Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Bonjour Christophe BARBIER.
CHRISTOPHE BARBIER
Et bienvenue. On va parler transition énergétique avec vous, mais un mot d'abord sur l'abaya parce que vous aviez signé une tribune dans la presse disant "cette gauche devrait se couvrir la tête de honte", et hier le Conseil d'État, par son arrêt, a confirmé l'interdiction de l'abaya. Victoire idéologique, philosophique, républicaine ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Républicaine. L'abaya c'est, au fond, invisibiliser les petites filles de l'espace public, c'est inacceptable et c'est aussi ne pas protéger les enfants de pressions politiques, ou religieuses, au sein d'un sanctuaire qu'est l'école, et donc je me battrai toujours effectivement, à la fois parce qu'il est inacceptable d'invisibiliser les petites filles, et qu'il faut les laisser grandir en sécurité, en sécurité, en sérénité, il faut porter ce combat aussi pour toutes celles qui, en Afghanistan, en Iran, se battent aujourd'hui pour leur liberté, pour leurs droits, et puis il faut aussi le porter pour ce qui est fondamentalement l'école, c'est-à-dire ce sanctuaire où chacun est libre de penser et de croire, ou de ne pas croire, et c'est quelque chose qui relève de l'intime, et chacun peut construire son chemin, et c'est ça que nous voulons préserver, c'est au fond l'ultime façon de préserver la liberté, la liberté de penser, la liberté d'opinion.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est un combat qui va continuer, l'abaya n'est qu'un épisode.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, mais je crois qu'aujourd'hui, avec le président de la République, avec le ministre de l'Éducation nationale, nous avons rappelé ce qu'était fondamentalement cette valeur de la laïcité, et comme je le dis dans cette tribune, je suis stupéfaite de voir cette gauche qui a trahi, qui a trahi Jaurès, qui a trahi tous ceux qui ont pourtant construit… Aristide BRIAND, ce combat de la laïcité.
CHRISTOPHE BARBIER
"Où est passée la sobriété ?" s'interrogeait le journal "l'Opinion" cette semaine, et c'est vrai que la consommation d'essence a été record cet été, les vols en avions sont repartis, on a tout lâché.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Pas du tout. Contrairement à ce qu'on entend notre consommation d'électricité et de gaz entre le 1er août de l'année dernière et le 31 juillet a baissé de 12 %, c'est énorme, c'est une des plus belles performances européennes en la matière, parce que ce combat la sobriété, que j'ai lancé l'année dernière, avec la Première ministre, et je l'ai fait d'abord avec les entreprises, avec les administrations, avec les collectivités locales, parce qu'il faut que les gros acteurs prennent leurs responsabilités et fassent leur partie des efforts, ce combat il a porté, les Français en responsabilité ont baissé leur consommation d'énergie, ils l'ont fait parce qu'il y avait cette inquiétude sur le passage de l'hiver, mais ils ont continué après, et c'est du gagnant. La sobriété ce n'est pas se priver, c'est consommer juste ce dont on a besoin, et c'est faire en sorte, au final, de baisser sa facture, et c'est bon pour la planète.
CHRISTOPHE BARBIER
Donc le pli est pris dans le comportement des Français, il ne faudra pas de plan sobriété cet hiver ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Mais nous allons continuer justement, bien au contraire, continuer à travailler avec les entreprises pour qu'elles continuent à baisser leur consommation d'énergie, mais continuer aussi à travailler avec les Français pour leur donner toutes les clés pour consommer moins d'énergie, et je réunirai prochainement les acteurs sur ce sujet et on lancera une campagne de publicité pour rappeler ces gestes qui doivent devenir des réflexes du quotidien.
CHRISTOPHE BARBIER
L'an dernier notre parc nucléaire n'était pas prêt, il était en rattrapage, cette année vous êtes sereine sur ce point ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Cette année je suis sereine sur le fait que nous aurons plus de production nucléaire, nous sommes d'ailleurs redevenus le premier producteur d'électricité, le premier exportateur, d'électricité en Europe, c'est une très bonne nouvelle, mais il ne faut pas baisser la garde. On a besoin de la sobriété parce que c'est un réflexe à prendre pour la planète, mais c'est aussi un réflexe pour…
CHRISTOPHE BARBIER
Pour le portefeuille.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Sécuriser notre approvisionnement en électricité, et c'est un réflexe pour le portefeuille, et on doit continuer à augmenter notre production nucléaire, on est encore loin d'avoir atteint le maximum que nous pouvons faire, et donc les responsables, les dirigeants d'EDF, auront un objectif en termes de productive nucléaire chaque année sur lequel leur rémunération sera aussi fondée.
CHRISTOPHE BARBIER
Indexée.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.
CHRISTOPHE BARBIER
Dans sa lettre à la suite des entretiens de Saint-Denis le président de la République annonce que la planification écologique – on attend des grandes annonces – sera présentée d'abord aux oppositions, est-ce qu'il va falloir corédiger avec elles, faire valider, vous êtes inquiète ou vous trouvez ça utile ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
D'abord je veux dire que cette planification écologique ça fait 10 mois que nous y travaillons avec l'ensemble des parties prenantes, qu'il s'agisse des oppositions, moi je travaille par exemple avec des parlementaires de l'opposition, et de la majorité, sur la planification énergétique, qui est une partie de la planification écologique, ça fait 4 mois que nous avons des groupes de travail, qui rendront leurs conclusions le 12 septembre, c'est-à-dire mardi prochain, nous y travaillons avec les entreprises, les organisations syndicales, les associations environnementales, et ce travail de concertation il doit avoir des grands rendez-vous, c'est ce rendez-vous qu'aura la Première ministre avec les chefs de parti, donc ce ne sont pas, les députés, les parlementaires, qui sont dans ces partis-là, mais ce sont les chefs de parti, pour effectivement partager cette vision, ce plan de bataille, pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
CHRISTOPHE BARBIER
Et l'améliorer, le corriger, en fonction de leurs remarques.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, c'est le propos de cette concertation. Alors, je veux être très claire, on prendra nos responsabilités, c'est-à-dire qu'à la fin moi je ne peux pas être d'accord, par exemple sur l'énergie, avec le Rassemblement national qui m'explique qu'on peut faire la transition énergétique sans énergies renouvelables, ce n'est pas vrai, ce n'est pas ce que disent les experts, c'est impossible, ou avec une partie des écologistes et LFI…
CHRISTOPHE BARBIER
Qui ne veulent pas de nucléaire.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Qui expliquent qu'on peut faire sans nucléaire, là encore c'est malheureusement faux, c'est-à-dire que nous serons en responsabilité ceux qui apporteront de vraies solutions aux Français.
CHRISTOPHE BARBIER
Les pays producteurs de pétrole ferment un peu le robinet, la guerre en Ukraine se durcit et se prolonge, est-ce qu'on doit s'attendre à une forte hausse de tous les prix, notamment gaz-électricité, dans les mois qui viennent ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, gaz-électricité ça n'a rien à voir avec le pétrole…
CHRISTOPHE BARBIER
Un peu avec la guerre en Ukraine quand même !
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Ça n'a rien à voir avec le pétrole. Aujourd'hui les prix du gaz sont revenus à un niveau qui est inférieur à celui d'avant la guerre en Ukraine, c'est ce qui nous a permis de lever le bouclier sur le gaz, et effectivement les prix sont revenus à un niveau raisonnable, et donc vous voyez qu'il n'y a pas de connexion directe. Sur le prix de l'électricité, il est également sur les marchés de gros, pas sur la facture des Français, vous savez que nous prenons en charge 37 % de la facture des Français, donc les Français ne voient pas le vrai prix de de l'électricité sur leur facture, sur les marchés internationaux ce prix de l'électricité est également en train de baisser…
CHRISTOPHE BARBIER
Donc vous êtes optimiste.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Et l'objectif en 2024 c'est que ce prix revienne aussi à peu près dans les niveaux où nous protégeons les Français. Je ne dis pas que je suis optimiste, je suis vigilante, je fais en sorte que ce gouvernement continue à protéger les Français de prix qui sont très élevés sur les marchés internationaux, et je suis cela de près. Sur le carburant c'est un petit peu plus compliqué puisque, vous l'avez très bien dit, l'Arabie Saoudite, la Russie, par leur décision, augmentent mécaniquement, c'est-à-dire de ne pas mettre plus de production sur le marché, augmentent mécaniquement le prix international, c'est une difficulté pour l'ensemble des pays importateurs de pétrole, et ça montre à quel point on a aussi besoin de faire la transition énergétique…
CHRISTOPHE BARBIER
Pour sortir de cette dépendance.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Pour sortir de cette dépendance, il vaut mieux produire à la maison à un coût qu'on maîtrise, c'est le cas de l'électricité, que finalement devoir vivre au rythme de décisions de pays qui ne sont pas nos alliés, on l'a vu je pense de manière très claire s'agissant de la Russie.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, restons sur le carburant, TOTAL réfléchit à prolonger sa ristourne au-delà du 31 décembre 2023, est-ce que vous demanderez aux autres distributeurs d'en faire autant ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Moi, vous savez, je suis en contact depuis ces derniers jours avec TOTAL, et évidemment avec les autres producteurs et distributeurs, c'est aussi un enjeu de distribution, parce que nous ne sommes pas, sur le territoire français…
CHRISTOPHE BARBIER
Producteur de pétrole.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Producteur de pétrole, de façon à ce qu'ils continuent à… qu'ils prolongent les opérations qu'ils ont pu faire pour réduire la facture des Français, je crois qu'on a besoin de solidarité de la part de ces acteurs, dans la grande distribution ça a été des opérations prix coûtant, TOTAL a plutôt choisi le plafonnement, en tout cas je leur redis que cette attente de solidarité elle est très forte pour les Français, et s'agissant d'une énergie que nous importons, et dont nous sommes dépendants, je pense qu'elle est nécessaire.
CHRISTOPHE BARBIER
Quand on baisse les prix on attire les clients, donc on se rattrape en volumes sur la perte de valeur, est-ce que vous avez une idée claire de ce que ça a rapporté ou coûté à TOTAL cette ristourne, ils le disent ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Je pense que… vous savez, vous faites votre plein aussi en fonction des stations qui sont autour de vous, TOTAL a une très grande…
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, les gens choisissent quand même, ils cherchent.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
TOTAL a une très grande part de marché, mais la grande distribution a également répondu par des opérations à prix coûtant, donc je n'ai pas le sentiment, et je n'ai pas les chiffres qui montreraient que les parts de marché étaient redistribuées de manière forte, mais je le redis, je le redis effectivement aux distributeurs, et à TOTAL, je pense que les Français seront sensibles au fait qu'il y ait cet effort de solidarité, qu'ils le fassent.
CHRISTOPHE BARBIER
Le bonus écologique va changer de calcul sur les véhicules, on va prendre en compte toute la filière de production, jusqu'à l'origine des matières premières, oui, mais ça va du coup vous faire un bonus qui ne profitera sans doute qu'aux voitures chères pour les riches et pas aux voitures bon marché pour les pauvres.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors pas du tout, puisque nous allons dans le même temps augmenter le bonus écologique, et que l'enjeu il est très clairement de ne pas financer des voitures électriques, qui aujourd'hui ont un mauvais bilan environnemental, par rapport à des voitures – c'est une comparaison - la voiture électrique a globalement un bon bilan environnemental, mais il y en a qui sont fabriquées à l'autre bout du monde, avec de l'acier qui est fabriqué à partir d'électricité au charbon, de l'aluminium fabriqué à partir d'électricité au charbon, dans des usines qui fonctionnent avec de l'électricité au charbon, et qui sont ensuite transportées par des bateaux qui utilisent du carburant.
CHRISTOPHE BARBIER
On va les identifier, les exclure celles-là ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Et donc, ce que l'on dit, c'est que chaque modèle aura un score environnemental, si le score est bon, eh bien il pourra bénéficier du bonus écologique, si le score n'est pas bon ils ne pourront plus bénéficier du bonus écologique, et à charge pour les producteurs de changer leur mode de fabrication. Vous allez me dire on ne peut pas changer d'usines du jour au lendemain, mais on peut changer d'approvisionnement en acier ou en aluminium.
CHRISTOPHE BARBIER
On pourra prendre le bas de gamme et être quand même avec un bonus écologique.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, et c'est bien notre objectif, c'est de faire en sorte que des voitures qui sont produites en France et en Europe aient un coût accessible pour les Français des classes moyennes, et c'est pour ça que je souhaite, et je vous le dis aujourd'hui, renforcer le bonus écologique, en montant, de façon à permettre d'avoir des voitures accessibles au portefeuille des Français et de créer ensuite, parce que tout le monde n'a pas les moyens d'acheter des voitures neuves, un marché de la voiture d'occasion, dans trois, quatre ans, qui naturellement permettra d'avoir aussi accès à des voitures à prix compétitif.
CHRISTOPHE BARBIER
Beaucoup de Français, à leur retour de vacances, ont vu des factures d'électricité un peu délirantes, notamment avec le fournisseur italien ENI, est-ce que vous avez mis de l'ordre ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors sur ENI, très clairement, puisque je les ai convoqués fin août, et nous avons travaillé ensemble pour comprendre d'où venaient ces écarts de facturation, c'est une erreur, ENI est en train de rembourser ses clients, il a démarré ce remboursement, il remboursera 50 millions d'euros d'ici la fin de l'année, c'est une erreur qui n'est pas volontaire…
CHRISTOPHE BARBIER
Une malveillance, oui.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Donc nous avançons avec ENI, mais je le dis aux autres fournisseurs parce que j'ai des surprises, j'ai eu encore la surprise hier d'un client qui a reçu une facture de régularisation de l'ordre de 3 000 euros avec un petit smiley qui sourit, c'est inacceptable. Je convoque aujourd'hui l'ensemble des fournisseurs pour faire le point et je leur dirai très clairement que j'attends d'eux aussi d'être exemplaires et qu'il y aura des contrôles, et il y aura des sanctions s'ils ne le sont pas.
CHRISTOPHE BARBIER
Agnès PANNIER-RUNACHER, merci, bonne journée.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 septembre 2023