Texte intégral
ADRIEN GINDRE
L'interview ce matin c'est avec Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, bonjour.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Vous êtes secrétaire d'Etat en charge de la Ville, on va parler ville, on va parler abaya également dans un instant, d'abord un mot du président de la République, demain il invite les chefs de parti à son " initiative politique d'ampleur ", pour aussi écouter leurs propositions…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument.
ADRIEN GINDRE
Certaines sont déjà sur la table, Jordan BARDELLA du RN, Eric CIOTTI des Républicains, demandent un référendum sur l'immigration, est-ce que le gouvernement est prêt à dire oui ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors ça c'est le président de la République qui y répondra, c'est précisément l'objet de la réunion de demain. Je pense que l'initiative politique du Président démontre quelque chose, déjà sa grande capacité à entendre, à écouter, à parler, à discuter, parce que…
ADRIEN GINDRE
Et donc à retenir des propositions des oppositions ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Et à retenir, à travailler avec les autres. Vous savez, moi je l'ai vu, je l'ai expérimenté dans l'hémicycle, travailler de manière de transpartisane c'est passionnant, parce qu'en fait on part, on n'est à peu près d'accord sur rien, et comme on a un peu le sens de l'intérêt général et le sens de notre pays, on arrive à s'entendre. Ce qu'a fait le président de la République est très important, et là c'est l'ancienne parlementaire, l'ancienne députée qui vous parle, et la ministre, c'est de dire le camp qui a perdu, les camps qui ont perdu, n'ont pas tort sur tout, et rappelez-vous que j'ai été la première à le dire, dès que j'ai été élue j'ai dit les camps qui ont perdu n'ont pas tort sur tout.
ADRIEN GINDRE
Donc vous nous dites il faudra accepter de reprendre des propositions des oppositions, jusqu'au référendum sur l'immigration ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors ça, encore une fois, c'est le président de la République qui répondra…
ADRIEN GINDRE
Mais ce n'est pas un tabou ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Mais moi je l'avais dit, je l'avais vu pendant la réforme des retraites, non ce n'est pas un tabou, pourquoi l'immigration serait un tabou en France ? c'est un tabou nulle part…
ADRIEN GINDRE
Le référendum sur l'immigration c'est un tabou pour certains.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Peut-être pour certains, pas pour moi en tout cas, ce qui est sûr c'est que je l'avais vu pendant la réforme des retraites, j'étais dans l'hémicycle, tous les jours avec mes collègues des oppositions et mes collègues de la majorité. On a vu quoi pendant les retraites ? deux choses. Le 49.3 c'est un outil constitutionnel, et qu'est-ce qui s'est passé sur cet outil constitutionnel, qui est quand même au coeur de notre Constitution de la Ve République ? c'est que la perception du 49.3 n'est plus la même, les gens ne le perçoivent plus, ils le perçoivent comme un outil oppressant, comme un outil, rappelez-vous les mots…
ADRIEN GINDRE
Donc il faut travailler différemment.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Et j'avais déjà dit, et personne ne parlait de référendum, peut-être que ça serait bien, sur des sujets importants, de consulter le peuple après l'élection présidentielle, parce qu'il ne faut pas oublier qu'en France on a des élections quasi toutes les années.
ADRIEN GINDRE
Donc vous vous souhaitez qu'on aille au référendum ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, pas sur l'immigration. Sur l'immigration, encore une fois…
ADRIEN GINDRE
En général.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
En général moi je pense…
ADRIEN GINDRE
Sur quoi par exemple ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Les grands sujets de société qui peuvent peut-être déchirer notre nation, c'est-à-dire là où il y a vraiment des oppositions, et là justement où les Français ont envie de s'exprimer.
ADRIEN GINDRE
La fin de vie, à quoi vous pensez ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Par exemple, non mais par exemple. Ne fait tous les sujets, vous savez, moi je ne décide pas des sujets, la société décide des sujets, et le rôle, je pense, d'un politique, c'est peut-être d'essayer d'entendre les sujets, de les transformer en politiquement acceptables et après de les appliquer pour transformer le pays, parce qu'il ne faut pas oublier que derrière tout ça c'est la transformation du pays…
ADRIEN GINDRE
C'est pour avancer.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Voulue par le président de la République depuis son élection en 2017.
ADRIEN GINDRE
Hier votre collègue du Gouvernement Olivier VERAN a évoqué l'idée d'un " préférendum ", contraction de « préféré, préférence », et référendum, est-ce que ça c'est une idée en l'air ou est-ce que c'est vraiment un projet que vous avez réfléchi et qui mature à l'exécutif ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je n'en n'ai pas discuté, moi, avec Olivier VERAN, mais je vois bien en tout cas l'état d'esprit, c'est de dire, à un moment donné, on a plusieurs sujets, est-ce que plutôt que de faire plusieurs sujets, c'est-à-dire plusieurs référendums, parce que là je pense qu'on ne s'en sort plus, est-ce que sur deux, trois objets de société très importants, rappelez-vous la bataille du mariage pour tous, donc est-ce que sur plusieurs sujets de société on est capable, sur une journée, de s'exprimer.
ADRIEN GINDRE
Mais vous auriez mis le mariage pour tous au référendum ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, moi je ne l'aurais pas mis parce que moi c'était assez naturel, moi j'ai défendu tout de suite et j'ai toujours pensé que c'était la continuité de l'évolution de notre société, il faut remettre, le mariage pour tous c'était 2013, donc pas forcément, mais il faut écouter les gens. C'est-à-dire moi, vous le savez, je sais que vous me suivez un petit peu, moi j'aime être dehors, moi je suis toujours dehors dans la rue, moi je suis très peu enfermée au bureau…
ADRIEN GINDRE
Pour le coup vous rejoignez Gérald DARMANIN, il faut davantage écouter le pays, écouter toutes les couches de la population ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Il faut aller… surtout écouter toutes les couches… au nom de quoi on n'écouterait pas certaines couches de la population ? moi je viens d'un milieu très populaire, d'un quartier très proche de Marseille…
ADRIEN GINDRE
Mais sur l'immigration, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, c'est un bon exemple, vous savez très bien par exemple, si on prend l'un des sujets de clivage avec les Républicains, les titres de séjour pour les métiers en tension, il y a de grande chance que si on demande leur avis aux Français ils soient plutôt de l'avis des Républicains et qu'ils disent " stop, stop. "
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
On n'en sait rien. Alors, vous savez quoi, d'ailleurs moi je suis très favorable à cette mesure, parce que je considère que des gens qui travaillent chez nous, qui font des métiers difficiles, qui ont envie d'habiter en France, d'être Français, qui nous aident, qui sont là, qui font partie de la nation, au nom de quoi on les laisserait travailler de manière illégale ? C'est quand même fou de penser qu'on peut catégoriser comme ça les gens. Moi ce que je crois surtout, juste pour finir sur l'immigration, c'est qu'en tout cas plus de 80 % des Français pensent qu'il faut une loi, ils ne veulent pas tous la même loi, mais ils en veulent, donc je pense que c'est un sujet très important, mais au nom de quoi on aurait des tabous et au nom de quoi on ne parlerait pas avec tout le monde ? j'ai écrit dans mon livre " Moi la France je la kiffe ! ", " les élections du RN ne sont pas nos ennemis. Donc je disais quoi il y a deux ans, je n'étais même pas élue ? il faut écouter tout le monde. Et quand MELENCHON, Jean-Luc MELENCHON le dit, " fâché mais pas facho ", je partais de sa théorie, bien sûr qu'il a raison, et pourtant Dieu sait si je suis son adversaire politique, alors quand c'est Jean-Luc MELENCHON qui dit " ah non ", ça va, et quand c'est quelqu'un proche du président de la République, c'est-à-dire proche des idées du président de la République, pas proche personnellement mais proche politiquement, ça ne va pas…
ADRIEN GINDRE
Et personnellement aussi.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Donc moi je pense qu'il faut parler à tout le monde.
ADRIEN GINDRE
Un dernier mot sur cette " initiative politique d'ampleur ", au fond c'est quoi Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, ça a un peu un air de session de rattrapage, après le CNR, le Conseil national de la refondation qui avait été lancé il y a un an, qui n'a pas été un succès éclatant, ou alors c'est symbole parce que l'Elysée insiste aussi pour dire…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Beaucoup ont participé…
ADRIEN GINDRE
C'est à Saint-Denis, à l'Ecole de la Légion d'honneur, on veut montrer la méritocratie des quartiers qui ont été touchés par les violences, au fond c'est quoi l'ambition demain ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors, l'ambition demain, encore une fois, le président de la République, juste pour rappeler, rapidement, il réunit tous les chefs de parti, tous les chefs de parti que composent notre parti et tous ceux représentés à l'Assemblée nationale.
ADRIEN GINDRE
Et il y a un an il avait réuni toute la société civile dans le Conseil national de la refondation, il n'en n'est pas sorti énormément de choses.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, non, mais beaucoup, moi j'ai participé à plusieurs d'entre eux, de CNR, et j'ai été surprise sur les CNR éducation, sur les CNR santé, beaucoup, beaucoup de professionnels, de gens de la société civile, des citoyens, sont venus participer. Pas du tout, on a repris des travaux, moi dans mon ministère le CNR logement, le CNR ville, je me sers de quelques idées qui ont été lancées et je les reprends. Pas du tout, vous savez, ce n'est pas parce qu'on n'en parle pas tous les jours que ça n'existe pas.
ADRIEN GINDRE
On va souhaiter que l'IPA fonctionne dans l'intérêt du pays, soyons de bons citoyens.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, mais ça fonctionnera. Enfin, il faut juste rappeler que nous sommes tous de grands Républicains, avec un grand « R », et se réunir autour du président de la République pour venir lui dire ce qu'on pense…
ADRIEN GINDRE
Alors je précise d'ailleurs que ce matin…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Pour venir lui dire nos idées, je pense que c'est très important parce que, on n'oublie pas, c'est le président de la République.
ADRIEN GINDRE
La France insoumise a d'ailleurs confirmé sa participation demain à cette initiative…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je ne suis pas étonnée.
ADRIEN GINDRE
Au moins un sujet de consensus, en revanche il y a beaucoup de critiques, vous les avez entendues toutes ces dernières heures, depuis l'annonce sur TF1 dimanche soir par Gabriel ATTAL, le ministre de l'Education, de l'interdiction de l'abaya dans les établissements scolaires publics, Jean-Luc MELENCHON hier, le chef de file de la France insoumise, a dénoncé, je le cite, " une nouvelle absurde guerre de religion ", et ce matin Manuel BOMPARD, le coordinateur de la France insoumise, annonce que son mouvement entend saisir le Conseil d'Etat. Est-ce que vous êtes prêts à cette guerre de religion, comme dit Jean-Luc MELENCHON, et à cette guerre juridique qui s'annonce ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, mais alors déjà, alors je vais vous dire, en plus c'est quelqu'un de confession musulmane qui vous parle, ministre de la République. Comment peut-on imaginer que de faire appliquer une loi, la loi de 2004 sur l'interdiction d'arriver à l'école avec un signe manifeste, ou ostentatoire, de l'appartenance, d'une appartenance à une religion ? on applique la loi, rien que la loi, dura lex sed Iex, la loi est dure mais c'est la loi, c'est comme ça, et l'interprétation dans une circulaire elle date de mai 2004, donc quelques mois après la loi sur…
ADRIEN GINDRE
Le port des signes religieux à l'école.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Les signes religieux à l'école. C'est quoi ? c'est l'interprétation de la loi qui est importante. Cette circulaire que dit-elle ? tous les objets, c'est-à-dire tous les vêtements, tous les signes, qui peuvent manifester l'appartenance à une religion sont interdits. On enlève cette charge, mentale, aux proviseurs, c'est à l'Etat de prendre…
ADRIEN GINDRE
Donc vous contestez l'idée d'une guerre de religion ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Déjà je conteste, parce qu'en plus la grande majorité des musulmans français, de notre pays, dont je fais partie, refusent l'instrumentalisation, de Jean-Luc MELENCHON, de notre foi, d'une foi…
ADRIEN GINDRE
En quoi est-ce qu'il instrumentalise ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Il instrumentalise parce que…
ADRIEN GINDRE
Il se prétend défenseur.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non. Vous savez, on a eu les punks il y a 40 ans, j'ai produit un documentaire qui s'appelle " Djellaba Basket ", on a eu les punks il y a 40 ans, et c'est… vous savez on parle d'adolescents là, parce qu'on parle du collège et du lycée, donc arriver en voulant provoquer, avec tel objet, ou tel objet, ou tel vêtement, on va dire même c'est dans la nature des adolescents, et je refuse qu'on instrumentalise une religion qui, dans le cadre de la République, il faut juste se rappeler qu'on parle de ça…
ADRIEN GINDRE
Si c'est, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, une provocation d'adolescents, pourquoi en faire un signe religieux ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Parce qu'un signe religieux ostentatoire qui ne rentre pas dans le cadre de la loi est interdit, voilà, c'est aussi simple que ça.
ADRIEN GINDRE
Vous dites dura lex, sed lex, ça veut dire que vous ne craignez aucunement la saisine de la justice administrative, du Conseil d'Etat ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Contrairement à mes collègues de LFI, vous savez, rappelez-vous, quand on a utilisé le 49.3, rappelez-vous les mots qui ont été prononcés, moi je pense que c'est bien de… on a des outils constitutionnels qui composent notre Ve République, qu'ils les utilisent, et je laisserai le Conseil d'Etat, je ne suis pas au Conseil d'Etat, je ne suis pas au Conseil constitutionnel, et si mon collègue, enfin mon ancien collègue, Manuel BOMPARD, député de Marseille, pense que c'est important de le faire, qu'il le fasse.
ADRIEN GINDRE
Il y a aussi la question quand même des modalités d'application, ça peut virer au casse-tête, vous dites, c'est pour faciliter la charge des chefs d'établissement, ça s'entend, ils ont une règle claire, maintenant, il va falloir déterminer ce qu'est une abaya. On sait dans la théorie, ce grand vêtement ample…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Oui, qui vient du Moyen-Orient…
ADRIEN GINDRE
Absolument…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Qui n'a rien à voir en plus avec la culture maghrébine, alors, je vous le dis, ça vient du Moyen-Orient.
ADRIEN GINDRE
Mais vous avez vu ce que dit hier Clémentine AUTAIN, députée La France Insoumise également, elle dit : alors, on arrive à la police du vêtement, c'est vrai que si on a une abaya un peu raccourcie ou une robe longue, il va y avoir pour les chefs d'établissements une appréciation nécessaire…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je répète, je répète, non, on ne parle pas de longueur, là où se trompe encore une fois Clémentine AUTAIN, parce qu'ils parlent de sujet, vous savez, il y a ceux qui vivent de la misère des autres donc, et des banlieues, parce que plus ça ira mal, mieux ils se portent…
ADRIEN GINDRE
Ça, c'est La France Insoumise.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument, et ceux qui y vivent, et ceux qui en viennent. Donc pour le coup, je vais juste vous rappeler ce qu'est une abaya, si une jeune fille arrive avec un voile, avec sa abaya devant le collège ou le lycée, qu'elle l'enlève, donc l'abaya devient un vêtement qui manifeste l'appartenance à une religion, on sait très bien, enfin, il y a plein de… moi, vous savez, je quelqu'un de très pudique, moi, je suis très pudique, donc je ne montre pas forcément mon corps, je suis assez… voilà, très pudique, c'est le mot qui est utilisé pour définir les gens comme moi, je ne viens pas avec une abaya ni à l'école, ni à la mairie, point, c'est la loi, c'est comme ça. Et dans la mesure où il y a la volonté de vouloir manifester l'appartenance à une religion, quelle que soit la religion, c'est non…
ADRIEN GINDRE
Même si le vice-président du CFCM, Abdallah ZEKRI, dit : ce n'est pas une tenue religieuse, l'abaya.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
C‘est une très bonne appréciation du CFCM, mais le CFCM ne fait pas la loi de la République.
ADRIEN GINDRE
Bon, message est passé. Il y a quand même un point, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, assez facile pour contourner l'interdiction, c'est que ces jeunes femmes, elles quittent l'école de la République, l'école publique…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non…
ADRIEN GINDRE
Et qu'elles aillent dans le privé.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, mais…
ADRIEN GINDRE
La loi ne s'appliquera pas dans le privé.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Ecoutez, la loi ne s'appliquera pas dans le privé, mais les chiffres parleront pour nous. J'appartiens à une génération où c'était les débuts un petit peu des voiles à l'école, tout le monde pensait qu'on allait être… et vous savez, juste si vous permettez, Adrien, la France n'est pas submergée d'écoliers qui arrivent par hordes devant le collège ou devant le lycée avec une abaya ou un voile. Il faut aussi relativiser les chiffres…
ADRIEN GINDRE
Vous êtes capable de quantifier justement ce phénomène ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Par exemple à Marseille où on a eu des… l'Académie, l'Académie Aix-Marseille, sur 100.000 à peu près lycéens, on a eu 80 signalements. Donc je ne pense pas que ce soit non plus… enfin, je ne pense pas, je le sais, puisque moi, je le vis, je suis tous les jours dehors. Donc, je le vois…
ADRIEN GINDRE
On peut porter un Najib dans ce cas-là, pourquoi prendre cette mesure si c'est marginal comme phénomène ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, mais parce que c'est marginal, eh bien, moi, je ne veux pas que l'exception devienne la règle, à un moment donné, je vous le répète, nous avons des lois qui sont parfaitement faites, je pense que pour les proviseurs et pour les directeurs dans les collèges, ce n'est pas à eux de porter cette charge mentale, c'est au ministère de l'Education nationale, Gabriel ATTAL, et je pense que Gabriel ATTAL a bien fait de poser le sujet et d'avoir cette fermeté-là, parce que, attention, vous savez, la majorité silencieuse des musulmans de France trouvent, eux, en tout cas, puisque moi, j'en fais partie, que le débat est mauvais, catastrophique pour l'image, et qu'à un moment donné, il faut aussi relativiser et remettre les choses dans leur contexte, ce sont des adolescents qui veulent, c'est normal, je vous dis, encore le principe, et même le propre d'un adolescent, c'est de vouloir provoquer, et j'invite mes collègues de La France Insoumise à peut-être écouter la majorité silencieuse et arrêter de s'écouter eux-mêmes.
ADRIEN GINDRE
Pour éviter que ce débat continue éternellement, pourquoi ne pas passer à l'uniforme dans les établissements scolaires ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Moi, je ne suis pas pour la généralisation, mais je suis pour que par exemple dans les quartiers très populaires, d'où je viens, j'en parlais la dernière fois, je suis restée très, très amie avec la directrice de mon école, de Félix Pyat, dans mon quartier, dans le 3ème arrondissement de Marseille. Qu'est-ce que vous disent les parents dans les quartiers très compliqués, par exemple, celui d'où je viens, c'est que ça enlève une charge aux parents, c'est-à-dire qu'on n'a plus le souci…
ADRIEN GINDRE
De porter l'uniforme ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Oui, alors, moi, je ne parle pas d'uniforme, je parle de tenue scolaire, c'est-à-dire…
ADRIEN GINDRE
C'est quoi la différence ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Parce que l'uniforme, je trouve que ce n'est pas le bon mot…
ADRIEN GINDRE
C'est le mot qui vous fait peur…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Oui, mais non, mais en plus…
ADRIEN GINDRE
Alors, je vais reformuler la question, est-ce que vous êtes favorable à une tenue scolaire ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je suis favorable à une tenue scolaire dans la mesure où, vous savez, il y a quelque chose dans les établissements qui s'appelle le règlement intérieur, et dans le règlement intérieur, on n'a pas besoin de faire de loi, les directeurs d'école, le principal dans un collège, et le proviseur dans un lycée peut décider, juste en utilisant son règlement intérieur, en le changeant de manière absolument… comment dire… eh bien, pas unilatérale, pardon, avec son conseil d'administration, de pouvoir le tester. Donc moi, je suis très favorable à une expérimentation de la tenue scolaire.
ADRIEN GINDRE
Vous êtes en charge de la Ville, vous encouragez les quartiers politiques de la ville à expérimenter la tenue scolaire, l'uniforme…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Parce qu'ils m'en parlent, parce que, moi, vous savez, je ne fais pas de prosélytisme, j'étais, il n'y a pas très longtemps, à l'île Saint-Denis, et je discutais avec des habitants, les gens sont plutôt très favorables, parce que, encore une fois, ça enlève une charge mentale aux parents, il ne faut jamais oublier ça…
ADRIEN GINDRE
Les gens sont favorables, et vous y êtes favorable…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Et j'y suis très favorable.
ADRIEN GINDRE
On va revenir, donc je le disais, votre portefeuille, c'est la Ville, vous avez aussi été nommée dans un contexte très particulier, la France a été frappée par des violences dans plusieurs villes, il y a quelques semaines maintenant, il y avait une réunion qui était prévue à l'Elysée avec plusieurs ministres, aujourd'hui, elle a été décalée, c'est ça, pour préparer la réponse… ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je ne sais pas, moi, je n'ai pas reçu d'invitation officielle, j'ai lu comme vous dans la presse, mais comme personne n'a reçu d'invitation officielle, je pense que ça devait être dans l'air du temps, mais…
ADRIEN GINDRE
Mais ça n'aura pas lieu tout de suite. Le président avait dit : il faut prendre le temps pour à la fois identifier les causes, apporter des solutions…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument, et il a raison.
ADRIEN GINDRE
On y est, vous avez identifié les causes et vous avez des solutions ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Oui, on y est, alors, il y a le conseil interministériel des Villes, présidé par la Première ministre, Elisabeth BORNE, donc moi, j'ai décidé, dans mon ministère, de laisser le temps aux concertations avec les élus locaux, les citoyens, les associations, tous ceux qui composent les politiques de la ville…
ADRIEN GINDRE
Mais il n'y a pas d'urgence à agir ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, il y a une urgence à consulter, à se concerter et à souffler, et à souffler, il faut laisser le temps aux élus locaux, parce que vous savez, heureusement qu'ils étaient là, heureusement que le tissu associatif était là, heureusement que les habitants des quartiers populaires étaient là, parce que pendant les émeutes, c'est eux qui ont été en première ligne, la police a été en première ligne…
ADRIEN GINDRE
Il aura lieu quand, pardon, le comité interministériel de la Ville, vous disiez, il y aura un comité interminable de la Ville, à quelle échéance ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Octobre. Octobre, c'est la Première ministre qui fixera la date, mais on a décidé de laisser quand même le temps de la concertation, et sur justement dans ces concertations-là, puisque vous me parlez, et je suis très heureux de parler enfin de mon ministère, les contrats, les fameux contrats de Ville qui permettent en fait au ministère de la Ville de financer les communes, donc toutes les politiques de la ville, avec les élus locaux et les associations, j'ai décidé donc par la voie d'une circulaire déjà de simplifier les contrats de Ville, donc de permettre aux élus locaux d'avoir une visibilité, de ne plus faire des contrats annuels, mais des contrats pluriannuels, ça, c'est la première chose. La deuxième chose, même tarif pour les associations, les petites associations n'auront plus besoin d'avoir des contrats annuels, c'est-à-dire toutes les années de remonter des dossiers sur des petits montants…
ADRIEN GINDRE
Pour avoir des subventions, vous voulez dire…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument pour avoir des subventions et c'est exactement l'explication de, on arrête la politique du chéquier et on fait la politique du porte-monnaie. C'est-à-dire on va parler à échelle d'homme…
ADRIEN GINDRE
Donc ça veut dire au cas par cas sur des petits montants.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument et ce sont les préfets qui porteront, vous savez c'est le préfet qui portent ces budgets-là. Je donne des instructions et les préfets donc déploient les instructions du ministère sur le terrain et je veux simplifier la vie des élus locaux et des associations qui font un travail remarquable, avec pas beaucoup ils font beaucoup et là je me dis on va leur donner beaucoup, on va leur simplifier la vie, je ne veux plus de l'administratif pour l'administratif et je veux le contrat de confiance avec les élus locaux, je leur ai dit. J'ai eu l'occasion de réunir le conseil national des villes dès que j'ai été nommée et c'est la première chose que je leur ai dite, contrat de confiance, on fait confiance a priori.
ADRIEN GINDRE
On en parlera demain avec David LISNARD, le président de l'association des maires de France qui sera notre invité également. Dans les solutions le chef de l'État sur TF1 il y a quelques semaines avait dit l'ordre, l'ordre, l'ordre, il a aussi parlé comme beaucoup d'acteurs de l'autorité parentale.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument.
ADRIEN GINDRE
Tout à l'heure on évoquait les oppositions, vous disiez il faut les écouter, Eric CIOTTI des Républicains, il a dit, suppression des allocations familiales pour les parents défaillants, il avait fait voter une loi en 2010, pourquoi ne pas reprendre cette position-là ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Mais parce que ce n'est pas une bonne proposition, moi je suis absolument défavorable parce que si c'était l'Alpha et l'Oméga de la solution avec les parents, ça se saurait.
ADRIEN GINDRE
Donc en fait vous dites aux oppositions, faites-nous des propositions mais on ne les retient pas en fait.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Mais non qu'il en fasse d'autres, non mais d'accord ok, celle-là…
ADRIEN GINDRE
Oui mais s'il doit faire des propositions qui sont les vôtres.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors moi je fais des contre-propositions et après on tombera d'accord. Vous savez qu'on a quand même un code civil et un code pénal, ça ne vous a pas échappé, dans le code civil par exemple quand votre enfant casse quelque chose, rappelez-vous le président de la République, on paie à la première connerie et il a raison. Donc dans le code civil quand votre enfant casse quelque chose où commet un dégât, c'est vous le responsable, c'est vous qui devez payer, donc moi je suis pour le casseur payeur et c'est assez simple, c'est l'article 371-1 et l'article 1242 du code civil qui le permet.
ADRIEN GINDRE
Mais il y aura de nouvelles sanctions pour les parents ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, non, et dans le code pénal, on a un code pénal, dans le code pénal quand un parent ne s'occupe pas de son enfant, c'est-à-dire, je vous donne un cas concret, c'est dans le code pénal, ce n'est pas moi qui l'ai inventé, vous laissez sortir votre enfant de 13, 14 ans, de 12 ans à des heures impossibles dans lesquelles un mineur n'a rien à faire à l'extérieur. Le code pénal sanctionne les parents de deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et je rappelle quand même l'alinéa, parce qu'il faut quand même parler aussi des articles, c'est l'article 227-17 du code pénal. Donc…
ADRIEN GINDRE
Mais ce que vous nous dites, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Les dispositifs législatifs existent…
ADRIEN GINDRE
Oui, mais en fait, c'est pire que tout, il n'y a pas qu'un problème d'autorité parentale, c'est-à-dire qu'il y a des lois que l'Etat ne fait pas appliquer.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, parce qu'il faut avoir un signalement, c'est-à-dire la justice ne peut pas s'auto-saisir, ce que j'essaie de vous expliquer, c'est que sur les émeutes, on l'a vu, il y a eu des centaines de condamnations, et personne ne les a relayées, moi, je suis allée voir…
ADRIEN GINDRE
On en a beaucoup couvert…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Mais quand même, mais quand même, rappelez-vous ce qu'on avait dit des magistrats, les magistrats sont laxistes, moi, je défends les magistrats…
ADRIEN GINDRE
Donc vous dites, ça fonctionne…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
En tout cas, ils ont fait preuve de la plus grande fermeté, et dans les tribunaux, et j'invite tous vos collègues journalistes à aller faire un tour dans les tribunaux, on a vu quoi, eh bien, oui, des parents qui se sont présentés avec leurs enfants et qui ont accepté la sanction.
ADRIEN GINDRE
Je vous confirme que nos journalistes du service police, justice de TF1-LCI…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je sais…
ADRIEN GINDRE
Y étaient abondamment…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je sais, c'est pour ça que je vous le dis. Et j'avais regardé des…
ADRIEN GINDRE
Hommage à leur travail…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, non, mais c'est vrai que j'avais regardé chez vous un très beau reportage qui montrait ça.
ADRIEN GINDRE
Voilà. Un mot quand même de politique gouvernementale, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, tout à l'heure, je prononçais le mot de Gérald DARMANIN, son nom à Tourcoing, dimanche, rentrée politique, à laquelle vous y étiez, la Première ministre aussi, avec un appel : j'appelle à l'unité pour ne pas paver nous-mêmes le chemin des extrêmes. Cet appel de la Première ministre, c'était surtout un recadrage, non ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors, vous savez, c'est comme le fameux recadrage de cet été, non, ce n'est pas du tout un recadrage…
ADRIEN GINDRE
Ah, c'était quoi alors ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Eh bien, c'est notre Première ministre, c'est Elisabeth BORNE, qui est quand même la chef du Gouvernement, je vous rappelle qu'il y avait plusieurs ministres, des dizaines de députés, c'était le grand rassemblement de la majorité, et moi, ce que j'avais répondu…
ADRIEN GINDRE
Autour de Gérald DARMANIN.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors, c'est Gérald DARMANIN… c'était la rentrée politique de notre ministre de l'Intérieur, c'est un ami, il m'invite, j'y vais, pour moi, c'est normal, alors, je vais vous dire, je lui ai même fait la blague, de Marseille à Tourcoing, j'ai pris un coup sur l'oeil, moi, à Tourcoing, et ça l'a bien fait rire, et on a passé…
ADRIEN GINDRE
Un coup de soleil, un coup de je t'aime, comme dit la chanson…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Voilà, exactement, et non, et à la fin, c'est que c'était très important, moi, j'ai écouté le discours de notre Première ministre qui était… qui rappelait quand même l'action du président de la République, comme le discours de Gérald DARMANIN, tout le monde a rappelé quand même la filiation politique des uns et des autres depuis 2017…
ADRIEN GINDRE
Ça veut dire que Gérald DARMANIN… on ne l'entendra plus, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, on n'entendra plus Gérald DARMANIN dire : ce qui m'intéresse maintenant, c'est ce qui se passera en 2027 ?
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Mais, tout le monde, alors, vous savez, on ne pense pas à demain, parce que demain, c'est loin…
ADRIEN GINDRE
Tout le monde, mais Gérald DARMANIN…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, non…
ADRIEN GINDRE
On ne pense pas à demain.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Voilà. On ne pense pas à demain, parce que demain, c'est loin. Et vous savez, anticiper un peu et essayer d'écouter le bruit de la rue, pourquoi il avait dit ça, et j'en avais discuté avec lui, et on est tous sur la même longueur d'ondes, nous, on entend la rue, on est tous les jours dehors, donc quand on dit : on doit parler aux… on doit, on parle aux classes populaires, rappelez-vous que le président de la République a été le premier à dire, on va s'occuper des classes moyennes, et ce n'est rien…
ADRIEN GINDRE
Donc parler des classes populaires, oui, mais 2027, pas tout de suite…
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, le temps viendra, moi, alors, moi, pour… vraiment, je suis une grande optimiste devant l'éternel, je pense qu'il n'y a aucun combat qui est perdu d'avance, il faut le mener. Quoi qu'il arrive, il faut y aller, et n'oubliez pas, le Rassemblement national n'a pas besoin de travailler, regardez, on ne les entend pas. Et comme on ne les entend pas, ça veut dire qu'ils n'ont pas besoin de s'exprimer.
ADRIEN GINDRE
Ils seront là demain. Merci beaucoup Sabrina AGRESTI-ROUBACHE.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Merci à vous.
ADRIEN GINDRE
2027, pas tout de suite, mais classe populaire, oui.
SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
A fond !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 septembre 2023