Interview de M. Roland Lescure, ministre délégué, chargé de l'industrie, à Sud Radio le 27 juillet 2023, sur la contestation dans la police, l'inflation, la décarbonation de l'industrie, l'ancien ministre de l'éducation nationale, Pap Ndiaye et le nouveau président du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale.

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Média : Sud Radio

Texte intégral

LAURIE LECLERE
L'invité ce matin sur Sud Radio, Roland LESCURE, ministre délégué en charge de l'Industrie.

BENJAMIN GLAISE
Bonjour Roland LESCURE.

ROLAND LESCURE
Bonjour.

BENJAMIN GLAISE
Merci d'être avec nous ce matin sur Sud Radio.

ROLAND LESCURE
Merci à vous.

BENJAMIN GLAISE
La réindustrialisation du pays au coeur des priorités, je le disais, d'Emmanuel MACRON et de votre action au sein du gouvernement depuis un an, une industrie décarbonée avec la Loi industrie verte qui vient d'être votée au Parlement, c'est déjà une réalité d'ailleurs bien concrète, vous allez tout nous expliquer dans un instant. Mais d'abord revenons sur les déclarations hier soir d'Elisabeth BORNE, la Première ministre qui était l'invité de nos confrères de BFM. Comment l'avez-vous, déjà, trouvée ? Combattante, déterminée ?

ROLAND LESCURE
Eh bien en fait je l'ai trouvée telle que je la connais, c'est-à-dire effectivement déterminée, engagée, et surtout orientée vers les résultats. Travailler avec Elisabeth BORNE c'est très simple : des objectifs, du travail, des résultats. Les fioritures ne sont pas forcément l'essentiel, c'est vraiment des résultats qu'elle nous demande, et je pense que sur l'industrie on a montré qu'on pouvait en avoir, et donc on continue à les rechercher.

BENJAMIN GLAISE
On va y revenir sur cette question de l'industrie, en tout cas rien de nouveau en ce qui concerne la crise qui secoue la police, depuis plusieurs jours maintenant. Elle a rappelé son soutien, certes très fort aux forces de l'ordre, et puis en même temps la nécessité que la justice fasse son travail sereinement, c'est le mot qu'elle a utilisé, une nouvelle fois. D'après vous c'est suffisant pour calmer la colère des policiers aujourd'hui ?

ROLAND LESCURE
Eh bien je pense qu'il faut à la fois comprendre l'épuisement et sans doute un peu le ras-le-bol des forces de l'ordre. Ça fait des mois qu'ils travaillent d'arrache-pied, qu'ils sont sur le pont. Les émeutes, je dirais, ça a sans doute été un peu la crise de trop pour eux, donc moi je comprends qu'ils soient épuisés, et je comprends qu'ils en aient ras-le-bol, mais évidemment que la justice doit être indépendante, évidemment que la justice doit faire son travail. Vous savez, j'écoutais hier un syndicaliste policier, Julien SCHENARDI, qui parlait de l'affaire Adama TRAORE, et il disait : " Il est temps de laisser faire la justice ". C'est vrai pour toutes les affaires…

BENJAMIN GLAISE
Avec en l'occurrence une demande de non-lieu du Parquet…

ROLAND LESCURE
Exactement. La seule manière, et ce n'est pas facile, parce que quand on est concerné soit directement, soit parce qu'on a un collègue concerné, je comprends que ça affecte, et le directeur général de la " politique nationale " l'a dit avec ses mots, mais au fond, on ne peut pas laisser notre affect, on ne peut pas laisser nos émotions traiter ce genre d'affaire. Les images qu'on a vues ce matin du jeune…

BENJAMIN GLAISE
Hedi.

ROLAND LESCURE
Hedi. Tous ces témoignages j'allais dire, sont chacun dans leur cas, frappants, bouleversants, mais au fond, seule la justice peut établir les faits de manière objective. Ça prend du temps parfois, c'est frustrant. Seul un juge peut décider ou non de la détention provisoire de quelqu'un. Et évidemment il ne le fait que s'il a suffisamment d'indices pour le fermer.

BENJAMIN GLAISE
Mais après c'est tout le sujet. Justement, les policiers attendaient peut-être davantage sur le fond, notamment sur l'instauration de ce statut juridique spécial, peut-être, pour les forces de l'ordre. Sur ce point Elisabeth BORNE n'a rien dit. C'est quoi là concrètement la position du gouvernement à ce sujet ? Il y en a une ou pas ?

ROLAND LESCURE
Moi, ce que je peux vous dire, la mienne, c'est que la justice est indépendante et doit le rester. C'est compliqué. On peut évidemment comprendre que des policiers, quand ils sont au travail, fassent face, c'est le cas de le dire, font face, à des risques particuliers, à des tensions particulières, à des circonstances particulières, qui conduisent peut-être parfois à avoir des actes particuliers. Mais seule la justice peut évaluer ça. Parce que sinon, si vous faites des exceptions, eh bien vous vous retrouvez face à des juridictions d'exception. Donc moi je considère que la justice doit faire son travail.

BENJAMIN GLAISE
Et vous n'êtes pas favorable en l'occurrence à des juridictions…

ROLAND LESCURE
Ecoutez, je ne suis pas ministre de la Justice.

BENJAMIN GLAISE
D'exception.

ROLAND LESCURE
Je suis ministre de l'Industrie.

BENJAMIN GLAISE
Bien sûr.

ROLAND LESCURE
Mais je pense que le soutien inconditionnel, inconditionnel des forces de l'ordre, la seule condition si je puis dire, c'est l'exemplarité des forces de l'ordre. Et quand certains fonctionnaires de police, et c'est évidemment une toute petite minorité, toute petite, ne sont pas exemplaires, eh bien il faut que ce soit traité par des procédures je dirais normales, pour que, au fond, la relation des citoyens avec la police, qui est dans sa grande majorité en fait de relation de respect, de relation de reconnaissance, et au fond souvent, presque une relation de complicité, eh bien puisse se mettre en place, sans aucune, sans aucun doute, sans aucun …

BENJAMIN GLAISE
On attend aussi la prise de parole de Gérald DARMANIN, le ministre de l'Intérieur, elle pourrait intervenir dans les prochains jours, c'est prévu, il est en Nouvelle-Calédonie en ce moment.

ROLAND LESCURE
Ecoutez, Gérald DARMANIN, il est aujourd'hui avec le président de la République, alors il n'est plus en Nouvelle-Calédonie, mais il est en route vers le Sri Lanka … coupure son… j'imagine qu'il trouvera l'occasion de le faire dans les jours qui viennent.

BENJAMIN GLAISE
Sur l'inflation, Elisabeth BORNE a assuré hier que le pic était sans doute derrière nous. Elle dit attendre avec beaucoup d'espoir les négociations entre les industriels et la grande distribution. Vous avez de bonnes les raisons d'y croire Roland LESCURE ?

ROLAND LESCURE
Oui, moi j'ai rencontré les industriels, que je soutiens face à une crise qui n'a pas été facile. On les a aidés à renégocier, un peu, les prix à la hausse l'année dernière, quand les prix des matières premières se sont envolés, on les a rencontrés avec Bruno LE MAIRE et Olivia GREGOIRE, et ils ont indiqué que maintenant que les prix des matières premières baissaient, il fallait aussi qu'on puisse s'y retrouver dans les rayons. Pour l'instant, à la fois parce qu'il y a des promotions, il y a des débuts de renégociations. Il y a les industriels qui ont directement baissé leurs prix aux rayons, parce qu'ils s'y étaient engagés ou parce qu'il y avait ce qu'on appelle des clauses d'indexation automatique dans leur contrat. Ça commence à baisser, il faut que ça continue. Il y a des prix qui montent, il y a des prix qui baissent, mais le blé, les céréales, ça a baissé, j'espère que ça va continuer, un certain nombre de produits qui dépendent de ça doivent baisser. Donc oui, moi je pense qu'on est arrivé aujourd'hui sur un niveau d'inflation élevé, il faut le reconnaître, c'est difficile pour les gens aujourd'hui de faire leurs courses. Il y a sans doute un certain nombre de Françaises et de Français qui durant leurs congés vont devoir se priver de quelques biens, mais globalement, je pense que le pire est derrière nous. J'ai fait des prévisions économiques dans une vie précédente, je sais combien difficiles elles sont, mais malgré tout je pense que la tendance est la bonne et qu'on aura une rentrée je dirais meilleure de ce point de vue-là, oui.

BENJAMIN GLAISE
Bon, Roland LESCURE, la voix n'est pas tout à fait au rendez-vous effectivement, vous n'avez pas chômé ces derniers, il faut le dire…

ROLAND LESCURE
Non, j'étais sur un bateau avec la Première ministre, ce qui explique ma voix un peu caverneuse, au Havre.

BENJAMIN GLAISE
Effectivement, il faut l'expliquer aux auditeurs de Sud Radio, effectivement vous étiez au Havre avec une annonce majeure, un projet porté par ENGIE pour verdir le transport maritime et aérien, ça s'appelle KerEAUzen. En quoi il consiste, concrètement ce projet ?

ROLAND LESCURE
Alors, c'est absolument exceptionnel ce qui est en train de se passer en fait dans nos ports, Dunkerque, Le Havre, Saint-Nazaire, Fos. On est en train de de décarboner l'industrie traditionnelle, et donc on va fabriquer l'hydrogène, on va décarboner nos processus de production, donc Nord 7, ça fait 150 ans qu'on fait de l'acier avec du charbon, on va demain en faire avec de l'hydrogène. On va capturer le carbone, on va l'envoyer là d'où il vient, au fond des océans. Donc on est vraiment à la fois, moi j'aime à dire, vous savez l'histoire, fin du monde, fin du mois. On est vraiment en train de réconcilier l'économie et l'écologie. L'industrie de demain elle sera verte, on a voté un projet de loi qui va en plus accélérer tout ça. Et donc ce que l'on fait dans ces zones portuaires, c'est qu'on a des projets extrêmement porteurs, ENGIE en a un, pour décarboner les carburants. Vous savez qu'aujourd'hui par exemple l'aviation mondiale c'est 3% des émissions globales. La France vend 50 % des avions au monde, donc il y a 1,5% des émissions des avions au monde qui dépend de la France. Et là, ce que va faire ENGIE, c'est qu'ils vont développer une usine pour fabriquer ce qu'on appelle des carburants propres, des carburants de synthèse, qui vont permettre de décarboner l'industrie.

BENJAMIN GLAISE
C'est le kérosène de synthèse.

ROLAND LESCURE
C'est du kérosène de synthèse. Alors, dans un premier temps ça se fait, et ça aussi c'est très important, à partir de déchets, à partir de biomasse. Donc nos déchets, je dirais, qui étaient un poids, sont en train de devenir une autre opportunité. On recycle les déchets, on pollue moins, et en plus on crée l'industrie de l'avenir. Donc, ce que fait ENGIE là-bas, c'est absolument fantastique…

BENJAMIN GLAISE
Avec des rendements quand même assez anecdotiques, en tout cas pour le moment, on parle de 70 000 tonnes, c'est peur par rapport aux besoins, dont on pourrait avoir besoin en l'occurrence, c'est le cas de le dire, pour dans une dizaine d'années.

ROLAND LESCURE
Oui, ils ne seront pas les seuls, donc TOTAL a aussi des projets dans une de leurs grandes raffineries. Aujourd'hui il y a des milliers de salariés qui travaillent dans les raffineries. Qu'est-ce qu'on leur dit quand il n'y aura plus d'essence ? Eh bien on leur dit : il y a de l'avenir, il y a de la perspective, parce qu'on est en train de penser les carburants demain. Alors, vous avez raison, aujourd'hui ça reste relativement expérimental, mais ça va se développer. On est dans une révolution industrielle, moi j'en suis extrêmement enthousiasme parce que j'ai l'honneur de l'accompagner en tant que ministre de l'Industrie, qui va créer de l'emploi, qui va décarboner, qui va réindustrialiser nos territoires, qui va faire baisser la colère, qui va redonner espoir à des territoires qui étaient historiquement en déclin. Franchement, ce qu'est en train de se passer c'est extrêmement enthousiasmant, même si ma voix un peu cassée ne le laisse pas transparaître autant que je l'aimerais.

BENJAMIN GLAISE
On l'entend, avec déjà des réalisations très concrètes, notamment la torche olympique, c'est un bel exemple de ce point de vue-là.

ROLAND LESCURE
Mais les Jeux olympiques ils vont être Made in France. La torche olympique… coupure son… dans l'Aube. On l'a vu, les costumes de la cérémonie d'ouverture faits par une grande maison de mode française. La vasque, j'imagine, sera faite en France aussi. Donc vous savez, on dit souvent : les Jeux olympiques c'est la vitrine d'un pays. Moi je souhaite que les Jeux olympiques soient aussi la vitrine du fabriqué en France. On est en train de relocaliser des produits du quotidien, de l'horlogerie, des jouets, les doudous. Ils ne sont pas tous faits en France mais il y en a 500 000 doudous mascottes, qui sont…

BENJAMIN GLAISE
Les mascottes, oui.

ROLAND LESCURE
Qui sont faits par une boîte super qui s'appelle " Doudou et compagnie ", qui est dans l'Ille-et-Vilaine, qui vont être fabriqués en France. Aujourd'hui, moi j'adore cette histoire, on va avoir la Coupe du monde de rugby, les Jeux olympiques, on va avoir une année sportive, mais il faut profiter de cette année sportive pour montrer qu'il se passe plein de choses en France, et notamment dans l'industrie, et moi je vais m'y atteler. Avec Amélie OUDEA-CASTERA on a déjà prévu d'aller voir ces belles entreprises qui fabriquent français et qui vont habiller nos sportifs.

BENJAMIN GLAISE
Avec la Loi industrie verte, je le rappelle, qui vient d'être votée au Parlement, la semaine dernière, donc vous ne l'avez pas attendue effectivement pour avancer sur le sujet, on vous a entendu. Autre dossier, celui des 50 sites industriels les plus polluants. En novembre, Emmanuel MACRON leur avait demandé de réduire de moitié leurs émissions d'ici 2030. L'objectif, la neutralité carbone pour 2050. Parmi les sites concernés, combien aujourd'hui ont déjà présenté leur plan d'action ?

ROLAND LESCURE
50.

BENJAMIN GLAISE
Tous ?

ROLAND LESCURE
On a fait carton plein. Vous savez, quand le président de la République me demande quelque chose, en général j'essaie de livrer. Et donc il souhaitait qu'on ait 50 contrats de décarbonation avant l'été, on a les 50, on les a présentés à la Première ministre, au Bourget, encore une belle fierté française, le Salon de l'aéronautique, on n'en avait pas eu depuis 4 ans, il a eu lieu et bien lieu, donc on a présenté ces 50 feuilles de décarbonation. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que des cimenteries, des aciéries, des alumineries, des usines chimiques, s'engagent toutes vers la voie de la décarbonation, diviser par deux d'ici 2030 et supprimer toute émission d'ici 2050. Les 50 sites…

BENJAMIN GLAISE
C'est le cas aussi avec les zones industrielles justement bas carbone.

ROLAND LESCURE
Les 50 sites en question c'est 60% des émissions de l'industrie, donc si on décarbone ces 50 sites, on aura fait 60% du boulot. Et effectivement, dans les grands ports dont je parlais tout à l'heure, on met en place ce qu'on appelle des zones industrielles bas carbone, pour que les gens travaillent ensemble. L'industrie c'est une équipe, les élus, les industriels, ceux qui produisent, les infrastructures, évidemment l'Etat, on est tous alignés pour verdir l'industrie et développer l'industrie verte.

BENJAMIN GLAISE
Alors, en échange l'Etat s'est engagé à mettre 5 milliards d'euros sur la table, 10 milliards même si les résultats sont au-dessus des attentes. Pour l'heure, un milliard d'euros a déjà été débloqué. Ce n'est pas un peu précoce à ce niveau-là, Roland LESCURE ? Actuellement on n'a que des feuilles de route, vous l'avez dit, elles ont été présentées, des promesses finalement.

ROLAND LESCURE
Non, on a des projets très concrets. Moi j'ai été chez ARCELOR à Dunkerque, ils ont aujourd'hui déjà une machine qui permet de capter le carbone à l'issue du processus, et de le liquéfier. Alors, c'est expérimental, mais ça existe. Ils ont déjà du recyclage, ils produisent beaucoup d'acier à partir d'acier recyclé. Il reste à changer les fours, de manière à ce qu'on puisse remplacer des fours à gaz par des fours électriques. Et ça c'est des investissements qui s'étalent sur des années. Vous savez que l'industrie, ça a besoin de temps. Un industriel, si vous lui dites : voilà ce qui va se passer dans les 10 ans qui viennent, il vous dit " banco, je suis prêt à le faire ". Donc c'est pour ça qu'il faut commencer maintenant, pour donner de la visibilité aux industriels, de manière à ce qu'ils puissent s'engager. Parce qu'une fois que vous décarbonez une aciérie, de la taille de celle de Dunkerque, vous ne revenez pas en arrière.

BENJAMIN GLAISE
En tout cas, l'effort est là si je vous suis bien. Le conseil de planification écologique, ce sera l'un des moments forts de la rentrée. Cela fait des mois qu'on y travaille, a déclaré hier la Première ministre. Qu'en attendez-vous précisément ?

ROLAND LESCURE
Alors, ce que je viens de vous dire sur l'industrie et feuilles de routes ; en fait, chaque secteur doit avoir un objectif et une feuille de route de décarbonation : les transports (on va passer à l'électrique), l'énergie (on va construire des EPR), l'agriculture, le logement. Et donc, on va présenter chacun notre feuille de route au Président de la République et à la Première ministre et on va s'assurer qu'on peut se le permettre si je puis dire, c'est qu'on va s'assurer que ça boucle. Combien d'électricité il faut ? Combien d'hydrogène ? Combien de biomasse pour crédibiliser ? On est le premier pays à le faire au monde, c'est la première fois que ça arrive. On va être capable de dire " voilà où on va. " Ça fait des années qu'on se donne des objectifs souvent un peu ambitieux mais surtout voilà " comment on y va ".

BENJAMIN GLAISE
Et avec quel budget aussi.

ROLAND LESCURE
Le budget.

BENJAMIN GLAISE
Vous avez déjà une idée, à peu près, du budget nécessaire ?

ROLAND LESCURE
Non, c'est trop tôt. Ce que je peux vous dire c'est que, la Première ministre l'a annoncé d'ailleurs, dès 2024, il y aura 7 milliards de plus pour la transition écologique. C'est des montants énormes. Jean PISANI-FERRY et Selma MAHFOUZ ont publié une étude qui montrait qu'il faut 60 à 70 milliards par an, pas seulement de l'argent public, évidemment les industriels…

BENJAMIN GLAISE
Les investissements privés aussi.

ROLAND LESCURE
Bien sûr. Mais, non, c'est beaucoup d'argent mais c'est une opportunité historique. Ce que je disais, c'est une révolution industrielle. On n'a pas tous les jours, il y en a une par siècle, l'occasion de vivre et d'accompagner une révolution industrielle qui va créer des emplois et qui, en plus, va contribuer à sauver la planète.

BENJAMIN GLAISE
L'actualité, c'est aussi cette PME française (j'aimerais qu'on y revienne) suspectée d'avoir vendu des technologies sensibles à usage militaire à la Russie, à la Chine ; révélations du Parisien aujourd'hui en France. Comment réagissez-vous à cette affaire ?

ROLAND LESCURE
D'abord, je remercie et je félicite les enquêteurs qui ont fait le boulot puisque ces méfaits supposés ont été interrompus et il y a, aujourd'hui, des gens qui sont mis en examen. Mais deux, j'en profite surtout pour interpeller tous les dirigeants de PME ; soyez extrêmement prudents. On est dans le domaine des semi-conducteurs qui est un domaine stratégique. On a besoin de doubler notre production de semi-conducteurs dans les années qui viennent. Et donc soyez extrêmement sensibles aux intrusions humaine ou Cyber d'ailleurs. Le risque Cyber est encore insuffisamment pris en compte. Et voilà, ça montre, à toute chose malheur est bon, que ce risque existe. Et que quand le Gouvernement interpelle et alerte les chefs d'entreprises sur ce risque d'espionnage industriel, ce n'est pas pour faire du James BOND, c'est la réalité aujourd'hui. La guerre économique existe ; la France a les moyens de la remporter mais évidemment, il faut les déployer y compris face à de l'espionnage industriel qui existe.

BENJAMIN GLAISE
L'ancien ministre de l'Education a été nommé ambassadeur auprès du Conseil de l'Europe, Pap NDIAYE. Ça fait réagir ; beaucoup ne comprennent pas ce choix. Est-ce qu'elle est légitime selon vous, cette nomination ? Et comment vous réagissez justement à ces multiples réactions ?

ROLAND LESCURE
Là encore, on va créer une polémique. Pap NDIAYE, c'est un historien reconnu dans le monde entier. Il a enseigné dans toutes les grandes universités, il a dirigé un musée. Il a été un bon ministre de l'Éducation nationale, je le dis. On était à un moment politique où Gabriel ATTAL qui, je n'en doute pas, sera un excellent ministre de l'Education nationale plus politique avec de l'expérience politique plus forte…

BENJAMIN GLAISE
Un poids sur l'administration aussi.

ROLAND LESCURE
... a été nommé comme l'homme de la situation. Pap NDIAYE, c'est quelqu'un d'exceptionnel et je suis sûr qu'il va exceller au Conseil de l'Europe. J'espère que derrière ces préventions, il n'y a pas des discriminations un peu conscientes ou inconscientes larvée parce que…

BENJAMIN GLAISE
C'est l'impression que vous avez ?

ROLAND LESCURE
Pap NDIAYE, c'est un grand bonhomme et moi je le connais personnellement. Je le connaissais un peu avant qu'il soit nommé, je l'ai découvert depuis un an. Il passe à autre chose, mais cette autre chose, je suis intimement convaincu qu'il va le faire très bien.

BENJAMIN GLAISE
Pour conclure, Sylvain MAILLARD, largement élu à la tête du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale. On sait que la rentrée va être tendue, intense : le vote du budget, projet de loi immigration également. Sylvain MAILLARD, c'est le bon choix ? C'est un choix fort justement pour mener ces combats qui vont être rude à l'Assemblée ?

ROLAND LESCURE
Alors Sylvain, je le connais bien, ça fait six ans qu'on a travaillé ensemble à l'Assemblée. C'est un excellent choix, il a toutes les qualités de leadership, à la fois l'écoute, la bienveillance, la détermination. Il sait faire de la politique, il va très bien travailler avec les autres groupes. Aurore BERGE a été une excellente présidente de groupe mais Sylvain MAILLARD va être au moins aussi bon. Donc je lui souhaite plein de réussite et j'ai hâte de bosser avec lui. On a déjà échangé hier et c'est un ami aussi donc vraiment, j'espère qu'il va pouvoir se reposer après parce que la rentrée va être un petit peu rude.

BENJAMIN GLAISE
Oui, il y aura du boulot à la rentrée. Est-ce qu'il va être capable aussi d'élargir cette fameuse majorité ? Ça peut être aussi un avantage avec ce choix-là de... de possible ?

ROLAND LESCURE
Ecoutez, Industrie verte, 231 votes pour 70 et quelques votes contre. Il y avait pas mal d'abstention. En fait, la majorité s'élargit déjà et c'est là, jouer au cas par cas. L'industrie n'a pas de couleur de maillot ; je pense que tout le monde est pour réindustrialiser la France. Donc sur des projets de ce type, on peut montrer qu'on a déjà élargi. On va rentrer dans la saison budgétaire, ça, on le sait, ça va être plus compliqué. Quand vous êtes dans l'opposition, vous ne votez pas le budget. Donc l'examen du budget va être un peu olé-olé. Mais je suis sûr que Sylvain participera à ce travail de manière très productive et très constructive.

BENJAMIN GLAISE
Roland LESCURE, vous allez pouvoir laisser reposer un petit peu votre voix, vous êtes en vacances ; dernier conseil des ministres hier. Quoi de beaux pour les vacances de votre côté ? C'est quoi le programme ?

ROLAND LESCURE
Je reste en France, je vais voir mes proches que j'ai peu vus. Essayer de me reposer un peu, travailler ma voix, me remettre en condition physique parce que ministre, c'est un sport de combat mais on n'a pas beaucoup le temps de faire du sport. Et puis, voilà, me préparer pour la rentrée. Je vais évidemment rester à l'écoute. L'industrie passe un peu en mode veille au mois d'août donc ça tombe bien, on va être un peu en synchronie, mais voilà. Moi, je suis extrêmement heureux de faire ce que je fais depuis un an. Et donc si vous avez aimé la saison 1 de l'industrie, vous adorerez, à mon avis, la saison 2.

BENJAMIN GLAISE
C'est comme une petite usine de séries finalement.

ROLAND LESCURE
Exactement.

BENJAMIN GLAISE
Roland LESCURE, ministre délégué en charge de l'Industrie. Merci d'avoir avec nous ce matin sur Sud Radio et très bonne journée à vous. Bonnes vacances.

ROLAND LESCURE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juillet 2023