Texte intégral
SEBASTIEN KREBS
L’invité du jour, c'est vous Christophe BECHU, bonjour.
CHRISTOPHE BECHU
Bonjour Sébastien KREBS.
SEBASTIEN KREBS
Vous êtes le ministre de la Transition écologique. Météo France nous annonce donc un pic de chaleur intense, sept départements en vigilance orange canicule aujourd'hui, 40 degrés probablement atteints plus tard dans la journée en Provence, en Corse, en Occitanie. Est-ce qu'on est prêt ? Est-ce que la France est prête ?
CHRISTOPHE BECHU
D'abord ce phénomène, vous l’avez expliqué un peu plus tôt, il est lié à un dôme de chaleur qui concerne la plupart des pays du Sud. Il s'inscrit dans un schéma, celui du dérèglement climatique, celui qu'on a déjà constaté. L'année dernière, c’est 33 jours de canicule que nous avons eus, ça nous a conduits mi-juin à établir un plan national de gestion des vagues de chaleur et j'ai envoyé à tous les préfets des circulaires, de façon à ce qu'on essaye d'harmoniser nos réponses. Jusqu'à maintenant, on fait face à ces canicules. En 2003, on a pris un tournant sur le plan de nos aînés parce qu'après les 15 000 décès liés à cette canicule, on a pris des mesures pour les EHPAD, les pièces fraîches, les personnes vulnérables. Et au fur et à mesure du temps, on a eu de plus en plus de vagues de chaleur mais on a peu changé nos processus. Les décisions qu’on a prises mi-juin, elles concernent deux directions : comment pendant une vague on prend des mesures partout où il y a ces vagues de chaleur et comment on prépare l'avenir, notamment pour les plus jeunes qui étaient les oubliés de ce plan canicule il y a vingt ans.
SEBASTIEN KREBS
Alors quelles mesures sont activées aujourd'hui ?
CHRISTOPHE BECHU
Très concrètement, j’ai réuni hier l'ensemble des préfets concernés, à la fois ceux des départements que vous avez rappelés et puis la quinzaine qui sont aujourd'hui en vigilance canicule. 1/ Faire en sorte que tous les organisateurs de manifestations culturelles et sportives puissent être convoqués par les préfectures, puissent être rappelés à leurs obligations. Regarder s'il faut maintenir des courses, des concerts ; vérifier qu’il y aura suffisamment d'eau pour que tout le monde puisse s'hydrater ; vérifier les horaires auxquels les choses se passent ; se rapprocher des entrepreneurs, des chefs d'entreprise pour que des chantiers qui se déroulent en plein air aussi, on évite de se retrouver avec des ouvriers qui sont en plein milieu des heures les plus chaudes, dehors, exposés à ce type de danger. Et c'est la même chose, par exemple, pour les transports d'animaux vivants. Vous avez tout un tas de procédures qui automatiquement, à partir du moment où on bascule en canicule, aboutissent à ce que les autorités préfectorales et sanitaires prennent des mesures.
SEBASTIEN KREBS
Avec des mesures de prévention, on évitera d'avoir des morts dans ces vagues de canicule cet été ?
CHRISTOPHE BECHU
On l’évite, évidemment, autant que possible. L'objectif du gouvernement, c'est bien sûr de protéger les Français. C'est aussi de rappeler un certain nombre de gestes pour que les gens eux-mêmes fassent attention. On sait par exemple qu’il y a des risques de noyade beaucoup plus importants quand on a des températures élevées. Les gens ont tendance à vouloir davantage à aller dans l'eau, parfois faire moins attention, et ce sont déjà des dizaines d'interventions dans les départements du Var et des Alpes-Maritimes depuis dix jours et malheureusement plusieurs noyades qui ont été constatées parce qu'on a, avec des températures élevées, des comportements qui sont à risque et qui nécessitent d’aller rappeler la nécessité de rester sur ses gardes. Et ça vaut pour les plus jeunes : on a pendant longtemps dit " canicule danger " pour les personnes les plus âgées, ça vaut pour les plus jeunes. Il y a donc tout un tas de mesures concernant les crèches, les écoles, les examens qui évidemment n'est pas d'actualité en ce moment mais qui est en cours de préparation pour l’année qui arrive.
SEBASTIEN KREBS
Puisque là on est en période de vacances, mais il y a quand même des centres de loisirs qui sont ouverts. Ce dôme de chaleur qui touche le sud de l'Europe et aujourd'hui qui empiète sur la Provence et le Sud-est de la France, est-ce qu'il risque de remonter dans les jours qui viennent ? Est-ce que l'ensemble du pays peut être concerné dans les jours qui viennent ? Quelles sont les prévisions qui vous remontent ?
CHRISTOPHE BECHU
Météo France est claire sur le fait que demain, ce dôme va se déplacer légèrement vers l'est. Et on a une vision un peu jusqu'à la fin de la semaine qui fait qu’on va garder des températures très chaudes en étant sous ce dôme de chaleur du côté de la Corse, du côté du Sud-est du pays. Pour la semaine prochaine, il y a deux modèles : celui dans lequel il reste dans cette partie et celui dans lequel il remonte vers nous. On est donc extrêmement vigilant, on est en dialogue permanent évidemment avec les prévisionnistes de Météo France parce qu'il y a de l'incertitude pour les jours qui arrivent. Mais au-delà de ce dôme de chaleur, le dérèglement climatique, les conséquences de ce que nous avons causé avec nos activités humaines, ç’a conduit à ce qu'on ait d'ores et déjà maintenant cinq fois plus en moyenne de vagues de chaleur qu'on en avait il y a trente ans. Et les experts disent « on va encore multiplier par deux entre maintenant et le milieu du siècle »
SEBASTIEN KREBS
Donc pour cet été, c'est la première mais il y en aura d'autres, on le sait déjà.
CHRISTOPHE BECHU
Bien sûr qu’il y en aura d'autres, et plus largement, ces circonstances elles doivent à la fois nous inciter à accélérer, à continuer à accélérer pour baisser nos émissions, et dans le même temps à rehausser hausser notre niveau de jeu pour adapter notre pays à ces vagues de chaleur qui sont malheureusement inscrites d'ores et déjà dans le réchauffement acquis de ces dernières décennies.
SEBASTIEN KREBS
Christophe BECHU, je vous propose d'aller prendre la température à Montpellier où Julien nous appelle au 32 16. Bonjour Julien.
JULIEN, AUDITEUR DE MONTPELLIER
Bonjour à tous, bonjour Monsieur le ministre.
SEBASTIEN KREBS
Comment ça se passe chez vous, Julien ? Est-ce que vous êtes prêt à affronter ces chaleurs ?
JULIEN
Oui, c’est un été classique. 35-40, moi j'appelle ça l'été. Ce n’est pas non plus dramatique. Quand on compare à 2003, enfin, franchement. En 2003, la nuit il faisait plus de 30 degrés.
SEBASTIEN KREBS
Donc vous avez pris des habitudes.
JULIEN
Oui, oui.
SEBASTIEN KREBS
C'est-à-dire que ce qui était avant exceptionnel devient l'habitude.
JULIEN
Oui. Enfin l’été, moi j’ai toujours eu l’habitude depuis que je suis gamin – j’ai grandi du côté de Palavas - il a toujours fait entre 30 et 40 degrés. Je ne vois pas… J’ai l’impression qu’on essaye d’affoler les gens, mais c’est l’été, notamment dans le Sud.
SEBASTIEN KREBS
Merci beaucoup, Julien. Christophe BECHU, c’est l’été normal dans le Sud maintenant ?
CHRISTOPHE BECHU
Je suis ravi de discuter avec quelqu’un qui est habitué à ces chaleurs. Quand vous regardez, non pas la volonté d'affoler les gens, juste les températures moyennes et la réalité de ce que nous vivons, vous vous apercevez qu’on a une multiplication par cinq du nombre de jours de canicule entre 1990 et le début des années 2020, avec en particulier - alors peut-être que du côté de Montpellier, il y a ou des microclimats ou des habitudes plus anciennes - mais un nombre de nuits tropicales, c'est-à-dire de nuits dans lesquelles la température ne redescend pas en dessous de 25 degrés qui ne correspond absolument pas aux températures que nous avions il y a trente ans en France, y compris dans le Sud de la France. On est confronté à deux phénomènes : l'augmentation moyenne des températures en journée et en nuit, et surtout le fait que les températures moyennes remontent de plus en plus vers le nord, et donc on n'a pas seulement un phénomène qui concerne le sud, mais qui est en train de concerner le nord. Et les températures que nous vivons en ce moment, les plus de 40 degrés qui ont été documentés en Espagne, en Italie, y compris très tôt le matin, ça ce ne sont pas des températures normales. Encore une fois, c'est la preuve de ce dérèglement du climat qui, malheureusement, s'accélère.
SEBASTIEN KREBS
Alors, ça s'accélère justement mais est-ce qu'on a pris la mesure de ce qui nous attend dans les années qui viennent ? Le budget de la transition écologique, Christophe BECHU, 7 milliards d'euros de crédits supplémentaires ans le budget 2024, le rapport Pisani-Ferry qui avait été commandé par le gouvernement il y a quelques mois dit qu'il en faudrait beaucoup plus, une trentaine de milliards par an. On est encore très, très en deçà de ce qu'il faudrait pour faire face à ces changements.
CHRISTOPHE BECHU
Tout l'enjeu, c'est effectivement de considérablement augmenter nos moyens, les effectifs, les mesures qui permettent de faire face à l'ensemble de tout ça. Le rapport Pisani-Ferry dit " il faut environ 60 milliards. " Dans ces 60 milliards, et le chiffre que vous donnez est assez juste, il y en a entre 30 et 40% qui doit venir du public.
SEBASTIEN KREBS
On est à 7.
CHRISTOPHE BECHU
On est aux alentours de 20-25, et le reste qui doit venir du privé. Mais ce que dit le rapport Pisani-Ferry, il dit : 1/ il faut réorienter des dépenses existantes, il ne faut pas chercher seulement des milliards nouveaux, donc il faut en priorité arrêter d'aller soutenir les énergies fossiles pour qu'on ait des dépenses dites brunes qui deviennent vertes. Et 2/ ce n'est pas seulement l'Etat, c'est aussi les collectivités locales. Le budget tel qu'il est bâti, 7 milliards ce sont en jargon les crédits de paiement, l'argent directement disponible. Les sommes qui seront consacrées à la transition, ce sera bien plus.
SEBASTIEN KREBS
Donc pour faire très vite et très concret, qui vont servir à quoi ?
CHRISTOPHE BECHU
Pour aller très vite et très concret : ferroviaire, rénovation énergétique, soutient à l'électrification. Mais en moyenne, les sommes qui vont être consacrées à accélérer, c’est deux fois ça, et la part qui sera consacrée par le public en ajoutant les collectivités territoriales, c’est trois fois ça. Et là, on sera bien sur les plus de 20 milliards d'euros correspondant dès 2024 à l'enclenchement de ce plan de 60 milliards préparé par Pisani-Ferry. Tout ça sera présenté dans le conseil de planification écologique présidé par Emmanuel MACRON, au cours de laquelle la Première ministre aura l'occasion de présenter la stratégie globale.
SEBASTIEN KREBS
La Première ministre qui sera toujours Première ministre, on l'a appris hier soir. Elisabeth BORNE reste à Matignon ; et vous, vous restez à la transition écologique, Christophe BECHU ?
CHRISTOPHE BECHU
Ce n’est pas à moi qu'il appartient de le dire. La Première ministre va procéder - ce sont ses termes - à quelques ajustements dans la semaine, et c’est assez logique au bout d'un an, quand vous avez un collectif d'une quarantaine de personnes, qu'il y ait besoin de quelques ajustements.
SEBASTIEN KREBS
Vous êtes confiant dans votre maintien à votre poste ?
CHRISTOPHE BECHU
Je suis quelqu'un qui est serein par nature, monsieur KREBS.
SEBASTIEN KREBS
On suivra cela dans les jours qui viennent. Vous allez dîner à l'Elysée ce soir avec l'ensemble des membres du gouvernement actuel avant ces ajustements qui auront lieu dans les jours qui viennent. Merci Christophe BECHU d'être venu sur le plateau de RMC ce matin, ministre de la Transition écologique. Merci à vous.
CHRISTOPHE BECHU
Merci pour votre invitation.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 24 juillet 2023