Interview de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à France 2 le 1er septembre 2023, sur l’application de la réforme des retraites et la revalorisation des petites retraites.

Prononcé le 1er septembre 2023

Intervenant(s) : 

Média : France 2

Texte intégral

JEFF WITTENBERG 
Bonjour Olivier DUSSOPT.

OLIVIER DUSSOPT 
Bonjour

JEFF WITTENBERG 
On en a beaucoup parlé ce matin, c'est le jour J pour l'application de la réforme des retraites, concrètement ce sont, à partir de ce 1er septembre les travailleurs nés à partir de septembre 1961, qui vont "subir" la réforme en passant de 62 ans à 62 ans et 3 mois, et puis ce sera progressif jusqu'à atteindre 64 ans en 2030…

OLIVIER DUSSOPT 
C'est ça.

JEFF WITTENBERG 
Est-ce que vous pensez déjà que les Français ont compris ce mécanisme progressif et que ceux qui sont concernés pour eux ce n'est pas tout de suite la retraite à 64 ans nécessairement ?

OLIVIER DUSSOPT 
C'est important de le rappeler parce qu'effectivement parfois on entend passage de 62 à 64 ans et nous avons toujours dit que ce serait un passage progressif, à raison d'une augmentation de l'âge d'ouverture des droits, de l'âge légal, de 3 mois par an, et donc aujourd'hui effectivement c'est un relèvement de 3 mois, de 62 à 62 ans et 3 mois, et puis chaque année 3 mois seront rajoutés pour atteindre 64 ans progressivement, c'est important aussi de le souligner, il n'y a pas un grand saut de 2 ans immédiatement.

JEFF WITTENBERG 
Alors chacun va faire ses calculs forcément, le logiciel de l'Assurance retraite qui permet de calculer son propre âge de départ, il avait connu quelques bugs au début de l'été, enfin en tout cas tout n'était pas prêt à temps, est-ce que là il est prêt à gérer l'afflux de connexions qui va nécessairement arriver ?

OLIVIER DUSSOPT 
Nous avons ouvert le nouveau simulateur début juin, grâce à un énorme travail des services de la Caisse nationale d'Assurance vieillesse et de l'ensemble des caisses de retraite qui se sont regroupées pour faire fonctionner ce simulateur. Effectivement dans les premières heures les connexions étaient très nombreuses…

JEFF WITTENBERG 
Ça risque de recommencer aujourd'hui Monsieur le ministre.

OLIVIER DUSSOPT 
Et ça avait un peu saturé le service. Depuis nous avons eu 8 millions de simulations, 8 millions de Français ont fait une simulation et ont pu prendre connaissance des nouvelles règles, puisque nous avions intégré toutes les nouvelles règles dans le simulateur, donc les choses sont prêtes, les choses sont prêtes à la fois pour le simulateur de calcul, les choses sont prêtes pour les nouvelles règles, et ce n'est pas tombé du ciel, tout l'été les services de mon ministère, les services des caisses d'Assurance vieillesse, ont travaillé pour faire en sorte que toutes les mesures qui entrent en vigueur aujourd'hui fassent l'objet des textes d'application, et donc nous avons 83 % des textes qui ont été publiés…

JEFF WITTENBERG 
Pourquoi seulement 83 % ?

OLIVIER DUSSOPT 
Parce qu'il y a quelques mesures qui vont entrer en vigueur uniquement en 2024, voire en 2025, et donc les décrets vont être publiés dans les prochaines semaines, mais toutes les mesures qui entrent en vigueur aujourd'hui…

JEFF WITTENBERG 
Par exemple sur les personnes qui dépendent de plusieurs caisses de retraite ?

OLIVIER DUSSOPT 
Non, ce n'est pas pour cela, c'est essentiellement des mesures de coordination, c'est par exemple des engagements que nous avons pris, c'est très technique mais, sur les modalités de calcul de la cotisation des entreprises pour la branche Accidents du travail, c'est très technique, le nouveau tarif entrera en vigueur au mois de janvier 2024, et donc le décret peut être pris un peu plus tard, nous avons priorisé les décrets pour les mesures qui entrent en vigueur aujourd'hui.

JEFF WITTENBERG 
Vous dites, et vous redites ce matin, que tout sera prêt, le directeur général de la Caisse nationale d'Assurance vieillesse se dit serein, mais on a entendu aussi des délégués syndicaux, qui travaillent dans ces secteurs, dire que ce n'était pas une bonne date ce 1er septembre, alors que leurs services connaissent des sous-effectifs pendant les vacances, effectivement ils ont dû absorber une nouvelle masse d'informations considérable.

OLIVIER DUSSOPT 
Pardonnez-moi, ils sont dans leur rôle, mais on peut peut-être ajouter que depuis le mois de mars j'ai autorisé la Caisse nationale d'Assurance vieillesse à recruter 200 personnes en renfort, et que dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme, en 2024 ce sont plusieurs centaines de personnes qui pourront être recrutées en renfort pour faire face aux nouvelles questions qui sont liées à la mise en œuvre d'une réforme.

JEFF WITTENBERG 
Donc vous dites que tout sera prêt, est-ce que tout sera prêt aussi pour la contrepartie positive de cette réforme, enfin celle que vous annoncez en tout cas, à savoir la revalorisation…

OLIVIER DUSSOPT 
Des plus petites retraites.

JEFF WITTENBERG 
Des petites retraites, des pensions de retraite, ce sont d'abord les minimum retraite qui vont être donc concernés avant tout, il y a, je crois, 800.000 nouveaux retraités…

OLIVIER DUSSOPT 
Chaque année.

JEFF WITTENBERG 
Chaque année, 200.000 vont en vont bénéficier, mais il y a aussi de 18 millions de retraités dans l'ensemble des retraités actuels, et là j'ai noté qu'il y avait 600.000 personnes qui allaient être concernées, et d'autres qui le seront plus tard, pourquoi ce délai et pourquoi finalement si peu de personnes concernées ?

OLIVIER DUSSOPT 
Alors, pour être tout à fait précis l'objectif du président de la République, son engagement, c'est de dire que lorsqu'on a fait toute une carrière, une carrière complète, 42 annuités aujourd'hui, 43 demain, payé au SMIC, il faut avoir une retraite au moins égale à 85 % du SMIC, ça se traduit par une revalorisation des petites pensions, et pour les retraités actuels, il y en a 18 millions, vous l'avez dit, 1,7 million sont concernés par cette revalorisation.

JEFF WITTENBERG 
Mais pas aujourd'hui.

OLIVIER DUSSOPT 
600.000 vont percevoir cette augmentation dès l'automne, dans les semaines qui viennent, et notamment sur le paiement de la retraite de septembre, les autres ça sera échelonné jusqu'à début 2024 parce que beaucoup d'assurés ont cotisé dans plusieurs caisses différentes, donc il faut reconstituer les carrières, par contre il y a quelque chose d'important à souligner, toutes les personnes, tous les retraités actuels qui sont concernés par cette revalorisation, s'ils ne touchent pas la revalorisation dès cet automne, qu'ils ne la touchent par exemple qu'en février ou en mars 2024, ça sera rétroactif, et donc on leur versera tout ce qu'on aurait dû leur verser depuis le 1er septembre.

JEFF WITTENBERG 
Monsieur DUSSOPT, est-ce que vous reconnaissez que sur cette question de la revalorisation vous n'avez pas donné de faux espoirs, vous aviez parlé de 1200 euros brut, le président MACRON, pour tout le monde…

OLIVIER DUSSOPT 
Non, le président de la République a toujours dit, je vous invite à reprendre sa déclaration, que l'objectif c'était 85 % du SMIC, ce qui fait autour de 1200 euros brut…

JEFF WITTENBERG 
Il a parlé de 1200 euros.

OLIVIER DUSSOPT 
C'est autour de 1200 euros, et pendant la campagne c'était 1100 euros, et l'inflation fait qu'aujourd'hui c'est autour de 1200 euros…

JEFF WITTENBERG 
Mais ce ne sera pas le cas au final.

OLIVIER DUSSOPT 
Attendez, il a dit, toujours 85 % du SMIC pour les personnes qui ont une carrière complète autour du SMIC, si vous avez cotisé 30 ans ou 35 ans c'est évidemment proratisé, et donc ça tient compte de la carrière de chacun, mais l'objectif est que, un assuré, une assurée, qui a travaillé toute sa vie, les 42 années requises, au SMIC, puisse être garanti d'avoir 85% du SMIC, et on a ajouté quelque chose d'important, qui n'existait pas précédemment, c'est de faire en sorte que année après année cette pension minimale soit aussi revalorisée pour que cet engagement d'un départ avec 85 % du SMIC soit tenu dans le temps.

JEFF WITTENBERG 
Il y a eu quand même indiscutablement un problème de communication puisqu'il y a eu de la contestation sur cette réforme, non seulement sur le passage de l'âge, mais aussi sur ce que certains ont considéré comme, encore une fois, de faux espoirs que vous avez donnés sur cette revalorisation, on se souvient de votre passe d'armes, notamment avec le député socialiste Jérôme GUEDJ, ça remonte, c'était au mois de mars, cette contestation dans le pays, qui a été très forte, avec ces manifestations, en particulier après l'emploi du 49.3, cette colère qui s'est exprimée dans le pays, qu'est-ce qu'il en reste selon vous aujourd'hui, est-ce que vous ne craignez pas un effet rebond au moment de l'application ou alors vous pensez que les Français sont passés à autre chose ?

OLIVIER DUSSOPT 
Il n'y a jamais eu de réforme des retraites qui soit particulièrement populaire, parce que les uns et les autres on souhaiterait tous pouvoir choisir très librement notre départ à la retraite, quand on parle de retraite on parle aussi de la vie des gens, de leur reconstitution de carrière, ça renvoie aussi à des chances très intimes, donc il faut savoir l'entendre et le dire, mais il faut savoir aussi rappeler…

JEFF WITTENBERG 
Vous l'avez entendu, savoir l'entendre, vous considérez que vous l'avez entendu puisque vous n'avez pas bougé ?

OLIVIER DUSSOPT 
Bien sûr, mais il faut aussi rappeler que la réforme elle est nécessaire. Si nous ne faisons pas la réforme, si nous n'avions rien fait, si nous étions restés planqués comme bien d'autres, en 2030 son déficit de 18 milliards d'euros, 18 milliards d'euros par an de déficit ce n'est pas tenable, et donc si on veut garder un système de retraite qui protège les plus fragiles, il faut faire une réforme pour l'équilibrer. Aujourd'hui j'entends des réformateurs de la 25e heure qui nous expliquent qu'on n'aurait même pas fait assez, qu'il faudrait aller plus loin…

JEFF WITTENBERG 
Qu'est-ce que vous en dites ?

OLIVIER DUSSOPT 
La belle affaire !

JEFF WITTENBERG 
18 milliards en 2030, on ne les aura pas, on aura un équilibre, c'est ce que vous dites ?

OLIVIER DUSSOPT 
On ne les aura pas grâce à la réforme que nous aurons mise en œuvre…

JEFF WITTENBERG 
Il faut en faire une autre ?

OLIVIER DUSSOPT 
Et je le dis à celles et ceux qui aujourd'hui nous font la leçon, quand je dis la belle affaire, ces réformateurs de la 25e heure ils étaient où pendant la réforme ? ils avaient piscine, ils étaient planqués, ils nous tiré dans le dos. Nous on a fait cette réforme, on l'a fait conformément aux engagements du président de la République…

JEFF WITTENBERG 
Vous pensez à qui…

OLIVIER DUSSOPT 
Pour équilibrer le système.

JEFF WITTENBERG 
Aux Républicains par exemple ?

OLIVIER DUSSOPT 
Non, parce que beaucoup d'entre eux ont soutenu et ont permis d'accompagner cette réforme.

JEFF WITTENBERG 
Mais vous dites quand même qu'il faudra une autre réforme ?

OLIVIER DUSSOPT 
Non, la réforme que nous avons faite permet de revenir à l'équilibre progressivement, permet d'envisager l'avenir assez sereinement, que sera l'avenir économique, que sera l'avenir démographique de notre pays dans 15 ans ou dans 20 ans, je ne le sais pas, et donc je ne ferai pas, comme parfois ça a été fait dans d'autres réformes, en disant on fait la der des ders.

JEFF WITTENBERG 
En tout cas pour passer en quelque sorte à autre chose après la réforme des retraites, Emmanuel MACRON a promis, on l'a entendu, lors de sa rencontre avec les leaders politiques mercredi, qui a duré une bonne partie de la nuit, une conférence sociale. Qui dit conférence sociale dit ministre du Travail, vous serez en première ligne, comment ça va se traduire concrètement à votre niveau ?

OLIVIER DUSSOPT 
Le président de la République a accepté l'idée d'une compensation…

JEFF WITTENBERG 
Sur les salaires.

OLIVIER DUSSOPT 
Sur les bas salaires et en particulier sur les salaires dans les branches professionnelles qui ont des conventions collectives avec des niveaux de rémunération très bas.

JEFF WITTENBERG 
Qu'est-ce qui va se passer ?

OLIVIER DUSSOPT 
Ce qui est intéressant c'est que cette idée, ce sujet de discussion de chefs de partis autour du chef de l'État fait écho avec ce que les partenaires sociaux nous ont dit, à la Première ministre et à moi-même au mois de juillet, lorsque que nous les avons reçus, lorsqu'ils nous ont parlé notamment des bas salaires, et nous nous étions engagés à travailler sur cette question-là.

JEFF WITTENBERG 
Donc qu'est-ce qui va se passer concrètement ?

OLIVIER DUSSOPT 
On va prendre le temps d'organiser cela avec les partenaires sociaux, avec les groupes parlementaires, pour poser un diagnostic, voir comment ça se fait, comment est-ce qu'on explique que dans telle ou telle branche professionnelle il puisse y avoir des niveaux de rémunération conventionnelle, je dis bien conventionnelle, parce qu'il faut toujours rappeler que même lorsqu'il y a un niveau de rémunération dans une convention collective, inférieur au SMIC, les salariés sont payés le SMIC et c'est bien normal, mais il y a des conventions collectives qui ne sont pas encore au niveau, comment est-ce qu'on les met…

JEFF WITTENBERG 
Mais vous allez les recevoir les syndicats ?

OLIVIER DUSSOPT 
Mais bien sûr.

JEFF WITTENBERG 
C'est-à-dire, il y a une date qui est arrêtée, vous invitez aujourd'hui ?

OLIVIER DUSSOPT 
D'abord je suis… là c'est une rentrée, comme tout le monde le sait, et je rencontre les responsables des organisations syndicales et patronales un par un pour faire un point sur les sujets d'actualité, et nous intégrons évidemment cet engagement du président de la République dans ces sujets d'actualité. Nous allons ensuite voir, avec la Première ministre, sous quel délai nous organisons cette conférence, avec quelle forme, quels sont les débouchés que nous attendons, avec à la fois la volonté de bien comprendre, de bien identifier les sujets, et de faire en sorte de redonner des perspectives salariales et professionnelles aux salariés des branches dans lesquels les salaires sont les plus bas.

JEFF WITTENBERG 
Est-ce que vous, Olivier DUSSOPT, vous plaidez pour une augmentation générale des salaires, on en parlait tout à l'heure avant 7h30 sur cette question, c'est l'affaire d'abord des syndicats et du patronat, donc que dit le gouvernement…

OLIVIER DUSSOPT 
Vous avez tout dit, en France…

JEFF WITTENBERG 
Qu'il faut augmenter les salaires ? c'est important cette question.

OLIVIER DUSSOPT 
En France nous avons deux mécanismes, un mécanisme qui fait que l'État fixe le salaire minimum, et c'est mécanisme protecteur puisque lorsqu'il y a inflation, il y a augmentation du salaire minimum, et puis il y a un deuxième mécanisme, qui s'appelle le dialogue social, le dialogue de branche, et la détermination des salaires relève du dialogue social et non pas de l'État…

JEFF WITTENBERG 
Mais il est aiguillonné par l'État, donc qu'est-ce que vous préconisez, augmentation ou pas des salaires ?

OLIVIER DUSSOPT 
Nous avons toujours dit que lorsque les entreprises le peuvent elles doivent évidemment augmenter les salaires de leurs salariés pour les accompagner, mais nous faisons aussi d'autres choses, par exemple pour les branches qui ont des niveaux de rémunération les plus bas, lorsqu'une convention collective est rattrapée par le SMIC, qu'il y a des niveaux de rémunération conventionnelle qui passent en dessous du SMIC, il y a une obligation d'ouvrir les négociations pour mettre à niveau les niveaux de rémunération des conventions collectives, ça s'est traduit par ce qu'on appelle le comité de suivi des négociations salariales, que je réunis presque tous les trois mois, justement pour faire le point sur les négociations branche par branche et veiller à ce que la loi soit respectée.

JEFF WITTENBERG 
Eh bien merci beaucoup…

OLIVIER DUSSOPT 
Merci à vous.

JEFF WITTENBERG 
Olivier DUSSOPT, ministre du Travail, on vous a entendu ce matin.

Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 septembre 2023