Texte intégral
AMANDINE BEGOT
Dans un tout petit instant, sur RTL, le tout nouveau ministre de l'Education nationale. Bonjour Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour Amandine BEGOT.
AMANDINE BEGOT
Et Bienvenu sur RTL. On va bien sûr y revenir longuement dans un instant, mais est-ce que vous nous confirmez ce matin qu'il y aura bien un enseignant dans chaque classe ?
GABRIEL ATTAL
Oui, et ils sont surtout ravis d'accueillir leurs élèves aujourd'hui, comme tous les personnels de l'Education nationale, et vous me permettrez, dès le départ, de souhaiter une bonne rentrée à tous les élèves de France. Evidemment, à leurs parents qui les accompagnent en ce moment sur le chemin de l'école, et à tous les personnels de l'Education nationale qui sont mobilisés.
AMANDINE BEGOT
Mais donc, un prof dans chaque classe, c'est promis ?
GABRIEL ATTAL
Devant chaque élève.
AMANDINE BEGOT
Gabriel ATTAL, depuis quelques jours, et j'imagine que vous les surveillez, plusieurs appels circulent sur les réseaux sociaux, des appels à porter l'abaya, en ce jour de rentrée. Que dites-vous ce matin à celles qui seraient tentées de suivre cet appel, d'arriver justement au lycée ou au collège en abaya ? Elles ne rentreront pas ?
GABRIEL ATTAL
Moi, je veux rappeler que l'école elle est gratuite, elle est pour tous et elle est laïque. On ne peut pas tergiverser avec la laïcité à l'école. Donc oui j'assume la décision que j'ai prise, de dire que l'abaya le qamis, ne peuvent être portés à l'école. Je suis conscient que derrière l'abaya, le qamis, il y a des jeunes filles, des jeunes garçons, parfois leurs familles, à qui il faut expliquer les choses. Donc pour répondre très concrètement à votre question, une jeune fille qui se présenterait aujourd'hui dans un établissement scolaire, vêtue d'une abaya, ne pourra pas rentrer en classe. En revanche, elle aura un échange avec les équipes pédagogiques, qui lui expliqueront la règle, pourquoi est-ce que la laïcité s'applique à l'école, comment est-ce qu'elle s'applique à l'école ? Lui rappeler que la laïcité, elle ne stigmatise personne, ça n'est pas une contrainte, c'est une liberté, celle de s'émanciper par l'école de la République. On a positionné des personnels formés sur les questions de laïcité, dans les établissements…
AMANDINE BEGOT
Mais ce sont quoi, des policiers ?
GABRIEL ATTAL
Pas du tout, ce sont des inspecteurs d'académie, ce sont des personnels Laïcité valeurs de la République des rectorats, qui sont formés sur ces questions-là. Il y a un peu plus de 2 000 personnels qui sont formés sur ces questions-là, qu'on a positionnés dans les établissements pour lesquels on sait que ce sujet va se manifester.
AMANDINE BEGOT
C'est 150 établissements sensibles ?
GABRIEL ATTAL
Alors, c'est un peu plus que ça, il y a 513 établissements que nous avons identifiés comme potentiellement concernés par cette question-là à la rentrée scolaire. On a beaucoup travaillé, et je veux les saluer, avec les équipes de l'Education nationale, aussi avec le ministère de l'Intérieur sur ce sujet-là, pour identifier les établissements dans lesquels on sait qu'a priori cette situation va se présenter. Et on a proposé aux chefs d'établissement d'avoir des personnels formés à leurs côtés, pour échanger avec les élèves concernés, et avec leurs familles.
AMANDINE BEGOT
Une partie de l'opposition salue cette interdiction, je pense notamment aux Républicains, mais ils vous appellent à aller plus loin, à interdire les signes religieux pour les parents accompagnant les sorties scolaires. Est-ce que vous êtes prêts à aller jusque-là, est-ce que c'est la prochaine étape ?
GABRIEL ATTAL
Non, et d'ailleurs vous savez, sur ce sujet-là des sorties scolaires, ce qui m'avait permis de me forger mon opinion, c'est une tribune de Caroline FOUREST sur le sujet, qui fait bien la distinction entre ce qui se passe dans l'école et ce qui se passe en dehors de l'école, et le fait qu'on a besoin évidemment de parents qui puissent accompagner les élèves en sorties scolaires, dans un cadre qui est un cadre scolaire, parce que c'est l'Education nationale qui organise, les établissements, qui organisent, mais qui n'est pas le cadre de l'école. Moi, vraiment ce qui m'importe c'est ce qui se passe dans l'école. Faire respecter la loi de 2004, notre laïcité dans les murs de l'école. On voit que c'est encore un travail important, et donc sur ce sujet-là, évidemment ma détermination est totale.
AMANDINE BEGOT
Autre solution avancée par certains, y compris au sein du gouvernement, c'est l'uniforme. Vous avez dit que vous étiez favorable à une expérimentation, et on voit que certains vont essayer ou certaines, de venir aujourd'hui avec des robes longues, qui ne sont pas tout à fait des abayas mais pour contourner tout ça. Est-ce que c'est la solution ? L'expérimentation elle va se faire ou pas ?
GABRIEL ATTAL
Moi je me déplace beaucoup sur le terrain, et j'échange avec des enseignants, des élus, des familles, qui souvent effectivement me font cette proposition. Pour répondre très concrètement, je ne suis pas sûr que ça soit une solution miracle qui permette de régler tous les problèmes de l'école, mais en tout cas je pense qu'elle mérite d'être testée. Et moi je suis très favorable à l'expérimentation pour qu'elle puisse faire avancer le débat. Je vois bien qu'il y a des prises de position d'élus, en nombre ces derniers jours, sur cette question de l'uniforme. J'invite ces élus à se rapprocher de mes services, pour proposer concrètement les établissements dans lesquels ils souhaiteraient expérimenter une tenue scolaire unique, et j'annoncerai à l'automne les modalités d'expérimentation qui nous permettront de tester cette solution.
AMANDINE BEGOT
L'idée c'est quoi, de commencer après les vacances de la Toussaint par exemple, l'expérimentation ?
GABRIEL ATTAL
On va y travailler avec les élus, avec les personnels de l'Education nationale. Encore une fois, c'est important qu'il y ait une communauté éducative qui soit volontaire, c'est-à-dire aussi avec les parents, au niveau d'un établissement. Et moi je souhaite, oui, qu'on puisse assez vite lancer des expérimentations sur le sujet. Ça permet quand même de faire progresser le débat. Vous avez aujourd'hui beaucoup de Français qui y sont favorables des Français qui n'y sont pas favorables, je pense que le meilleur moyen de se faire une idée c'est de tester les choses dans une série d'établissements. Je souhaiterais qu'il puisse y avoir des territoires différents, des établissements différents, écoles primaires, collèges, lycées, qu'on ait une vraie méthodologie d'évaluation, et qu'on regarde ensuite si c'est utile ou pas pour les élèves. Je pense qu'il ne faut jamais perdre de vue la boussole. L'important quand on teste des mesures comme celle-ci, c'est avant tout ce que ça permet en matière de transmission, en matière d'élévation du niveau à l'école, en matière de restauration de l'autorité dans nos établissements scolaires. A l'aune de ces critères, je pense qu'on sera capable, avec les expérimentations, de savoir si c'est utile ou pas.
AMANDINE BEGOT
Donc, expérimentation peut-être après les vacances de la Toussaint, c'est ce que vous nous dites ce matin, avec une généralisation dès la rentrée prochaine si c'est positif, ou pas, ou je vais trop vite ?
GABRIEL ATTAL
A nouveau, il faut bâtir une méthodologie et voir combien de temps est-ce qu'une expérimentation doit durer pour évaluer si elle est utile ou pas et s'il faut généraliser ou pas. Donc je vais y travailler, vraiment, avec des experts, avec les élus, les enseignants évidemment, c'est important de partager, avec leurs représentants, ce sujet-là, je suis très attaché au dialogue social, mais oui moi je souhaite qu'on puisse avancer sur cette question-là.
AMANDINE BEGOT
Cette histoire d'uniforme ça peut aussi être une solution face au problème de pouvoir d'achat, c'est Sonia BACKES qui explique ça, la secrétaire d'Etat en charge de la Citoyenneté, elle citait ces derniers jours l'exemple de la Nouvelle-Calédonie où elle est élue et où l'uniforme est la règle depuis 8 ans, elle dit que ça a permis de diviser par trois le coût d'achat des vêtements pour la rentrée. Sur la flambée justement des prix des fournitures scolaires, est-ce que ce n'est pas d'abord, Gabriel ATTAL, un peu aux enseignants de faire un effort ? Je pense à ceux, et je ne les pointe pas tous du doigt, mais qui demandent quantités de choses. Je vous cite un exemple : j'ai dû chercher, moi, le pinceau-brosse numéro 18, sincèrement il n'est nulle part en supermarchés, vous avez le 16, le 20, mais vous n'avez pas le 18, il faut aller dans une papeterie. Est-ce que ça on ne pourrait pas changer un peu les choses ?
GABRIEL ATTAL
Cette question des fournitures scolaires elle est extrêmement important, notamment en période d'inflation. Il y a d'abord ce que vous ne pouvez pas trouver, effectivement, et puis aussi le fait que ça coûte et que c'est une dépense dans laquelle les familles, évidemment, ne coupent pas, parce que c'est pour la réussite de leurs enfants. Qu'est-ce que j'ai annoncé, moi, au moment où j'ai pris mes fonctions ? Je souhaite qu'on avance dans deux directions. Un, qu'on simplifie effectivement la liste des fournitures qui sont demandées aux élèves, en respectant la liberté pédagogique des enseignants, mais en cherchant à simplifier davantage. Et deux, qu'on travaille à un système qui permettrait aux familles qui le souhaitent, de pouvoir faire des commandes à travers leur établissement scolaire, à des prix qui seraient négociés par l'Education nationale. Aujourd'hui les familles elles sont seules face à la loi du marché. Or, plus on est nombreux, plus on est fort pour faire baisser le prix…
AMANDINE BEGOT
Il n'est pas question que ce soit l'Etat qui paie les fournitures scolaires ?
GABRIEL ATTAL
L'Etat ne peut pas payer tous les stylos, toutes les gommes, tous les cahiers de tous les élèves de France, et ceux qui le proposent, on le voit bien dans les partis de la gauche, en général ils avancent aux Français une gratuité, mais les Français savent très bien qu'à la fin il y a toujours quelqu'un qui paie, et que donc quand on avance la gratuité, comme ça, sur ce type de mesure, en réalité ils le financeraient par une augmentation d'impôts qui toucherait encore la classe moyenne. Et moi ce qui m'intéresse, ce sur quoi je veux travailler, c'est vraiment cette classe moyenne française, qui gagne toujours un peu trop pour bénéficier des aides, qui est toujours un peu au-dessus des seuils qui leur permettent d'être accompagnés par la solidarité nationale.
AMANDINE BEGOT
Comme Gérald DARMANIN.
GABRIEL ATTAL
Comme je l'espère beaucoup de responsables politiques, et notamment dans la majorité présidentielle. Oui. C'est ces Français, qui ne peuvent pas spécialement compter sur la solidarité nationale, ils travaillent, ils gagnent souvent un peu trop pour être aidés, et pourtant l'inflation ils la prennent de plein fouet. Et donc oui, moi je pense que plus on est nombreux, plus on est fort, il y a 12 millions d'élèves, si les familles qui le souhaitent peuvent, à travers l'Education nationale, s'allier pour faire des commandes de gros, ça permettra de faire baisser les prix. Donc je souhaite qu'on travaille avec les associations de parents d'élèves, à cette organisation pour la rentrée prochaine.
AMANDINE BEGOT
Gabriel ATTAL, je voulais vous parler d'un sujet qui nous tient à coeur ici à RTL, c'est la question du harcèlement scolaire. Elisabeth BORNE l'a confirmé hier sur RTL, elle présentera à vos côtés un plan au courant du mois. On a suivi, nous sur RTL, l'an dernier l'histoire du petit Maël, un petit garçon de 10 ans qui a été harcelé pendant 3 ans par le même enfant, privé d'école pendant des mois, parce que son harceleur y était toujours. Son papa, qui avait pourtant saisi tous les services de l'Education nationale, déposé plainte, avait fini par lancer un appel sur RTL. Toute la rédaction s'est mobilisée, on a appelé en personne Pap NDIAYE, parce qu'à l'époque personne d'autre ne nous apportait de solution. Contacté le cabinet de Brigitte MACRON. Finalement miracle, l'affaire s'était débloquée. Vous reconnaîtrez, Monsieur le Ministre, que tous les parents ne peuvent pas et n'ont pas forcément envie d'ailleurs, d'étaler toute leur vie, alerter les médias. Est-ce que vous vous engagez ce matin, au moins sur RTL, à apporter une solution à tous ceux qui saisiraient juste les directeurs d'établissement ? Il doit y avoir une réponse à chaque fois ?
GABRIEL ATTAL
Oui, il y a derrière les directeurs d'établissement, parce que je ne veux pas trop les charger, c'est toute la chaîne de l'Education nationale au niveau des rectorats et de mon ministère, qui doit être plus réactive. Moi je le dis, c'est ma grande cause. Je trouve insupportable qu'un élève aille à l'école la boule au ventre, parce qu'il y est harcelé, et qu'il rentre la boule au ventre à la maison le soir, parce que le harcèlement continu via les réseaux sociaux. C'est insupportable. Et le cas que vous évoque, il a fallu attendre la classe de CM2 pour qu'il puisse enfin aller à l'école en paix. Il y a aussi le cas de Léo qui avait été avancé ici, Léo au collège, qui était harcelé pourquoi ? Parce qu'il fait de la danse, de la danse ! Sur la boucle WhatsApp de sa classe il était harcelé en permanence, menacé de mort parce qu'il fait de la danse. C'est insupportable. Et c'est des élèves qui évidemment, parce qu'ils ne sont pas heureux à l'école, apprennent dans de mauvaises conditions et donc apprennent moins que les autres. Moi ça me révolte et ça me scandalise.
AMANDINE BEGOT
Sauf que…
GABRIEL ATTAL
J'ai pris un certain nombre de mesures, dès cet été…
AMANDINE BEGOT
… c'est désormais aux harceleurs de quitter l'établissement, et plus au harcelé, et cela c'est une très bonne chose. Malgré tout, je reviens au cas du petit Maël en quelques secondes. Il rentre en 6e aujourd'hui.
GABRIEL ATTAL
Oui.
AMANDINE BEGOT
Ses parents ont une nouvelle fois dû se battre tout l'été. Pourquoi ? Parce qu'il allait se retrouver dans le même collège que son harceleur.
GABRIEL ATTAL
J'ai vu ça…
AMANDINE BEGOT
Ce n'est pas normal.
GABRIEL ATTAL
Et ça montre à quel point on doit encore, dans l'organisation du ministère de l'Education nationale, faire mieux. C'est le sens du plan que je présenterai avec la Première ministre, dans le courant du mois. Je le dis, il n'y a pas de mauvaise volonté dans mon ministère. Je le vois, les agents sont évidemment sensibilisés à ces questions, d'ailleurs souvent ils ont eux-mêmes des enfants qui peuvent être confrontés à cette situation, c'est une question d'organisation. On doit être beaucoup plus réactif sur cette question-là, et je m'engage, je m'engage à avancer sur cette question, parce que je le dis, c'est la grande cause que je veux poursuivre, parce que c'est tout simplement insupportable, et quand on lit certains témoignages d'élèves et de familles, c'est insupportable qu'on se retrouve encore avec ces situations aujourd'hui à l'Education nationale.
AMANDINE BEGOT
Un enfant sur dix, victime de harcèlement à l'école. Merci beaucoup Monsieur le Ministre.
YVES CALVI
Fermeté absolue sur l'abaya et le qamis. Près de 500 établissements possiblement concernés aujourd'hui, mais tolérance pour les adultes lors des sorties pédagogiques, vient de nous dire Gabriel ATTAL.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 septembre 2023