Texte intégral
Madame la Secrétaire générale adjointe,
Madame la Directrice exécutive,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Chers amis,
Je suis ravie que vous nous retrouviez aussi nombreux cette année. Je crois que c'est un très bon signal. Parce que nous devons poursuivre nos efforts conjoints, et Dieu sait qu'il y a un petit peu de travail à faire encore, même si on a beaucoup progressé.
Quatre ans après l'adoption par la France d'une diplomatie féministe - car nous avons officiellement, ouvertement une diplomatie féministe - nous ne pouvons qu'encourager d'autres États à également s'en doter. Et je sais que je trouverai des relais dans la salle pour que cet appel progresse dans la communauté internationale. En clair, soyez nombreux à adopter une diplomatie féministe.
Le Président de la République française a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes une priorité de ses deux mandats. Pas seulement de son premier mandat 2017-2022 mais de celui qui est en cours. La France s'est dotée dès 2019 d'une diplomatie féministe. Qu'est-ce que ça veut dire une diplomatie féministe ? Cela veut dire une diplomatie qui fait de la défense, et même de la promotion, des droits des femmes et des filles l'une des priorités de notre diplomatie, donc qui intègre cette priorité dans l'ensemble des domaines de la politique étrangère de mon pays. Le réseau diplomatique, désormais, est pleinement mobilisé. J'ai adressé des instructions claires à nos ambassades. Et il faut que tout le monde acquière le réflexe de l'égalité, dont je veux redire qu'elle est une bonne chose pour tous : elle l'est pour les femmes, dont les droits – et les mérites – ne sont pas toujours suffisamment reconnus. Elle l'est pour les femmes mais aussi pour les hommes. Je suis persuadée que nous aurons un monde plus équilibré, plus harmonieux, plus efficace lorsque l'égalité des droits aura véritablement progressé. Et c'est un enjeu important que d'arriver - je vois que les messieurs sont nombreux, je les en remercie, et à la tribune, et dans la salle - à convaincre que cet appel que nous portons, que ce désir d'une meilleure égalité se fait au bénéfice de toutes et tous.
Une diplomatie féministe efficace nécessite aussi des ressources et un engagement financier sérieux. Pour ce qui nous concerne, une part de notre aide publique au développement en faveur de l'égalité y est consacrée - parce que nous avons des critères fixés par la Loi d'orientation sur l'aide publique au développement, et nous devons atteindre une certaine cible. Et donc nous avons plus que doublé en cinq ans la part des actions permises dans le cadre de notre aide publique au développement pour des investissements solidaires qui aident aux droits des femmes et des filles ou à l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous consacrons 400 millions d'euros sur quatre ans en faveur de la santé et des droits sexuels et reproductifs – parce que les droits sexuels et reproductifs existent, on a parfois, avec beaucoup d'étonnement quelques partenaires qui hésitent sur le concept, mais évidemment qu'ils existent, et nous sommes là pour les faire progresser. C'est une priorité et j'ai lancé cette priorité sur la santé et les droits sexuels et reproductifs cette année, le 8 mars 2023. Le 8 mars qui est une date évidemment symbolique et qui se prêtait aux annonces de notre nouvelle stratégie internationale. Et donc, je veux redire simplement, cela semble pour nous toutes et nous tous ici une évidence mais elle n'est pas partagée dans le monde entier : le droit des femmes et des filles à disposer de leur corps n'est pas négociable. C'est nous qui décidons.
Porter une diplomatie féministe, cela veut dire tenter d'être exemplaire et dans mon ministère je m'y emploie avec des dispositifs nouveaux, là aussi d'accès accru aux femmes à des postes de responsabilité. Souvent, nous savons que le plafond de verre est en partie celui que nous nous fixons, qu'on n'ose pas toujours demander, qu'on se regarde peut être avec plus de lucidité que ces messieurs. Donc, il faut oser, et pour aider les femmes à oser, on a mis en place des dispositifs d'accompagnement qui vont, je l'espère, porter leurs fruits, et leur permettre d'aspirer, de tenter, d'oser et de postuler à un certain nombre de postes à haute responsabilité.
On a aussi, de plus longue date, une politique de tolérance zéro. C'est important car on est toutes exposées à cela dans nos vies. Je crois qu'il y a peu de femmes qui n'aient pas à un moment ou un autre rencontré des réflexions sexistes, dans le meilleur des cas, dans leur vie. Les réflexions qu'on entend parfois sont, au bon quart du XXIème siècle, des réflexions que nous n'aurions pas imaginé entendre.
Une diplomatie féministe repose aussi sur une stratégie ambitieuse et donc nous avons tous les quatre ans une véritable stratégie internationale en la matière. Il le faut, il faut que l'on joigne tous nos efforts, parce que, pour être très claire, on voit que cette action envers les droits des femmes et des filles est d'autant plus indispensable qu'il faut en ce moment affronter un "retour de bâton", un "backlash". C'est tristement une réalité, il y a des mouvements anti-droits, il y a des mouvements qui prônent la régression, qui n'auraient pas osé le faire il y a quelques temps, et qui désormais ouvertement osent prétendre qu'il faudrait revenir en arrière, priver les femmes et les filles de leurs droits et libertés. Je vois qu'ils s'organisent, qu'ils ont libéré leurs paroles – si j'ose dire –, qu'ils se mobilisent, qu'ils se financent. Je voudrais appeler à la vigilance sur ce point : ne laissons pas un tel mouvement de régression s'installer.
Pour leur résister, il faut renforcer la participation des femmes aux processus de décision. C'est pour cela que l'on encourage la nomination d'un émissaire de l'ONU avec cet objectif. Je voudrais dire que 28 ans après la Conférence de Pékin, il est temps.
Il faut aussi soutenir celles et ceux qui défendent les droits femmes au quotidien, souvent dans des contextes hostiles, ou d'autres plus pernicieux. On a depuis 2020, un Fonds de soutien aux organisations féministes : il a mobilisé 134 millions d'euros, il a soutenu 1000 associations dans plus de 70 pays. J'ai décidé de renforcer ce fond et de le moderniser. On tiendra cette promesse, pas seulement parce que c'est l'Assemblée générale des Nations unies et parce que nous sommes réunis ensemble, mais parce que j'ai décidé d'allouer des moyens supplémentaires avec 250 millions d'euros sur les cinq prochaines années. C'est un bel effort et il faut qu'il soit suivi d'autres mais je crois que l'on fait notre part du chemin.
Un dernier petit mot sur les atteintes des droits femmes et des filles dans l'espace numérique, autre problématique nouvelle qui n'existait pas il y a une ou deux générations. Ça devrait être un espace de liberté, un espace d'expression, un espace qui nous aide à progresser collectivement. Et ce qu'on y voit au contraire, c'est la persistance de stéréotypes, voire même d'inégalités de genre exacerbées, avec parfois aussi de la violence et de la haine contre les femmes. À tel point qu'un certain nombre de femmes se retire de l'espace numérique parce qu'elles sont confrontées à des violences verbales, et avec d'autres sous-entendus, que des hommes ne rencontreraient pas. C'est absolument anormal. On a lancé un Laboratoire pour les droits des femmes en ligne. On l'a fait pour les enfants, ça a bien marché. Je pense que ce serait une bonne idée de le faire pour les droits des femmes. On rejoindra également le Partenariat mondial pour l'action contre le harcèlement et les abus en ligne fondés sur le genre. On veut encourager plus de pays à rejoindre officiellement le petit club des pays qui ont une diplomatie féministe. C'est possible, ce n'est pas si compliqué que ça, ça aide à progresser, et encore une fois c'est l'intérêt de tous. Ne nous résignons pas, au contraire, on progresse, mais il faut donner un petit coup d'accélérateur, pour le bien de tous.
Merci à tous.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 septembre 2023