Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Et avec Léa SALAME nous recevons ce matin le ministre de la Santé et de la Prévention dans « Le grand entretien » du 7/10. Questions-réactions amis auditeurs, amis auditrices, 01 45 24 7000 et l'application de France Inter. Aurélien ROUSSEAU, bonjour.
AURELIEN ROUSSEAU
Bonjour.
LEA SALAME
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Et bienvenue à ce micro. Beaucoup de questions à vous poser ce matin, mais d'abord votre réaction au prix Nobel de médecine décerné hier à la hongroise Katalin KARIKO, vice-présidente de BioNTech, et à l'américain Drew WEISSMAN, professeur de vaccinologie à l'université de Pennsylvanie, pour leur contribution à la mise au point du vaccin ARN messager et à la mise au point du vaccin anti-Covid. Saluez-vous ce prix et ce qu'il dit, à une époque où le consentement à la vaccination peut sembler fragilisé, où la suspicion à l'égard des vaccins s'est accrue ?
AURELIEN ROUSSEAU
Je pense d'abord que c'est une très belle nouvelle et que ces deux chercheurs, Katalin KARIKO et Drew WEISSMAN, ont changé la face de l'Humanité il y a quelques années, parce que le vaccin ARN messager tout le monde en doutait et puis après tout le monde l'a voulu, et puis l'histoire personnelle de Katalin KARIKO elle est juste exceptionnelle, de cette femme née en Hongrie, partie avec son mari aux Etats-Unis, lui est ingénieur, il devient homme de ménage, sa conviction sur l'ARN messager l'a fait rétrograder à l'université, c'est aussi une histoire de ténacité, une histoire de femme, et…
LEA SALAME
Après…
AURELIEN ROUSSEAU
Concrètement, c'est ce qui a changé qui a nous a permis de stopper la pandémie, en tout cas dans l'ampleur qu'elle avait.
LEA SALAME
Vous n'êtes pas dans leur tête, mais pensez-vous que les jurés du Nobel ont aussi voulu souligner, faire un message politique, souligner la robustesse de l'ARN messager et des vaccins qui en découlent, et répondre par-là même aux antivax qui ont beaucoup mis en cause ce nouveau procédé, cet ARN messager ?
AURELIEN ROUSSEAU
Oui, c'est sûr qu'il y a quelque chose qui est incroyable dans le monde, et en France en particulier, c'est qu'il y a toujours une suspicion généralisée au pays du vaccin, moi j'étais il y a quelques jours avec les collègues ministres de la Santé à l'ONU, avec les collègues de l'OMS, quand on pense à tous ces pays qui attendent un vaccin, un nouveau vaccin contre la tuberculose, contre les tuberculoses résistantes, qui ont attendu, pendant le Covid, la générosité des pays du Nord pour en avoir, je me dis on a des réactions, quelquefois, stupéfiantes. La vaccination c'est la prévention et c'est le progrès tout de suite. Je veux dire, on est sorti du Covid grâce à ça, on peut peut-être éviter la bronchiolite dans quelques semaines parce qu'on a trouvé un traitement, un anticorps monoclonal, qui va nous en protéger, on peut avoir une génération sans cancers du col de l'utérus dans 20 ans, ça s'appelle le progrès, alors c'est sûr que c'est troublant, et en même temps les Français ont les dits rétifs, etc., quand on a lancé la vaccination ARN messager fin 2020-début 2021 tout le monde en a voulu, et là on a les stocks de Beyfortus pour…
NICOLAS DEMORAND
Pour la bronchiolite.
AURELIEN ROUSSEAU
Pour la bronchiolite, sont…
LEA SALAME
On va y venir à la bronchiolite, mais quand même vous dites on en a fini grâce au vaccin… du Covid, pas tout à fait, là il y a les chiffres qui augmentent nettement ces dernières semaines, est-ce qu'on est face à une nouvelle vague, est-ce qu'on est face à une nouvelle vague forte de Covid, qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur l'état du Covid en ce moment ?
AURELIEN ROUSSEAU
D'abord j'ai dit on en a fini avec la pandémie dans sa version la plus violente, là on est on est dans une reprise épidémique réelle, c'est pour ça que moi j'ai décidé il y a 15 jours d'avancer de 15 jours la vaccination, donc depuis hier on peut à nouveau être vacciné, on peut être vacciné avec un très bon vaccin, je dis ça pourquoi, parce que l'an dernier à la même date on avait deux souches sur le territoire national, aujourd'hui on en a une qui est très largement dominante et le vaccin correspond à cette souche, donc il faut absolument pour les personnes fragiles, pour ceux qui sont en contact avec les personnes fragiles, pour les femmes enceintes, il faut faire ce rappel vaccinal. On n'a pas d'alerte sur la dangerosité particulière…
LEA SALAME
De la nouvelle souche.
AURELIEN ROUSSEAU
De la nouvelle souche, on a effectivement, on le voit tous autour de nous, pas mal de gens qui ont le Covid, et il faut que - alors je sais bien, ça paraît lassant à force de le dire – mais c'est le masque, les gestes barrières, qui vont nous permettre de franchir cette étape-là, et petit à petit les immunités croisées, comme on dit, vont faire que l'impact sera moins fort, mais pour l'instant il faut protéger les personnes fragiles.
NICOLAS DEMORAND
L'an dernier seuls 20 % des plus de 60 ans éligibles à la nouvelle dose en avaient reçu une, l'Ordre des médecins parlait alors d'un déficit d'engouement, cette année comment vous allez les convaincre alors, et est-ce que vous avez un objectif sur cette classe d'âge-là, et en population générale, un objectif de taux de vaccination ?
AURELIEN ROUSSEAU
Je n'ai pas d'objectif chiffré, en tout cas effectivement 20 c'était un chiffre beaucoup trop faible, et je pense qu'on a une responsabilité collective vis-à-vis des personnes fragiles parce qu'il y a eu, encore l'an dernier, des morts, et des centaines de morts, du Covid…
LEA SALAME
Oui, mais on ne va pas les forcer, donc comment vous pouvez convaincre ce matin ceux qui nous écoutent d'aller tout à l'heure se faire vacciner ?
AURELIEN ROUSSEAU
Je leur dis qu'on a un vaccin qui est plus efficace, il est plus efficace que celui de l'an dernier, il correspond parfaitement aux souches, et on a un vaccin, dont maintenant on a 3 ans de recul, on sait qu'on n'a pas d'effets secondaires, et donc il faut y aller, et par ailleurs on est dans un climat global où j'espère qu'on arrive à porter, sur papillomavirus, sur la bronchiolite, sur le Covid, sur la grippe, il y a une dynamique, moi je veux montrer que la prévention, la vaccination, c'est le progrès.
LEA SALAME
Et que ça marche. Le papillomavirus c'est la grande campagne de vaccination que vous avez lancée hier, on rappelle que la France est très en retard, seulement 42 % des filles de 15 ans ont été vaccinées, 8 % des garçons, et si on compare par exemple à la Grande-Bretagne c'est 80 % qui sont vaccinés, l'Australie c'est 90 %, ils ont quasiment réussi à mettre fin, à éradiquer le cancer du col de l'utérus, qui est donc le produit de ce papillomavirus. Vous avez donc décidé qu'en France tous les enfants de 5e, garçons et filles, pourront être vaccinés avec l'accord de leurs deux parents, tous les enfants de 5e, sauf les élèves du privé, même sous contrat, c'est-à-dire 20 % des élèves français, pourquoi vous avez signé, ce n'est pas vous, c'était votre prédécesseur, avec le ministre de l'Education nationale de l'époque Pap NDIAYE, pourquoi vous avez exempté les écoles privées même sous contrat de cette campagne de vaccination, pourquoi vous avez fait ça ?
AURELIEN ROUSSEAU
Aujourd'hui il y a 7000 collèges dans lesquels il va y avoir des opérations de vaccination, dont 1500 qui sont dans le privé, et moi je, je, je… évidemment à la fin ce sont les enfants et leurs parents qui décident, mon objectif il est très clair, c'est d'avoir la meilleure info possible, vous l'avez dit c'est un vaccin sur lequel on a beaucoup de recul, il y a eu 300 millions de doses dans le monde, et tous ceux qui agitent quelque chose autour de, ça serait une incitation à la débauche, ou que sais-je…
LEA SALAME
Ça c'est les écoles privées, parlons clairement, qu'est-ce qui se passe avec les écoles privées sur ça, il y a un blocage ?
AURELIEN ROUSSEAU
Je pense qu'il y a quelque chose autour de, si on prononce les mots, ça protège de quoi ? ça protège du cancer du col de l'utérus, du cancer de l'anus, du cancer du vagin, du cancer de la vulve, peut-être que certains trouvent que c'est choquant de dire ces mots, les enfants de 5e ils ont tous entendu ça, qu'ils soient dans le public ou dans le privé, et je vais vous donner un scoop, on injecte un vaccin, on n'injecte pas le démon, donc du coup moi je le dis, que les parents, et les enfants, en conscience, ne veuillent pas faire la vaccination, je comprends, mais que des établissements ou des structures disent « on n'organise pas », là on a un problème majeur…
LEA SALAME
Mais vous les avez aidés puisque vous avez signé une circulaire pour leur dire « vous avez le droit de choisir. »
AURELIEN ROUSSEAU
Non, aujourd'hui à 1500 établissements privés, et on va vérifier que qu'ils soient engagés, et puis par ailleurs c'est une campagne qu'on fera chaque année, et donc moi je crois aussi beaucoup à ce qu'on peut collectivement progresser, et oui on peut éradiquer…
NICOLAS DEMORAND
Mais enfin c'est un angle mort là, vous le reconnaissez tout de même ?
AURELIEN ROUSSEAU
C'est un angle mort qui est, à ce stade, petit, mais sur les 1500, il y a 7000 collèges, on a 200 équipes, on va vacciner dans les collèges, pour l'instant on a une assez bonne…
LEA SALAME
Pourquoi vous ne cassez pas cette circulaire, pardon, je ne comprends pas, c'est vous-même qui signez une circulaire pour exempter les écoles privées et après vous nous dites c'est un angle mort, pourquoi… ?
AURELIEN ROUSSEAU
Alors ce n'est pas moi qui ai signé de circulaire…
LEA SALAME
Je sais que ce n'est pas vous, j'ai précisé.
AURELIEN ROUSSEAU
Je le redis, parce qu'une campagne de vaccination, pardon, c'est une logistique énorme, donc on est parti sur cette idée aussi, commencer une campagne par une polémique sur un petit sujet, enfin en volume, je parle en volume…
LEA SALAME
Là ça y est, on y est.
AURELIEN ROUSSEAU
Voilà, et moi je pense que la raison, au sens le plus noble du terme, va l'emporter sur tout le reste.
NICOLAS DEMORAND
Aurélien ROUSSEAU, autre sujet, la bronchiolite, SANOFI et ASTRAZENECA ont commercialisé le Beyfortus, traitement contre cette maladie, alors là succès foudroyant, vous tabliez sur 20 % d'adhésion des parents, on est à 80 %, il y a pénurie dans les pharmacies, qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce que vous dites aux parents qui n'en trouvent pas pour leur bébé, patience ça arrive ou il va vraiment falloir attendre ?
AURELIEN ROUSSEAU
Alors d'abord retour en arrière de quelques mois, juste parce que mon prédécesseur, François BRAUN, en mars, les labos que vous avez cités viennent le voir en lui disant « on a un traitement, on pense que ça va marcher, on n'a aucune autorisation, est-ce que vous en achetez ? », François BRAUN il a fait le choix courageux d'en acheter. Les sociétés savantes disent « on aura 10 % d'adhésion parce que c'est une première… »
NICOLAS DEMORAND
(…)
AURELIEN ROUSSEAU
Les sociétés savantes elles disent 10, parce que c'est une première et en France le rapport etc., bon, François BRAUN fait le choix d'en acheter 30% de la classe d'âge, donc 200.000 doses, il y a quatre pays au monde qui achètent du Beyfortus. Aujourd'hui n'aurait-on pas eu l'autorisation, on serait en train de jeter des doses d'un truc qu'on aurait acheté qui ne marche pas, je pense que j'aurais une autre discussion avec vous, il se trouve, et c'est une excellente nouvelle, que…
LEA SALAME
Que ça marche.
AURELIEN ROUSSEAU
En maternité, on a un taux d'adhésion entre 60 et 80 %, et donc à partir de là, c'est là que le politique d'une certaine manière doit reprendre ses droits et décider, et moi je me suis entouré évidemment de scientifiques qui disent « les cas les plus graves l'an dernier dans les 45.000 hospitalisations pour bronchiolite, ceux qui sont allés en réa pédiatrique, c'est les tout petits, c'est des enfants de quelques jours », donc la priorité des priorités c'est les maternités, donc les maternités elles auront du Beyfortus tout au long de la saison et il y a eu déjà 50.000 doses qui ont été mises en pharmacie, croyez bien que chaque jour, à peu près, je parle aux dirigeants de ces labos pour augmenter les productions…
LEA SALAME
La cadence.
AURELIEN ROUSSEAU
Pour en avoir plus, pour, voilà, mais en attendant tous les nourrissons seront protégés, qui le voudront, quand ils naissent en maternité.
LEA SALAME
Puisqu'on est sur les médicaments et les éventuelles pénuries de médicaments, est-ce qu'on va revivre les pénuries de médicaments de l'hiver dernier, est-ce qu'on trouvera, vous garantissez ce matin, qu'on trouvera du Clamoxyl, de l'Augmentin, du Doliprane, dans les pharmacies cet hiver, ou ça va être la galère encore ?
AURELIEN ROUSSEAU
Alors ce que je peux vous dire c'est que depuis l'an dernier on a mis 450 médicaments sous surveillance, l'Agence nationale de sécurité du médicament surveille au jour le jour les stocks des pharmacies, d'ailleurs elle fera un point cet après-midi, simultanément on relocalise en France, et le président de la République l'a annoncé, la production de 25 médicaments stratégiques. aujourd'hui, et c'est là qu'il faut toujours être dans les mots prudents, aujourd'hui, d'un point de vue global, on a les stocks pour l'hiver en matière notamment, vous citiez l'Amoxicilline, donc l'antibiotique le plus courant, mais par contre on a des répartitions, et notamment les plus grosses pharmacies, qui ont fait des surstocks, comme ça peut exister, donc moi j'ai pris la décision de redonner à ceux qui font la répartition la responsabilité que toutes les pharmacies, y compris les plus petites, aient accès à ces stocks, globalement on a les stocks d'Amoxicilline, on les a, et puis évidemment ça va dépendre de l'intensité des épidémies, c'est pour ça qu'on se bagarre sur la bronchiolite, c'est pour ça qu'on se bagarre sur la vaccination, sur la grippe aussi
source : Service d'information du gouvernement, le 4 octobre 2023