Interview de M. Clément Beaune, ministre délégué, chargé des transports, à France Inter le 26 septembre 2023, sur la voiture électrique, les 13 RER métropolitains et l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse.

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Média : France Inter

Texte intégral

SONIA DEVILLERS
Bonjour Clément BEAUNE.

CLÉMENT BEAUNE
Bonjour.

SONIA DEVILLERS
Est-ce que vous diriez, comme le président de la République : moi, j'adore la bagnole ?

CLÉMENT BEAUNE
Oui, j'adore les modes de transport en général, la voiture, qui est une longue tradition française, et ce n'est pas incompatible avec le fait d'adorer le train, par exemple. Et on va mettre le paquet dans ce budget cette semaine, dans le plan de planification écologique, annoncé hier, sur l'électrification et la décarbonation de la voiture, parce que la bagnole, elle a différentes façons d'exister, on va passer du thermique à l'électrique, ce n'est pas la même bagnole, si je peux le dire ainsi. Et puis, on va aussi encourager bien sûr les transports publics, le train, les RER métropolitains, je ne sais pas si ce sont les mesures waouh, mais je pense que…

SONIA DEVILLERS
C'est ce que j'allais…

CLÉMENT BEAUNE
Je pense que ça a un effet réel, et waouh même à la fin, d'avoir des transformations aussi importantes que le pass rail, que les transports publics qui se développent dans beaucoup de métropoles françaises, et qui sont attendus évidemment par nos concitoyens.

SONIA DEVILLERS
Alors, la voiture électrique, c'est votre donc formule waouh comme vous dites. Donc en novembre, on révélera le dispositif de leasing à 100 euros. Donc l'idée, c'est qu'à terme, il y ait une voiture électrique pour tous. Les premières voitures électriques accessibles à 100 euros par mois, elles rouleront quand ?

CLÉMENT BEAUNE
Elles rouleront l'année prochaine, et c'est très important de dire comment ça va se passer, en effet, parce que c'est une mesure essentielle qui résume d'ailleurs cette philosophie, c'est-à-dire que, oui, il faut produire, et oui, il faut faire confiance à la technologie, et il faut que ce soit une écologie sociale, parce qu'aujourd'hui, la voiture électrique, soyons clairs, c'est un produit de luxe pour beaucoup de Français, et il faut que ce soit une écologie de souveraineté, ce n'est pas un slogan, c'est le fait qu'on doit produire en France et en Europe. C'est pour ça…

SONIA DEVILLERS
Ça veut dire pas de voitures chinoises ?

CLÉMENT BEAUNE
Ça veut dire un critère environnemental qui fait que, oui, en effet, ce seront les voitures produites en France et en Europe qui seront privilégiées par ce système, parce que je pense que nos concitoyens comprennent bien qu'il faut à la fois que ça ne soit pas cher et que ça crée des emplois chez nous, dans une industrie qu'on est en train de transformer aussi.

SONIA DEVILLERS
Alors, quels constructeurs, quels modèles ?

CLÉMENT BEAUNE
Alors, au mois de novembre, le président l'a rappelé hier, il y aura l'ouverture de ce dispositif, c'est-à-dire qu'on pourra très concrètement, il y a un critère de revenus, c'est pour les ménages les plus modestes, réserver cette voiture, et les premiers modèles arriveront, pourront être livrés début 2024.

SONIA DEVILLERS
Quels modèles, parce qu'on aime la bagnole…

CLÉMENT BEAUNE
Bien sûr, ce seront des modèles français et européens, il y aura, on est en train de finaliser ces discussions avec nos deux grands constructeurs en particulier, STELLANTIS et RENAULT, pour les citer directement, donc il y aura des modèles de ces deux grandes marques, donc les modèles exacts seront connus d'ici la fin de l'année, qui seront évidemment intégrés dans le leasing à 100 euros.

SONIA DEVILLERS
Et chaque utilisateur devra verser un apport financier avant de pouvoir…

CLÉMENT BEAUNE
On va faire ça le plus simple possible pour que pour l'utilisateur, il n'y ait pas des procédures administratives trop longues, c'est-à-dire qu'on puisse s'inscrire, réserver un modèle…

SONIA DEVILLERS
Mais est-ce qu'il y aura…

CLÉMENT BEAUNE
Non, et payer les 100 euros par mois dès le départ. Ensuite, c'est entre le constructeur ou le loueur, le leasing et l'État que les choses se feront pour baisser le coût, pour vous et moi, si je puis dire, ou pour ceux qui vont en bénéficier plus exactement, ce sera facile…

SONIA DEVILLERS
Ce sera indolore…

CLÉMENT BEAUNE
Ce sera une centaine d'euros, enfin, ce sera 100 euros par mois, et on le réservera très facilement.

SONIA DEVILLERS
Alors ça, c'est pour la voiture électrique, et pour la voiture à essence, est-ce qu'on peut parler de fiasco quand on se remémore le feuilleton de cette dernière semaine, on annonce la possibilité pour les distributeurs de vendre le carburant à perte, et puis, une semaine après, non, et puis, les distributeurs disent : on ne nous a même pas prévenus, il n'y a eu aucune concertation, on a même cru à une erreur de l'AFP.

CLÉMENT BEAUNE
Alors, écoutez, de quoi s'agit-il, on est en train d'essayer, en effet, quand on parle de transition, d'aider les Français les plus modestes qui ont aujourd'hui besoin de la voiture pour aller travailler, à ce que le coût du carburant aujourd'hui ne soit pas ultra pénalisant comme ça l'est. Et donc l'État, je le rappelle quand même, parce que depuis des mois, on est le pays en Europe qui avons fait le plus d'efforts, c'est l'État qui le paye, à la fin, c'est le contribuable, donc c'est un effort très important, y compris d'ailleurs encore en début d'année, une aide de 100 euros pour les ménages les plus modestes qui utilisent la voiture pour aller travailler. On cherche toutes les pistes, il faut être clair, et donc il faut aussi que les entreprises prennent leur part, ça, on garde cette logique, c'est par exemple le plafonnement de TOTAL à 1,99. 3.500 stations-services, ça n'est pas rien, et qui va continuer encore au début de l'année 2024. Les distributeurs eux-mêmes avaient dit à la Première ministre, au gouvernement : il faut que vous nous allégiez un certain nombre de verrous, bon, et donc on a évoqué cette piste, ils ne répondent pas tout à fait à l'appel, même si…

SONIA DEVILLERS
Ah non !

CLÉMENT BEAUNE
Non, d'accord, même si je note quand même que, après l'annonce de la Première ministre, la semaine dernière, certains ont dit : écoutez, on a bien regardé, on a les nouvelles propositions, par exemple, SYSTÈME U a dit : on va faire des opérations de ventes moins chères, donc je pense que cette pression, elle est utile, il faut la maintenir, et c'est pour ça que, aujourd'hui même, la Première ministre va recevoir toute la filière, les distributeurs, les raffineurs, etc, pour les mobiliser et qu'on ait des opérations coup de poing, des opérations de vente à prix coûtant, qui soient concrètement un avantage pour le consommateur aujourd'hui. Donc je le dis aussi, il ne faut pas perdre le cap, le cap, c'est celui de la transition écologique, et la plus grande mesure sociale sur la voiture, sur la bagnole, comme vous disiez, c'est le leasing social, c'est le bonus écologique…

SONIA DEVILLERS
C'est le président qui le dit…

CLÉMENT BEAUNE
Parce qu'il faut qu'on sorte de cette contrainte qui fait qu'aujourd'hui, les gens n'ont pas d'autre choix que de prendre leur voiture thermique, et qu'ils cherchent en fait eux-mêmes des solutions moins chères et plus écologiques, il faut leur apporter, le leasing social, c'est une de ces solutions.

SONIA DEVILLERS
Alors, autre solution que la bagnole, le RER en région, les RER métropolitain, les 13 RER métropolitains dont on parle déjà depuis un an, et qui a été confirmés hier. Alors, quelle ville exactement ?

CLÉMENT BEAUNE
Alors, le président a parlé de 13 projets…

SONIA DEVILLERS
13 villes…

CLÉMENT BEAUNE
Parce que ce sont les plus mûrs, et donc c'est entre 10 et 15, parce qu'on va donner un peu de souplesse et discuter encore avec les villes, avec les régions.

SONIA DEVILLERS
Vous avez rendez-vous demain avec les présidents de régions…

CLÉMENT BEAUNE
Demain, je vais voir les présidents de régions, je vais ensuite voir dans quelques jours les maires des grandes villes, les présidents de métropoles, on va faire ça ensemble, et donc, il y a des projets qui sont très avancés, pour être très concret, à Toulouse, par exemple, à Lille, à Lyon, Rennes, il y a des projets qui sont très avancés, et qui vont avoir dès maintenant, on est en train de négocier ces financements, des premiers soutiens financiers de l'État pour commencer les investissements. Le projet, c'est environ 10 milliards d'euros, on affinera les estimations avec les collectivités. Et donc on va partager ces coûts…

SONIA DEVILLERS
Il y a une petite confusion sur les chiffres, parce qu'on a parlé de 700 millions d'euros...

CLÉMENT BEAUNE
Oui, alors, justement, je veux être précis, on estime que si on veut faire entre 10 et 15 projets, il faut à peu près de 10 milliards d'euros pour investir dans quoi, dans les nouvelles lignes de tramway, dans les nouvelles lignes de métro, parfois, dans les bus et au niveau des services, cette combinaison, il faut ne rien exclure, comme on l'a fait pour le Grand Paris, on a ouvert des lignes de métro supplémentaires, même logique dans les autres métropoles. Et il va y avoir une première phase d'investissement, tout ça ne se fait pas en un an, et dans cette première phase d'investissement, l'État est déjà prêt, c'est un signal d'avancées concrètes dès cette année, à mettre entre 7 et 800 millions d'euros pour aider les métropoles et les régions à lancer les projets, évidemment, ensuite, on va continuer ce soutien de l'État, il s'agit…

SONIA DEVILLERS
Ensuite, c'est ça la vraie question, Clément BEAUNE, et vous parlez du Grand Paris, et vous avez raison, le budget de fonctionnement des transports collectifs en Ile-de-France, c'est 10 milliards par an, et chaque année, Valérie PÉCRESSE réclame des rallonges tellement le budget n'est jamais bouclé, n'est jamais suffisant. Le Grand Paris, la construction des infrastructures est en effet financée, mais après, il y a un flou total…

CLÉMENT BEAUNE
Exactement…

SONIA DEVILLERS
Qui va payer ?

CLÉMENT BEAUNE
Alors, vous avez raison, il faut qu'on soit très clair dès le début pour tous ces projets de RER métropolitains, avec les investissements, et puis, ensuite, comment ça va marcher, comment ça va fonctionner quand on va ouvrir ces lignes supplémentaires…

SONIA DEVILLERS
C'est ça…

CLÉMENT BEAUNE
En Ile-de-France, pour être très clair, justement, ça traînait depuis des années, ce matin même, quand je vais quitter vos studios, je vais aller signer avec Valérie PÉCRESSE un accord entre l'État et la région pour apporter des ressources sur 10 ans, jusqu'à 2031 précisément, à la région pour qu'on n'ait pas chaque année un stress, une angoisse, une polémique sur le financement des transports franciliens, pour les Parisiens, les Franciliens qui nous écoutent ou les Français qui prennent parfois les transports en Ile-de-France, il y aura une sécurisation du financement pour toute la décennie, pour qu'on n'ait pas encore une fois l'incertitude qui est préjudiciable aux transports publics à la fin, chaque année, on va sortir de ces débats annuels, et on va avoir un financement agréé, sécurisé entre l'État et la région…

SONIA DEVILLERS
Alors ça, c'est le rail, en attendant, vous continuez de construire des autoroutes, j'aimerais que vous répondiez à la question de Dominique SEUX, il y a un sujet particulièrement aigu, celui de l'autoroute A69, entre Castres et Toulouse, vous avez fait déloger un gréviste dimanche qui a été particulièrement médiatisé, qui s'opposait au projet. Mais il y a eu un vent de panique vendredi, il y a eu 150 chefs d'entreprise et élus de la région qui se sont réunis, qui ont peur d'un moratoire sur ce projet, est-ce qu'il peut y avoir un moratoire sur ce projet ? Est-ce que vous pouvez répondre à Dominique SEUX, combien de projets d'autoroutes vous seriez susceptible d'arrêter en France ?

CLÉMENT BEAUNE
Il y a deux sujets, ce projet qui s'appelle l'A69, il a fait l'objet de très nombreuses décisions politiques et judiciaires, on est dans un État de droit, on doit le respecter, et j'entends que certains sont opposés au projet, nous sommes dans une démocratie, ils ont le droit de le dire, ils ont même le droit, comme le fait Thomas BRAILLE, qui était, en fait, effectivement dans un arbre en face du ministère…

SONIA DEVILLERS
En pleine grève de la faim…

CLÉMENT BEAUNE
De mener des actions tant que c'est pacifique et non violent, et je le respecte. Mais, il y a même un problème de principe au-delà de cette autoroute, quand on est face à des projets, quels qu'ils soient, que les élus l'ont confirmé, que l'État l'a confirmé, que, il y a eu plus de 10 recours déjà, que tous les recours suspensifs ont été purgés devant le juge, indépendamment et librement, eh bien, on doit avancer.

SONIA DEVILLERS
Donc les 150 élus et chefs d'entreprise qui s'inquiétaient vendredi, vous les rassurez, et par ailleurs, en France, il y a d'autres projets à l'étude, il y a d'autres questions, est-ce que vous pourriez en arrêter d'autres…

CLÉMENT BEAUNE
Oui, absolument, donc question de principe, quand il y a des décisions qui sont prises, on les applique, ça vaut pour l'A69, même si on va améliorer aussi en réduisant l'impact environnemental, ce projet, et puis, d'autres autoroutes, en effet, je donnerai, et je prendrai des décisions fortes dans les prochaines semaines, il y aura des projets qui seront arrêtés, je le dis…

SONIA DEVILLERS
Il y a des projets qui vont être arrêtés ?

CLÉMENT BEAUNE
Oui, il y a des projets qui seront arrêtés…

SONIA DEVILLERS
Combien ?

CLÉMENT BEAUNE
Il y en a plusieurs qui seront arrêtés, on est encore en train de finir cette discussion avec les élus, on n'a jamais fait ça dans notre pays, c'est très important, donc on respecte les décisions prises, il y a des projets qui sont encore en discussion et en cours, et pour beaucoup de projets, on prendra des décisions courageuses d'arrêt, parce qu'en effet, il faut qu'on soit cohérent, à l'heure de la planification écologique, on ne peut pas faire comme avant, et donc les projets qui sont en cours, on va réduire leurs impacts sur l'environnement, et les projets qui ne sont pas encore lancés, on va en maintenir quelques-uns, puisqu'il y en a qui sont utiles, et on va en arrêter certains, et c'est très important, on a déjà divisé par deux des kilomètres de routes qu'on construit dans notre pays. On va continuer cet effort, plus de rails et moins de routes.

SONIA DEVILLERS
Merci Clément BEAUNE


source : Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 2023