepartie sociale ni fiscale pour l'entreprise, des aménagements acquis pour permettre le recrutement et l'emploi d'une personne en situation de handicap qui souhaiterait quitter une entreprise.
Le dernier chantier et celui du service public de la petite enfance, que mon collègue Jean-Christophe Combe vous présentera dans un instant.
Ce texte sera enrichi par vos discussions, mesdames, messieurs les sénateurs, comme il l'a été lors des travaux de la commission. Je pense par exemple à la prise en compte des proches des aidants ou des représentants des usagers, à l'importance donnée à la réponse aux besoins de recrutement des entreprises, notamment en ce qui concerne le recrutement de personnes en situation de handicap ou au lien avec l'éducation nationale, à la pérennisation de l'organisation de l'emploi accompagné sous forme de plateformes départementales de services intégrés ou encore aux compétences dont vous avez souhaité doter le comité national France Travail.
Certaines dispositions introduites par votre commission prêtent davantage à débat. J'espère que nous pourrons trouver les voies d'un consensus.
En conclusion, j'indiquerai simplement que la mise en œuvre de France Travail ne relève pas exclusivement du domaine législatif.
Les dix-huit expérimentations départementales de l'accompagnement rénové du RSA menées jusqu'à la fin de 2024 qui nous permettront d'échanger sur les bonnes pratiques relèvent non pas du domaine législatif ni même réglementaire, mais des modalités d'accompagnement et de gestion.
Nous avons par ailleurs d'ores et déjà signé des protocoles de préfiguration avec cinq régions, et une sixième région en a validé le principe par une délibération à la fin de la semaine passée. J'ai ainsi signé vendredi dernier, en Franche-Comté, le protocole de préfiguration avec la région Bourgogne-Franche-Comté, qui permettra d'anticiper le partage d'informations et d'améliorer le service aux entreprises et la connaissance des dispositifs, et ce, sans qu'il soit besoin d'en passer par la loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincu qu'avec les trois axes que sont l'amélioration de la gouvernance et la rénovation du service public de l'emploi, l'accompagnement des plus éloignés de l'emploi et la simplification de l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap, nous nous dotons d'outils utiles et nécessaires pour aller vers le plein emploi et vers un emploi de bonne qualité pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, en cette période de début de congés estivaux, j'ai une pensée particulière pour les millions de familles qui partent en vacances avec leurs enfants, mais aussi pour celles qui ne partiront peut-être pas.
Les raisons en sont diverses, mais le ministre chargé de la petite enfance et des familles que je suis ne s'y résigne jamais. Cette année encore, avec les collectivités locales, avec les acteurs associatifs mobilisés, nous ferons en sorte d'aider autant d'enfants que possible à profiter de ces moments de respiration et d'épanouissement personnel, à découvrir de nouveaux horizons.
Je referme dès à présent, ce qui, en réalité, est plus qu'une parenthèse, car en évoquant les difficultés d'accès de certaines familles à des loisirs ou à des services précis et les inégalités entre les foyers, j'évoque aussi les enjeux d'équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale des parents, d'accès des enfants à des temps de socialisation, de soutien et d'accompagnement à la parentalité.
Autant de défis qui résonnent avec l'article 10 du présent projet de loi, qui vise à mettre en œuvre le service public de la petite enfance, dont les contours, qui figuraient dans le programme du Président de la République, ont été précisés le 1er juin dernier par la Première ministre.
À ce titre, j'ai aussi une pensée particulière pour ces familles qui, à l'issue des commissions d'attribution qui se sont tenues au cours des dernières semaines, abordent les vacances sans certitude d'avoir une solution d'accueil pour leur enfant à la rentrée.
Cette réforme est pour elles, pour tous ces parents qui ont connu l'inquiétude de la rentrée, ont craint les conséquences que cela peut avoir, y compris en matière d'accès au marché du travail.
C'est pourquoi cette réforme porte une double ambition : assurer le déploiement en nombre suffisant de places d'accueil pour apporter une solution adaptée à chaque famille, d'une part, et garantir une haute qualité d'accueil à tous les enfants, d'autre part.
Pour lui donner forme, le Gouvernement a pris le temps, tout au long de ces dix derniers mois, d'effectuer une large concertation. Celle-ci a été en grande partie menée par Élisabeth Laithier, maire adjointe à Nancy chargée de la petite enfance pendant vingt-quatre ans, experte référente au sein de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, et présidente du comité de filière de la petite enfance, à qui j'avais confié le pilotage local du Conseil national de la refondation dédié à la petite enfance.
Pour bâtir cette réforme, nous sommes partis de quatre fondamentaux : d'abord, les besoins des enfants et de leurs parents ; puis, les attentes des professionnels et les messages qu'ils nous ont fait passer ; ensuite, les demandes des acteurs du bloc communal, les communes rurales, urbaines et les intercommunalités étant en première ligne sur le sujet ; et enfin, en conséquence, l'organisation, de l'avis général perfectible, des compétences des différents acteurs publics.
Les besoins des parents sont clairs ; ils les formulent dès que nous les interrogeons. À ce titre, les résultats de l'enquête « Parents » réalisée par Ipsos en avril dernier pour le ministère des solidarités sont éclairants. Ils montrent à quel point la recherche d'un mode d'accueil reste trop souvent un parcours du combattant, 61 % des parents déclarant que cela a constitué une source de stress importante, voire très importante pour 28 % d'entre eux.
Répondre aux besoins de ces parents « en galère » – cette expression est le strict reflet de leur vécu – est une priorité sociale.
La réponse à cette priorité ne peut exister sans l'action déterminée de professionnels dévoués qu'il nous faut davantage soutenir. Là encore, les attentes sont claires et les défis, nombreux : environ 10 000 professionnels font aujourd'hui défaut au sein des crèches, et 120 000 assistants maternels pourraient cesser leur activité d'ici à 2030, s'ajoutant aux 40 000 professionnels qui en ont déjà fait autant entre 2017 et 2021.
Nous avons évidemment besoin de professionnels formés en nombre suffisant, et donc, épanouis. Il nous faut restaurer l'attractivité des métiers de la petite enfance pour réenclencher une dynamique vertueuse favorisant les recrutements. Cela passe par des revalorisations salariales et par une amélioration du sens au travail, de la qualité de vie et des perspectives d'évolution.
Pour la première fois, l'État sera présent pour accompagner ces revalorisations salariales dans le secteur de la petite enfance. La convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), que j'ai signée ce matin même et qui avait été adoptée très largement le 4 juillet dernier par le conseil d'administration de la Cnaf, prévoit la mobilisation de plus de 200 millions d'euros conditionnée à l'amélioration du socle de droits sociaux des professionnels de la petite enfance.
Au-delà de ce soutien aux professionnels, l'ampleur du défi auquel nous faisons face appelle une action résolue, reposant sur des objectifs communs et une mise en cohérence de l'ensemble des initiatives.
C'est sur ce fondement que j'ai très tôt engagé des travaux associant étroitement les collectivités locales et leurs représentants. S'agissant d'une politique partenariale faisant intervenir tous les échelons de compétences – l'État, les communes et leurs groupements, les régions, les départements –, il était bien sûr indispensable de créer un véritable espace de dialogue et de coconstruction.
C'est le pari que nous faisons avec cette réforme.
Son volet quantitatif figure dans ce projet de loi sur le plein emploi – et il y a toute sa place –, tout simplement parce que l'on estime que plus de 150 000 personnes, principalement des femmes, sont empêchées de prendre ou de reprendre un emploi, faute de mode d'accueil pour leur jeune enfant.
Le dispositif qui vous est proposé vient avant tout conforter la compétence des communes, désignées autorités organisatrices en matière d'accueil du jeune enfant. Cheffes de file naturelles, les communes et intercommunalités pourront ainsi mieux piloter l'offre du territoire, par exemple en refusant les installations de structures qui ne leur semblent pas correspondre aux attentes et aux besoins locaux, ou en aidant les parents et les assistants maternels qui en ressentent le besoin à s'acquitter de leurs formalités administratives.
Pour exercer leurs nouvelles responsabilités, par exemple en matière de formalisation d'un schéma d'accueil du jeune enfant pour les communes de plus de 3 500 habitants, ou d'installation d'un relais petite enfance pour celles de plus de 10 000 habitants, les maires pourront compter sur un soutien renforcé et adapté à leurs besoins.
La nouvelle convention d'objectifs et de gestion prévoit ainsi près de 6 milliards d'euros supplémentaires d'ici la fin du quinquennat pour atteindre les objectifs du service public de la petite enfance.
Ces financements, qui seront déployés très rapidement, permettront de garantir une réponse aux besoins d'accueil des familles partout sur le territoire. Ils viendront soutenir l'action des communes et des intercommunalités, avec non seulement des moyens directs en investissement pour faire sortir de terre de nouvelles places d'accueil, mais aussi, et surtout, des aides en fonctionnement considérablement renforcées en réponse à des demandes formulées de longue date.
De même, parce que cela avait été relayé par de nombreux maires, de nouveaux moyens en ingénierie seront mis en place, sous la forme de plus de 100 équivalents temps plein (ETP) qui accompagneront les communes qui le souhaitent.
Cet appui massif de l'État aura d'autant plus de poids qu'il viendra crédibiliser la stratégie nationale de la politique d'accueil du jeune enfant – dont je vous proposerai le rétablissement –, et qu'il doit permettre de définir les besoins en personnel pour les années à venir et nous offrir une vision globale des enjeux.
Personne ne connaît mieux ces enjeux de planification de l'offre que les communes. C'est bien pourquoi l'article 10 vise avant tout à conforter le rôle central qu'elles jouent, mais aussi à clarifier leurs relations avec les autres collectivités et la branche famille de la sécurité sociale.
C'est également la raison pour laquelle, et en réponse aux préoccupations que vous avez été un certain nombre à exprimer, je proposerai deux mesures pour aller plus loin pendant nos discussions : l'une vise à donner une plus grande place à la concertation avec les collectivités locales dans le cadre de la formalisation de la stratégie nationale que je viens d'évoquer ; l'autre tend à mettre à profit les prochaines semaines en soumettant les différents volets de cette réforme, notamment en matière de qualité d'accueil, à un dialogue renforcé avec les collectivités.
Car, si elle comporte un important volet quantitatif, dont je viens de résumer les grandes lignes, cette réforme s'appuie aussi sur le renforcement impératif de la qualité d'accueil du jeune enfant, enjeu sur lequel la parole des collectivités, et notamment des départements, est essentielle.
C'est tout l'objet des annonces que j'ai faites il y a deux semaines. Il nous faudra ainsi collectivement restaurer l'attractivité du secteur – j'en ai parlé –, améliorer la qualité institutionnelle de l'accueil et prévenir le risque de maltraitance en réformant les règles d'organisation et de financement des modes d'accueil, et instaurer un réflexe de vigilance en renforçant le système d'alerte, de contrôle et de suivi des suspicions de maltraitance, mission dont le Gouvernement a confié la préfiguration à Florence Dabin, présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c'est bien en avançant de front sur ces trois axes – qualité, quantité, moyens – que nous pourrons, non seulement concrétiser la promesse du service public de la petite enfance, mais surtout répondre aux immenses défis auxquels nous sommes confrontés : défi du soutien aux parents et aux professionnels, défi du développement de l'enfant, avec une réforme qui est le pilier de la politique des « mille premiers jours » et, enfin, défi de la natalité, car, en mettant fin au parcours du combattant des familles, le service public de la petite enfance est aussi un investissement d'avenir, un levier pour renforcer la confiance et le soutien aux parents d'aujourd'hui et de demain.
C'est ce à quoi nous appelle l'Union nationale des associations familiales, dont la présidente Marie-Andrée Blanc n'était autre que l'auteure de l'avis rendu en mars 2022 par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur le service public de la petite enfance, sur lequel l'ensemble de la concertation a été fondée.
C'est donc une réforme majeure, aux multiples facettes, sociale, sociétale, économique, politique, qui vous est proposée aujourd'hui.
Ses contours dépassent ceux de l'article 10 du projet de loi, avec un plan pour la qualité de l'accueil et des revalorisations salariales. Mais c'est avec les évolutions de gouvernance prévues par ce même article 10, qui conforte le bloc communal et clarifie ses modalités d'intervention, que l'ensemble de ces efforts produiront pleinement leurs effets, prouveront leur efficacité, et répondront aux attentes des familles. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
(…)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Je souhaiterais remercier les différents orateurs de cette discussion générale.
Même si l'examen des amendements va nous permettre de revenir sur chacun des éléments de ce texte, je voudrais au préalable apporter des précisions sur trois points.
Le premier point concerne la question des activités. Dans la version du projet de loi que nous avons transmise au Parlement, nous avons indiqué que l'intensité du contrat d'engagement réciproque, inscrit à l'article 2, devait être définie par l'organisme référent et les allocataires, en tenant compte de l'âge, du niveau de qualification, de la situation économique et sociale du bassin d'emploi, ainsi que des freins à l'emploi, aussi bien en matière de mobilité, de garde d'enfants que de santé. Ainsi, nous avons bien prévu que l'intensité soit définie dans le cadre du contrat.
Notre objectif est évidemment d'atteindre le plus souvent possible ces 15 à 20 heures d'activité. J'ai noté que la commission des affaires sociales avait souhaité être plus précise et plus offensive sur ce point, en adoptant un amendement indiquant la durée hebdomadaire d'activité qu'il sera demandé au demandeur d'emploi d'accomplir devra être d'au moins 15 heures. Je l'entends, et nous aurons le débat.
Selon moi, nous devons penser au fait qu'un certain nombre d'allocataires sont extrêmement éloignés de l'emploi et parfois extrêmement abîmés par des incidents de vie. Aussi, dans un premier temps, le niveau d'activité à atteindre peut être intermédiaire et plus progressif. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons prévu à l'article 6 la possibilité pour ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi de faire uniquement l'objet d'un suivi social. Ainsi, tous les six à douze mois, un bilan serait fait pour voir comment ils pourraient être accompagnés au moyen d'un suivi professionnel, dans l'objectif de leur insertion professionnelle.
Le deuxième point que je voulais clarifier concerne les missions locales. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, leur statut ne change pas et leur autonomie n'est pas remise en cause. Ce sont des opérateurs spécialisés et des acteurs centraux de l'accueil des jeunes.
Nous avons eu des discussions avec l'Union nationale des missions locales (UNML), qui s'est inquiétée de la formule, présente dans une version de l'avant-projet, qui disposait que l'exercice de leurs compétences d'accueil de tous les jeunes serait assuré par délégation de France Travail. La formule « par délégation » a été supprimée du projet qui vous a été transmis, ce qui indique combien les missions locales sont respectées dans leur statut.
Du reste, je précise deux points. Premièrement, le conventionnement pour le financement des missions locales reste passé avec l'État, tout comme celui pour le financement des structures d'insertion par l'activité économique. L'opérateur – Pôle emploi aujourd'hui, France Travail demain – n'aura pas la compétence pour passer une convention financière. Il n'y aura donc pas de lien de subordination par le financement. Deuxièmement, les missions locales seront amenées – c'est une nouveauté – à participer au comité local France Travail, et donc à définir les orientations de la politique de l'emploi à l'échelle des territoires. C'est une prérogative supplémentaire.
Le troisième point que je veux évoquer concerne la question des moyens. Évidemment, il ne s'agit pas d'un texte financier. Aussi, l'octroi des moyens devra passer par deux canaux.
Le premier canal est celui du projet de loi de finances dans la mesure où nous nous sommes engagés à aider les départements dans la mise en place d'un accompagnement renforcé. Nous sommes évidemment, dans cette période, en train de préparer le projet de loi de finances pour 2024. Nous avons adopté une logique de déploiement progressif, puisque, vous l'avez vu, le projet de loi tend à généraliser l'accompagnement renforcé pour 2025.
Je précise que généraliser ne veut pas dire atteindre 100 % d'accompagnement intensif, puisque nous savons par exemple que 32 % des allocataires du RSA sont des foyers monoparentaux. Il s'agit pour l'essentiel de femmes avec des enfants, qui sont donc confrontées à des difficultés de garde. Ce frein majeur fait apparaître comme une évidence une mise en œuvre progressive du nouveau système.
Le deuxième canal concerne effectivement la convention tripartite qui existe aujourd'hui entre l'État, Pôle emploi et l'Unédic, laquelle stipule que l'Unédic affecte 11 % de ses recettes au fonctionnement de Pôle emploi. C'est ce que j'appelle une dépense active : les recettes des cotisations financent le service public de l'emploi. Si le service public de l'emploi améliore l'accès à la formation des demandeurs d'emploi, cela favorise le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi. Ainsi, c'est une dépense active, car elle permettra d'avoir plus d'emplois, plus de cotisations et moins de dépenses d'allocations ; c'est vertueux.
Pour répondre à la question de M. Mouiller relative au modèle économique des Ésat, je dirais que nous devons, indépendamment même de ce texte de loi, mener une réflexion sur leur modèle économique. Les tensions de recrutement connues sur le marché du travail, que Mme Berthet, notamment, a rappelées, ont amené les entreprises à se tourner vers de nouveaux employés, qui sont par définition les plus employables de ceux qui restaient sans emploi jusqu'à ce jour.
Il faut avoir une véritable réflexion en la matière, qui plus est s'agissant d'une logique de convergence des droits – ce qui aura un impact financier sur les Ésat.
Monsieur le sénateur, à votre question sur l'AAH-2 et le plafonnement du temps de travail, je vous réponds que Jean-Christophe Combe et moi-même travaillons à un décret visant à déplafonner le temps de travail ouvert aux bénéficiaires d'une AAH-2 qui souhaitent travailler plus et qui ne seraient plus cantonnés à la règle des 17 heures 30 que vous avez évoquée. Il s'agit d'un sujet strictement réglementaire. Le Président de la République s'y est engagé à l'issue de la Conférence nationale du handicap.
Je reviendrai sur les différents autres points à l'occasion de l'examen des amendements. Du reste, Mme la rapporteure le sait, sur les deux tiers, sinon les trois quarts, des amendements adoptés en commission, le Gouvernement n'émettra aucun avis défavorable. Nous considérons que beaucoup d'entre eux ont permis d'améliorer et d'enrichir le texte.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. J'aborderai brièvement trois points pour conclure cette discussion générale.
Premièrement, je me réjouis sincèrement de l'inscription aussi rapide dans un texte des engagements, pris à l'occasion de la Conférence nationale du handicap, relatifs à l'emploi des personnes en situation de handicap. C'est un beau symbole que le ministre du travail et moi-même présentions aujourd'hui ces mesures. Cela montre que l'on passe d'une vision d'accès aux droits fondamentaux pour les personnes en situation de handicap à un droit et milieu ordinaires.
Deuxièmement, je me félicite que vous ayez tous montré beaucoup d'intérêt pour la politique d'accueil du jeune enfant. J'ai entendu aussi vos diverses inquiétudes et nous y reviendrons à l'occasion de l'examen de l'article 10. Je voudrais vous rassurer, comme j'ai essayé de le faire par anticipation, en vous disant que les moyens sont bien là pour déployer une politique ambitieuse pour l'emploi, pour lutter contre les inégalités de destin, pour l'égalité entre les femmes et les hommes et pour la natalité dans notre pays.
Les moyens sont exceptionnels ; c'est inédit. Je l'ai dit, j'ai signé ce matin la convention d'objectifs et de gestion de la Cnaf. Tous les acteurs présents étaient ravis. Ils ont reconnu l'investissement considérable de l'État dans cette politique publique.
Oui, les moyens sont là. Je veillerai à ce qu'ils répondent de façon très effective – et nous travaillerons ensemble aussi avec les collectivités et la branche famille pour les mettre en œuvre – aux préoccupations des maires tout particulièrement. On a bien entendu encore une fois leurs craintes quant aux modalités de financement : moins sur l'investissement et plus sur le fonctionnement, disent-ils. Il y aura un véritable rééquilibrage pour favoriser la création de places et pour aider dans la gestion de ces services publics.
Je prendrai, là aussi, des engagements sur les compensations vis-à-vis des collectivités. Être en mesure de les accompagner pour améliorer l'attractivité des métiers est notre plus grand défi demain pour pouvoir déployer les places d'accueil dans notre pays.
Troisièmement, il n'y a pas directement dans ce projet de loi de mesures en lien avec la lutte contre la pauvreté. Je redis simplement que le choix que nous faisons – je le porte depuis très longtemps, y compris dans mes engagements précédents –, c'est celui de l'emploi. La meilleure des politiques sociales, c'est permettre d'accéder à l'emploi à des personnes qui en sont éloignées. Il n'y a pas de doute là-dessus.
La Première ministre et moi-même présenterons prochainement un pacte des solidarités, qui prendra le relais de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, et sur lequel nous avons travaillé avec l'ensemble des acteurs de la solidarité : les associations, les caisses de sécurité sociale et les élus. Il s'agit, là aussi, de continuer à lutter de façon importante contre la pauvreté. Sans entrer dans le détail des quatre axes, je tiens à vous dire que la place de France Travail dans l'insertion par l'emploi est l'un des axes majeurs de ce plan. On travaillera en particulier en vue d'aller chercher les personnes qui sont les plus éloignées de l'emploi.
Vous l'avez sans doute constaté, j'ai fait de la question de l'accès aux droits une priorité de la lutte contre le non-recours. La semaine dernière, j'ai installé le comité de coordination de l'accès aux droits, qui a été lancé officiellement avec les territoires choisis pour l'expérimentation des « territoires zéro non-recours ». Ainsi, trente-neuf bassins de vie se sont engagés à lutter contre le non-recours.
Le Gouvernement agit et fait beaucoup dans la lutte contre la pauvreté, pour l'accès aux droits fondamentaux de chacun de nos concitoyens et pour le déploiement de cette politique sociale volontariste.
M. le président. La discussion générale est close.
Source https://www.senat.fr, le 21 juillet 2023