Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à France Info le 7 septembre 2023, sur la lutte contre l'inflation et les finances publiques.

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Média : France Info

Texte intégral

SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour.

SALHIA BRAKHLIA
Avec une croissance attendue à 1 % seulement cette année, une dette publique de plus de 3 000 milliards d'euros et des agences de notation qui vous ont à l'œil, est-ce que vous êtes le ministre d'une économie qui tient sur un fil ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je suis le ministre d'une économie solide. Vous citez des commentaires français, moi je regarde la presse allemande qui titre "l'économie française, c'est l'économie allemande en mieux". Je crois que ça fait très longtemps que ce n'est pas arrivé que nos voisins allemands, nos amis allemands saluent les performances de l'économie française. Une croissance solide, deux millions d'emplois crées, des usines qui ouvrent, donc nous sommes dans la bonne direction et la croissance française est solide. Ça ne veut pas dire que je mésestime les immenses difficultés de nos compatriotes face à l'inflation, bien entendu. C'est le combat que je livre dans cette rentrée. Mais soyons confiants : l'économie française repose sur des bases solides.

JEROME CHAPUIS
Le pic de l'inflation est-il oui ou non derrière nous ?

BRUNO LE MAIRE
J'avais indiqué que l'inflation commencerait à refluer à l'été. Elle reflue, simplement elle ne reflue pas assez vite. Que l'inflation c'est un concept général, ça ne veut pas dire grand-chose. Ce que voient les gens, c'est quoi ? C'est les prix alimentaires et les prix à la pompe. Donc mon combat et ma détermination sont total pour accélérer la baisse des prix alimentaires ou faire en sorte qu'au moins ils n'augmentent plus. C'est un combat qui est difficile, c'est un combat qui est long mais nous aurons des résultats.

JEROME CHAPUIS
Le fait que les cours du pétrole repartent à la hausse, ce n'est pas de nature à faire repartir l'inflation ?

BRUNO LE MAIRE
Non. Ce qui est de nature à faire repartir l'inflation, qui explique le petit rebond, c'est l'augmentation des prix de l'énergie, de l'augmentation globale. Mais sur les prix du pétrole, aujourd'hui on est à 85 dollars le baril, nous avons deux pays, l'Arabie saoudite et la Russie, qui ont décidé de réduire leur production. Ç'a évidemment un impact sur le prix. Raison de plus d'ailleurs pour que tout le monde fasse un effort. Je vais regarder avec l'ensemble de la chaîne de valeur – les distributeurs, les pétroliers – quel est le niveau des marges, pourquoi ce niveau des marges reste à un niveau élevé. Et je souhaite que TOTAL qui a pris un engagement que je salue, de plafonner les prix de tous les carburants – diesel, essence – à 1,99 euro jusqu'à la fin de l'année, prolonge ce plafonnement à 1,99 euro de tous les carburants au-delà du 31 décembre 2023.

SALHIA BRAKHLIA
Et Patrick POUYANNE, le patron de TOTAL, il vous a dit OK ?

BRUNO LE MAIRE
C'est à Patrick POUYANNE de prendre la décision mais je salue le choix qui a été fait par TOTAL depuis plusieurs mois, et je souhaite une fois encore, je lui fais confiance, pour qu'il prenne en considération les difficultés de nos compatriotes et qu'il maintienne un plafonnement de tous ses carburants, diesel et essence, au-delà du 31 décembre à 1,99 euro. TOTAL est le seul pétrolier français qu'il nous reste, le seul grand pétrolier français qu'il nous reste c'est TOTAL. Ça doit être un atout pas simplement pour la nation française de manière générale, mais pour tous les automobilistes. C'est pour ça que je fais cette demande ce matin à Patrick POUYANNE. Je souhaite qu'il puisse maintenir ce plafonnement à 1,99 euro.

SALHIA BRAKHLIA
Mais ça ne veut pas dire que le prix du litre à la pompe sera à moins de 2 euros partout, dans toutes les pompes. Vous persistez : il n'y aura pas de ristourne de la part du Gouvernement ?

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est une triple aberration, je dis les choses et beaucoup de franchise. Bien sûr que j'aimerais dire à nos compatriotes, de ma circonscription où j'étais il y a quelques jours dans l'Eure, tous ceux qui prennent leur véhicule pour aller travailler, qui sont dans des zones rurales, qui font 40, 60 kilomètres par jour, je comprends à quel point ça les pénalise. Mais est-ce qu'on a véritablement envie de jeter comme cela l'argent par les fenêtres au lieu de l'investir…

SALHIA BRAKHLIA
Même si ça dépasse les 2 euros, vous ne bougerez pas ?

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est une triple aberration. C'est d'abord une aberration écologique. Vous ne pouvez pas matin, midi et soir à juste titre nous expliquer que la planète flambe, qu'on n'a jamais eu des températures aussi élevées, et dépenser 12 milliards d'euros – c'est le coût d'une remise à 20 centimes sur un an – pour les énergies fossiles et pour les carburants. C'est une aberration écologique, il faut qu'on accélère la transition écologique, pas qu'on la ralentisse en investissant 12 milliards au lieu de les mettre sur les énergies vertes, sur les éoliennes, sur les pompes à chaleur ou sur les batteries électriques, sur l'essence ou sur le diesel. Je pense que c'est une aberration écologique. C'est une aberration budgétaire aussi, j'insiste dessus, parce que vous dépensez 12 milliards pour tout le monde, quel que soit le niveau de revenus. Entre celui qui prend son SUV pour aller en week-end ou celui qui est obligé de prendre sa voiture pour aller travailler, ce serait exactement la même dépense budgétaire. Et puis c'est une aberration diplomatique parce que ça veut dire que vous payez la diplomatie pétrolière de Monsieur POUTINE et de l'Arabie Saoudite qui vise à réduire les volumes pour augmenter les prix. On n'a pas vocation à payer les choix politiques et géopolitiques de l'Arabie Saoudite ou de la Russie.

JEROME CHAPUIS
Bruno LE MAIRE, vous dites 12 milliards. Il y a un débat sur les chiffres, c'est important parce qu'on ne parle pas de détails, on parle vraiment de milliards d'euros. Xavier BERTRAND encore une fois hier vous a pris à partie, vous accusant de mentir sur les montants. On l'écoute.

XAVIER BERTRAND, PRESIDENT DE LA REGION DES HAUTS-DE-FRANCE
L'an dernier, la ristourne avait atteint de la part de l'État 30 centimes. Moi je propose 15 centimes. 30 centimes, ça avait coûté pour le budget de l'État 8 milliards d'euros, et moi je propose la moitié comme ristourne et ça va coûter 50 % de plus ? Mais il se moque de qui là ? Il se moque de qui ? S'ils n'ont pas envie de le faire, qu'ils l'assument mais qu'ils ne nous racontent pas des bobards.

JEROME CHAPUIS
Vous maintenez, 12 milliards le coût d'une telle mesure ?

BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas rentrer dans les comptes d'apothicaires avec Xavier BERTRAND, dans des polémiques inutiles qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. Je rappelle juste que les 30 centimes, c'était sur deux mois. Si on fait une remise de 20 centimes sur les prix du carburant pendant un an, je confirme les chiffres, cela coûte 12 milliards d'euros. Je note d'ailleurs, et je salue leur sens des responsabilités, que le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno RETAILLEAU, le président du Sénat qui est une assemblée de sagesse…

SALHIA BRAKHLIA
Gérard LARCHER.

BRUNO LE MAIRE
La voix de sagesse, la voix du président du Sénat, se sont exprimés contre cette ristourne en disant que c'était complètement contradictoire avec l'objectif de rétablissement des finances publiques. Je veux dire que je préfère la cohérence de Bruno RETAILLEAU et de Gérard LARCHER que je salue.

SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, vous avez convoqué distributeurs et industriels la semaine dernière pour les inciter à baisser les prix. Résultat : 5 000 produits devraient voir leurs prix bloqués ou diminuer dès janvier, et vous avez aussi annoncé un projet de loi pour que les négociations commerciales aient lieu dès le mois prochain. Ma question est simple : pourquoi ne pas ne pas permettre aussi que ces négociations, elles aient lieu plusieurs fois dans l'année ? C'est ce que demandent les distributeurs.

BRUNO LE MAIRE
Mais je suis totalement ouvert à cela. Simplement le combat contre la vie chère dans les rayons, contre l'augmentation des prix alimentaires c'est un combat immédiat. Moi je veux des résultats tout de suite. Et pour avoir des résultats tout de suite, il faut avoir ces 5 000 références. Il y a un certain nombre d'enseignes d'ailleurs qui ont commencé à jouer le jeu. Je pense à CORA, à INTERMARCHE, à AUCHAN. Je salue leur engagement de faire baisser les prix sur une centaine de produits ou bloquer les prix sur une centaine de produits. Ça, ça donne des résultats immédiats. Pour avoir des résultats encore plus rapides, nous ferons passer un texte de loi début octobre qui anticipera la date de négociations entre les distributeurs et les industriels, pour anticiper la baisse des prix et que l'argent n'aille pas dans les marges mais que l'argent aille dans la poche du consommateur. Elle sera anticipée du printemps 2024 au 15 janvier, au tout début de l'année. Ça permettra là aussi d'accélérer la baisse ou la stabilisation des prix. Et après, il y a un problème plus général qui est de voir si effectivement le modèle français où il y a une négociation annuelle au lieu d'avoir des négociations régulières est le bon modèle. Il faut juste faire attention à ce que ça ne pénalise pas nos amis agriculteurs. Donc je suis ouvert à cette idée, je souhaite qu'on confie une mission à des parlementaires qui regarderont s'il vaut mieux négocier régulièrement dans l'année plutôt qu'une fois dans l'année, avec vraiment une ligne rouge très claire : ça ne doit jamais se faire au détriment du revenu des producteurs agricoles.

JEROME CHAPUIS
Et le fait qu'on limite les promotions sur les produits d'hygiène et de soins, c'est une conséquence de la loi Descrozaille, vous y êtes favorable ?

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr. Moi je souhaite qu'on puisse aller le plus loin possible dans les remises. Il faut une politique qui soit claire, simple, lisible, cohérente, efficace.

JEROME CHAPUIS
Il faut un moratoire ? Pardon, la question n'est pas claire. Il faut un moratoire sur cette loi ?

BRUNO LE MAIRE
Il y a des bonnes choses dans le texte de loi Descrozaille. C'est un texte de loi qui a été voté par tous les parlementaires. Moi je suis cohérent, j'ai toujours dit qu'il y avait une disposition que je trouvais malvenue, c'est la disposition qui limite le montant maximum des promotions sur les produits d'hygiène et les détergents, c'est-à-dire les lessives, les dentifrices, les shampoings, à 34% alors que certains distributeurs sont prêts à faire 50, 60% voire plus. Si on veut vraiment se battre contre l'inflation, stopper définitivement la spirale inflationniste, faire baisser les prix, au moins stabiliser les prix, il faut permettre aux distributeurs d'aller plus loin dans les remises.

SALHIA BRAKHLIA
Donc sur le moratoire, vous dites OK.

BRUNO LE MAIRE
Sur le moratoire, je dis aux parlementaires de se saisir du sujet et s'il y a une majorité à l'Assemblée nationale pour revenir sur ce moratoire et permettre aux distributeurs de faire 60 % de remise sur les shampoings, sur les savons ou sur les lessives, tant mieux. Il faut s'engager totalement, avec beaucoup de fermeté contre la vie chère et contre ces prix qui flambent parce que c'est insupportable pour des millions de nos compatriotes, et c'est une somme de bonnes décisions point par point qui doit nous amener à faire refluer ces prix.

JEROME CHAPUIS
La lutte contre l'inflation, on continue d'en parler avec vous Bruno LE MAIRE.

SALHIA BRAKHLIA
Avec le ministre de l'Economie. Bruno LE MAIRE, à l'augmentation des prix s'ajoute la " shrinkflation ", une pratique par les industriels qui consiste à réduire la quantité de produit vendu dans un emballage sans pour autant en baisser les tarifs, ça c'est de l'arnaque ?

BRUNO LE MAIRE
Oui c'est une arnaque, c'est scandaleux. En gros, vous en savez moins et vous payez plus cher, que ce soit sur les chips, les céréales, le jus d'orange, je trouve ça totalement révoltant, donc…

JEROME CHAPUIS
Ça a toujours existé.

BRUNO LE MAIRE
Ça a toujours existé, là cette pratique se multiplie et nous ne sommes pas là pour remplir les poches des géants industriels, nous sommes là pour permettre aux Français de vivre décemment et de pouvoir se payer ce dont ils ont besoin, notamment en termes de produits alimentaires, en n'étant pas trompés sur la marchandise. Donc nous ferons, dans le même texte de loi de début octobre, il y aura une disposition qui obligera les industriels à faire figurer de manière très visible la réduction de contenu quand il gardent le même packaging, donc si vous avez le même paquet de céréales, mais qu'à l'intérieur au lieu d'avoir 500 grammes il y en a 400, ça ne doit pas être marqué en times 6 minuscule que personne ne peut voir, il doit y avoir marqué de manière très visible qu'il y a une modification du contenu dans le paquet.

JEROME CHAPUIS
L'ancien contenu et le nouveau contenu, tout ça ce sera marqué très…

BRUNO LE MAIRE
Ça doit être marqué de manière très visible, qu'il n'y ait pas de tromperie pour le consommateur sur la marchandise…

JEROME CHAPUIS
A partir de quand ?

BRUNO LE MAIRE
Sur la marchandise, dans un temps où l'inflation pénalise lourdement nos compatriotes, c'est inacceptable, et je pense que chacun a compris que dans cette rentrée ma détermination à faire plier ceux qui ne respectent pas les règles, à éviter qu'il y ait des marges excessives, et à faire ne sorte que l'inflation baisse plus rapidement, elle est totale.

JEROME CHAPUIS
Bruno LE MAIRE, vous avez eu hier avec votre collègue Aurore BERGE, le président des Restos du Cœur, vous l'avez rencontré, Patrice DOURET, après son appel à l'aide, qu'est-ce que vous lui avez dit ?

BRUNO LE MAIRE
Que nous serions au rendez-vous, que quoi qu'il arrive les Restos du Cœur, comme toutes les banques alimentaires, auraient les moyens de fonctionner correctement et de faire le travail exceptionnel qu'ils font avec les bénévoles. Nous avions anticipé que 2023 serait une année difficile, je rappelle qu'en 2019 le budget des banques alimentaires était d'un peu plus de 50 millions d'euros, en 2023 on avait prévu 157 millions d'euros, c'est-à-dire trois fois plus, visiblement ce n'est pas encore suffisant, donc nous serons au rendez-vous, j'ai demandé à Patrice DOURET d'évaluer très précisément ses besoins budgétaires…

SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire quoi, ça veut dire que vous pourriez aller au-delà des 15 millions d'euros promis ?

BRUNO LE MAIRE
Nous permettrons aux Restos du Cœur et à toutes les banques alimentaires de fonctionner sans souci et sans difficulté, c'est, je pense, une responsabilité de tout le Gouvernement, de toute la majorité, une responsabilité politique globale. La France tient parce qu'il y a les associations, parce qu'il y a les bénévoles, parce qu'il y a les Restos du Cœur, elle tient parce qu'il y de la générosité individuelle, elle tient parce que vous avez des entreprises, que je salue au passage, je suis un peu stupéfait des polémiques qui entourent les dons qui sont faits par les entreprises, mais vous avez beaucoup d'entreprises, de l'agroalimentaire, du vêtement, d'autres secteurs, qui ont donné aux Restos du Cœur, qui donnent aux banques alimentaires, tant mieux…

JEROME CHAPUIS
Mais la crise ces associations ce n'est pas le signe d'un appauvrissement de la population française ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je ne crois pas, c'est le signe que l'inflation touche très durement beaucoup de nos compatriotes, mais je récuse cette idée qu'il y ait un appauvrissement de la société française.

SALHIA BRAKHLIA
Il y a quand même un Français sur cinq qui vit a découvert cette année !

BRUNO LE MAIRE
Comprenez bien ce que je dis. L'économie française, une fois encore, a des bons résultats, nous créons des emplois, et l'objectif est de créer des emplois toujours mieux qualifiés et mieux rémunérés, mais bien entendu qu'il reste aujourd'hui beaucoup de personnes en difficulté, beaucoup de personnes qui ont du mal à boucler les fins de mois, beaucoup de personnes qui ont du mal à se nourrir, et notre responsabilité c'est de leur offrir des solutions sur les prix alimentaires, je me bats matin, midi et soir, pour cela, de permettre aux associations de remplir leur rôle, et de sortir le maximum de personnes de la pauvreté dans les mois qui viennent, bien entendu.

SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, à la fin du mois les parlementaires vont examiner la loi de programmation des finances publiques que vous avez préparée, la droite considère que vous ne faites pas assez d'économies et menace d'avoir recours à une motion de censure si vous forcez le passage du texte en ayant recours au 49.3, en gros vous êtes coincé ?

BRUNO LE MAIRE
Non, nous avons une loi de programmation qui a été adoptée, je le rappelle, dans tous les autres pays de la zone euro, tous les autres pays de la zone euro prévoient ce que sera leurs dépenses et leurs recettes d'ici les années qui viennent, je souhaite que la France ait aussi le même texte, c'est un principe de responsabilité. J'ai commencé, avec Thomas CAZENAVE, à ouvrir les discussions avec les oppositions, je leur ai dit ce texte il arrive le 27 septembre, c'est un texte d'intérêt national, c'est notre intérêt collectif de montrer la crédibilité de nos dépenses et de nos recettes à nos compatriotes, à nos partenaires européens, et accessoirement aux marchés qui nous permettent de lever l'argent dont nous avons besoin pour financer notre dette…

JEROME CHAPUIS
Mais il y aura un 49.3.

BRUNO LE MAIRE
C'est l'intérêt supérieur de la Nation.

JEROME CHAPUIS
Il n'y aura pas de majorité.

BRUNO LE MAIRE
Mais je ne pars pas avec l'idée qu'il faut nécessairement un 49.3 sur la loi de programmation des finances publiques, je pars avec l'idée et la détermination que si chacun fait preuve d'ouverture, de sens des responsabilités, nous pouvons faire passer ce texte de la loi de programmation des finances publiques, sans 49.3. Je vais voir le président du groupe Les Républicains dans quelques instants, Olivier MARLEIX, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec Eric CIOTTI, j'en discuterai avec Bruno RETAILLEAU et avec Gérard LARCHER, le président du Sénat, construisons une majorité, sur cette loi de programmation des finances publiques, pour montrer que nous sommes responsables. Je ne parle pas du budget, le budget c'est autre chose, c'est une décision très politique, mais sur la loi de programmation des finances publiques, où c'est l'intérêt supérieur de la nation française qui est en jeu, je pense qu'on devrait pouvoir se retrouver.

SALHIA BRAKHLIA
Juste, sur les pistes d'économies qui ont été évoquées jusqu'à présent, on en a entendu plusieurs, et on voudrait avoir vos confirmations, juste sur la suppression de la niche fiscale dite "brune", par exemple la fin de l'avantage fiscal pour le GNR, le gazole non routier, qui concerne les engins de travaux, les tracteurs, le transport routier, cette suppression de niche fiscale, vous la confirmez ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, je confirme que nous supprimerons la niche fiscale sur le gazole non routier, tout simplement pour faire basculer notre fiscalité d'une fiscalité "brune", c'est-à-dire une fiscalité qui incite à consommer des énergies fossiles, donc c'est mauvais pour le climat, à une fiscalité qui valorise les investissements verts. Comment est-ce qu'on va le faire ?

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous voyez que ça crée des réticences.

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais ça fait des mois que nous discutons avec nos amis agriculteurs, que nous discutons avec les entreprises des travaux publics, pour trouver un accord, il ne faut pas procéder par brutalité, il faut construire des accords avec les professions concernées, je pense que nous y arriverons avec les agriculteurs et que nous y arriverons avec les travaux publics sur une base qui est simple, progressivité, aucune brutalité, régularité, il ne s'agit pas de faire des marches qui soient plus hautes une année sur l'autre, et compensation pour accompagner la transformation, l'achat d'engins qui soient moins polluants, ou l'accompagnement de meilleures pratiques, de façon à ce que cet argent, qui est économisé sur les énergies fossiles, il n'aille pas dans les caisses de l'État, il aille dans l'accompagnement des professions agricoles et du bâtiment et des travaux publics. Il reste une profession, c'est les transporteurs routiers, eux ne seront pas concernés par cette mesure. Pourquoi ?

JEROME CHAPUIS
Ils ne seront pas concernés ?

BRUNO LE MAIRE
Non, ils ne seront pas concernés, pour une raison qui est simple, c'est que si on prend très exactement les chiffres, le niveau de taxation du gazole il est de 3,8 centimes pour les agriculteurs, il est de 18 centimes pour les travaux publics, donc c'est très inférieur à ce qui existe dans la moyenne des pays européens, et en France, mais il est de 45 centimes pour les transporteurs routiers, 45 centimes c'est plus élevé que ce qui est pratiqué en Espagne, plus élevé que ce qui est pratiqué en Italie…

JEROME CHAPUIS
Question de compétitivité.

BRUNO LE MAIRE
Donc je ne vais pas affaiblir nos transporteurs, on est là pour préserver la compétitivité des transporteurs, donc ils ne seront pas concernés par cette mesure sur le gazole non routier.

JEROME CHAPUIS
D'un mot, les baisses d'impôts, Emmanuel MACRON au printemps parlait de 2 milliards, là maintenant vous parlez de 2 milliards mais en 2025, ça veut dire qu'il n'y aura pas de baisses d'impôts dans le budget 2024 ?

BRUNO LE MAIRE
Non, mais il y aura des baisses d'impôts pour les ménages dès le budget 2025, là nous avons engagé le rétablissement des finances publiques, il faut retrouver des ressources budgétaires, mais en restant fidèle à notre politique, créer du travail, et du travail qui paye plus, et là aussi c'est une somme de bonnes décisions qui doit nous permettre d'aller dans cette direction, continuer à baisser les impôts sur les ménages, engager la conférence sur les bas salaires, qu'a voulue le président de la République avec les forces d'opposition, qui est une excellente nouvelle, pour redonner de la dynamique salariale aux bas salaires, tout ça doit nous permettre d'atteindre notre objectif du travail qui paye.

JEROME CHAPUIS
Toujours avec le ministre de l'Economie Bruno LE MAIRE. La Maire de Paris, Anne HIDALGO, a annoncé son intention d'attaquer en justice l'État, elle dénonce le fait de n'avoir reçu aucune dotation cette année, " vous étouffez les collectivités locales " dit Anne HIDALGO, qu'est-ce que vous lui répondez ?

BRUNO LE MAIRE
Qu'elle est, je crois, la seule commune à augmenter ses impôts de 52%, et je salue…

SALHIA BRAKHLIA
Elle part de plus bas.

BRUNO LE MAIRE
Non, mais d'accord, moi ce que je regarde c'est l'ensemble des communes françaises, 85% des communes françaises ne vont pas augmenter la taxe foncière, Anne HIDALGO l'augmente de 52 %, nous ne sommes pas comptables de la mauvaise gestion de Paris, c'est Anne HIDALGO qui en est la seule et unique comptable.

JEROME CHAPUIS
Il y a une proposition que fait Anne HIDALGO sur laquelle j'aimerais avoir votre avis, sur la taxe de séjour, elle propose d'augmenter la taxe de séjour, qui est donc payée par les touristes, notamment pendant les nuitées d'hôtel, parce qu'elle dit que par rapport à des villes comme Amsterdam ou New-York la taxe de séjour est ridiculement basse en France.

BRUNO LE MAIRE
Mais, la taxe de séjour, l'augmenter ce n'est rendre le pays très attractif pour le tourisme, qui est une source de recettes considérables pour notre pays…

JEROME CHAPUIS
Il n'y a pas un peu de marge là-dessus ?

BRUNO LE MAIRE
La marge représentera quelques millions d'euros, peut-être 3 millions, peut-être 4 millions d'euros de recettes pour Paris, tout en abîmant la compétitivité et l'attractivité de la capitale. Je rappelle que l'augmentation des impôts voulue par Anne HIDALGO, et décidée seule par Anne HIDALGO, c'est environ de 600 à 800 millions d'euros de recettes, donc on n'est pas du tout dans le même ordre de grandeur.

JEROME CHAPUIS
Donc c'est non.

SALHIA BRAKHLIA
Vous êtes en train de critiquer la gestion de la ville par Anne HIDALGO, ça elle n'aime pas Anne HIDALGO, puisqu'elle dit vous êtes en train… vous ne respectez pas vos obligations constitutionnelles ou européennes qui vous imposent le principe de la libre administration des collectivités.

BRUNO LE MAIRE
Arrêtons avec les grands mots, moi je ne vais pas chercher Madame HIDALGO, c'est elle qui vient de nous faire des reproches. Anne HIDALGO est indépendante, elle est Maire de Paris, elle est élue…

SALHIA BRAKHLIA
Elle vous attaque en justice quand même !

BRUNO LE MAIRE
Mais elle rendra des comptes, non pas devant la justice, mais devant les électeurs de Paris, elle a pris une décision, augmenter les impôts de plus de 50 %, chacun va recevoir sa taxe foncière et s'apercevoir de ce que ça représente, pour des millions d'habitants de Paris c'est très dur, c'est très pénalisant en période de forte inflation, c'est son choix, et son choix à elle seule, la libre administration des collectivités locales veut dire que moi je n'ai pas à me mêler de ces choix qui sont les choix souverain de Madame HIDALGO dont elle répond souverainement devant les Parisiens.

JEROME CHAPUIS
Bruno LE MAIRE, la crise de l'immobilier est très profonde, les chiffres sont encore pires que ce qu'on pouvait anticiper dit ce matin par exemple la patronne de NEXITY, est-ce que vous considérez que la correction par les prix, qui est en train de se produire, les prix baissent, après tout c'est une bonne chose ?

BRUNO LE MAIRE
Il faut refonder totalement notre politique du logement. C'est ça l'objectif. Ça doit faire partie des rentes politiques qu'il faut refonder dans les semaines et dans les mois qui viennent.

JEROME CHAPUIS
Ça fait des années qu'on entend ça.

BRUNO LE MAIRE
Mais nous avons commencé à le faire. Regardez ce que nous avons décidé sur le Pinel, qui était un avantage fiscal qui coûtait 2 milliards d'euros par an à l'État pour la construction d'environ 30 000 logements. Est-ce que vous connaissez d'autres pays dans lesquels on est capable de dégager 2 milliards d'euros d'argent public pour construire 30 000 logements ? C'est complètement inefficace. Donc tout le monde a conscience qu'aujourd'hui, il faut plus de logements, du logement de qualité dans les zones tendues. Ce constat, tout le monde le partage. Quelles sont les solutions ? La solution ne peut pas être toujours plus d'argent public, toujours plus d'avantages fiscaux. Ça, c'est la solution qu'on a tenté pendant des décennies et des décennies, on n'a pas eu les logements qu'on voulait et on a creusé le déficit de l'État. Donc je propose avec le ministre du Logement que je rencontrerai très prochainement, que tous les acteurs se mettent autour de la table, que ce soient les bailleurs, que ce soient les bailleurs sociaux, que ce soient les promoteurs immobiliers, bien entendu l'État, les collectivités locales, et que nous regardions ensemble quelles sont les bonnes solutions. Mais le choix qui a été fait pendant des décennies qui est de dire "toujours plus d'argent public, toujours plus de niches fiscales" et au bout du compte pas assez de logements, ce n'est visiblement pas la bonne politique, il faut la refonder.

SALHIA BRAKHLIA
" Limiter les mandats présidentiels à deux est une funeste connerie ", c'est ce qu'a dit Emmanuel MACRON. Vous êtes d'accord avec lui ?

BRUNO LE MAIRE
Je suis favorable à la limitation du nombre de mandats des parlementaires dans le temps. Je l'ai dit, 3, je me le suis appliqué d'ailleurs à moi-même.

SALHIA BRAKHLIA
Et pour le président ?

BRUNO LE MAIRE
Et je pense que la réforme du quinquennat a été mal pensée, et qu'il a raison de souligner à quel point cette réforme du quinquennat a été mal pensée. Je crois d'ailleurs qu'un des participants à la réunion a précisé que quand Emmanuel MACRON disait cela, il ne se l'appliquait pas à lui-même. Evitons les polémiques inutiles sur le sujet. Mais on a mis en place le quinquennat sans réfléchir à ce que ça voulait dire dans le calendrier politique, sans réfléchir à l'organisation du calendrier politique des élections législatives et des élections présidentielles, sans réfléchir au rapport de force entre l'exécutif et le législatif, donc il faut pousser plus loin la réflexion.

SALHIA BRAKHLIA
Pardon, je n'ai pas la mémoire mais vous ne l'aviez pas voté à l'époque ? Vous n'étiez pas encore parlementaire ?

JEROME CHAPUIS
En 2008.

BRUNO LE MAIRE
En 2008, je devais être parlementaire.

JEROME CHAPUIS
Vous étiez parlementaire.

SALHIA BRAKHLIA
Oui, alors peut-être que vous l'avez voté.

BRUNO LE MAIRE
Mais peut-être que je l'ai voté mais peut-être que je ne suis pas allé assez loin dans ma réflexion. Donc je vous dis aujourd'hui qu'il faut de manière plus générale repenser l'organisation de nos pouvoirs avec toujours un souci d'efficacité.

JEROME CHAPUIS
Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie, était l'invité du 8.30 Franceinfo. Merci d'avoir été avec nous.

BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2023