Texte intégral
Q - Bonjour. Madame la Ministre, vous vous êtes montrée prudente ce matin sur le cessez-le-feu suite à l'offensive de l'Azerbaïdjan au Haut-Karabakh. Est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi cette prudence ? Vous avez évoqué également des provocations de la part de Bakou. Est-ce qu'il faut redouter un autre conflit qui cette fois s'étendrait à l'Arménie ? Et deuxième question, qu'attendez-vous du Conseil de sécurité des Nations unies demain sur le sujet ?
R - Il faut être, en effet, très prudent sur ce qu'il se passe au Haut-Karabakh. Un accord de cessez-le-feu aurait été conclu. Il faut voir si, une fois conclu, il est observé, parce que je voudrais que l'on ait en tête qu'hier l'Azerbaïdjan a mené une action militaire, et avec des armes lourdes, y compris sur des populations civiles. Donc quand on ose recourir à ces moyens, cela justifie toute notre vigilance et toute notre prudence.
Vous m'interrogez aussi sur les possibilités que l'Arménie se trouve malgré elle impliquée. Là aussi, je crois qu'il faut que nous rappelions la plus grande vigilance de la communauté internationale. Le Haut-Karabakh est peuplé d'une population arménienne, au sein d'un État qui est l'Azerbaïdjan. L'Arménie a pour position de considérer que, dans le droit international, fait, en effet, partie du territoire de l'Azerbaïdjan. Il ne serait pas bon que qui que ce soit essaie de prétendre que l'Arménie agissait au Haut-Karabakh : ce n'est pas vrai. Il y a des populations arméniennes de culture, par leur histoire, par leur tradition, qu'il faut d'ailleurs préserver dans leurs droits. Et c'est l'objet des efforts de la France et d'un certain nombre de ses partenaires, européens, américains et d'autres, que de faire respecter le droit de ces populations à vivre conformément à leur culture.
Q - Pour reprendre ma question, qu'attendez-vous du Conseil de sécurité demain ? Et faut-il montrer une plus grande fermeté, voire prendre des sanctions, contre Bakou ?
R - Demain, le Conseil de sécurité se réunit à la demande de la France et d'autres États. Il n'est pas si fréquent que cette question soit évoquée au niveau du Conseil de sécurité, et donc nous sommes heureux d'avoir pu obtenir une réaction de la communauté internationale sous la forme d'une réunion du Conseil. C'est une réunion d'information qui permettra l'exposé de la situation par le Secrétariat de l'ONU, et puis qui permettra à chacun des États composant le Conseil de sécurité de s'exprimer. Nous savons qu'il y a des différences de point de vue sur ce sujet, elles se sont manifestées dans le passé. Mais nous souhaitons que demain, après les graves opérations qui ont été menées par l'Azerbaïdjan et qui ont fait des victimes, y compris chez les civils, le Conseil soit capable de porter une voix unique pour demander l'arrêt de ces opérations, immédiatement, et le retour à la table des négociations. C'est par la négociation que la question des droits des habitants du Haut-Karabakh peut être réglée. C'est de même par la négociation que les questions encore pendantes, et il y en a quelques-unes, entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, seront réglées. Nous avons toujours encouragé un processus politique. C'est le seul à même d'apporter des réponses durables et pacifiques aux questions qui se posent.
Q - Mais jusqu'à présent, que ce soit la médiation de la France, bien sûr, des Européens, plus largement, et des Américains, n'a pas fonctionné. Donc, qu'est-ce qui peut faire que la situation se règle ?
R - Que les graves événements d'hier soient l'occasion de mieux unir nos efforts et de travailler de façon plus convergente pour dire à l'Azerbaïdjan que ce qui a été fait est inacceptable, qu'il y a une autre voie de traiter les questions qui restent ouvertes, et cette voie, c'est le dialogue, et la discussion est possible. C'est la seule qui puisse amener une solution durable.
Q - Je souhaiterais vous poser une question sur l'Ukraine. Il y a des tensions entre la Pologne et l'Ukraine autour des exportations des céréales ukrainiennes. Qu'est-ce que vous pensez de ces tensions ? Qu'est-ce que ça dit de l'Union ou du début de désunion autour de l'Europe ?
R - Ces tensions sont regrettables. La Commission européenne a procédé à une étude très précise qui lui a permis de mettre fin au mécanisme temporaire, qui avait été trouvé pour permettre à certains pays européens d'avoir des dispositifs particuliers qui les concernaient quant à l'exportation dans leur pays des céréales ukrainiennes. Il n'y a pas de rupture de concurrence, il n'y a pas de perturbation des marchés. La Commission a mené son étude très soigneusement. Il est donc regrettable que ces tensions apparaissent, et en particulier alors qu'il n'y a pas de bouleversement des marchés, et qu'il y a peut-être des considérations de politique intérieure de la part de certains de nos partenaires qui, malheureusement, les poussent à avoir cette position que rien ne justifie.
Q - Vous êtes ici aux Nations unies, avez-vous croisé ou échangé avec votre homologue russe ?
R - Je n'ai pas eu l'occasion d'échanger avec lui, si ce n'est à distance, puisqu'il a brièvement siégé au Conseil de sécurité. Moi-même, j'ai siégé au Conseil de sécurité. J'ai pour ma part siégé un peu plus longuement que lui, puisqu'il est venu, a fait son discours rempli de contre-vérités - comme d'habitude - et de mensonges, puis est parti. Donc nous ne nous sommes vus que de très loin.
Q - Mais est-ce que vous auriez souhaité échanger directement avec lui ?
R - Si c'est pour avoir la même distorsion des faits, de l'histoire et des responsabilités de la Russie, je crois que malheureusement le constat serait vite fait que nous sommes en désaccord.
Q - Une toute dernière question sur l'initiative notamment de la France pour rallier un plus grand nombre à la cause ukrainienne, est-ce que ça porte ses fruits ? Est-ce que vous voyez des avancées dans toutes les discussions que vous avez cette semaine ?
R - Oui, les idées de paix progressent. Vous avez entendu au Conseil de sécurité nombre de pays s'exprimer qui ne sont pas des pays européens, ou de l'Atlantique Nord, dire leurs préoccupations devant le déclenchement de cette guerre, devant la poursuite de cette guerre, devant ses conséquences, en termes de victimes, en termes d'insécurité alimentaire, en termes d'atteintes mêmes aux principes fondamentaux de la Charte des Nations unies. Ces voix s'élèvent, elles doivent être encouragées, et il faut que la Russie comprenne qu'ici comme à l'Assemblée générale, la quasi-totalité des États lui demande de cesser immédiatement son agression contre l'Ukraine.
Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 septembre 2023