Texte intégral
JEAN-RÉMI BAUDOT
Il a la lourde tâche de tenter de sauver notre système hospitalier en crise, il a annoncé hier soir de nouvelles revalorisations pour les soignants. Aurélien ROUSSEAU, ministre de la Santé, est le grand témoin de Franceinfo. Bonjour Aurélien ROUSSEAU.
AURÉLIEN ROUSSEAU
Bonjour.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Vous êtes ministre de la Santé depuis bientôt deux mois et hier, vous étiez avec la Première ministre Élisabeth BORNE qui a fait un certain nombre d'annonces. Alors on va parler de l'hôpital, des revalorisations des soignants mais d'abord parlons de certaines annonces finalement très concrètes pour les Français. Il sera bientôt possible d'aller chez le pharmacien pour obtenir des antibiotiques pour certaines maladies, pathologies, angines, cystites. Quelle est la logique ?
AURÉLIEN ROUSSEAU
La logique, c'est de faciliter l'accès des Français sur des pathologies assez classiques, que souvent d'ailleurs ils reconnaissent, et on a en France un réseau de professionnels de santé exceptionnel qui est le réseau officinal, en plus évidemment des médecins, et donc ils vont pouvoir aller, chacun de nos concitoyens, à la pharmacie.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Donc quand j'ai mal à la gorge, je vais à la pharmacie ; comment le pharmacien il va savoir si mon angine est bactérienne ou virale ? On sait que c'est quand même la clé sur les antibios.
AURÉLIEN ROUSSEAU
Absolument et, j'allais dire, c'est vrai sur l'angine, c'est vrai sur la cystite aussi. Le pharmacien, d'abord il faut qu'il soit intégré si je puis dire dans une équipe, il y a un vrai protocole qui a été validé parce qu'évidemment, il faut qu'il traite les cas qui sont les plus simples. Donc il fait un test d'orientation diagnostic rapide, un TROD. Il verra à ce moment-là si c'est bactérien ou si c'est un virus, et il peut prescrire un antibio. Sur la cystite, c'est quelque chose de très important pour nos concitoyennes, puisque c'est quelque chose qui est vécu régulièrement. Souvent ça se passe le week-end, c'est extrêmement douloureux et il y a ce côté rageant quelquefois : vous savez quel médoc il faudrait prendre, le pharmacien le sait aussi mais vous n'avez pas l'ordonnance. Mais par contre, il est essentiel de le dire, tout ça c'est dans le cadre d'un partage de tâches, sous la supervision d'un médecin. Et donc le pharmacien, il va d'abord vous poser des questions pour éliminer le risque que ça ne soit pas simplement une cystite mais éventuellement quelque chose de plus grave, comme une pyélonéphrite, pour être sûr de ne pas passer à côté de quelque chose de grave, et là il vous orienterait immédiatement vers un médecin.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Juste un mot. C'est comme la vaccination pour les pharmaciens, ça paraît presque évident et avant ça bloquait. Qu'est-ce qui s'est passé ? Les médecins ont lâché sur ces questions-là ? Qu'est-ce qu'ils ont obtenu en échange ?
AURÉLIEN ROUSSEAU
Je ne pense pas que c'est une question de rapport de force. Je pense que c'est une question de progression.
JEAN-RÉMI BAUDOT
C'est souvent une question de rapport de force avec les médecins.
AURÉLIEN ROUSSEAU
Oui. Enfin, ça l'est avec beaucoup de catégories de la population. Là, la coopération progresse partout. Il y a presque 60 % du territoire et de la population plutôt qui est couverte par ces dynamiques de coopération, et face aussi à la pression, aux difficultés que l'on traverse, il y a ce côté "on se met ensemble", mais ce n'est pas pour se substituer aux médecins. C'est du partage de tâches au bénéfice des Français.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Il y a un chiffre qui a été annoncé hier : plus d'un milliard d'euros, 1,1 milliard d'euros, enveloppe débloquée face à la crise de l'hôpital public. Une hausse pour les soignants qui travaillent la nuit et le dimanche notamment. Est-ce que vous pouvez nous donner les grandes lignes des annonces d'hier soir ?
AURÉLIEN ROUSSEAU
Oui. D'abord, c'est un sujet qui a été pris l'an dernier, l'été dernier. Je veux saluer l'action de mon prédécesseur François BRAUN. Moi je veux le dire, il avait mis ce sujet sur la table.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Lui, il avait rajouté un euro par heure, notamment par exemple la nuit. Ça, ça n'avait été manifestement pas suffisamment.
AURÉLIEN ROUSSEAU
Mais c'étaient des mesures d'urgence qu'on a reconduites et le président de la République l'avait dit lors de ses vœux aux soignants, il voulait qu'on les pérennise. Et donc on a travaillé, moi c'est aussi pour ça que j'ai mis un peu de temps à proposer au président et à la Première ministre ces annonces qu'Élisabeth BORNE a faites hier. Je voulais qu'elles soient simples, lisibles et que tout le monde puisse se projeter. Donc c'est simple : la nuit pour les paramédicaux, et j'assume de dire que c'était notre priorité donc notamment les infirmières et les aides-soignantes, c'est plus 25 % par rapport à ce qu'elles touchaient précédemment. Ça veut dire pourquoi un pourcentage plutôt qu'un chiffre ? C'est que ça veut dire qu'en début de carrière, vous aurez 150 euros de plus par mois sur votre feuille de paie. C'est 300 euros en milieu de carrière, c'est plus de 400 en fin de carrière. Or le travail de nuit ça pèse plus sur vous quand votre organisme a déjà…
JEAN-RÉMI BAUDOT
C'est une manière de reconnaître une forme de pénibilité, plus 25 % ?
AURÉLIEN ROUSSEAU
C'est une manière de reconnaître, oui, une sujétion extrêmement lourde qui, dans toute la société, est difficile à tenir. Mais l'hôpital, ça vit 24 heures sur 24, c'était indispensable de reconnaître. C'est une mesure parmi d'autres pour l'attractivité et la fidélisation, c'est une mesure importante. La deuxième, c'est pour les personnels qui travaillent le dimanche, une revalorisation de 20 % de leur prime du dimanche. Et puis pour les personnels médicaux, il y a le maintien et la pérennisation de la mesure qui avait été mise en place à l'été dernier sur l'augmentation de 50 % de la rémunération des gardes. Et puis un sujet un peu plus technique, mais les astreintes du week-end vont être payées au même tarif que dans le privé. C'est très important parce que derrière, ça nous permet de travailler à la permanence des soins en établissement de santé.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Alors pour autant, les salaires notamment des infirmiers, des infirmières ne change pas. Je voudrais vous faire écouter Thierry AMOUROUX, il est porte-parole du Syndicat national des personnels infirmiers.
THIERRY AMOUROUX, PORTE-PAROLE DU SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS INFIRMIERS
Le vrai problème que l'on a aujourd'hui, ce n'est pas une petite prime par-ci par-là. C'est qu'il y a un vrai problème de salaire. On veut être payé à hauteur de nos compétences et de nos responsabilités. Or l'infirmière en France est sous-payée par rapport aux autres pays. Si vous allez en Belgique, c'est plus 30 % ; si vous allez en Suisse, le salaire infirmier est doublé.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Donc avec ces annonces, est-ce que finalement vous répondez ? Vous avez l'impression de répondre à la préoccupation des infirmiers et du monde médical ?
AURÉLIEN ROUSSEAU
Alors d'abord, premièrement, ce ne sont pas des mesurettes et ce n'est pas comme si ça commençait hier soir. Le Ségur de la santé, c'était plus 183 euros sur la feuille de paye d'une infirmière. Je crois que personne ne peut dire que ce n'est rien, et d'ailleurs quand on discute avec les personnels de santé ils le reconnaissent. Les comparaisons internationales elles sont intéressantes, il faut aussi les renvoyer aussi à la durée de travail. Je ne dis pas que ça répond à tout parce qu'en fait, la sujétion et ce que ça pèse de travailler la nuit, ce que ça pèse de travailler à l'hôpital et la difficulté…
JEAN-RÉMI BAUDOT
Mais est-ce que ça peut rendre le métier plus attractif ?
AURÉLIEN ROUSSEAU
Ça peut rendre le métier plus attractif d'une part. C'est d'abord la reconnaissance d'une sujétion, et ça va dans un cadre global. On va travailler sur les formations, on va travailler sur l'échelle du service pour redonner ce sens de l'équipe. Mais hier, on était jusqu'à tard hier soir, même au début de la nuit avec la Première ministre à l'hôpital de Rouen. Moi j'étais la semaine dernière à l'hôpital d'Alès jusqu'à 2 heures et demie du matin. Ce qu'on entend, c'est cette reconnaissance financière elle était indispensable, mais par ailleurs il faut du sens. Il faut retrouver le temps du soin et c'est ça que nous mettons en œuvre à toutes les échelles.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Alors je rappelle quand même le coût : 1,1 milliard. Quel financement ? Comment est-ce que vous financez ces revalorisations ?
AURÉLIEN ROUSSEAU
C'est un choix mais on aura l'occasion sans doute d'en reparler au moment du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Ce sera sur le prochain budget de la Sécu ?
AURÉLIEN ROUSSEAU
Oui absolument, ça sera sur le prochain budget de la Sécu. C'est une décision qui est prise au niveau national. Et oui, il y a des priorités à assumer. Moi j'assume que la rémunération des personnels non-médicaux la nuit était aujourd'hui une des priorités les plus essentielles à laquelle répondre.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Et est-ce que vous assumez de demander des efforts aux patients ? On parle désormais d'une hausse des franchises médicales. Vous assumez de demander aux patients de venir combler une partie du déficit de la Sécu ?
AURÉLIEN ROUSSEAU
J'assume de dire que la Sécu, c'est les cotisations des salariés et des employeurs – enfin, de ceux qui travaillent et des employeurs - et qu'il faut qu'on soit transparent. Les arrêts maladie augmentent très vite, il n'y a pas de stigmatisation. C'est la vie, c'est la réalité de la société. La dépense de ville augmente très vite et, par ailleurs, on veut que l'hôpital, on veut que les médecins et les professionnels libéraux soient mieux rémunérés aussi. Donc on met sur la table, et moi je dis aujourd'hui je pense que c'était prioritaire de faire ça, et on aura la discussion aussi sur des mesures d'économies dans d'autres champs du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Il nous quelques secondes. Un dernier mot du Covid : un nouveau variant appelé BA 2 86 a été détecté pour la première fois en France. Il est surveillé attentivement par l'OMS. Est-ce qu'il faut s'inquiéter ?
AURÉLIEN ROUSSEAU
Moi je ne suis pas là pour dire il faut s'inquiéter ou il faut être rassurant.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Est-ce que vous avez des recommandations ?
AURÉLIEN ROUSSEAU
Aujourd'hui, l'OMS considère qu'il faut le surveiller, ça n'appelle pas de réponse sanitaire particulière. Moi la seule réponse que je fais et que je refais, c'est que face au Covid mais face à toutes les épidémies, ça peut paraître banal : je tousse, j'ai un rhume, j'ai un doute, je porte un masque, je me lave plus les mains. L'hiver du Covid, on n'a pas eu ces épidémies de grippe, de gastro, de bronchiolite donc c'est ça. Et je dis juste aussi que ce variant, il a été repéré 25 fois dans le monde dont une fois en France, ce qui signifie aussi que notre système de surveillance et de détection il est toujours en place et vigilant pour nous protéger contre quelque ressaut de l'épidémie que ce soit.
JEAN-RÉMI BAUDOT
Aurélien ROUSSEAU, merci d'être venu, ministre de la Santé.
AURÉLIEN ROUSSEAU
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 septembre 2023