Texte intégral
DIMITRI PAVLENKO
Bonjour Thomas CAZENAVE.
THOMAS CAZENAVE
Bonjour.
DIMITRI PAVLENKO
Bienvenu sur Europe 1. L'automne approche et c'est donc bientôt la saison d'ouverture budgétaire. C'est à vous que revient la délicate mission de défendre un projet de loi de finance 2024 qui s'annonce un brin compliquer. On parlera d'un autre texte important qui est en jeu d'ailleurs ; on en dira un petit mot. En amont des débats, Thomas CAZENAVE, vous avez invité, mardi, les oppositions à venir discuter ce qu'on appelle " les dialogues de Bercy ". Ça a été inventé l'an dernier par votre prédécesseur, Gabriel ATTAL. Vous avez à l'AGENCE FRANCE-PRESSE en sortant que c'était constructif. On a connu des réactions un peu plus enthousiastes, Thomas CAZENAVE. Autrement-dit, il s'est passé quelque chose d'intéressant quand même mardi ?
THOMAS CAZENAVE
Oui, on a réuni 19 parlementaires, Sénat et Assemblée, de tous les groupes politiques pour partager les grandes orientations, le contexte macro-économique nos priorités et travailler avec celles et ceux qui veulent sur ces sujets-là, pouvoir avancer. On a toujours dit avec Bruno LE MAIRE que notre porte est ouverte. Et on a identifié ensemble après 3 heures de réunion des sujets sur lesquels nous souhaitons nous revoir : financement de la transition écologique, lutte contre la fraude, tout un tas de sujets très concrets qui vont nous permettre de voir si on est capable de trouver des consensus pour enrichir le texte. On est dans cette période-là ; c'est pour ça que je trouve que les échanges ont été constructifs, qu'on se revoit dans 15 jours et que pendant toute la période budgétaire, nous aurons des échanges réguliers.
DIMITRI PAVLENKO
Alors, c'est intéressant parce que ça rappelle d'ailleurs un peu ce qu'a fait le Président de la République la semaine dernière ; ces fameuses rencontres de Saint-Denis : " Brisons la glace, parlons tous ensemble. Voyons si on peut dégager des zones d'accord ". Mais personne ne croit vraiment quand même, Thomas CAZENAVE, que vous arriverez à échapper cet automne à une motion de censure sur la question du budget et que vous puissiez ne pas avoir recours au 49.3. Elisabeth BORNE l'a dit très clairement récemment. Thomas CAZENAVE, est-ce que vous pensez pouvoir adopter le budget d'une autre manière ?
THOMAS CAZENAVE
Nous, on repart avec, à la fois, un nouveau projet qui traduit nos priorités : tourner vers l'avenir. Je cite avec les oppositions : est-ce que vous êtes d'accord avec nous qu'il faut faire un investissement massif sur la transition écologique ; plus de 7 milliards ? Un investissement massif sur nos services publics. Je pense notamment à l'éducation. Et est-ce que vous partagez avec nous l'idée qu'il faut réduire le déficit public pour retrouver des marges de manoeuvre ? Parce que si on a réussi à protéger les Français pendant la crise, c'est qu'on avait réduit le déficit public. Donc on partage les grandes lignes. Si à la fin, on n'a pas d'accord de majorité, les Français pourront comprendre que finalement les oppositions ne votent pas le budget mais en revanche, ils ne comprendraient pas qu'on n'ait pas de budget, qu'on n'ait pas de quoi financer nos services publics, financer nos agents publics.
DIMITRI PAVLENKO
C'est impensable, ça.
THOMAS CAZENAVE
C'est impensable. Et c'est la raison pour laquelle la Constitution a prévu le 49.3 parce qu'on ne peut pas laisser un pays sans budget.
DIMITRI PAVLENKO
Sur les textes budgétaires précisément.
THOMAS CAZENAVE
Absolument.
DIMITRI PAVLENKO
C'est d'ailleurs quelques-unes de vos priorités. Ces derniers jours, on a quelques annonces quand même. L'extinction des boucliers tarifaires sur l'énergie, ça, c'était acté quand même depuis quelque temps. Il n'y aura pas de nouvelle ristourne sur le carburant, l'a dit très clairement Bruno LE MAIRE la semaine dernière. C'est la vraie fin du quoi qu'il en coûte, ce budget 2024 en préparation, Thomas CAZENAVE ?
THOMAS CAZENAVE
Une partie des éléments sur lesquels on construit le budget, c'est remettre en cause progressivement les éléments qu'on a bâti pendant la crise, pendant le pic de la crise sur notamment les prix de l'énergie qui avaient explosé en 2022. C'est aussi des économies structurelles, ce n'est pas que la fin du quoi qu'il en coûte, par exemple…
DIMITRI PAVLENKO
A quel montant ? A quelle hauteur ? Bruno LE MAIRE a dit hier " 10 milliards et il me semble que jusqu'à présent, c'était plutôt de l'ordre de 15 milliards. " On réduit la voilure des économies ?
THOMAS CAZENAVE
Non, c'est une dizaine de milliards parce que, par ailleurs, on a eu des bonnes nouvelles en 2023 : notre économie résiste, nos entreprises résistent notamment par rapport à nos partenaires européens ; par exemple par rapport à l'Allemagne. Donc comme on a de bonnes nouvelles sur le plan macro-économique, on a 10 milliards d'euros d'économies à faire avec des réformes structurelles. Je vous en donne une : quand l'économie se porte bien, que le chômage baisse, ce n'est pas normal de baisser les contrats aidés par exemple dans le secteur marchand. Sur la politique du logement, le dispositif Pinel n'a pas montré son efficacité, on le remet en cause. Donc on fait des réformes structurelles aussi pour dégager des marges de manoeuvre sur nos priorités : service public, transition écologique.
DIMITRI PAVLENKO
Alors cet été, on a franchi officiellement le cap des 3 000 milliards d'euros de dettes publiques ; on est à 112,5% de ratio dette sur PIB. Donc vous cherchez des économies, vous l'avez dit, Thomas CAZENAVE. En même temps, il faut financer la transition écologique et puis tous les services publics en souffrance : l'école, la sécurité, la justice, la recherche, la défense etc... Comment on fait, Thomas CAZENAVE ? Est-ce que nous avons encore les moyens de toutes ces ambitions ?
THOMAS CAZENAVE
Vous avez raison, on a une dette de plus de 3 000 milliards. Mais en fait, on a deux dettes : on a une dette financière et on a une dette écologique. Et donc, on doit à la fois réduire notre déficit public pour trouver des marges de manoeuvre et c'est pour ça qu'on investit de manière très importante, de manière historique dans la transition écologique parce qu'on doit s'attaquer à nos deux dettes : notre dette financière, notre dette écologique. Et comment on fait ? D'abord parce qu'on a dégagé des marges de manoeuvre grâce à la baisse du chômage, au maintien de l'activité, aux effets des réformes de l'assurance chômage, demain des retraites qui nous redonnent des capacités à investir sur nos priorités. On va continuer les réformes structurelles, je l'ai dit, sur la politique de l'emploi, sur la politique du logement ; ce qui nous permet de financer les priorités sans augmenter les impôts.
DIMITRI PAVLENKO
Sans augmenter les impôts, ça c'est intéressant sauf qu'en l'occurrence, Emmanuel MACRON avait promis, lui, des baisses d'impôts : 2 milliards d'euros pour les ménages. Je reviens au dialogue de Bercy, il y a deux groupes politiques qu'on suppose à gauche, qui ont soutenu l'idée d'un impôt minimal mondial sur les particuliers, comme on s'est imaginé déjà pour les entreprises à hauteur de 15%. Vous avez dit que vous et Bruno LE MAIRE n'étaient pas fermés à cette idée d'un impôt minimal sur les ménages, peut-être 10, peut-être 15%. Rappelons qu'en France, les premières tranches d'impôts sont exonérées de l'impôt sur le revenu. On pense avoir un peu plus, Thomas CAZENAVE ? C'est dans les tuyaux pour l'an prochain ?
THOMAS CAZENAVE
C'est bien la preuve que ces échanges, lors des dialogues de Bercy, ont été constructifs. On a identifié un certain nombre de sujets.
DIMITRI PAVLENKO
Donc aujourd'hui, des Français qui ne payent pas d'impôts parce qu'ils ont des bas revenus pourraient, demain, pourquoi pas, contribuer aussi à…
THOMAS CAZENAVE
Non. Le sujet, c'est le sujet qui est dans le débat. Il y a un certain nombre d'études qui montrent qu'à partir d'un certain niveau de patrimoine, de revenus, certains échapperaient à l'impôt ou à la progressivité de l'impôt. On a toujours dit que ce sujet-là c'est au niveau international que ça doit se traiter. Et on n'est pas fermé à travailler avec les oppositions, à bâtir une solution qui pourrait être défendue par la France dans le cadre du G20, dans le cadre de l'OCDE. Et vous savez que le budget 2024 verra la traduction de l'engagement que nous avons pris au niveau international pour un impôt minimum sur les entreprises. Et donc pourquoi ne pas faire la même chose sur les particuliers ? Et c'est un sujet sur lequel nous sommes ouverts au débat avec l'ensemble des oppositions.
DIMITRI PAVLENKO
Merci beaucoup Thomas CAZENAVE. On aurait pu encore en parler des heures de ce budget ; on aura l'occasion. C'est dans trois semaines que ce budget est présenté en conseil des ministres. Merci d'être venu nous voir sur Europe 1. Je rappelle que vous êtes le ministre délégué aux Comptes publics. Bonne journée.
THOMAS CAZENAVE
Merci pour votre invitation.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2023