Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Olivia GRÉGOIRE.
OLIVIA GRÉGOIRE
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
Ça y est, les opérations à prix coûtant ont commencé dans les pompes des distributeurs. Seulement, ce qu'on remarque, c'est que celles de TOTAL qui plafonne les prix à 1,99 euro le litre, restent parmi les plus chères. Est-ce que TOTAL doit faire davantage d'efforts ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Écoutez, moi, j'ai à cœur déjà de rappeler que les efforts (et c'est notre objectif) sont partagés. Le Gouvernement a protégé les Français depuis des mois. Je serais à cœur quand même de rappeler pour mettre un élément dans le débat que baisser de 10 centimes une taxe sur l'essence qui est la TICPE, ça représente 4,4 milliards d'euros de pertes pour l'État. Quand l'an passé, l'État fait la ristourne de 20 centimes en plus de ce qui a été fait par les raffineurs ; ça représente 8 milliards et demi, donc l'État a pris sa part. Qu'est-ce qu'on a fait la semaine dernière avec la Première ministre ? On a mobilisé l'ensemble des distributeurs qui ont accepté de faire des opérations à prix coûtant, soit tous les jours pour les hypers, soit au moins deux fois par mois pour les supermarchés.
SALHIA BRAKHLIA
Et TOTAL a décidé de plafonner à 1,99 euro.
OLIVIA GRÉGOIRE
En plus de cela, à compter du mois de décembre, sera voté dans le PLF (vous le savez) une indemnité carburant pour 4,3 millions de salariés. Mais ce n'est pas anodin, c'est un demi-milliard d'euros que l'État mais encore pour accompagner (c'est normal parce que c'est difficile) les Français les plus modestes. En plus de ça, TOTAL a plafonné à 1,99.
SALHIA BRAKHLIA
Mais est-ce que c'est un effort suffisant ? Je vous pose la question parce que TOTAL a décidé de soigner ses actionnaires. C'est l'annonce qui a été faite là il y a quelques jours ; puisque l'entreprise prévoit de rendre cette année 44% son cash-flow aux actionnaires. Est-ce que ça ne la fout pas un peu mal (pour le dire comme ça) vu le contexte qu'on vit aujourd'hui ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Moi, je fais attention aux propos d'estrade. Quand on est ministre, on doit faire gaffe pour vous répondre aussi simplement.
SALHIA BRAKHLIA
C'est-à-dire que vous avez peur de parler de TOTAL ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Non, ce n'est pas ça ; c'est que les choix stratégiques d'une entreprise restent les choix stratégiques d'une entreprise. Je sais que ce n'est pas forcément facile à dire mais que TOTAL redistribue... La vraie question qui se pose : c'est comment la marge des raffineurs et du raffineur TOTAL se constitue ? Et calmement, comme d'habitude, la Première ministre a décidé, le week-end dernier, de confier à l'Inspection générale des finances (qui est quand même une institution sérieuse) une mission pour aller enquêter sur la façon dont le prix de TOTAL et des raffineurs est constitué. On aura ces éléments très précis avant la fin de l'année. Et ça nous permettra de voir s'il y a ou pas sur-marge. Je rappelle…
JÉRÔME CHAPUIS
Et qu'est-ce qui se passe s'il y a sur-marge, Olivia GRÉGOIRE ?
OLIVIA GRÉGOIRE
On verra. Mais ça, c'est pareil ; je n'ai aucun problème à 8h35 à répondre à des questions dont j'aurai les résultats en décembre.
JÉRÔME CHAPUIS
Non mais il peut y avoir des principes qui sont posés en amont ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Les principes ont toujours été clairs. On va prendre le même principe, par exemple, que celui des énergéticiens ; à qui on a ponctionné, à qui Bruno LE MAIRE et moi-même avons ponctionné plus de 10 milliards d'euros pour accompagner les Français et faire le bouclier tarifaire. Quand il a fallu taxer les surprofits des énergéticiens, on l'a fait. On va être très clair : si la mission d'information qu'a demandé la Première ministre démontre par A plus B qu'il y a un problème de marge, on prendra nos dispositions.
SALHIA BRAKHLIA
Sur le prix coûtant, les petits pompistes eux disent qu'il y a un problème parce qu'en fait, eux, ils ne peuvent pas faire de prix coûtant par définition. Est-ce que le Gouvernement a prévu une compensation ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Alors, je dis quand même deux choses parce que je suis aussi la ministre des indépendants et ils l'admettent sans problème. On a un peu plus de 2 000 stations indépendantes dans le pays, un peu plus. Ces stations sont vitales. Pourquoi ? Parce qu'elles sont dans tout le territoire et notamment dans des territoires reculés et des territoires ruraux. L'essence y est, en règle générale, un petit peu plus chère. Et les indépendants l'assument et, je dirais, les consommateurs aussi. On a tous l'habitude d'avoir une petite station où on paie un peu plus cher ; c'est moins compliqué que de faire 30 kilomètres et d'aller à l'hypermarché. Donc elles ont un intérêt absolument stratégique aussi pour l'avenir. Parce que toute la mutation qu'on fait avec les véhicules électriques, imaginez l'importance de ces stations pour y mettre des recharges de bornes électriques et pour mailler le territoire.
SALHIA BRAKHLIA
Mais là, on les met en danger.
OLIVIA GRÉGOIRE
Oui. Et qu'est-ce qu'on a dit ? On revient au projet, mais c'est le projet. Un : j'ai pris l'engagement et je respecte les engagements toujours de les recevoir dans les jours qui viennent pour étudier s'il faut mettre en place une petite compensation pour les accompagner parce qu'effectivement ils ne peuvent pas s'aligner sur les prix coûtant. Mais ce qu'ils leur importent surtout (parce que ce sont des gens responsables), bien sûr, c'est aujourd'hui mais c'est surtout demain. Qu'est-ce qui se passe quand on vend moins d'énergie fossile ? Qu'est-ce qui se passe quand on a des problèmes d'eau comme on en a eu cet été avec les stations de lavage ? C'est un sujet très concret. Et donc au-delà d'un plan de de petite compensation, nous avons, avec Agnès PANNIER-RUNACHER, pris l'engagement de faire un plan de transition qui va être financé dans les semaines qui viennent pour les accompagner sur l'appel à projet recharge électrique, qu'ils puissent y avoir accès plus facilement.
SALHIA BRAKHLIA
Il faut qu'ils se diversifient ?
OLIVIA GRÉGOIRE
On va les accompagner et aussi, j'y tiens, sur le problème des stations de lavage qui à Paris parfois parait un peu lointain mais qui est un gros problème par exemple en Bretagne, il y a un problème à solutionner, on a pris l'engagement avec Bruno LE MAIRE de les recevoir, je vais vite, mais c'est quand même important de vous le dire, il y a la compensation mais il y a surtout la transition pour les petites stations indépendantes.
JÉRÔME CHAPUIS
Alors il faut qu'on parle du pouvoir d'achat des Français qui passe aussi par ce qui est en train de se passer pour les négociations commerciales, vous allez changer les règles avec un projet de loi pour avancer d'un mois et demi les négociations commerciales. Vous êtes sûre d'y arriver parce que vous avez qu'une majorité relative ?
OLIVIA GRÉGOIRE
C'est le charme de l'exercice mais cet exercice est indispensable et je vais être très clair là-dessus. Le projet de loi qui sera présenté demain en commission et le lundi 9 octobre en séance, il a un objectif, un seul, avancer les renégociations commerciales, ça a été demandé par beaucoup, beaucoup des acteurs de la grande distribution pour pouvoir embarquer des baisses puisqu'un certain nombre de cours de matières premières sont en train de baisser, très concrètement 28 % pour les céréales, 27 % pour les oléagineux, c'est important le tournesol, le colza, le soja. Donc on a proposé très simplement un article pour éviter que les nouveaux prix arrivent au 1er mars et que les nouveaux prix arrivent au 15 janvier. Il y a donc dès demain des débats sur ce sujet.
SALHIA BRAKHLIA
Mais il ne faudrait aussi que ces négociations elles aient lieu plusieurs fois dans l'année ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Alors c'est une très bonne question, en revanche il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Nous avons aujourd'hui un problème qu'il faut résoudre en accélérant les renégociations, l'inflation alimentaire est repassée sous la barre des 10 %, ça a été annoncé en fin de semaine dernière, il faut qu'on aille plus vite et que ça doit plus concrètement dans les hypers et les supermarchés. En parallèle de ça la question elle est légitime, est-ce que le système français qui est un peu rigide en réalité avec une négociation annuelle convient encore en période d'inflation et de très forte volatilité des prix ? C'est un sujet que se posent les parlementaires, c'est un sujet dont se saisiront les parlementaires.
JÉRÔME CHAPUIS
Ça veut dire que vous pourriez aller plus loin que le projet actuel qui est simplement d'avancer ces négociations ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Pas dans le texte qui est présenté, déposé, amendé pour la commission des finances.
JÉRÔME CHAPUIS
À quel moment alors ?
OLIVIA GRÉGOIRE
À partir du moment où les parlementaires vont s'en saisir, je pense qu'il est intéressant d'avoir peut-être des auditions, je pense qu'il est intéressant puisqu'on se fait souvent critiquer pour ça, il y ait une étude d'impact, on ne légifère pas en fonction de la météo. Il y a une loi….
JÉRÔME CHAPUIS
Mais là en l'occurrence on légifère en fonction de cette inflation, une inflation qui est maintenant, depuis deux ans.
OLIVIA GRÉGOIRE
Oui mais la loi, ce n'est pas quelque chose qu'on change au gré des saisons, la loi Descrozaille, elle a été votée à l'unanimité, faut-il le rappeler.
SALHIA BRAKHLIA
On va en parler.
JÉRÔME CHAPUIS
D'ailleurs la loi Descrozaille d'un mot.
OLIVIA GRÉGOIRE
Faut-il vous rappeler aussi que je suis députée avant d'être ministre et faut-il vous rappeler que je respecte le Parlement, cette loi Descrozaille elle n'est pas encore entré en vigueur. Ok donc on parle aussi d'inflation aux législatives.
SALHIA BRAKHLIA
En mars prochain, mais on va rentrer dans les détails.
JÉRÔME CHAPUIS
On va en reparler d'ailleurs.
SALHIA BRAKHLIA
Juste une dernière question sur texte, il va être présenté demain à l'Assemblée nationale, les représentants des PME disent qu'avancer les négociations commerciales pour les grands groupes, les multinationales, ça les désavantages parce qu'elles en fait elles passent après pour les négociations.
OLIVIA GRÉGOIRE
Très juste.
SALHIA BRAKHLIA
Ce n'est pas de la distorsion de concurrence ça ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Objection retenue, je dirais même objection entendue et nous travaillons, je ne vais pas vous citer l'ensemble des associations, mais notamment avec la FEEF ET ADEPALE qui représentent les PME de l'agroalimentaire pour trouver une solution ? il y a un vrai sujet ? quand vous êtes une PME vous passez en règle générale, quand vous passez en règle générale après les gros acteurs industriels, vous n'avez plus de place dans les linéaires, donc ça n'est pas un petit sujet. Et j'ai pris ma part, je travaille avec eux depuis des semaines pour trouver une solution et qu'ils puissent négocier en termes d'ordre en fonction de leurs préoccupations, je suis sur le sujet et il y aura des échanges pendant le texte de loi sur ce sujet.
JÉRÔME CHAPUIS
Olivia GRÉGOIRE, ministre chargée des PME, du Commerce de l'Artisanat et du Tourisme, invitée de 8 :30 France-Info, on vous retrouve dans une minute juste après le fil info.
Fil Info
JÉRÔME CHAPUIS
Toujours avec Olivia GRÉGOIRE, ministre chargée des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme. Vous l'évoquiez juste avant le Fil Info, la loi Descrozaille, elle doit s'appliquer en mars prochain, elle limite à 34% les promos pour les produits d'hygiène et de soin. Les distributeurs continuent de réclamer un moratoire, c'est-à-dire au moins un report. La présidente de l'Assemblée Yaël BRAUN-PIVET, ici même, disait non il y a quelques semaines. Que dit le Gouvernement ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Le Gouvernement dit : "Ne confondons pas vitesse et précipitation."
JÉRÔME CHAPUIS
Ça veut dire qu'en fait, on ne bouge pas ? La loi entre en vigueur en mars.
OLIVIA GRÉGOIRE
Non, ce n'est pas du tout ça. Vous tirez des conclusions qui ne représentent pas ce que je viens de dire. Je viens de dire : "On ne confond pas vitesse et précipitation". Ça fait, allez, on va dire, trois-quatre ans que vous avez une à deux lois par an sur ces enjeux de négociations commerciales. Que ce soit en finance qu'en en économie, l'instabilité, c'est mauvais. Moi, je dis juste, il y a une loi, et là-dessus, je rejoins Yaël BRAUN-PIVET qui a été votée, et je le redis à l'unanimité des groupes politiques à l'Assemblée nationale, c'est assez rare, pour être souligné. Cette loi, elle n'est pas entrée en vigueur, vous le disiez, elle rentre en mars. Il me semble quand même de bon aloi, surtout en majorité relative, mais de tout temps, de respecter le Parlement. Si les mêmes parlementaires qui ont fait cette loi estiment qu'elle bute sur certains sujets du réel et qu'ils veulent la reprendre, et qu'ils veulent faire une mission pour voir comment on peut la faire bouger, nous sommes favorables à ce que le Parlement se ressaisisse de ce texte pour le challenger.
JÉRÔME CHAPUIS
Mais d'ailleurs, vous le disiez…
OLIVIA GRÉGOIRE
Mais ça n'est pas à nous, le Gouvernement, d'entrée plume.
JÉRÔME CHAPUIS
Mais vous le disiez, vous êtes aussi députée au départ, donc vous avez aussi des remontées de terrain, vous devez savoir.
OLIVIA GRÉGOIRE
J'ai surtout une première remontée de terrain quand on est député qui est qu'on doit respecter le Parlement. Ce Parlement, il a voté. Si cette loi, elle doit être challengée, je le redis simplement que les parlementaires, et je connais Frédéric DESCROZAILLE qui est un député engagé, le président de la commission des Affaires Économiques Guillaume KASBARIAN, c'est à eux de prendre l'initiative, ça n'est pas au Gouvernement de rayer d'un trait ce qui n'est pas encore entré en vigueur. Non, mais…
SALHIA BRAKHLIA
On est d'accord, mais Madame la Ministre, vous êtes chargée du Commerce.
OLIVIA GRÉGOIRE
Bien sûr.
SALHIA BRAKHLIA
Vous avez des interlocuteurs dans vos bureaux tous les jours depuis que l'inflation a grimpé. Les distributeurs, ils vous disent quoi ? Ils disent : "En fait, elle est anachronique, cette loi. Et c'est en décalage avec ce qu'on vit."
OLIVIA GRÉGOIRE
Oui, mais vous prenez… Excusez-moi, chère Salhia, et je sais que ce n'est pas votre style, mais là, vous prenez le parti des distributeurs.
SALHIA BRAKHLIA
Non, je vous valoir la… Je fais valoir leurs arguments, ils ont de l'importance.
OLIVIA GRÉGOIRE
Oui, mais je l'entends, leurs arguments, je les écoute, je les reçois, je les vois. On a un problème d'inflation…
JÉRÔME CHAPUIS
Mais c'était aussi l'argument des consommateurs.
OLIVIA GRÉGOIRE
Alors on a un problème d'inflation. Est-ce que vous plongez de la lessive ? OK ? Non. Le DPH, c'est quoi ? C'est les produits d'hygiène.
SALHIA BRAKHLIA
Mais pardon, mais les consommateurs n'achètent plus de produits de soin.
OLIVIA GRÉGOIRE
Non, mais attendez. Moi, je suis en train de vous parler… Je vous parle de…
SALHIA BRAKHLIA
C'est ce qui remonte.
OLIVIA GRÉGOIRE
Bien sûr, mais c'est un peu une espèce de Chacun cherche son chat. Les distributeurs, ici même, 3 septembre, disent : "Il faut absolument avancer le calendrier des renégociations". Moi, je suis là le 2 octobre pour vous dire : "C'est fait, ça passe demain en commission". "Ah, ben non, on a trouvé un autre sujet, c'est le DPH, le moratoire Descrozaille". "Ah, ben non, on a trouvé un autre sujet". Moi, je dois avancer aussi. Au gré des acteurs économiques, je vous le redis, je pense que la rigidité des négociations n'est plus adaptée, je pense que les parlementaires feraient bien de s'en saisir, j'y suis favorable. Je redis aussi : "Faites attention à une chose". Parce que la rigidité des renégociations, elle a été très utile quand il y avait de la déflation. Si on fait des négos au fil de l'eau, c'est pour aussi accompagner cette tendance inflationniste. Mais est-ce que ça veut dire que si l'inflation rebaisse, dans trois ans, il y aura une autre loi pour rerigidifier ?
SALHIA BRAKHLIA
Ça sera au plus près des réalités.
OLIVIA GRÉGOIRE
Il faut faire attention à ça. Et le moratoire, je le redis, si les députés estiment que ce qu'il y a dans la loi Descrozaille est à challenger, et je sais qu'ils le feront, qu'ils prennent leurs responsabilités.
JÉRÔME CHAPUIS
On va aggraver notre cas, on va redonner la parole à un distributeur, Michel-Édouard LECLERC, qui était la semaine dernière à cette place.
OLIVIA GRÉGOIRE
... c'est un plaisir de les côtoyer tous les jours.
JÉRÔME CHAPUIS
Il ne comprend pas, il ne comprend pas l'une des dispositions de la loi. Écoutez-le.
OLIVIA GRÉGOIRE
Il y en a plusieurs.
MICHEL-ÉDOUARD LECLERC
On a une autre demande à faire, qu'on va essayer de glisser dans ce débat parlementaire, est-ce que vous savez qu'en pleine période d'augmentation alimentaire, on nous oblige à prendre une marge de 10 %, sur des produits qui ne sont absolument pas produits en France ou qui n'impactent pas le revenu agricole. L'eau de Badoit, l'eau d'Evian, le jus d'orange, le café, le Nescafé, le chocolat Côte d'Or. On doit prendre 10 %. On ne produit pas de café en France, pourquoi on nous oblige à prendre des marges sur l'alimentaire ? Ça impacte un tiers du caddie des Français, donc ça c'est mon prochain combat, c'est le prochain combat de LECLERC.
JÉRÔME CHAPUIS
Des marges qui sont plafonnées, c'est un peu bizarre, non ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Le prochain combat de LECLERC, c'est bien de jeter la balle toujours en avant, mais il serait bien aussi de se préoccuper de ce qui est en train de se faire aujourd'hui. Vous savez, Michel-Édouard LECLERC, il a une considération de la souveraineté alimentaire qui est assez spécifique, et ce qui fait son charme, mais qui est assez personnelle. Vous avez vu, l'an passé il n'a pas hésité d'ailleurs, de façon un peu provocante, de rappeler qu'il n'avait aucun problème à s'approvisionner avec des produits à l'étranger, si tant est que ça fasse baisser les prix. C'est vrai que c'est très en soutien des producteurs français ce type d'attitude. Donc moi, ce que je trouve intéressant c'est que c'est cohérent.
SALHIA BRAKHLIA
Là il dit l'inverse.
OLIVIA GRÉGOIRE
C'est cohérent avec…
SALHIA BRAKHLIA
Il dit : "on est obligé de faire 10 % de marge, sur des produits qui ne sont pas produits en France".
OLIVIA GRÉGOIRE
La marge de 10 %, de grâce, rappelons à ceux qui nous écoutent et qui ne sont peut-être pas des spécialistes de l'agroalimentaire, elle sert à quoi cette marge de 10 % ? En règle générale et tout le temps, elle sert à protéger les producteurs. Il explique que quand on a des produits qui sont à l'étranger…
SALHIA BRAKHLIA
Le café. Le café ce n'est pas produit en France.
OLIVIA GRÉGOIRE
Oui, mais la loi, elle s'applique à tous. Voilà. La loi elle ne se décline pas en fonction des produits. On ne fait pas 20 000 lois parce qu'il y a 20 000 références dans les hypermarchés de monsieur LECLERC. Il y a une loi et je pense qu'en droit, je ne suis pas certaine qu'on puisse adapter un dispositif, uniquement aux produits français. Il y a ce qu'on appelle un Conseil constitutionnel, un conseil d'État, c'est des choses qui sont assez intéressantes à observer, et qui empêchent par exemple de faire des spécificités sur le marché français. Mais c'est dans la droite ligne de ce que toujours a dit Michel-Édouard LECLERC, dont la conception de la souveraineté alimentaire varie.
JÉRÔME CHAPUIS
Olivia GRÉGOIRE, il y a de très nombreux restaurants, commerces, qui refusent les Ticket Restaurant papier, parce que ça devient beaucoup trop compliqué pour eux de se faire rembourser, et en plus il y a des commissions prélevées qui sont trop importantes. Comment est-ce qu'on fait ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Deux chiffres : 5 millions de Français salariés utilisent les Ticket Resto, c'est beaucoup. Un deuxième chiffre, un quart des commerces, des restaurateurs aujourd'hui les refusent, parce que pour deux raisons : un, c'est trop compliqué ; deux, vous avez et le papier et la carte, ça se chevauche, et en un mot les commissions sont trop élevées, et les démarches sont beaucoup trop lourdes pour nos restaurateurs. C'est un sujet pour eux, ils manquent de trésorerie.
SALHIA BRAKHLIA
Alors, on fait quoi ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Je vous annonce donc deux choses : un, je lance la dématérialisation des Ticket Restaurant, et nous allons consulter et accompagner les entreprises qui sont encore au papier, pour que, avant 2026, on puisse être tout dématérialisé sur les Ticket Resto, et on accompagnera aussi les salariés pour qu'ils puissent en disposer. La dématérialisation est lancée…
JÉRÔME CHAPUIS
L'objectif, c'est quoi, c'est de simplifier ?
OLIVIA GRÉGOIRE
C'est simplifier et faire en sorte que ça coûte moins cher aux restaurateurs de prendre les Ticket Resto. Deuxièmement, j'ai missionné il y a plusieurs mois la Commission... l'Autorité de la concurrence, pour voir si le fonctionnement du marché des Ticket Resto était équitable. Nous avons les résultats dans les jours qui viennent, mais je veux être très claire, s'il y avait un dysfonctionnement de marché qui est prouvé, je n'aurais, je ne prendrai pas de temps pour plafonner les commissions sur les Ticket Restaurant, pour que les restaurateurs ne subissent pas des commissions trop élevées.
SALHIA BRAKHLIA
Mais plafonnées à combien ? Aujourd'hui, elles sont entre 4 et 5%.
OLIVIA GRÉGOIRE
Eh bien ça me donnera l'occasion de revenir rapidement chez vous, vous l'avez bien dit, elles sont entre 3 et 5 %. J'attends de voir très précisément après observation du marché, ce que dit l'Autorité de la concurrence, mais si ça démontre qu'on a un dysfonctionnement de marché, nous les plafonnerons et nous les plafonnerons plutôt au plancher qu'au plafond.
SALHIA BRAKHLIA
Sur la dématérialisation généralisée, vous dites : on va aider les entreprises, les salariés, à passer aux cartes. Ça veut dire quoi "on va aider les entreprises, les salariés" ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Eh bien ça veut dire que vous avez encore des entreprises, notamment certaines les plus petites qui n'ont pas encore fait le virage du numérique, donc il faut qu'on reçoive les organisations professionnelles pour voir ce qui bloque. Il faut aussi qu'on voit un certain nombre de sujets, j'ai l'honneur de m'occuper de l'économie sociale et solidaire, il ne faudrait pas l'oublier, et c'est vrai qu'on a un sujet pour le don aux associations par exemple, et qui me semble, enfin moi c'est essentiel pour moi, que dans la dématérialisation on puisse continuer à donner à une partie de ses Ticket Resto si on veut les donner à des assos. Voilà des points sur lesquels on doit bosser dans les prochains mois, pour pouvoir tout dématérialiser, mais je vous l'annonce : un, dématérialisation, on y va. Deux, si les commissions sont trop élevées à la suite du rapport, et ce sera remis dans les jours qui viennent, nous plafonnerons les commissions. Ça n'est pas possible d'avoir des restaurateurs dans la situation actuelle, qui ont des commissions trop élevées et qui galèrent avec les Ticket Resto. C'est un élément du pouvoir d'achat des salariés, les Ticket Resto, et ça me semble important de le simplifier.
JÉRÔME CHAPUIS
Olivia GRÉGOIRE, invitée du 8.30 France Info, on vous retrouve juste après le fil info à 08h50, Mathilde ROMAGNAN.
Fil Info
SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec Olivia GRÉGOIRE, la ministre chargée des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme. Et justement, c'est cette casquette-là dont on va parler aujourd'hui. En vertu d'un accord entre l'État et la région, la taxe de séjour en Ile-de-France devrait tripler l'année prochaine ; passer de 5 à 15 euros par jour pour un palace par exemple. Les hôteliers sont en colère car ils pensent que ça aura forcément un impact sur leur réservation et qu'au fil du temps, ils vont devoir baisser le prix de leur chambre. Le Gouvernement avait promis de ne pas augmenter les impôts. C'est différent pour les hôteliers ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Déjà, ce n'est pas le Gouvernement tout seul ; vous l'avez dit d'ailleurs, c'est avec la présidente de région. Moi, j'ai deux choses à dire pour être précise pour ceux qui nous écoutent, c'est une augmentation de 200%. L'augmentation n'est pas obligatoire, c'est un plafond, ok ? Et deuxièmement, reste à la main des collectivités locales le choix de le faire ou pas. C'est un élément qui me semble important à rappeler.
SALHIA BRAKHLIA
Mais là, en Ile-de-France, par exemple à Paris, la maire Anne HIDALGO…
OLIVIA GRÉGOIRE
Je laisserai la maire de Paris dont je connais la tendance en matière d'impôt, de prendre cette décision.
JÉRÔME CHAPUIS
Mais vous lui donnez la possibilité alors qu'elle n'avait pas cette possibilité il y a encore quelques jours ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Oui, mais on a aussi un sujet qui est important et ça fait partie des défis notre Gouvernement, qui est qu'on ne finance toujours pas la décarbonation des transports à coup de centimes. Ça coûte des milliards d'euros.
JÉRÔME CHAPUIS
Donc il faut des impôts supplémentaires pour ?
OLIVIA GRÉGOIRE
On a un enjeu d'accompagnement, notamment dans la région Ile-de-France, sur la décarbonation des transports qui sont des enjeux majeurs. Et effectivement, c'est une poche qui est ouverte, dont je rappelle à bon escient, pour les acteurs, les maires et les élus locaux qui ne sont pas obligés d'aller au maximum de l'augmentation qui est proposée. Ce n'est pas une obligation.
JÉRÔME CHAPUIS
Mais l'objectif, c'est 200 millions d'euros à peu près, c'est ça ?
OLIVIA GRÉGOIRE
C'est tout à fait ça.
JÉRÔME CHAPUIS
Non, mais ça veut dire donc vous assumez le fait que les impôts peuvent augmenter en tout cas sur ce secteur qui est celui dont vous avez la charge : le Tourisme ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Oui, c'est un secteur dont j'ai la charge. C'est un sujet qui dépasse aussi mon seul secteur que de financer cette transition écologique. Vous savez, ce qui me choque dans les débats publics et je sais qu'on a peu de temps, mais j'aurais pu aussi être à cette place et défendre l'inverse. Si nous ne l'avions pas fait, vous m'auriez à juste titre questionné sur "comment on finance cette transition qui arrive ? Vous ne prenez aucune mesure, il y a des chantiers gigantesques en Ile-de-France et vous ne faites rien." Je ne dis pas que c'est facile, je dis que c'est même possiblement compliqué. Et ce que je veux vous dire aussi, c'est que je vais surveiller et accompagner les organisations professionnelles, encore une fois, pour voir comment cette augmentation est mise en place ? Et s'il le faut, je prendrai mon bâton de pèlerin pour aller expliquer à certaines collectivités qu'il ne faut pas aller à ces niveaux-là.
SALHIA BRAKHLIA
Olivia GRÉGOIRE, nombre de maires sont en guerre contre AIRBNB, Jérôme.
JÉRÔME CHAPUIS
Oui, pour un propriétaire, louer son bien en meublés touristiques produit un avantage fiscal par rapport à la location classique. Il faut que ça change ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Pareil, vous allez vous dire décidément peut-être elle respecte trop le Parlement, c'est un sujet dont les parlementaires se sont saisis, il y a des textes notamment une proposition de loi transpartisane qui a été écrite avec plusieurs députés d'opposition. Moi ce que je sens du Parlement, c'est qu''ils ont envie de diminuer cet avantage fiscal et dans ce cadre-là, dans le cadre du Plf ce sera discuté.
JÉRÔME CHAPUIS
Mais vous semblez, vous y êtes favorable ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Moi, vous savez tous les jeudis, tous les vendredis, je suis en déplacement, ce que je vois c'est qu'l y a beaucoup de situations différentes. Voilà il y a les communes très touristiques qui ont un vrai gros problème avec AirBNB, ça pose des problèmes de logement, vous l'avez vu. Moi j'ai en charge par exemple le commerce, j'ai des problèmes de saisonniers qui n'arrivent pas à se loger dans les campings, dans les restaurants, l'été, etc… Donc c'est un énorme problème. Ça n'est pas du tout si je suis sincère et je le suis, le même problème à Saint-Malo, à Biarritz, qu'à Fontaine français ou qu'en Haute-Saône.
SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire, est-ce est qu'il faut interdire les AirBNB dans certaines zones, c'est ça la question aussi ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Moi, je reste indécrottable mon assez libérale et indécrottablement assez en faveur de la décentralisation. Donc moi l'idée peut-être qu'on rabote un peu comme on dit l'avantage fiscal parce qu'en réalité il peut aller jusqu'à des montants assez importants, pour ne pas dire plus, ne me semble pas être une mauvaise idée. Mais que ce qui me semblerait surtout important et j'aimerais bien, je crois que les parlementaires l'ont entendu, c'est aussi qu'on, peut-être on n'ait pas une règle d'airain pour tout le monde et qu'on laisse peut-être aussi un peu de libertés aux élus locaux pour adapter ou pas certaines législations sur AirBNB. Il y a des villes dans lesquelles c'est dramatique, ça crée une attrition du logement terrible, il y a des villes où c'est du pouvoir d'achat en plus. Donc je trouve toujours difficile d'avoir une position absolument la même sur tous les territoires. Je le redis sur l'avantage fiscal, on va voir ce que les députés pensent et font, mais je pense qu'il y a possiblement des évolutions en perspective.
JÉRÔME CHAPUIS
Le gouvernement et c'est l'un de vos dossiers a décidé de débloquer 24 millions d'euros pour ce qu'on appelle la France moches, ces grandes zones commerciales en périphérie des villes, quel est problème selon vous avec ces zones commerciales ?
OLIVIA GRÉGOIRE
Alors déjà je veux le rappeler, je le rappellerai à chaque fois que je serai interrogée, jamais je n'ai accolé ces deux mots de France et de l'adjectif que vous avez mis un côté. C'est toujours intéressant, moi j'adore les la communication, mais de voir que je commence mon discours….
JÉRÔME CHAPUIS
Mais vous voulez les transformer, ça veut dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
OLIVIA GRÉGOIRE
C'est important parce qu'après on dit Olivia GRÉGOIRE dit à la France moche, non.
JÉRÔME CHAPUIS
C'est moi qui l'ai dit, d'accord alors je l'ai dit, mais maintenant qu'est-ce qu'on fait.
OLIVIA GRÉGOIRE
Olivia GRÉGOIRE, elle n'a jamais dit ça. Parce que cette France que vous avez qualifiée…
JÉRÔME CHAPUIS
Je ne suis pas le seul.
OLIVIA GRÉGOIRE
Vous avez 72% des dépenses commerciales qui y sont faites, donc tous les gens qui vous écoutent disent là où je vais faire les courses ils me qualifient de France moche, bon ce qu'il y a de sûr c'est que vous avez 1500, 1800 zones d'activité commerciale dans ce pays. Les zones d'activité commerciale, elles s'étendent, elles mangent beaucoup de foncier à un moment où on en a beaucoup besoin pour réindustrialiser, pour créer des logements. Cette France-là elle était un peu bloquée pour plein de raisons, notamment pour de sombres histoires administratives où les maires étaient, on leur retirait leur permis de construire quand ils enclenchaient ce type d'opération. Donc il y avait beaucoup de choses à simplifier. Je l'ai fait dans le projet de loi réindustrialisation verte.
JÉRÔME CHAPUIS
On ne fait pas grand-chose avec 24 millions d'euros.
OLIVIA GRÉGOIRE
Si mais c'est parce que, en fait 24 millions, ce n'est pas pour intégralement transformer des zones commerciales, c'est pour permettre de cofinancer avec les collectivités locales déjà des études de préfiguration, pour voir ce que ces zones d'activité commerciale pourraient devenir parce que parfois ça coûte des centaines de milliers d'euros de rassembler des urbanistes, des architectes pour projeter la zone d'activité commerciale. Et c'est en fonction de la projection qu'on se décide dans une mairie ou dans une agglomération est-ce qu'on y va ou pas ? Quand vous êtes une toute petite commune vous N4avez pas forcément 300 000 euros à mettre pour financer ces études, donc ces 24 millions viennent cofinancer une vingtaine de projets pilotes. La première vague sera dessinée en novembre, la 2e en janvier, une sorte d'expérimentation où le gouvernement cofinance pour permettre aux élus locaux d'enclencher la transformation de ces zones commerciales. Objectif, les transformer, créer la zone d'activité commerciale des 60 prochaines années, y mettre du logement, y mettre de l'industrie et des services, c'est un sacré chantier qu'on Impulse.
JÉRÔME CHAPUIS
Et donc les premiers résultats au mois de novembre, ça vous fait une autre raison éventuellement de revenir en France Info.
OLIVIA GRÉGOIRE
Avec grand plaisir.
JÉRÔME CHAPUIS
Merci beaucoup Olivia GRÉGOIRE, ministre chargée des PME, du Commerce, de l'Artisanat, du tourisme, invitée du 8.30 France Info ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 octobre 2023