Interview de M. Clément Beaune, ministre délégué, chargé des transports, à France Info le 20 septembre 2023, concernant la vente de carburant à perte, la taxe sur les billets d'avion, la taxation des superprofits des sociétés d'autoroutes, le projet d'un Pass Rail, le tarif minimum pour les billets d'avion, les voitures électriques et l'homosexualité dans la société.

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Média : France Info

Texte intégral

SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Clément BEAUNE.

CLÉMENT BEAUNE
Bonjour.

SALHIA BRAKHLIA
Le patron de TOTAL, Patrick POUYANNE, dit "non" à la vente de carburant à perte, les autres distributeurs ne se montrent pas plus enthousiastes, est-ce que c'est un camouflet pour le gouvernement ?

CLÉMENT BEAUNE
Non, parce que d'abord la mesure n'est pas encore en vigueur, elle nécessite de passer par la loi, Bruno LE MAIRE l'a dit, on fait au plus vite pour que ce soit prêt d'ici fin novembre, début décembre, et que ça puisse être un outil de plus dans la lutte pour le pouvoir d'achat à court terme. Ce que je note…

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce qu'il y a un seul distributeur qui vous a dit "Ok, je vais le faire" ?

CLÉMENT BEAUNE
Écoutez, on verra, ils ne se sont pas tous prononcés à ma connaissance, mais je vais être clair sur deux points. D'abord ce n'est pas la seule mesure, et vous parlez de TOTAL, TOTAL c'est le premier distributeur en France, c'est, je crois, 3500 stations-service que tous les Français connaissent sur tout le territoire, il y a une mesure qui a déjà été prise par TOTAL, qui est importante, et qui a la demande du gouvernement a été prolongée par le PDG de TOTAL, c'est le plafonnement à 1,99 euro et on voit bien aujourd'hui, malheureusement, que parfois le carburant est déjà au-dessus de 2 euros, donc cette mesure de plafonnement dans les stations TOTAL, plus de 3000, elle sert le consommateur, il y a d'autres opérations qui se font à prix coûtant, d'ores et déjà, donc c'est une boîte à outils…

SALHIA BRAKHLIA
Mais Patrick POUYANNE vous dit "un peu de bon sens, on ne vend pas à perte."

CLÉMENT BEAUNE
Mais attendez, d'abord…

SALHIA BRAKHLIA
Vous êtes allés trop vite ?

CLÉMENT BEAUNE
Non, la Première ministre a pris une mesure supplémentaire exceptionnelle et temporaire, il y a un panier de mesures, le plafonnement que décide TOTAL, des mesures distributeurs qui existent déjà, il faut les saluer, qui sont à prix coûtant, et cet outil supplémentaire, on verra, la concurrence va peut-être pousser certains à s'en saisir quand d'autres vont commencer à le faire. Et, je le dis aussi, c'est la deuxième chose, quand on a une crise du carburant, qui est en réalité un phénomène durable, parce que l'énergie fossile ça coûte cher et il faut en sortir, la meilleure mesure de pouvoir d'achat qu'on prendra, aussi cet automne, c'est le carburant qu'on ne consomme pas, c'est de permettre aux Français de passer notamment à l'électrique, c'est aujourd'hui un produit de luxe, pour peu de gens en France, et on va aussi renforcer le bonus écologique sur les voitures électriques, on va aussi passer au leasing social…

SALHIA BRAKHLIA
On va en parler, on va en parler…

CLÉMENT BEAUNE
C'est un tout parce que…

JÉRÔME CHAPUIS
Mais pourquoi avoir fait miroiter comme ça une baisse qui pouvait aller, selon le porte-parole du gouvernement, jusqu'à quasiment 50 centimes d'euro par litre ?

CLÉMENT BEAUNE
Mais, on fait miroiter rien du tout, et on est tout à fait honnête. On a fait l'année dernière des chèques, pour être très clair, que le gouvernement a assumé parce que c'était nécessaire dans une période où il y a eu une explosion très rapide des prix du carburant pendant de longs mois, on l'a fait encore, il ne faut quand même pas l'oublier parce qu'aucun autre pays européen n'a fait autant, au mois de mars dernier, pour l'année 2023, un soutien de 100 euros aux 50 % de ménages les plus modestes qui ont besoin de la voiture pour aller bosser, donc ces mesures elles existent, maintenant on est dans une phase où, il faut être honnête, parce que le chèque des français c'est le chèque du contribuable, donc à la fin les choses ne sont pas gratuites, elles sont payées soit par la dette, soit par l'impôt, il n'y a pas d'argent magique, donc on mobilise aujourd'hui, c'est une autre stratégie, les entreprises, TOTAL avec son plafonnement, des opérations à prix coûtant, et en complément, en complément, on a dit que c'était un outil supplémentaire, cette possibilité de vendre à perte temporairement pour six mois, mais surtout, surtout, parce qu'il faut dire la vérité aux Français, les mesures principales ça va être de passer à des voitures qui ne consomment pas de carburant, c'est ça la meilleure mesure du pouvoir d'achat aussi.

SALHIA BRAKHLIA
Mais attendez Clément BEAUNE, il y a quelques jours on entend Élisabeth BORNE dire "voilà, on va desserrer la loi, justement on va permettre aux distributeurs de vendre à perte parce que c'est la solution, nous on ne peut pas faire de ristourne", et là maintenant vous dites "non, c'est juste une petite mesure en plus…"

CLÉMENT BEAUNE
Non, pas du tout.

SALHIA BRAKHLIA
Si les distributeurs…

CLÉMENT BEAUNE
Je dis c'est un panier de mesures, et une stratégie de sortie du fossile et du carburant, aussi.

SALHIA BRAKHLIA
Les distributeurs qui devraient s'exprimer à 9h30 ce matin depuis l'Assemblée nationale, s'ils disent "non", à l'unanimité, "non, on ne fera pas cette mesure", vous faites quoi vous de votre côté, pas de ristourne quand même ?

CLÉMENT BEAUNE
On est mi-septembre, la loi doit passer au conseil des ministres dans quelques jours, être votée au Parlement et être appliquée sans doute début décembre, c'est l'objectif qui est fixé, donc on va discuter. Vous avez peut-être le souvenir qu'il y a eu des sujets de pouvoir d'achat avec des discussions avec d'autres industriels, de l'agroalimentaire, de la grande distribution, parfois c'était compliqué au début, une pression a été exercée, une discussion a eu lieu, puis les choses se sont débloquées, donc on va faire le maximum, et puis on explore toutes les pistes, c'est une piste importante, qui s'inscrit dans une série de mesures. Et, je le redis aussi parce qu'on a beaucoup parlé depuis hier de la déclaration du PDG de TOTAL, chez TOTAL, et tant mieux, il y a ce plafonnement qui est important aussi pour le pouvoir d'achat des Français.

JÉRÔME CHAPUIS
Clément BEAUNE, ça fait plusieurs mois que vous défendez une taxe sur les billets d'avion pour financer notamment le développement du ferroviaire, c'était l'une de vos causes en faveur de l'écologie, et pourtant, selon nos confrères des "Echos" le gouvernement serait prêt à renoncer à augmenter cette taxe, qu'en est-il ?

CLÉMENT BEAUNE
Alors, le budget c'est la semaine prochaine, donc il y a encore, vous permettrez, un certain nombre de discussions et de réglages. Ce que je dis très clairement, je crois que je l'avais dit sur votre plateau, c'est que la taxe est un outil, l'objectif c'est de financer la transition écologique. La Première ministre a annoncé hier 10 milliards d'investissements supplémentaires, à partir de l'an prochain, pour la transition écologique, le premier poste ce sont les transports, plus d'1,5 milliard d'investissements supplémentaires, notamment dans le rail, ça c'est évidemment maintenu. Ce que j'ai dit aussi, et je le maintiens à 100 %, c'est qu'il y aura une contribution, fiscale, financière, des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet, des secteurs les plus polluants…

SALHIA BRAKHLIA
Mais alors il y aura une taxe sur les billets d'avion ou pas ?

CLÉMENT BEAUNE
Il y aura deux types de contributions, pour être très clair, vous me permettrez d'être un peu plus imprécis sur les modalités parce qu'il y a encore des discussions, c'est la contribution du secteur routier, autoroutier, pour est clair, et la contribution du secteur aérien, qui, in fine, c'est les compagnies et c'est le billet d'avion, mais la contribution du secteur…

JÉRÔME CHAPUIS
Le secteur aérien ça veut dire, par exemple, la taxation des aéroports ?

CLÉMENT BEAUNE
C'est une option qu'on discute dans le cadre de la taxation sur les concessions, donc, je le dis très clairement, l'objectif de dégager des moyens pour la transition écologique, ça c'est maintenu évidemment, la contribution du secteur aérien, pour plusieurs centaines de millions, ce sera le cas, contribution supplémentaire, la modalité exacte, taxation aux billets d'avion directe ou indirecte, c'est encore en discussion, et puis vous le savez aussi, il y a le projet de loi de finances, qui est proposé au conseil des ministres, présenté à la fin du mois, dans quelques jours, et puis il y aura une discussion parlementaire et il y a un certain nombre de mesures qui seront peut-être…

SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire qu'aujourd'hui, à quelques jours de la présentation du projet de loi de finances vous ne savez pas si vous taxez les billets d'avion ou alors si vous taxez les aéroports ?

CLÉMENT BEAUNE
A la fin c'est d'ailleurs le même résultat, je préfère être très clair pour ceux qui nous écoutent….

SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais c'est important d'avoir les modalités pour, déjà pour les compagnies aériennes ou pour les aéroports eux-mêmes.

CLÉMENT BEAUNE
Bien sûr, vous me réinviterez peut-être pour présenter les modalités détaillées, ce que je vous dis c'est que la contribution du secteur aérien c'est certain, c'est acquis, c'est acté, ça aura, je préfère le dire très clairement, dès qu'il a une petite contribution du secteur aérien, il y a forcément un impact sur les billets d'avion, je préfère être transparent, à la fin.

SALHIA BRAKHLIA
Plus cher pour tout le monde ?

CLÉMENT BEAUNE
Non, parce que je préserve aussi, ça je l'ai dit et redit, merci de m'en donner l'occasion, les liaisons vers les outre-mer et vers la Corse, qui sont très importantes, parce que là c'est de la continuité territoriale et du service public essentiel, donc on fait attention évidemment à ça, mais oui contribution du secteur aérien, oui contribution du secteur autoroutier, les modalités ce sera dans le budget dans quelques jours. Moi je n'ai pas l'obsession de la taxe, j'ai l'obsession de la transition écologique, et donc dégager des moyens…

JÉRÔME CHAPUIS
Oui, mais parfois certains ont l'obsession de la justice et notamment sur la question des sociétés d'autoroutes avec toujours cette idée de taxer les superprofits, ça on y va, pour les sociétés d'autoroutes ?

CLÉMENT BEAUNE
Alors, ce n'est pas une question d'ailleurs de superprofits, c'est une question de contribution financière à la transition écologique. Moi, encore une fois, je ne cherche pas à créer une taxe ou aller ponctionner tel ou tel, si on peut s'en passer tant mieux, mais une taxe, un impôt, il faut quand même le rappeler d'ailleurs, ce n'est pas un plaisir, c'est financer des politiques publiques, et quand il y a une transition écologique, ce qu'on appelle parfois le verdissement de la fiscalité, le verdissement de notre budget, c'est ce que nous portons avec le ministre de l'Économie, c'est très important, et ça fait aussi partie des efforts qu'on demande, les secteurs qui émettent plus de gaz à effet de serre, la route, l'avion, vont se décarboner et vont financer les secteurs les moins polluants.

SALHIA BRAKHLIA
Mais pourtant, sur la taxation des superprofits des sociétés d'autoroutes, un document publié en juillet, par l'Autorité de régulation des transports, a observé, je cite, une rentabilité des concessions supérieure aux attentes du marché, mais pas une rentabilité manifestement excessive, et c'est avec cet argument que les sociétés d'autoroutes compte vous attaquer, qu'est-ce que vous allez répondre ?

CLÉMENT BEAUNE
Mais elles attaqueront, on est dans un État de droit, donc s'il - je regrette toujours quand il y a des conflits ou des contentieux - s'il doit y avoir des contentieux, dans un État de droit, c'est le juge qui dira la loi et l'interprétation de la loi à la fin. On a pris un avis juridique du Conseil d'État qui est très précis. Moi je ne me suis pas situé sur le sujet superprofits, surrentabilité, parce que je l'ai défendu moi-même au Parlement, les sociétés d'autoroutes elles n'ont pas arnaqué l'État, on a pas mal négocié les contrats d'autoroutes dans le passé, ça je ne le crois pas, c'est un autre débat, en revanche aujourd'hui contribuer à la transition écologique, faire contribuer les modes de transport polluants, émetteurs, routes, avion principalement, pour financer d'autres modes, le train, et pour se décarboner eux-mêmes, j'insiste, et pour se décarboner eux-mêmes…

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous êtes sûr qu'à la fin de la chaîne ça ne va pas être les Français qui vont payer plus cher le péage ?

CLÉMENT BEAUNE
Alors non, ça j'insiste, parce que les choses sont prévues par des contrats, l'évolution du péage elle est fixée par le contrat, elle ne dépend pas du niveau de taxation, ça je veux être très clair sur ce sujet.

JÉRÔME CHAPUIS
On va parler du train dans un instant et notamment du projet de "Pass rail" avec vous Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, ce sera juste après le fil info à 8h41.

JÉRÔME CHAPUIS
Toujours avec Clément BEAUNE, ministre délégué chargé des Transports. Vous souhaitez, Clément BEAUNE, instaurer dès l'été prochain un Pass Rail, d'un montant de 49 euros par mois, qui permettrait aux Français de circuler partout en France, en TER et en Intercités. De nombreuses régions disent : "C'est très bien, mais on le fait déjà, et c'est moins cher". Écoutez par exemple Carole DELGA, la présidente des régions de France, qui était à votre place il y a quelques jours.

CAROLE DELGA, PRÉSIDENTE DE LA RÉGION OCCITANIE ET DES RÉGIONS DE FRANCE – SAMEDI DERNIER SUR FRANCE INFO
Dans ma région, en Occitanie, les salariés paient le trajet maximum 1 euro, donc c'est-à-dire, ce n'est pas 49 euros par mois, c'est 45 euros. Les moins de 26 ont la gratuité, et donc nous devons travailler sur ces initiatives, mais surtout l'État français doit être à la hauteur, comme l'État allemand. En Allemagne, l'État, donc central, donne 50 % du financement de ce Pass.

JÉRÔME CHAPUIS
Voilà, 50 % du financement du Pass, est-ce que vous êtes prêt à faire la même chose que l'Allemagne ?

CLÉMENT BEAUNE
On est évidemment prêt à contribuer. Moi je veux être très clair, j'ai discuté avec Carole DELGA directement, elle a d'ailleurs écrit au président de la République et à moi-même pour dire qu'elle était prête pour sa région Occitanie, mais pour l'ensemble des régions de France, elle préside cette association des régions, à discuter des modalités, des paramètres du Pass. On va être très simple, c'est une belle idée et c'est une idée nécessaire parce que je pense que quand on parle de transition écologique, d'abord on a besoin de choses positives, et puis on a besoin de rendre plus attractive l'utilisation du rail, des transports publics en général. Et donc on va discuter avec les régions, parce que d'un mot, les régions elles organisent en France les TER, Trains Express Régionaux, et elles font des choses formidables. Il ne s'agit pas du tout critiquer ou de contester, madame DELGA en tête, avec des offres très attractives. L'État fait aussi des choses qui sont je crois très bien, et de mieux en mieux, on a fait à ma demande, à mon initiative, cet été, les billets Intercités à moitié prix en gros, on était à presque 40 euros, on est passé à 19 euros, 200 000 billets, beaucoup de trains de nuit, qui ont connu un très grand succès. Donc mettons tout ça ensemble, on va en discuter dès la semaine prochaine, je serai au Congrès des régions de France, et on a une réunion sur ce sujet avec je l'espère toutes les régions et en tout cas avec Carole DELGA évidemment.

SALHIA BRAKHLIA
Mais quand vous dites que l'État peut participer, l'État peut participer à hauteur de 50 % ?

CLÉMENT BEAUNE
Mais, d'abord, on verra exactement quel est le prix, vous avez évoqué 49 euros, on n'a pas fixé de prix, on va discuter de tout ça, on n'a pas les mêmes…

JÉRÔME CHAPUIS
Il n'y a pas de tranches d'âges, non plus ?

SALHIA BRAKHLIA
Les 49 €, c'est vous qui les donnez.

CLÉMENT BEAUNE
Non, j'ai dit que c'était le prix de référence allemand, qu'évidemment tout le monde le connaît ce prix, donc il faut qu'on soit dans ces ordres de grandeur. Je ne peux pas dire "on va discuter avec les régions", et commencer à décider à leur place. Donc on va discuter de cela. Je souhaite qu'on puisse mettre en commun les Intercités qui dépendent de l'État, c'est presque 13 millions de voyageurs par an, et les TER qui sont des millions de Français qui utilisent ce train quotidiennement.

JÉRÔME CHAPUIS
Et on sera prêt l'été prochain.

CLÉMENT BEAUNE
J'espère, bien sûr, moi je me fixe que cet objectif ambitieux, qu'on soit prêt l'été prochain. Je regarde ce qu'ont fait les Allemands. Les Allemands, ils ont fait une première étape, un premier été, et puis ils ont affiné le prix, les modalités, l'été d'après, l'année d'après. On n'est pas plus mauvais que les Allemands. On fait des choses très bien. D'ailleurs je rappelle, pour tout tous ceux qui se plaignent, et je comprends les galères, on est plus à l'heure en moyenne dans nos trains français, il faut quand même le dire, cocorico, de temps en temps, que dans les trains allemands. Donc faisons aussi…

SALHIA BRAKHLIA
Quand il y a un léger mieux.

CLÉMENT BEAUNE
Faisons aussi des efforts, quand il y a des bonnes idées ailleurs, et on y arrivera.

SALHIA BRAKHLIA
Clément BEAUNE, il y a le Pass Rail, mais il y a aussi l'idée d'un Pass européen ferroviaire. Qu'est-ce que c'est ?

CLÉMENT BEAUNE
Oui, l'idée c'est une étape suivante ou supérieure, c'est qu'on voit bien qu'on a besoin là aussi, on aura les élections européennes l'année prochaine, de tous faire la transition écologique et de tous embarquer et développer les modes de transport les plus propres comme le train. Ce n'est pas tout de suite. Faisons déjà le Pass Rail français, et puis si beaucoup de pays, la France, l'Allemagne, le Portugal est en train de le faire, l'Espagne a quelque chose de similaire, l'Autriche a aussi ce qu'elle appelle un Ticket Climat qui est à peu près pareil, on pourra peut-être mais en commun, notamment pour les jeunes, pour faciliter le transport en train en Europe. On a expérimenté cet été un Pass franco-allemand, 60 000 billets distribués gratuitement à des jeunes, notamment en difficulté, ça a été un très grand succès. Bon, réussissons le Pass Rail français et puis développons plus tard des initiatives européennes importantes.

JÉRÔME CHAPUIS
Une précision, vous dites "notamment pour les jeunes", ça ne concernerait, dans votre esprit, qu'une certaine tranche d'âges ?

CLÉMENT BEAUNE
Le Pass Rail français, non, je l'ai dit, moi je souhaite qu'il concerne à terme tout le monde. Maintenant, on va discuter avec les régions, elles ont évoqué plutôt les jeunes, on peut peut-être faire les choses par étapes ; Je suis ouvert et pragmatique. L'essentiel c'est de le faire et d'engager la démarche rapidement, ensemble, régions et État. Les Allemands ont réussi à se mettre ensemble autour de la table, alors que c'est un État fédéral, on doit pouvoir y arriver en France.

SALHIA BRAKHLIA
En parlant de coopération européenne, vous souhaitez la mise en place au niveau européen d'un tarif minimum pour les billets d'avion. Vous devez en parler avec vos homologues européens…

CLÉMENT BEAUNE
Ce vendredi.

SALHIA BRAKHLIA
Ce vendredi. Quel montant ce prix minimum ?

CLÉMENT BEAUNE
Là aussi c'est trop tôt pour le dire. Il y a un pays, ce n'est pas ce qu'a dit la France, c'est ma collègue autrichienne qui a évoqué un montant autour de 35/40 euros. Bon. Le sujet n'est pas encore là. Le sujet est de dire, puisqu'on parlait de transition écologique, du prix du train, du prix de l'avion, parfois certaines compagnies, pas toutes, certaines compagnies font un peu de dumping social et environnemental.

SALHIA BRAKHLIA
Vous parlez des compagnies low cost…

CLÉMENT BEAUNE
Oui, notamment.

SALHIA BRAKHLIA
Les RYANAIR, les EASYJET, pour ne citer qu'elles.

CLÉMENT BEAUNE
Oui, certaines. Je ne vais pas citer de marques, parce qu'il y a des comportements différents entre compagnies, peu importe. Et donc elles vendent des choses qui ne correspondent pas au prix réel et au prix pour la planète, au coût environnemental qu'à leurs trajets en avion. J'entends parfaitement que quand on est consommateur, qu'on fait parfois un voyage en avion dans sa vie…

SALHIA BRAKHLIA
Oui, ça ne va pas dans le sens du pouvoir d'achat ce que vous dites là.

CLÉMENT BEAUNE
Mais bien sûr, mais vous savez, on a eu ce sujet avec l'industrie textile etc., on a dit : c'est super d'acheter des produits textiles, des jeans, des pulls, des t-shirts à 5 euros qui sont fabriqués en Chine. Résultat, on a perdu notre industrie et on s'est fait le détruire par les autres. Je pense que si on évite de faire la même chose dans les autres secteurs, c'est plutôt pas mal.

JÉRÔME CHAPUIS
La planification écologique, le gouvernement prévoit que les 2/3 des voitures neuves en 2030 soient électriques. Alors, les derniers chiffres sont tombés ce matin, on est sur une très forte hausse ces 3 derniers mois, 24 % de hausse sur le marché de l'électrique, mais on est encore assez bas. 2030 c'est demain, est-ce que l'objectif de 2/3 est vraiment réaliste ?

CLÉMENT BEAUNE
Oui, je pense. On a plusieurs objectifs qui vont dans ce sens-là, parce que pour développer les voitures électriques, il faut produire en France et en Europe. On a commencé avec les batteries électriques, on sera sans doute autonome en production de batteries électriques d'ici la fin du quinquennat. C'est déployé des bornes électriques, on a beaucoup accéléré, on est devenu le deuxième pays d'Europe pour le nombre de bornes sur l'espace public, on était très en retard il y a encore quelques mois, et puis c'est bien sûr avoir des véhicules abordables pour que les gens les achètent, c'est-ce qu'on fait notamment avec le bonus écologique qu'on renforce, et avec le leasing social.

SALHIA BRAKHLIA
Mais justement, vous le savez Monsieur le Ministre, c'est la Chine qui domine le marché mondial de la voiture électrique.

CLÉMENT BEAUNE
Bien sûr. Aujourd'hui.

SALHIA BRAKHLIA
Voilà. Oui, une production qui dépend largement du charbon, sauf qu'ici en France l'État finance le bonus écologique pour aider les Français à acheter une voiture électrique, et donc bien souvent il s'agit de subventionner en fait l'achat d'une voiture chinoise. Est-ce que ça va changer ça ?

CLÉMENT BEAUNE
Oui, ça va être terminé, parce qu'il faut être très clair, le bonus écologique aujourd'hui on l'utilise avec l'argent du contribuable, pour financer l'achat de voitures chinoises, beaucoup. La question, ce n'est pas tellement leur nationalité, c'est leur impact environnemental. Et donc oui, nous portons en ce moment, c'est sorti d'ailleurs aujourd'hui, une réforme du bonus écologique qui met un critère environnemental. Aujourd'hui on prenait en compte ce que polluait le véhicule, est-ce qu'il pollue un peu, beaucoup, pas du tout, et là on va regarder son cycle de vie. Quand il vient de l'autre bout du monde, quand il est produit avec des matériaux, du charbon, des énergies polluantes, eh bien il faut en tenir compte, et donc ces véhicules-là ne seront plus éligibles au bonus écologique. Mais en même temps…

SALHIA BRAKHLIA
Là, vous faites du protectionnisme, sans le dire.

CLÉMENT BEAUNE
Mais, on fait une défense environnementale de nos industries. Ça on l'assume parfaitement. Il faut qu'on fasse la transition écologique en étant à la fois social et souverain, donc produire pas trop cher en France et en Europe. Pour qu'on ne fasse pas avec la transition écologique ce qu'on a fait avec beaucoup d'industries, la sidérurgie, etc., qu'on a détruites ces dernières années, en étant ouvert, sans prendre en compte ce que font les autres. Et les autres, Chine ou d'autres, ils subventionnent et ils ne font pas très attention à l'environnement.

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le ministre des Transports Clément BEAUNE. Ça vous fait quoi de voir un homme perché sur un arbre juste devant votre ministère, il a entamé une grève de la faim depuis plusieurs jours maintenant, il proteste contre le projet de l'A69, l'autoroute Toulouse-Castres ?

CLÉMENT BEAUNE
Ça me fait évidemment mal parce que, je l'ai rencontré hier, Thomas BRAIL, cet homme est sincère, je respecte son combat, et il défend, à plusieurs reprises d'ailleurs, l'écologie, et notamment la plantation d'arbres. Maintenant moi je suis aussi un responsable politique, j'insiste sur le mot responsable, il y a des projets d'infrastructures d'autoroutes, celui-ci notamment, qui ont fait l'objet de discussions, il y a eu 500 réunions publiques, de soutien par les élus, qui ont une légitimité que je dois entendre aussi, Madame DELGA dont on parlait, le président du conseil départemental du Tarn, le maire de Castres notamment, et beaucoup d'autres, et il y a aujourd'hui beaucoup de recours, il y a eu même encore des référés cet été qui ont été écartés par le juge, et des travaux ont débuté.

SALHIA BRAKHLIA
Il y a quatre recours en cours et Thomas BRAIL, le militant écologiste, demande à ce que vous suspendiez en fait les travaux, qui ont commencé, le temps d'avoir le résultat des recours.

CLÉMENT BEAUNE
Oui, mais ça veut dire que tous les projets de France dans ces cas-là on les met à l'arrêt parce qu'il y a eu tous les recours sur ce qu'on appelle la déclaration d'utilité publique, tous ont été jugés, négativement si je puis dire, par le juge, écartés, il y a eu encore un référé qui a dit cet été qu'il y avait une illégalité manifeste, évidente, dans l'autorisation environnementale de ce projet, surtout sur le plan environnemental, c'est ça qui m'intéresse, j'ai écouté, notamment parce que des associations se sont mobilisées, pour réduire énormément l'emprise environnementale de ce projet, on va le faire encore dans les prochaines semaines, je rappelle qu'il y aura cinq fois plus d'arbres plantés, replantés, que d'arbres abattus pour ce projet l'infrastructure, et que les alternatives, parce qu'on me l'a proposé, je les ai regardées, elles impliquaient d'abattre sept fois plus d'arbres, donc je dois aussi tenir compte de ce que disent les élus, de ce projet qui avance. Et puis, dernier point, bien sûr à l'heure de l'écologie, et c'est notamment en écoutant des associations, dont Thomas BRAIL, qu'on en prend tous conscience, on doit revoir des projets, même anciens, et donc j'avais lancé ce projet de revue des autoroutes, qui va aboutir dans les prochaines semaines, qui, je l'assume, a pris un peu de retard parce qu'il y a les discussions, mais qui aboutira à annuler, à annuler, des projets autoroutiers importants. L'A69 c'est un projet qui est le plus avancé de France et qui a fait l'objet de recours juridiques déjà.

JÉRÔME CHAPUIS
Clément BEAUNE, il n'y aura pas de grève des contrôleurs aériens pendant les Jeux olympiques, c'est leur principal syndicat qui l'annonce, Xavier BERTRAND accuse le gouvernement d'avoir payé une rançon et il vous demande de révéler ce qu'il y a dans un accord qui, dit-il, pour le moment est totalement secret.

CLÉMENT BEAUNE
Oui, moi je n'aime pas beaucoup cette démagogie et ce complotisme, les mots…

JÉRÔME CHAPUIS
Complotisme ?

CLÉMENT BEAUNE
Mais les mots ont un… pas chez Xavier BERTRAND, mais dans le débat ambiant il ne faut pas, quand on est responsable politique, là encore, l'alimenter. Moi j'ai une bonne relation avec Xavier BERTRAND, il ne nous a pas habitués à ce genre de déclaration.

JÉRÔME CHAPUIS
Alors, qu'est-ce qu'il y a dans cet accord ?

CLÉMENT BEAUNE
Dans cet accord il a été - chacun peut travailler ses dossiers - il a été rendu largement public par le syndicat qui l'a signé lui-même, qui a donné les paramètres, il y a encore des négociations en cours, pour être très précis, ce n'est pas un accord qui est ficelé, finalisé. Et puis…

JÉRÔME CHAPUIS
Il reste encore des menaces de grève, non ?

CLÉMENT BEAUNE
Non, parce que ça a été dit, notamment cette trêve olympique, qui est très importante, mais surtout, pardon, je suis un ministre social dans le sens où je fais beaucoup de négociations sociales dans le secteur du transports, Xavier BERTRAND a été ministre du Travail, il est président de région, il fait des accords avec ses syndicats… d'ailleurs pas tous vus, rendus publics…

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous avez payé une rançon ou pas ?

CLÉMENT BEAUNE
Mais pas du tout, mais enfin les mots…

SALHIA BRAKHLIA
C'est ce qu'il dit.

CLÉMENT BEAUNE
Ont un sens, on ne paye pas des rançons quand on fait un accord social.

SALHIA BRAKHLIA
Vous les avez achetés, c'est ce qu'il sous-entend.

CLÉMENT BEAUNE
Pardon, mais vous vous rendez compte du vocabulaire…

SALHIA BRAKHLIA
Et il dit vous allez faire la même chose avec la SNCF et la RATP.

CLÉMENT BEAUNE
Mais, je récuse totalement ce terme de rançon. Il y aura des dialogues sociaux, JO ou pas JO, dans tous les secteurs, Xavier BERTRAND j'espère qu'il le fait dans sa région, moi je le fais comme ministre des Transports, c'est scandaleux d'avoir des accords ? et, je le dis aussi, parce que Xavier BERTRAND, et là c'est juste une erreur, j'espère pas un mensonge, on va dire une erreur, a dit que c'était le contribuable qui payait, parce que c'est ça qui intéresse ceux qui nous regardent, ce n'est pas le système du contrôle aérien français, il est payé par chaque vol, chaque compagnie, par un tout petit tarif, donc soyons très clair, moi je suis fier de cette négociation, fier d'un accord social, fier qu'en général on trouve des accords entre entreprises, ou État, et syndicats, et on le fait de manière raisonnable, protectrice, et il n'y a pas de loup, il n'y a pas de flou et il n'y a pas de rançon.

SALHIA BRAKHLIA
Clément BEAUNE, cette semaine la comédienne et humoriste Muriel ROBIN a beaucoup fait réagir après son coup de gueule dans lequel elle explique quand on est homosexuel au cinéma, on n'est pas désirable, on ne peut pas faire de grande carrière, elle assure connaître des acteurs homos, français, qui se taisent sinon on ne leur mettra plus jamais une femme dans les bras, c'est ce qu'elle dit, comment vous avez réagi quand vous avez entendu ce témoignage ?

CLÉMENT BEAUNE
C'est une forme de claque, parce qu'on sentait là aussi, j'ai entendu ce passage de l'interview de Muriel ROBIN, une forme de sincérité très claire et de révolte. Je ne connais pas, pour être très honnête, le monde du cinéma, donc j'imagine que ce qu'elle dit est vrai…

SALHIA BRAKHLIA
Mais en politique, vous-même vous avez fait votre coming-out, alors que vous êtes membre du gouvernement, est-ce que c'est pareil, est-ce que vous sentez un plafond de verre parce qu'homosexuel ?

CLÉMENT BEAUNE
Je vais être honnête, moi je n'ai pas ressenti, à titre personnel, peut-être d'autres l'ont vécu, et je le sais, moi je ne l'ai pas vécu, j'ai eu cette chance, mais si j'ai fait mon coming-out ce n'est pas pour vous raconter ma vie, on s'en fiche, c'est parce que je pense, et je l'ai vu d'ailleurs après, que quand il y a des personnalités publiques, qu'elles soient dans le sport, dans le cinéma, dans la politique, dans ce qu'on veut, dire c'est possible, ça existe, ça va aller, c'est très important, et donc je pense, j'ai pris aussi ce témoignage de Muriel ROBIN comme…

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce qu'en politique c'est plus compliqué qu'ailleurs ?

CLÉMENT BEAUNE
Écoutez…

SALHIA BRAKHLIA
Vous imaginez, vous, un président gay à la tête de la France ?

CLÉMENT BEAUNE
Qu'il y ait encore des préjugés, qu'il y ait encore de l'homophobie, qu'il y ait encore même des agressions, c'est un fait, et donc ce que je déteste en revanche c'est le discours qui consiste à dire c'est une mode, on dévoile sa vie privée, c'est si facile aujourd'hui, ce n'est pas vrai. Je ne connais pas le milieu du cinéma, je sais que dans le sport, dans la culture, dans d'autres domaines, pour certains en politique, c'est encore difficile, et c'est courageux de le dire.

SALHIA BRAKHLIA
Vous ça a été compliqué quand vous l'avez dit ?

CLÉMENT BEAUNE
Je ne veux pas faire de grande déclaration, ce n'est pas mon style, c'est toujours compliqué à titre personnel, c'est toujours un chemin, donc dire aujourd'hui que les choses sont faciles, non, ce n'est pas vrai, et c'est pour ça que quand on a un micro, chacun fait comme il veut, et que certains le disent très simplement, moi je l'ai dit avec des mots simples, je suis gay et je l'assume, eh bien j'espère, j'espère, que pour les jeunes, ou les moins jeunes, ça peut aider et que Muriel ROBIN a bien fait aussi de mettre les pieds dans le plat.

JÉRÔME CHAPUIS
Merci beaucoup Clément BEAUNE…

CLÉMENT BEAUNE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 septembre 2023