Interview de Mme Bérangère Couillard, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, à Radio J le 26 septembre 2023, sur l'indemnité carburant, l'accompagnement des familles monoparentales, le pack nouveau départ, la lutte contre les violences pornographiques et la lutte contre l'homophobie dans les stades.

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Intervenant(s) : 

Média : Radio J

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER 
Bérangère COUILLARD bonjour.

BERANGERE COUILLARD 
Bonjour.

CHRISTOPHE BARBIER 
Et bienvenue, donc, ministre d'Égalité, chargé de l'Égalité entre les Femmes, ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre la discrimination, on l'a bien compris avec la chronique chanter d'Annabelle. Un mot avant de parler de vos dossiers de la lutte contre l'inflation et de ce chèque carburant qui revient et qui est critiqué depuis 48 heures. Il est destiné à ceux qui travaillent, est-ce qu'il ne faudrait pas cibler encore plus et je fais une proposition pour votre ministère, faire un bonus pour les femmes seules qui élèvent des enfants et qui sont obligés aussi de travailler ?

BERANGERE COUILLARD 
Alors on réfléchit à quelque chose pour les familles monoparentales mais plus largement et ça, c'est quelque chose qui viendra dans un temps prochain, enfin, donc, dans quelque temps.

CHRISTOPHE BARBIER 
Plus large que le carburant ? Surtout que leur situation…

BERANGERE COUILLARD 
Exactement, ça, c'est quelque chose qui est réfléchi et travaillé avec les parlementaires de la majorité. Ce que nous souhaitons en tout cas dans ce dans le cadre de ce chèque carburant, c'est accompagner tous ceux qui travaillent et bien sûr aussi les femmes, les familles monoparentales, les femmes seules qui travaillent et c'est le cas, elles sont aujourd'hui 45 % des salariés du privé et elles sont souvent 60 % même de celle qui, de ceux qui gagnent le SMIC. Donc, c'est important de pouvoir les accompagner et forcément le public femme est accompagné même plus que les hommes parce qu'elles sont les plus fragiles et souvent plus touchées par la pauvreté.

CHRISTOPHE BARBIER 
Alors, la lutte pour l'égalité salariale hommes-femmes continue depuis des années, est-ce que l'inflation ne l'arrête pas ? J'entends par là, comme les entreprises doivent augmenter les salaires de tout le monde à cause de l'inflation, est-ce que les entreprises ne vous disent pas : "On fera un effort pour les femmes l'année prochaine ?"

BERANGERE COUILLARD 
Alors, il n'y a pas de spécificité pour les femmes en tous les cas dans la volonté des patrons de faire de faire un effort. La seule chose, c'est qu'on a commencé à agir dès 2018 avec un certain nombre de de lois, en effet, pour essayer de rééquilibrer et faire en sorte notamment avec un index professionnel de faire en sorte que les entreprises s'engagent dans l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est quelque chose qui porte ses fruits parce que c'est mis en place depuis trois ans et qu'on a un certain nombre d'entreprises qui ont évidemment déclaré leur situation et fait un certain nombre d'actions correctrices, donc ça, ça avance. Maintenant ce qu'il faut, c'est qu'on arrive à faire en sorte que les femmes, particulièrement celles qui sont touchées par le temps partiel subi puissent justement être dans une meilleure situation. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire travailler dans le cadre de la conférence sociale qui va être mise en place par le Président, enfin, qui a été annoncée par le président de la République. Moi, j'ai échangé avec le ministre du Travail sur ce sujet. On va faire en sorte de mettre en place l'égalité femme-homme comme fil rouge de l'ensemble des ateliers qui vont être mis en place dans cette conférence sociale. Il faut savoir que les femmes représentent 80 % des temps partiels et donc pour ça, il faut en effet les accompagner et faire en sorte de moins subir les temps partiels parce qu'il y a des femmes qui veulent travailler et donc y travailler davantage et pour ça, il y a déjà le plein emploi. Bien sûr, il faut qu'on arrive évidemment à baisser le chômage, plus on crée des emplois, il y a eu deux millions d'emplois qui ont été créés…

CHRISTOPHE BARBIER 
Plus on intègre les femmes ?

BERANGERE COUILLARD 
Plus les femmes ont la possibilité d'avoir des temps complets. Vous savez que quand le chômage est fort, vous avez des temps partiels qui se multiplient, il y a aussi le sujet d'augmenter évidemment les salaires et les femmes travaillent davantage dans les branches qui ne payent pas sur le salaire minimum. Et donc ça, il faut qu'on en arrive à travailler dans le cadre de ces conférences sociales pour faire une augmentation des salaires. Je tiens quand même à préciser qu'on a avancé sur un certain nombre de secteurs notamment avec le Ségur de la santé et le Grenelle de l'Éducation. Vous savez, les femmes représentent 65 % des métiers d'éducation, également près de 90 % des métiers d'aide sociale, également infirmier. Donc, forcément, en augmentant les salaires de manière significative, on a augmenté les salaires particulièrement des femmes.

CHRISTOPHE BARBIER 
Avoir deux femmes à la tête des principaux syndicats, CGT et CFDT, ça vous aide ?

BERANGERE COUILLARD 
Forcément, forcément, moi je …

CHRISTOPHE BARBIER 
Ce sont des alliées oui ?

BERANGERE COUILLARD 
Je connais particulièrement l'engagement de Sophie BINET sur la question. J'aurai l'occasion d'ailleurs de de la rencontrer sur différents sujets et donc c'est évidemment des alliées dans cette lutte et sur le fait qu'on doit avancer ensemble sur l'égalité entre les femmes et les hommes, ce n'est pas toujours ce qui a été défendu de longue date par les syndicats, je tiens quand même à le dire, il n'y a pas eu un grand élan des syndicats sur cette question jusqu'alors et donc, moi, j'ai beaucoup d'espoir, je porte beaucoup d'espoir sur leur présence.

CHRISTOPHE BARBIER 
Alors, vous, vous aviez été en première ligne en 2019 lors de la loi contre les violences faites aux femmes, il y avait eu le Grenelle aussi, est-ce qu'il faut compléter les textes ? Est-ce qu'il vous manque des outils ?

BERANGERE COUILLARD 
Toujours, en fait, c'est quelque chose qui vit, on est à quatre ans du lancement du Grenelle et il ne s'agit pas de faire un bilan définitif. En effet, on a besoin de mettre des outils en complément. Ce sera le cas notamment avec le lancement de ce qu'on appelle le pacte nouveau départ, c'est-à-dire qu'il y aura un agent de la CAF qui va coordonner l'ensemble des besoins des femmes victimes de violences conjugales pour qu'elles puissent plus facilement quitter leur domicile. Il faut savoir en fait, aujourd'hui, les femmes, elles font en moyenne sept allers-retours avant de quitter définitivement le domicile. On est certain qu'il faut réduire évidemment ces délais de départ, pourquoi ? Parce que les féminicides, le passage à l'acte des auteurs arrivent souvent au moment de la séparation. Et donc, il faut faciliter la séparation, c'est pour ça qu'on mettre en place ce pacte nouveau départ avec l'aide universelle d'urgence qui va être déployée aussi à partir du 1er janvier 2024, ça veut dire de pouvoir accompagner financièrement aussi ces femmes qui souhaitent partir parce que souvent, c'est bien des difficultés financières qui toutes les empêche en fait de prendre leur élan.

CHRISTOPHE BARBIER 
Alors, vous avez publié avant hier dans le Journal du Dimanche une tribune sur les violences faites aux femmes dans l'industrie du porno. En amont, un rapport du Haut Conseil à l'Égalité qui doit vous être remis demain. Est-ce que vous avez une idée précise du fléau ou est-ce que c'est flou ?

BERANGERE COUILLARD 
On a une, enfin, on voit particulièrement le…

CHRISTOPHE BARBIER 
Est-ce qu'il y a des plaintes ? Est-ce que ces femmes prennent la parole ?

BERANGERE COUILLARD 
Il n'y a pas de plaintes en particulier, ce sont des femmes souvent qui sont des femmes vulnérables et donc, c'est plutôt, on regarde en fait le secteur de la pornographie dans son ensemble. Jusqu'alors, en fait, on n'a pas vraiment réagi sur les conditions des femmes et les conditions de tournage sur les plateaux. Ce que nous, nous souhaitons, c'est le respect du droit du travail et plus largement ces images qui sont très violentes, ont de plus en plus d'impact parce qu'en fait, vous en avez de plus en plus sur les vidéos disponibles sur le net et donc, vous avez des personnes qui regardent et qui ont une forme d'accoutumance.

CHRISTOPHE BARBIER 
Qui répliquent ?

BERANGERE COUILLARD 
Qui veulent toujours plus de violence dans le cadre des scènes pornographiques. Et donc, ça a une incidence dans les couples, dans la relation homme-femme, donc, il faut qu'on arrive à faire en sorte que les tortures et actes de barbarie, parce que c'est ça qu'il y a dans ces… dans un certain nombre de vidéos, disparaissent et donc, on va travailler aussi très prochainement à faire en sorte de supprimer tout bonnement ces vidéos.

CHRISTOPHE BARBIER 
Pour qu'il y ait aussi une espèce de droit à l'oubli aussi pour les victimes ?

BERANGERE COUILLARD 
Exactement, parce qu'en fait, il peut y avoir une évolution, ces femmes ont pu accepter en effet dans le cadre d'un contrat de travail de faire…

CHRISTOPHE BARBIER 
De subir.

BERANGERE COUILLARD 
Oui, voilà, de subir.

CHRISTOPHE BARBIER 
Et elles changent d'avis ?

BERANGERE COUILLARD 
Et elles changent d'avis ou même plus tard elles ne veulent plus que ces vidéos circulent et on doit pouvoir effacer et donc elles ont droit à avoir un droit à l'oubli.

CHRISTOPHE BARBIER 
C'est une industrie mondiale est-ce que vous arriverez à effacer des vidéos postées très loin à l'étranger ?

BERANGERE COUILLARD 
Alors, vous avez raison, c'est mondial, particulièrement européen mais on se doit d'être exemplaire et je crois que la France doit montrer l'exemple et doit avoir des règles sur son propre sol.

CHRISTOPHE BARBIER 
Alors, le Rassemblement National a une niche parlementaire, comme on dit, où il peut proposer des textes, il envisage de proposer une loi inscrivant l'endométriose comme affections de longue durée, ce que réclame beaucoup d'associations de femmes. Alors, est-ce qu'il faut rejeter cette loi parce qu'elle vient du RN ou est-ce qu'il faut l'accepter parce qu'elle va dans le bon sens ?

BERANGERE COUILLARD 
Alors, déjà, moi, j'ai pour principe de refuser toutes les voix qui viennent du Rassemblement national, c'est ma voilà ma…

CHRISTOPHE BARBIER 
Principe politique ?

BERANGERE COUILLARD 
Principe politique et puis à côté de ça, de toute façon, la loi que propose le Rassemblement national ne correspond pas aux besoins, c'est-à-dire qu'elle propose que ce soit en fait reconnu comme un handicap. Déjà, c'est assez stigmatisant pour les femmes qui sont, qui ont une pathologie comme l'endométriose et plus largement, c'est que l'endométriose ne veut pas dire forcément règles douloureuses ou incapacitantes. Et donc, en fait, il faut regarder plus largement, il y a d'autres pathologies qui amènent à avoir des règles douloureuses et qui donc ennuient les femmes tous les mois, donc il faut qu'on regarde pour un dispositif plus large. Moi, je suis d'avis et c'est pour avoir également porté le programme du président de la République sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, il a fait de la santé des femmes une priorité, il faut qu'on regarde plus largement. Ce n'est pas que la question de l'endométriose, c'est la question je vous l'avez dit, des règles douloureuses mais aussi de l'infertilité et également de la ménopause et je pense qu'on doit être en capacité soit au niveau du Gouvernement soit au niveau des parlementaires de la majorité de porter un texte beaucoup plus large et non pas juste un texte opportuniste de la part de du Rassemblement national.

CHRISTOPHE BARBIER 
Certaines associations disent qu'il n'y a pas besoin de loi, que vous pourriez, par décret, déjà faire beaucoup de choses. Vous êtes prête à passer par le décret ?

BERANGERE COUILLARD 
Totalement. Moi, je pense qu'il faut justement faire un certain nombre de choses pour le sujet de l'endométriose mais plus globalement, je vous disais pour les règles douloureuses, pour contrer ce texte. Parce que moi, je parle de stratégies et techniques politiques ; il faut vraiment entrer ce texte et faire donc passer par décret pour dire au Rassemblement national "vous avez quelque part été entendus ; en tout cas, on ne vous a pas attendu pour le faire." Et par contre, réfléchir à un texte beaucoup plus large, comme je le disais, pour concerner l'ensemble de la santé des femmes, en tout cas la santé des femmes tout au long de leur vie.

CHRISTOPHE BARBIER 
On a entendu des chants homophobes dans le Parc des Princes lors du match PSG - OM ce dimanche. Olivier KLEIN de la DILCRAH d'ailleurs s'en saisit. Qu'est-ce qu'on peut faire contre l'homophobie dans les stades ?

BERANGERE COUILLARD 
Vous avez raison, il faut agir. D'ailleurs, Olivier KLEIN l'a dit au nom de la DILCRAH qui est une administration qui dépend de mon ministère ; et donc en effet, il faut agir contre les propos homophobes. J'ai eu l'occasion déjà de m'engager sur cette question ; il ne faut rien laisser passer sur ce sujet.

CHRISTOPHE BARBIER 
Il faut identifier ces supporters ? Sanctionner les groupes ?

BERANGERE COUILLARD 
Il faut les identifier ; on est capable de le faire. On voit d'ailleurs sur les vidéos très bien qui sont ces personnes, elles sont connues. Donc on doit évidemment les sanctionner et on doit lutter, continuer sans relâche. Avec la ministre des Sports, on continue de lutter contre les propos homophobes dans les stades.

CHRISTOPHE BARBIER 
Certains joueurs se sont prêtés au jeu d'ailleurs à la fin du match, de bon cœur.

BERANGERE COUILLARD 
Je pense qu'il y a des vieilles habitudes aussi. Et ce n'est pas toujours avec un relent homophobe, j'espère en tout cas pour un certain nombre de personnes qui les prononcent. Donc je crois qu'il faut faire la part des choses, mais il n'empêche qu'on ne doit pas accepter ce genre de propos qui, en fait, sont des propos haineux.

CHRISTOPHE BARBIER 
Muriel ROBIN, dans un autre secteur – le cinéma – a attiré il y a quelques jours la tension sur les discriminations, sur le fait que quand on est homosexuels (hommes ou femmes), c'est compliqué pour la carrière. Vous aviez été surprise par ces propos ? On croit les artistes ouverts ?

BERANGERE COUILLARD 
Moi, j'ai été surtout surprise des propos qu'elle a subi derrière parce que je trouve que ça a été assez mal accueilli alors que rien ne contredit ce que dit Muriel ROBIN. Moi, ce que je remarque, c'est qu'il y a beaucoup de personnes LGBT qui du coup, ne peuvent pas assumer totalement lors homosexualité au travail parce qu'elles ont des craintes ; des craintes d'avoir des discriminations dans le cadre du travail. Elles ont des craintes de ne pas être embauchées, des craintes de ne pas être respectées, elles ont des craintes aussi de ne pas avoir des promotions auxquelles elles pourraient prétendre. Moi, je crois qu'il faut évidemment agir là-dessus. C'est pour ça aussi, d'ailleurs le Président avait pris des engagements dans la campagne, de lutter contre toutes les formes de discrimination à l'embauche. Et donc, c'est un texte qu'on va travailler dans les mois à venir pour justement permettre aux personnes qui sont discriminées. Aujourd'hui, elles sont une forme de résignation et ce qu'on veut c'est qu'elles puissent se porter, avoir un dossier complet pour parler en justice et obtenir réparation.

CHRISTOPHE BARBIER 
Bérangère COUILLARD, merci et bonne journée.

BERANGERE COUILLARD 
Merci à vous


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 2023