Texte intégral
ALIX BOUILHAGUET
Prisca THEVENOT, bonjour.
PRISCA THEVENOT
Bonjour.
ALIX BOUILHAGUET
On en est où, j'en parlais à l'instant, de ce Service national universel ? Vous souhaitez, vous, sa généralisation mais Emmanuel MACRON est assez mutique sur cette question. Que veut-il réellement ? le rendre obligatoire ou pas ?
PRISCA THEVENOT
Est-ce que le Service national universel a vocation à devenir un passage républicain pour chaque jeune de notre Nation ? la réponse est oui.
ALIX BOUILHAGUET
A quelle échéance ?
PRISCA THEVENOT
Et justement, sur cette ambition-là qui est portée depuis 2017, il n'y a pas de nouveauté. Soyons très clairs. Il y a simplement une réaffirmation d'une volonté, d'une ambition pour tout notre pays. Maintenant, comme je l'ai dit et justement j'y réponds.
ALIX BOUILHAGUET
Mais je reviens à ma question, pour le caractère obligatoire.
PRISCA THEVENOT
Et j'y réponds. Et sur ce point-là très précis - et je l'ai répété d'ailleurs en début de semaine à vos confrères de Brut - sur une date précise ou sur les modalités de décision, ce n'est pas l'enjeu du moment. De façon très claire, l'enjeu du moment est surtout à rappeler, expliquer ce qu'est réellement le Service national universel. Parce qu'aujourd'hui, force est de constater qu'il est mal compris et souvent caricaturé.
ALIX BOUILHAGUET
Pourquoi néanmoins cette montée si lente en puissance du SNU ? C'est 45 000 jeunes qui l'ont fait l'an dernier or la classe d'âge, c'est 800 000 jeunes. Pourquoi le SNU ne séduit pas davantage ?
PRISCA THEVENOT
Vous parlez d'une montée en puissance lente ; je vous propose de plutôt commenter les chiffres. Il a été mis en place par Gabriel ATTAL en 2019 ; il y avait 2 000 places disponibles. Ensuite, il y a eu la période Covid ; vous m'accorderez qu'effectivement, il n'y a pas eu de séjour de cohésion SNU à ce moment-là. Mais là, effectivement, nous sommes à 45 000 jeunes en 2023. Donc rien que sur le mois de juillet de cette année, c'est 17 000 jeunes qui sont partis en SNU ; ça veut dire 127 centres ouverts en simultané. Il y a cette montée en puissance ; elle est incontestable.
ALIX BOUILHAGUET
Mais néanmoins assez lente. C'est-à-dire que si vous voulez vraiment le rendre obligatoire, 800 000 jeunes, on en est encore loin.
PRISCA THEVENOT
Nous, nous sommes sur cette voie de généralisation. Cette voie de généralisation aussi pour garantir cette montée en puissance.
ALIX BOUILHAGUET
Mais vous dites « obligatoire ». Je reviens à ce mot-là.
PRISCA THEVENOT
Mais parce que l'obligation, et soyons très clairs ; l'obligation, il faudra en déterminer les modalités, une date précise etc... Je sais qu'on parle beaucoup d'obligations ; j'aimerais plutôt qu'on soit sur une explication. Moi, quand je vois les commentaires des uns et des autres et surtout d'une partie de la gauche, de l'extrême gauche, ils parlent beaucoup de quelque chose qu'ils ne connaissent finalement pas. On nous dit en permanence que c'est simplement lever le drapeau et chanter la Marseillaise ou alors une boum en fin de séjour. Oui, c'est ces deux moments-là mais ce n'est pas que ça. Pendant douze jours, on apprend et c'est important.
ALIX BOUILHAGUET
On va rentrer dans les modalités mais juste une question rapide : est-ce que cette généralisation du SNU pourrait faire l'objet d'un référendum ? On en a beaucoup parlé au moment des rencontres de Saint-Denis. Est-ce que ça peut être un sujet qui peut être sur la table ?
PRISCA THEVENOT
Cette décision ne m'appartient pas. Je pense que nous devons continuer à avancer sans totem ni tabou, avec certaines lignes rouges mais, encore une fois, cette décision ne m'appartient pas. Et je suis prête à toutes les modalités pour avancer sur cette définition de la généralisation.
ALIX BOUILHAGUET
Alors justement, si on rentre dans les modalités ; il devrait y avoir désormais donc un stage de douze jours sur le temps scolaire pour les élèves de Seconde. Alors ça, ça ne plaît pas du tout, ni aux syndicats des profs ni aux parents qui estiment qu'on va faire perdre des jours de classe aux élèves.
PRISCA THEVENOT
Vous savez, je pense que dans le temps qui est le nôtre, face aux défis qui sont les nôtres, il est important d'être sur un double choc des apprentissages. Et j'insiste vraiment sur « double choc ». L'apprentissage bien évidemment des savoirs fondamentaux que nous connaissons tous et l'apprentissage des valeurs. Ces valeurs qui, encore une fois, permettent de rappeler ce que nous sommes et qui nous permettent de rappeler dans quel cadre nous sommes. Ce cadre qui n'est pas là pour avancer avec sévérité, mais pour permettre de rappeler que nous sommes libres, nous sommes égaux et que nous pourrons nous émanciper.
ALIX BOUILHAGUET
Mais vous dites quoi aux profs, aux parents qui disent « on n'a déjà pas le temps d'apprendre le français, les maths, l'histoire » ?
PRISCA THEVENOT
Eh bien, moi, ce que je vois surtout c'est qu'il y a un certain nombre de lycées et de classes qui se sont déjà engagés sur ce dispositif. Parce que nous avons aussi besoin de refaire cohésion à tous les endroits de notre vie. Je le redis : n'opposons pas apprentissage des savoirs et apprentissage des valeurs.
ALIX BOUILHAGUET
Est-ce que ça ne va pas à l'encontre de ce que souhaite Gabriel ATTAL, notamment la fameuse « reconquête du mois de juin » ? Les stages commencent dès la rentrée. Ça veut dire que certains se dérouleront peut-être au mois de juin ?
PRISCA THEVENOT
De façon très claire, il y a deux choses. Il y a effectivement le Service national universel tel qu'il existe et qu'il continue à exister sur le temps hors scolaire. Ce sont ces douze jours de cohésion où les jeunes partent pour apprendre à s'engager sur la lutte contre les discriminations, sur le réchauffement climatique, également apprendre plein d'enjeux sur la sécurité routière. Et ce temps pourra effectivement aussi se déployer sur un projet pédagogique annuel dans le cadre du dispositif « classes et lycées engagés » qui est lancé à partir de cette année. Il ne s'agit pas simplement de partir sur le mois de juin, il s'agit, de façon très claire, de pouvoir partir tout au long de l'année. Donc encore une fois, je pense que l'enjeu aujourd'hui, bien évidemment, parlons des modalités, mais surtout expliquons ce que c'est que le SNU. Beaucoup de gens ne comprennent pas ou ne savent pas. Peut-être parce que nous ne l'avons pas assez expliqué jusque-là (et je suis là pour ça) ce que sont ces douze jours de cohésion.
ALIX BOUILHAGUET
Est-ce que l'objectif de brassage, il est toujours là ? Parce que selon les premiers retours, il y a beaucoup d'enfants de militaires, de gendarmes, de policiers alors que les jeunes de milieux populaires sont totalement sous-représentés ?
PRISCA THEVENOT
Vous avez tout à fait raison. Dès les premiers séjours de cohésion, c'est vrai qu'il y a eu environ 4 % de jeunes qui étaient issus des QPV ou des ZRR, les zones effectivement de redynamisation rurale. Et nous avons eu cette ambition effectivement d'assurer cet enjeu de mixité parce que c'est important que les jeunes se rencontrent, et donc nous avons augmenté en puissance sur ces enjeux-là. Nous sommes aujourd'hui à une représentation d'un peu plus 7 % des jeunes en QPV dans les séjours de cohésion. De manière générale au niveau national, nous sommes autour de 9 % ; Donc on augmente, on doit continuer à avancer sur cela parce que c'est important et c'est au cœur même de l'enjeu du Service national universel.
ALIX BOUILHAGUET
La lutte contre le harcèlement scolaire a été érigée en priorité pour Gabriel ATTAL, le ministre de l'Education nationale. Est-ce qu'interpeller et menotter dans sa classe en cours un ado de 14 ans soupçonné de cyber-harcèlement, ç'a été fait lundi dans le Val-de-Marne, est-ce que c'est ça le fameux électrochoc souhaité par le ministre ?
PRISCA THEVENOT
De façon très claire, effectivement Gabriel ATTAL dès les premières heures de sa prise de fonction a fait du harcèlement, du cyber-harcèlement sa priorité absolue.
ALIX BOUILHAGUET
Mais sur la méthode, est-ce qu'on menotte un ado de 14 ans, quelle que soit d'ailleurs la gravité… ?
PRISCA THEVENOT
C'est un engagement sur lequel nous devons tous être. Maintenant, par rapport effectivement à l'événement que vous venez de me relater dont j'ai pris connaissance, il y a une procédure en cours pour déterminer exactement comment cela s'est passé, quelle a été la procédure et voyons ce que vont dire les conclusions de cette procédure pour pouvoir se prononcer dessus. Je pense que sur ces temps que nous sommes en train de vivre, où effectivement nous avons énormément d'élèves, de familles en souffrance, de camarades qui sont témoins d'un certain nombre de choses extrêmement graves, le temps n'est pas à la précipitation mais bien à poser les choses. Pas simplement pour faire un constat mais aussi pour voir ce qui ne fonctionne pas, parce que derrière nous avons beaucoup de souffrance.
ALIX BOUILHAGUET
Je voudrais aussi revenir sur les émeutes de juin dernier, notamment sur le profil des émeutiers. En majorité des hommes jeunes, sans diplôme, sans revendication idéologique. Qu'est-ce qu'on a loupé et comment on réintègre ces jeunes ?
PRISCA THEVENOT
Vous savez, depuis que j'ai pris mes fonctions au secrétariat d'Etat à la Jeunesse, de façon très claire toutes les semaines je suis en déplacement. Non pas pour parler aux jeunes mais surtout pour les écouter. Et moi ce que j'entends beaucoup de notre jeunesse, c'est qu'il y a une colère qui est là, une colère non-violente, non-violente mais tout aussi importante. Pourquoi ? Parce qu'ils ont le sentiment de plus en plus d'être administrés et pas responsabilisés. Nos jeunes reconnaissent…
ALIX BOUILHAGUET
Mais est-ce que ça donne le droit de brûler sa mairie, de piller des magasins de sport ?
PRISCA THEVENOT
Ça vous savez, vous avez tout à fait raison. Je me suis déjà prononcée très rapidement dessus et notamment au lendemain des émeutes. Rien ne justifie - rien ne justifie - qu'on pille, qu'on menace, qu'on casse et qu'on saccage. Rien ne le justifie.
ALIX BOUILHAGUET
Je reprends ma question : qu'est-ce qu'on a loupé ? Qu'est-ce que la France a loupé et comment surtout on fait pour les ramener ?
PRISCA THEVENOT
Il y a une perte de sens. Il y a une perte de sens et on oublie peut-être qu'aujourd'hui, on doit se rappeler que même s'il y a des débats souvent denses, souvent âpres, que nous ne sommes pas d'accord sur tout. Nous devons nous retrouver sur l'essentiel. Nous faisons partie de la même équipe, nous devons apprendre à jouer collectif.
ALIX BOUILHAGUET
Mais au-delà des mots Prisca THEVENOT, comment vous allez les chercher ces sans diplôme, ces jeunes qui n'ont aucun encadrement scolaire ?
PRISCA THEVENOT
Je vais répondre bien évidemment à votre question mais attention à ne pas faire de raccourci. Ce n'est pas ce que vous avez fait mais je préfère être claire. Ce n'est pas parce qu'on est sans diplôme ou peut-être en décrochage scolaire qu'on va saccager.
ALIX BOUILHAGUET
Mais je parle de ceux effectivement qui sont profilés dans les émeutes de juin.
PRISCA THEVENOT
Voilà. Mais je préfère être sûre parce que les raccourcis vont vite sur les réseaux sociaux et je préférerais ne pas être sur ce terrain-là. De façon très claire, un certain nombre de dispositifs doivent être apportés. Sur le décrochage scolaire notamment, ma collègue Carole GRANDJEAN est à la tâche, notamment avec la réforme du lycée professionnel qu'elle a mis en place et qui se déploie à partir de cette rentrée. Nous avons aussi l'ensemble des enjeux sur les savoirs fondamentaux dès le plus jeune âge, et qui ont notamment été rappelés par la Première ministre elle-même lors de la réunion sur le Pacte des solidarités dans lequel nous allons augmenter de 50 % les crédits alloués. Il y a un volet d'actions que nous devons pouvoir mettre en place mais soyons clairs encore une fois : avoir les actes que nous avons connus en début de juillet, casser, piller, brûler, saccager, menacer, n'appelle à aucune revendication.
ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup Prisca THEVENOT.
PRISCA THEVENOT
Merci à vous.
ALIX BOUILHAGUET
Bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 septembre 2023