Texte intégral
ROMAIN DESARBRES
On accueille la secrétaire d'État chargée de l'Enfance Charlotte CAUBEL, bonjour.
CHARLOTTE CAUBEL
Bonjour.
ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur le plateau de La matinale. On va parler de cette actualité concernant les mineurs isolés. Suite à la lettre du président du département des Alpes-Maritimes qui constate à la frontière franco-italienne un déferlement migratoire, vous avez décidé de lancer une enquête flash sur les MNA, mineurs non accompagnés. Alors je vous vois bouger la tête, ce n'est pas exactement comme ça que ça s'est passé ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors ce n'est pas exactement comme ça que ça s'est passé. D'abord peut-être expliquer ce que c'est qu'un mineur non accompagné : c'est d'abord un jeune, en général un enfant, qui vient sur le territoire européen ou le territoire français sans parent, sans référent légal, sans adulte. En vertu de nos obligations internationales et par humanité bien sûr, ces enfants, pour autant qu'ils soient mineurs, bénéficient d'une protection. La protection, c'est la protection de l'enfance et donc ces enfants sont pris en compte par le département puisque c'est les départements en France qui s'occupent de la protection des enfants en danger. Nous avons une reprise des flux migratoires, vous le savez, tout le monde le sait. Aujourd'hui, pendant cet été, nous avons eu deux fois plus d'enfants isolés qui sont arrivés sur notre territoire par rapport à l'année précédente.
ROMAIN DESARBRES
De quels pays ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors essentiellement d'Afrique subsaharienne pour cette voie d'accès par la frontière italienne. Donc incontestablement, une augmentation des flux. Il ne faut pas parler de submersion, on est en train de parler par semaine, pendant la période estivale, d'à peu près 100 enfants qui se sont répartis sur la totalité du territoire pour autant qu'ils soient qualifiés de mineurs.
ROMAIN DESARBRES
Par enfant, vous entendez quoi ? Moins de 18 ans ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors c'est tout l'enjeu. Parce que dans ceux qui arrivent, il y a bien sûr des jeunes enfants – pas de débat – mais il y a aussi des jeunes majeurs qui arrivent sans papiers et qui prétendent être des enfants. Et tout le rôle des départements, c'est de faire le tri entre ceux qui prétendent…
ROMAIN DESARBRES
Ça ce n'est pas nouveau. Le mineur, enfin le migrant clandestin qui se fait passer pour un mineur pour bénéficier de la protection…
CHARLOTTE CAUBEL
Exactement, ce n'est pas nouveau, et moi je suis très claire. Autant il n'y a pas de débat : un mineur doit être protégé, autant un majeur doit faire l'objet des procédures classiques des majeurs.
ROMAIN DESARBRES
Avec l'efficacité qu'on connaît.
CHARLOTTE CAUBEL
Alors avec les enjeux d'efficacité qu'on connaît mais j'allais dire que ça, pour le coup, ça n'est pas de ma compétence. Depuis avril, nous sommes en lien avec le président du département des Alpes-Maritimes, avec le président SAUVADET, président des départements de France, pour faire face à l'enjeu majeur qui est d'évaluer au plus vite la minorité des personnes qui se prétendent mineurs non-accompagnés. Nous avons fait des propositions encore pendant tout l'été. Donc effectivement, le président du 06 a décidé d'interpeller la Première ministre et le président de la République. Sans évoquer très clairement toutes les discussions que nous avons depuis plusieurs semaines, on peut comprendre que c'est une démarche politique.
ROMAIN DESARBRES
Après, c'est de la politique.
CHARLOTTE CAUBEL
Exactement.
ROMAIN DESARBRES
Vous en faites, il en fait. Combien y a-t-il de mineurs non accompagnés en France ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors des mineurs pris en charge donc effectivement qualifiés, c'est à peu près aujourd'hui un peu plus de 20 000 qui sont aujourd'hui pris en compte.
ROMAIN DESARBRES
Et en réalité ?
CHARLOTTE CAUBEL
Ah non, c'est 20 000.
ROMAIN DESARBRES
Oui, pris en charge mais il y en a peut-être…
CHARLOTTE CAUBEL
On parle de deux choses. Non, non, une fois qu'ils sont qualifiés de mineurs, il n'y a pas de débat, ils sont pris en compte par les départements. C'est à peu près 15 % des enfants placés à l'Aide sociale à l'enfance aujourd'hui. 15 %. Donc une vingtaine, à peu près 20 000 enfants qui sont pris en compte par les départements. Le problème c'est ceux qui se prétendent mineurs et qui sont qualifiés de majeurs, voilà.
ROMAIN DESARBRES
Qu'est-ce que vous entendez, qu'est-ce que vous souhaitez découvrir dans cette enquête flash, sur les mineurs non accompagnés, que vous ne savez pas déjà ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, on est dans une situation de reprise des flux migratoires et donc des jeunes, se prétendant mineurs non accompagnés, qui arrivent vers les départements pour être évalués, il y a donc une forme de bouchon qu'il nous faut évaluer pour pouvoir apporter l'aide de l'État à ces départements, parce que mon objectif c'est que ces enfants, ou pas d'ailleurs, soient évalués très très vite, pour être dans le bon dispositif très très vite, sinon ils attendent parfois très longtemps, parfois jusqu'à 6 ou 8 mois, avant d'être évalués, ce n'est pas acceptable, donc on a fait des propositions au président du département des Alpes-Maritimes, on a mis en lien des associations pour l'aider à la mise à l'abri et à l'évaluation, il faut que ça s'accélère, donc l'enquête elle va me permettre de savoir s'il y a un problème uniquement dans le 06 ou dans d'autres départements, puisqu'il y a d'autres départements frontaliers, avec l'Italie notamment, et puis on a aussi des enfants qui passent la frontière, ne s'arrêtent pas dans les Alpes-Maritimes, et qui vont vers d'autres villes pour être évalués, donc moi je veux bien savoir qu'il y a des problèmes pour apporter une aide efficace de l'État aux départements.
ROMAIN DESARBRES
Un enfant doit être avec ses parents, pourquoi est-ce qu'ils ne sont pas renvoyés dans leur pays ?
CHARLOTTE CAUBEL
Un enfant doit être avec ses parents, ça on est tous d'accord, c'est même un droit international, mais les réseaux de criminels, d'immigration clandestine, poussent les parents avec cette promesse de cette aide inconditionnelle de la protection de l'enfance à partir vers l'Europe pour avoir cette protection, on sait bien qu'on est dans un mécanisme…
ROMAIN DESARBRES
Est-ce que bien involontairement, en les accueillant, on n'aide pas les réseaux criminels dont vous parlez ?
CHARLOTTE CAUBEL
On donne un motif pour…
ROMAIN DESARBRES
Ce n'est pas le but de la France, mais…
CHARLOTTE CAUBEL
Mais si vous voulez, là je n'ai aucun problème, un majeur doit être traité dans les processus "majeurs", y compris avec des mécanismes de reconduite, un mineur c'est un mineur, par définition, pardonnez-moi, il n'a pas choisi ce parcours, ce n'est pas lui qui choisit d'être déraciné de chez ses parents, de partir sur des filières extrêmement compliquées, il faut voir ce que c'est d'être seul et de faire tout ce parcours, il arrive chez nous, moi j'ai pas évidemment d'ailleurs de débat à avoir, ce sont nos obligations internationales, ce n'est pas souhaitable, mais c'est une réalité, une réalité à laquelle il faut qu'on fasse face, d'abord les départements c'est leur responsabilité, mais comme c'est compliqué, l'État est à leurs côtés, et moi c'est ce que je veux faire avec cette enquête, bien comprendre les enjeux, venir au soutien des départements, assumer nos obligations internationales, protéger ces enfants. Il faut quand même savoir que dans les flux qui arrivent on a plus de jeunes filles qu'avant, qui dit jeunes filles dit évidemment prostitution, donc c'est un enjeu de protection de ces enfants, j'y suis particulièrement attachée.
ROMAIN DESARBRES
A Paris un marocain de 12 ans a été arrêté suite à un énième cambriolage, mineur non accompagné marocain, il a été interpellé et relâché, qu'est-ce que cela vous inspire ?
CHARLOTTE CAUBEL
Alors, d'abord on n'est pas dans une situation qui est en lien avec ce que vous venez de ce qu'on vient d'évoquer, parce que les mineurs marocains non accompagnés viennent par l'Espagne, ce sont des flux qu'on a d'ailleurs…
ROMAIN DESARBRES
Enfin qu'ils viennent par l'Espagne ou par l'Italie…
CHARLOTTE CAUBEL
Non, ce n'est pas tout à fait pareil, pardonnez-moi parce que pour le coup on est arrivé avec des réponses très claires, portées par Éric DUPOND-MORETTI, par Gérald DARMANIN, à négocier, à discuter, avec le royaume du Maroc pour éviter que ces tout petits Marocains, qui arrivaient il y a trois ou quatre ans, continuent à arriver, donc c'est vraiment aujourd'hui des situations extrêmement exceptionnelles que d'avoir des jeunes marocains de 12 ans sur notre territoire, il y a eu beaucoup, on a eu une convention avec le Maroc, ce flux-là aujourd'hui n'est pas l'objet de ce qui se passe sur notre territoire, je ne vous dis pas qu'on n'a pas des enfants qui commettent des délits à 12 ans sur notre territoire, vous le savez, c'est une évidence, mais par contre ce n'est pas ça, et ça ne justifie pas qu'on parle de submersion, de vague, etc.
ROMAIN DESARBRES
Il a parlé de déferlement migratoire, vous dites qu'il y a une poussée migratoire, bon après on joue un peu avec les mots, on coupe les cheveux en quatre…
CHARLOTTE CAUBEL
On peut jouer sur, voilà…
ROMAIN DESARBRES
Mais il se passe quelque chose, oui.
CHARLOTTE CAUBEL
En tout cas aujourd'hui les dispositifs ne sont pas facturés, quand on parle de déferlement, d'une vague, c'est qu'on n'arrive pas à faire face au flux, il y a un flux important, je suis là pour aider les départements à l'assumer et à répartir la charge sur l'ensemble du territoire, on n'est pas au stade de la subversion, et en tout cas on n'a pas de jeunes Marocains dans les flux qui arrivent sur la frontière italienne.
ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup Madame la secrétaire d'État chargée de l'Enfance, merci Charlotte CAUBEL d'être venue ce matin sur le plateau de la matinale.
CHARLOTTE CAUBEL
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 septembre 2023