Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Stanislas GUERINI.
STANISLAS GUERINI
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, vous venez notamment présenter votre plan, le plan pour protéger les agents de la fonction publique. Si vous dévoilez ce plan c'est sans doute qu'il y a des problèmes, j'imagine que c'est une réponse à des violences, quel type de violences ?
STANISLAS GUERINI
On a vécu, et notre pays l'a vécu il y a quelques semaines pendant les émeutes urbaines. Il y a un chiffre qui a été peu commenté, il y a plus de 10.000 agents publics, 10.000 fonctionnaires, de guichets, ceux qui vous servent au quotidien, qui ont vu leurs lieux de travail complétement mis à sac, incendiés ou brûlés, et qui aujourd'hui ne peuvent plus travailler, ne peuvent plus rendre le service public, ce pourquoi ils se sont engagés, dans le lieu même qui était leurs lieux de travail quotidien, et qui doivent être déménagés.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, c'est des insultes, c'est des moments de violence, à Pôle emploi, à la CAF ?
STANISLAS GUERINI
C'est tout ça, c'est une insulte, une menace, une incivilité, un coup, et parfois le pire, on l'a vécu, je repense à cette professeure qui a été assassinée, cet agent du Fisc, dans un hôpital aussi une soignante, donc c'est tout ce continuum-là, de violence…
APOLLINE DE MALHERBE
Attendez, quand vous dites professeure, c'est-à-dire que pour vous il y a une continuité entre Samuel PATY et…
STANISLAS GUERINI
Non, en l'occurrence je pensais à Agnès LASSALLE qui a été, à Saint-Jean-de-Luz, poignardée…
APOLLINE DE MALHERBE
D'accord.
STANISLAS GUERINI
Mais on voit qu'aujourd'hui, d'une insulte ou d'une menace, jusqu'au pire, parfois un coup de couteau qui entraîné la perte de la vie d'un agent, on voit bien qu'il y a ce continuum-là, et que ceux qui nous servent sont en première ligne. Vous savez, l'année dernière, dans les hôpitaux ce sont 35.000 soignants qui ont été agressés de cette façon-là, dans nos caisses d'Allocations familiales plus de 12.000 personnes, 2000 de plus que l'année d'avant, alors oui, je le dis aujourd'hui, nos fonctionnaires, nos agents de guichets, ceux qui sont en première ligne, ils sont directement menacés parfois, et je crois que ce n'est pas acceptable, ce n'est pas supportable.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez les protéger comment ?
STANISLAS GUERINI
D'abord il faut mieux mesurer ce qui leur arrive. Je vous cite quelques chiffres, ils sont parfois parcellaires, parce qu'on n'a pas tout le temps les bons outils, dans toutes les administrations, dans tous les réseaux de guichets, pour savoir ce qui se passe et pouvoir ensuite réagir. Ensuite il faut mieux prévenir, on va plus rapidement déployer du matériel, ce sont des boutons d'alerte, des caméras de vidéoprotection, j'ai débloqué un budget, 1 million d'euros, pour qu'on puisse accélérer ce déploiement, et on va continuer à travailler avec tous les réseaux administratifs pour diagnostiquer les besoins et équiper plus rapidement.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc on est encore dans la phase du diagnostic, je vous demande les mesures et vous répondez d'abord savoir.
STANISLAS GUERINI
Non, je vous… c'est très important de partir du réel pour ensuite, au quotidien pouvoir adapter. Savoir que sur tel ou tel réseau il y a un niveau de menace qui est augmenté, parce qu'il y a beaucoup plus d'attaques, d'incivilités sur des agents, c'est évidemment la première étape pour pouvoir réagir, mais ensuite, je complète d'un mot, il faut mieux protéger les agents. Vous savez aujourd'hui, je vais vous dire quelque chose de très concret, une administration ne pouvait pas porter plainte à la place d'un de ses agents, sauf s'il y avait un dommage matériel, donc on pouvait vivre des situations absurdes, où un agent était très directement attaqué…
APOLLINE DE MALHERBE
Insulté.
STANISLAS GUERINI
Même menacé physiquement, frappé, et l'administration ne pouvait pas porter plainte à sa place, et bien souvent pour l'agent public c'était une forme de double peine, il n'avait pas envie lui-même de porter cette démarche judiciaire, et donc l'administration, c'est un gros changement, pourra le faire à sa place.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, Stanislas GUERINI, parfois je suis quand même frappée, c'est-à-dire que vous dites que ce genre d'insultes, de violences, de harcèlement, se multiplie, est-ce que la meilleure manière de protéger les agents ce ne serait pas de multiplier ces agents, c'est-à-dire qu'on a quand même l'impression que ces faits de violences ils sont aussi la suite d'un sentiment parfois d'être face à une administration kafkaïenne, d'être face à un nombre d'agents trop peu nombreux. On avait le témoignage ce matin dans nos reportages sur RMC d'agents, notamment de Pôle emploi, qui disent "j'ai un nombre considérable de sans-emploi qui sont dans mon portefeuille, je n'arrive pas, je n'arrive pas, à gérer et à avoir du temps pour chacun", résultat il se fait d'autant plus insulter, est-ce que votre plan vous soignez les symptômes, mais ne soignez pas la cause ?
STANISLAS GUERINI
Il faut faire les deux. D'abord je crois qu'il y a des choses qui ne sont pas acceptables. Je vois que dans le débat public, toujours, toujours…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais je ne dis pas que c'est acceptable, je ne dis pas du tout que c'est acceptable…
STANISLAS GUERINI
Non, mais j'en dis un mot, et je viens à votre point parce que vous avez évidemment raison, mais quand à chaque fois qu'il y a un problème ce sont les fonctionnaires qu'on pointe du doigt…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est rarement contre le fonctionnaire lui-même, c'est contre le sentiment d'impuissance face à l'administration.
STANISLAS GUERINI
Pardon, et quand j'entends, il y a quelques jours encore, Fabien ROUSSEL dire "allons envahir les préfectures", vous voyez bien qu'on pointe là du doigt ceux qui, au quotidien, rendent le service public, et c'est d'une grande lâcheté au fond de dire ça, parce qu'on peut avoir des désaccords politiques, je suis un responsable politique, je suis un ministre, on peut mettre en cause ce que je dis, mais pointer du doigt les fonctionnaires et inviter chacun à aller dans un guichet de préfecture pour déverser sa colère, ce n'est pas responsable et c'est même très lâche, mais vous avez raison qu'il faut faire les deux, c'est la raison pour laquelle on déploie des moyens sur le terrain. Quand j'ai la charge d'ouvrir des maisons France services, j'étais la semaine dernière encore dans le Bas-Rhin à ouvrir une nouvelle maison France services, on apporte des solutions, et d'ailleurs je vois qu'on a des agents publics qui ont le sourire à ce moment-là parce qu'ils rendent un service public de qualité, ils répondent aux problèmes du quotidien de nos concitoyens, et c'est tout le sens de la mission, donc oui il faut faire les deux, il faut simplifier parfois, les agents nous le disent, "si on avait moins de tâches un peu complexes, bien sûr qu'on serait capable de rendre un meilleur service public", mais il faut aussi être intransigeant parce que, le président de la République l'a dit, il y a un phénomène de décivilisation et on voit bien qu'il se déverse aujourd'hui sur les guichets de nos administrations.
APOLLINE DE MALHERBE
Monsieur le Ministre, je voudrais qu'on écoute Kevin qui depuis ce matin nous a appelé, Kevin il est professeur des écoles, il est ancien enfant harceleur et harcelé, bonjour Kevin.
(…) Entretien avec Kévin.
APOLLINE DE MALHERBE
On pense aux parents de Nicolas évidemment, quand votre enfant est dans une très grande souffrance, vous n'avez pas le temps, c'est-à-dire vous avez le sentiment que vous n'avez pas le temps, de fait malheureusement la fin de l'histoire tragique de Nicolas montre qu'en effet il n'y avait pas forcément beaucoup de temps, mais Kévin je trouve ça très intéressant d'entendre aussi votre point de vue, il faut entendre y compris ceux qui comme vous se font un peu l'avocat du diable, mais c'est important aussi, mais je renvoie évidemment aussi à l'enquête administrative qui a été ouverte et qui dira si le courrier qui a été immédiatement considéré comme "le courrier de la honte" par le ministre de l'Éducation nationale Gabriel ATTAL est une réponse à, effectivement comme vous le décrivez Kévin, parfois des parents qui vont trop loin dans une sorte d'opposition entre parents et administration, là on ne sait pas qui a commencé dans cet affrontement au fond. Stanislas GUERINI, comment vous réagissez à la fois à ces propos et aux propos de Gabriel ATTAL ?
STANISLAS GUERINI
C'est très important parce que ça permet de montrer que ce n'est pas contradictoire en réalité ce dont on parle ce matin, mieux protéger les agents de guichet contre les incivilités et menaces, ce n'est pas couvrir, protéger ce n'est pas couvrir quand il y a une faute, l'enquête administrative, vous avez bien raison de le rappeler, elle est en cours, elle dira les choses, ce n'est pas mon rôle ce matin d'en faire la conclusion avant que l'enquête soit aller au bout, mais visiblement, quand on lit le courrier, il y a… d'une faute, une faute morale vis-à-vis de la famille de Nicolas, et je voudrais moi aussi avoir une pensée pour eux ce matin. Donc, encore une fois, si l'on veut mettre les agents publics en bonne condition pour rendre un service public de qualité et que ça soit dans des réseaux de Pôle emploi, des caisses d'Allocations familiales, dans des maisons France services ou dans l'Éducation nationale, il faut les mettre dans des bonnes conditions, et les bonnes conditions c'est d'abord de les protéger à tout point de vue, de protéger leur pouvoir d'achat, de les protéger physiquement, pour pouvoir rendre un service public de qualité, mais protéger ce n'est pas couvrir.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Kévin, et merci à vous Stanislas GUERINI…
STANISLAS GUERINI
Merci à vous.
APOLLINE DE MALHERBE
Ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, merci d'avoir dévoilé votre plan, 1 million d'euros, une aide matérielle et juridique pour les agents qui seraient violentés.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 septembre 2023