Texte intégral
Q - Après une année noire en 2022, la France a réduit son déficit commercial, c'est-à-dire la balance entre nos importations et nos exportations. Au premier semestre, le déficit atteint tout de même 54 milliards d'euros, contre 89 milliards fin 2022. Votre invité, Alexandre, Olivier Becht, ministre délégué au commerce extérieur et à l'attractivité.
Q - Bonjour Olivier Becht.
R - Bonjour.
Q - Merci d'avoir choisi Europe 1 pour présenter en exclusivité ce matin votre nouveau plan pour redresser le déficit commercial qui en a bien besoin, on vient de l'entendre. Ce plan, vous l'avez baptisé "Osez l'export". Qu'est-ce que ça veut dire, on n'est plus très sûr de nos atouts en France, on doute de nos capacités à vendre à l'étranger ?
R - Au contraire, je pense qu'en France on fabrique toujours les meilleurs produits du monde ou parmi les meilleurs produits du monde. Mais il y a un paradoxe, c'est que les grands groupes français sont très présents à l'export, ce sont un peu nos porte-étendards, et puis derrière, il y a un très vaste réseau de PME, et ces PME, contrairement à nos amis allemands ou italiens, eh bien, elles exportent très peu. Mon ambition, c'est de porter les PME à l'exportation. C'est en partie, avec la ré-industrialisation et la transition énergétique, ce qui nous permettra de revenir à l'équilibre, voire même à l'excédent dans nos échanges avec le monde.
Q - Alors, redresser notre déficit commercial, c'est un objectif qui peut paraître un peu lointain, un peu abstrait. Il y a derrière tout ça un gisement d'emplois, on va voir vos mesures dans un instant, mais exporter davantage, il faut bien le dire, c'est embaucher davantage ?
R - Alors, exporter davantage, c'est trois choses. Un, c'est effectivement réduire, si vous voulez, la dépendance de la France par rapport au monde. C'est une question de souveraineté, il faut arrêter de s'appauvrir, c'est ce qu'on fait quand on a un déficit commercial. Deuxièmement, c'est avoir plus d'emplois, c'est l'objectif vers le plein emploi. C'est de l'emploi dans les territoires, c'est aussi de l'emploi qui permet de distribuer des salaires qui permettent aux gens de vivre dignement. Et puis enfin, pour les entreprises, c'est diversifier les risques, parce que si vous ne vendez que sur un seul marché local ou national, dans un monde où, on le voit bien depuis quelques années, en fait, on a une accumulation de chocs qui s'accélèrent - la crise des subprimes, la pandémie, la guerre en Ukraine, l'inflation etc. -, si votre marché se retourne, eh bien votre entreprise, elle est menacée de disparition...
Q - Il faut se diversifier.
R - Alors que si on se diversifie, justement, eh bien, on diversifie aussi le risque, et donc on consolide son entreprise.
Q - Pour se diversifier, il faut exporter davantage, c'est tout l'objet de votre plan "Osez l'export", une douzaine de mesures, 13 mesures précisément. Voyons très concrètement, Olivier Becht, le contenu de ce plan. Vous voulez d'abord créer un pavillon France, qu'est-ce que c'est exactement que ce pavillon France ?
R - Alors, le pavillon France, si vous voulez, c'est emmener les entreprises sur les salons. C'est ce qui fait aussi la force d'un certain nombre de nos voisins...
Q - Les salons professionnels.
R - Les salons professionnels, voilà. C'est la capacité à aller montrer les produits français auprès de futurs acheteurs. Nous allons davantage accompagner les entreprises sur ces salons, nous allons doubler la participation de l'Etat...
Q - Parce que ça coûte très cher.
R - Ça coûte cher, oui. Et l'ambition, c'est d'emmener plus de 5.000 PME sur les salons, et ça, le plus rapidement possible.
Q - Oui, parce que jusqu'ici, les patrons français, les entrepreneurs qui souhaitent être présents sur ces salons internationaux, professionnels, sont moins aidés que ne le sont les patrons des pays voisins, par exemple ?
R - Oui, ils le sont moins, et surtout, ils y vont moins. Or, généralement, sur les salons, c'est la première expérience à l'export, c'est-à-dire que sur le salon, vous allez rencontrer, concrètement, des acheteurs qui vont dire : "ah bah oui, votre produit, il est extraordinaire, on le veut ". Bon, ça, si vous voulez, c'est la première étape. La deuxième étape, c'est de faire en sorte que les entreprises soient aussi mieux accompagnées par ce qu'on appelle la Team France Export, c'est-à-dire Business France, les chambres de commerce et d'industrie, la BPI, les régions, les conseillers du commerce extérieur. Or, on voit que les entreprises qui sont accompagnées, elles se maintiennent à l'export : 94 % des entreprises qui sont accompagnées par la Team France se maintiennent à l'export. Trop souvent, les entreprises qui vont à l'export une fois mais non accompagnées, souvent, l'année suivante, elles ne retournent plus sur les salons ou elles ont perdu le contact avec le fournisseur, etc., et donc elles décrochent.
Q - Donc c'est les PME que vous voulez inciter à exporter, vous les prenez par la main, là, vous leur dites : "il n'y a pas de risque à tenter l'export, au contraire, c'est atout" ?
R - Je ne leur dis pas simplement "c'est un atout, c'est un choix", je leur dis : "aujourd'hui, l'export, c'est une nécessité".
Q - Autre mesure de votre plan, Olivier Becht, vous voulez exposer en ligne les produits Made in France. C'est-à-dire, c'est quoi, c'est avoir une vitrine, une vitrine virtuelle en fait qui montre justement tout ce que nous avons à proposer aux marchés internationaux ?
R - Vous savez, on peut fabriquer les meilleurs produits du monde, mais si les gens ne le savent pas et ne les voient pas, ça ne sert à rien. Aujourd'hui, il y a une réalité dans le commerce "B to B", c'est-à-dire d'entreprise à entreprise, qui est une grande partie quand même du commerce mondial, sur les chaînes de valeur, demain, à peu près 80% du commerce se fera en ligne. 80% du commerce...
Q - On n'est pas assez visible aujourd'hui ?
R - Eh bien, aujourd'hui, ce sont les grandes plateformes, ce sont les e-vitrines, qui drainent justement ce type de produits. La France est insuffisamment présente sur ces plateformes, c'est aussi l'un des points majeurs de ce plan.
Q - Vous voulez aussi aider, Olivier Becht, les PME à recruter un responsable du développement export, un référent export. Toutes les entreprises, aujourd'hui, il faut le dire, ne peuvent pas se le permettre, ça coûte cher, pour une petite entreprise, de recruter à ces postes.
R - Si vous voulez, la réalité, c'est que la plupart des chefs d'entreprise ont, et ce n'est pas un reproche, si vous voulez, le nez dans le guidon, parce qu'ils doivent se battre tous les jours pour assurer la survie de leur entreprise. Et donc, ils n'ont pas le temps nécessaire à se consacrer pour aller vers l'exportation. On a fait le constat qu'on a des outils pour ceux qui ont déjà franchi la barre de l'organisation de l'entreprise pour aller à l'export. On a un outil, ça s'appelle le VIE, le Volontaire International à l'Etranger, qui va aller prospecter sur les marchés étrangers. Mais si on n'a pas organisé son entreprise pour aller à l'export en interne, en France, eh bien, ça ne sert à rien, puisqu'on ne pourra pas se projeter à l'étranger. Moi, ce que je veux, c'est donner des ressources humaines dans l'entreprise, et c'est ce qu'on va faire en créant le VTE, le Volontaire Territorial à l'Export, c'est-à-dire, mettre concrètement, dans l'entreprise, une ressource, un jeune, généralement à la sortie d'études, bien formé, qui va aider le chef d'entreprise à aller à l'export...
Q - Alors, bien formé, oui, bien formé, il nous manque aujourd'hui cette culture de l'export en France ? C'est ce qui fait, quoi, votre mesure, une autre mesure, l'Académie de l'export...
R - Exactement...
Q - Vous voulez créer un catalogue en ligne, montrer toutes les informations qui sont disponibles.
R - C'est exactement ça. Je veux en fait former davantage à la fois les jeunes dans les universités, dans les écoles bien sûr, mais surtout les salariés, les cadres des entreprises, en mettant en place cette Académie de l'export, c'est-à-dire la capacité à accéder très directement et rapidement à des formations, que ce soit des formations en ligne ou des formations dans les différentes écoles, les instituts qui forment au commerce international, et ça, le plus rapidement possible, pour que, justement, demain, on ait ce qu'on appelle cette logique de l'export, pour que la plupart, par exemple, quand on... alors comparaison n'est pas raison, on le dit toujours, mais enfin, quand on regarde nos amis allemands ou nos amis italiens, eh bien, dans chaque PME, il y a une logique de l'export. On n'a pas à convaincre le chef d'entreprise qu'il faut y aller, c'est naturel. Quand on a une entreprise, on est sur le marché local ou national, mais on va forcément à l'étranger. Moi, ce que je souhaite, c'est que chaque entreprise, demain, chaque patron, ait le monde comme horizon.
Q - En quelques mots, Olivier Becht, est-ce que la France, demain, peut redevenir exportatrice nette ? On part de loin, là !
R - La France peut et doit redevenir une grande puissance commerciale. Nous en avons tous les atouts, nous allons y arriver. Nous aurons d'ici à 2030, c'est le cap que je fixe avec le Gouvernement, 200.000 entreprises exportatrices. Nous souhaitons retourner à un équilibre, voire même à un excédent, de nos échanges avec le monde. Nous pouvons y arriver, et nous allons y arriver.
Q - Les mesures du plan export, du plan "Osez l'export", vous venez de nous les présenter en exclusivité sur Europe 1. Merci, Olivier Becht, ministre délégué au commerce extérieur et à l'attractivité. Merci à vous.
R - Bonne journée.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2023