Texte intégral
YVES CALVI
Amandine BÉGOT, vous recevez donc ce matin notre ministre de la Culture, Rima ABDUL-MALAK.
AMANDINE BÉGOT
Rima ABDUL-MALAK, on va bien sûr évoquer avec vous les journées du patrimoine mais aussi ce plan pour sauver les églises dans nos villages. Vous serez aux côtés d'Emmanuel MACRON aujourd'hui, mais d'abord ces tensions en Afrique de l'Ouest. Une partie du monde de la culture s'inquiète ce matin après ces dernières consignes du Quai d'Orsay, le Ministère des Affaires étrangères qui demande de ne plus programmer en France des artistes venant du Niger, du Mali et du Burkina Faso. Ils ne sont plus les bienvenus en France, ces artistes ?
RIMA ABDUL MALAK
Non, pas du tout. Moi je suis extrêmement attachée aux liens culturels qui existent depuis très longtemps entre ces pays et la France, tous les pays d'Afrique et la France. Au contraire, on les a même intensifiés ces dernières années avec des coopérations renouvelées et ces échanges sont au cœur de notre vie culturelle. Mais là, on a une situation sécuritaire très, très spécifique, extrêmement dégradée au Niger, au Burkina, au Mali. Des bâtiments français ont été pris pour cible. Au Niger, l'ambassadeur est même enfermé en fait dans l'ambassade. À Ouagadougou, l'Institut français a été incendié par exemple, et dans ces conditions et dans cette violence qui monte, il y a eu aussi des attaques djihadistes récemment, donc la France a décidé de réduire ses équipes dans les ambassades, les consulats et de fermer les services de visas. Donc matériellement, il n'est pas possible aujourd'hui de délivrer des visas pour des artistes ou pour toute autre personne qui ferait des demandes de visas de ces pays pour venir en France. C'est ça, la situation.
AMANDINE BÉGOT
Mais ce n'est pas juste un problème de visas et un problème, j'allais dire, d'effectifs techniques sur place…
RIMA ABDUL-MALAK
On a un problème de sécurité.
AMANDINE BÉGOT
On demande aussi, dans la note, il est demandé de ne plus financer.
RIMA ABDUL-MALAK
Non. Je vais reclarifier ça dans un message que j'ai demandé à mes services d'envoyer aujourd'hui, parce qu'il y a eu trop de confusion et visiblement d'incompréhension suite à certains messages qui ont été passés. Il n'est pas question d'arrêter d'échanger avec des artistes ou d'arrêter d'échanger avec des lieux culturels, des musées, des festivals, des théâtres dans ces pays. C'est juste qu'un nouveau projet de coopération, là, qui démarrerait maintenant et qui nécessiterait d'avoir des visas pour venir, ou qui nécessiterait pour les Français de partir là-bas alors que c'est extrêmement dangereux…
AMANDINE BÉGOT
Ou de l'argent pour le financer.
RIMA ABDUL-MALAK
C'est extrêmement difficile.
AMANDINE BÉGOT
Ou de l'argent pour le financer.
RIMA ABDUL-MALAK
Non, l'argent, on a de l'argent. C'est juste que les conditions matérielles de mise en œuvre des projets aujourd'hui sont rendues très, très difficiles.
AMANDINE BÉGOT
Mais vous comprenez que ça puisse choquer un certain nombre de personnes. Sauf erreur de ma part, par exemple on n'a jamais fait ça avec les Russes.
RIMA ABDUL-MALAK
Ah non ! Mais on ne boycotte jamais d'artistes de nulle part.
AMANDINE BÉGOT
Pas de représailles ?
RIMA ABDUL-MALAK
Ce n'est pas du tout la question. C'est juste qu'on n'a pas de service de visas en fonctionnement aujourd'hui qui peuvent délivrer de visas. Donc techniquement il est, pour des raisons de sécurité que j'espère temporaires, pas possible de faire ces échanges-là dans les semaines en ce moment. Par contre, je veux quand même préciser pour tous les artistes qui ont déjà des visas et qui ont des tournées prévues ou des spectacles prévus, ceux-là vont pouvoir venir comme prévu. Je veux aussi préciser que tous ceux qui sont d'origine burkinabé, nigérienne ou malienne mais qui vivent en France évidemment ne sont pas du tout, du tout concernés. Là on parle de quelques cas de demande, pas que pour des artistes d'ailleurs, pour d'autres types de professionnels.
AMANDINE BÉGOT
Ça peut être des sportifs.
RIMA ABDUL-MALAK
Les services sont fermés.
AMANDINE BÉGOT
Donc soyons bien clairs, ce n'est pas un boycott, pas de représailles.
RIMA ABDUL-MALAK
Pas du tout.
AMANDINE BÉGOT
Bon. En tant que ministre de la Culture d'un pays qui est quand même présenté comme le pays des Droits de l'homme, celui de l'exception culturelle, ça ne vous gêne pas un tout petit peu quand même ?
RIMA ABDUL-MALAK
Moi je suis extrêmement préoccupée par cette situation très tendue dans ces pays. Je ne suis ni ministre de la Défense ni ministre des Affaires étrangères mais, en tout cas, la France a toujours été au rendez-vous pour accueillir les artistes en danger dans leur pays. On l'a fait avec les artistes afghans, iraniens, ukrainiens, russes, dissidents.
AMANDINE BÉGOT
C'est pour ça que c'est surprenant.
RIMA ABDUL-MALAK
Et on continuera à le faire. On le fait aussi avec les artistes des pays d'Afrique qui sont menacés pour diverses raisons. On a toujours accueilli pour des résidences courtes ou longues, pour des projets. Nos acteurs culturels sont en lien constant avec les artistes du monde entier. La France a toujours été une nation ouverte et une terre d'accueil pour les artistes.
AMANDINE BÉGOT
Donc ce n'est pas un changement de pied.
RIMA ABDUL-MALAK
Non, c'est une adaptation à un contexte sécuritaire extrêmement dégradé qui cible particulièrement les bâtiments français et les équipes françaises dans ces trois pays.
AMANDINE BÉGOT
Rima ABDUL-MALAK, vous serez aujourd'hui en Côte-d'Or aux côtés d'Emmanuel MACRON qui doit annoncer une série d'aides pour sauver les églises des communes de moins de 10 000 habitants. Combien d'édifices sont concernés ? J'ai lu 5 000.
RIMA ABDUL-MALAK
Alors on estime entre 3 000 et 5 000 les églises dans les petites villes qui ont besoin le plus d'être restaurées. En réalité même entre 1 000 et 3 000 sont vraiment dans un état préoccupant. Ce sont des édifices qui sont au cœur de nos villages, qui portent une histoire, auxquels les Français sont très attachés. Ces clochers sont des repères aussi dans nos paysages et on ne peut pas aujourd'hui accepter que ces lieux se dégradent, tombent en ruine, voire se retrouvent détruits par des collectivités qui n'ont plus les moyens de s'en occuper. Parce qu'en fait, nous ce qu'on veut, c'est venir en aide aux collectivités qui n'arrivent pas à entretenir ces églises.
AMANDINE BÉGOT
Mais ça veut dire quoi ? Que l'État finance ?
RIMA ABDUL-MALAK
Alors l'État va, moi côté Ministère de la Culture, on va faire une campagne de protection au titre des Monuments historiques pour pouvoir protéger davantage d'églises, notamment du XIXème siècle, du XXème siècle, qui jusqu'ici n'étaient pas protégées au titre des monuments historiques. Par exemple dans Val-d'Oise à Vigny ou en Haute-Saône à Saulx, j'ai plein d'exemples comme ça en tête, ou en Moselle a Vasperviller. On va aussi, avec le ministère de l'Intérieur qui est aussi le ministère des Cultes, aider davantage les collectivités dans les restaurations, et le président va annoncer tout à l'heure une souscription nationale – je le laisserai en dire les contours – avec la Fondation du patrimoine qui est déjà notre partenaire pour la reconstruction de Notre-Dame, pour le loto du patrimoine et qui a des délégués régionaux très impliqués, des bénévoles partout en France. Moi ce qui importe aussi pour moi, c'est que restaurer ces églises ce ne soit pas uniquement pour que les pierres tiennent debout, c'est aussi pour que ces lieux vivent. Qu'ils vivent en tant que lieu de culte évidemment, dans le respect de ces cultes, mais qu'ils vivent aussi pour d'autres activités, et on est en discussion avec la conférence des évêques, les diocèses, pour envisager des usages partagés, des usages mixtes.
AMANDINE BÉGOT
C'est quoi ? Des expositions ?
RIMA ABDUL-MALAK
Par exemple ça peut être des expositions, tout à fait, ça peut être des ateliers de découverte du vitrail, ça peut être une bibliothèque, ça peut être une épicerie solidaire. J'ai vu plusieurs exemples intéressants. Ça peut être de l'aide aux devoirs, des espaces de travail pour des étudiants. Comment concilier respect de l'histoire, respect du culte et nouvelles activités pour que les lieux vivent et que ces clochers au centre du village prennent aussi vie et accueillent le public, toutes les générations, et ne soient pas détériorés à l'avenir aussi dans leur activité.
AMANDINE BÉGOT
"Ces églises sont l'âme de la France" disaient il y a quelques mois des parlementaires à la fois de droite et du centre qui avaient envoyé une lettre à Emmanuel MACRON. Ce sera demain et après-demain les 40èmes Journées du patrimoine, on sait que les Français adorent ces journées. Une édition qui est placée cette année, Madame la Ministre, sous le signe du sport à quelques mois des JO. Ça peut être de l'art, le sport ?
RIMA ABDUL-MALAK
Exactement. D'ailleurs au début de la création des Jeux olympiques, Pierre de COUBERTIN lui-même avait créé des disciplines artistiques. On pouvait être un médaillé en littérature, en sculpture, en architecture etc, et après ç'a été remplacé par l'Olympiade culturelle. L'Olympiade culturelle, on est engagé dedans depuis un an maintenant. Là elle monte en puissance, ce sont des centaines de projets partout en France qui relient l'art et le sport. Il y a aussi une nouvelle discipline qui est entrée aux Jeux olympiques, c'est le breakdance, le breaking. Donc est-ce de la danse, est-ce du sport, est-ce les deux ? Avis aux amateurs. En tout cas, voilà, c'est aussi le sport se renouvelle avec la culture, la culture se renouvelle avec le sport. Ce sont deux domaines de la vie qui ont énormément de valeur en commun : le dépassement de soi, l'excellence, le collectif, l'élan du collectif. Et donc on a décidé de placer ces journées du patrimoine aussi sous le signe olympique avec l'ouverture de sites sportifs à la visite. Donc on pourra visiter des stades, des piscines, des gymnases, des jeux de paume, mais aussi l'organisation d'événements sportifs et culturels dans des lieux, comme ce spectacle que j'évoquais au Ministère de la Culture qui s'appelle Horizon de l'artiste de cirque Raphaëlle BOITEL, qui a invité des stars du parcours, qui vont créer une performance sur les toits de mon ministère. Mais je vous invite aussi à aller au musée d'Orsay par exemple pour voir un funambule sur un fil, des acrobates. Voilà, comment le patrimoine peut accueillir en quelque sorte la performance sportive dans un élan artistique.
AMANDINE BÉGOT
Et je rappelle qu'à l'occasion de ces Journées du patrimoine, le groupe M6 ouvre ses portes. Vous pourrez venir visiter la radio RTL mais aussi Fun Radio, RTL 2.
RIMA ABDUL-MALAK
Génial !
AMANDINE BÉGOT
Ça c'est demain, et puis dimanche ce sera la télé. Merci beaucoup Madame la ministre.
RIMA ABDUL-MALAK
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2023