Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est 8h34, merci d'être avec nous, vous savez que vous pouvez réagir, 0 826 300 300, aux réponses données par mon invité politique, mais aussi aux questions, réagir à toutes les questions d'actualité du jour, tout à l'heure après les infos de 9h, vous appelez et vous êtes à l'antenne, évidemment on a besoin de vous, on aime cela. Roland LESCURE, ministre délégué à l'Industrie, est notre invité ce matin, Roland LESCURE bonjour.
ROLAND LESCURE
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous.
ROLAND LESCURE
Merci à vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, industrie verte, planification écologique, énergie, production de médicaments, nous allons évoquer ces sujets, d'autres aussi, mais je commence avec l'un des débats du moment, les logements dits passoires énergétiques classées G seront interdits à la location à partir du 1er janvier 2025, "une bombe sociale", dit, parmi d'autres, Édouard PHILIPPE, est-ce qu'il se trompe ?
ROLAND LESCURE
En tout cas il était Premier ministre quand on a discuté de cette mesure et je dois reconnaître qu'il était déjà assez réservé à l'époque.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Réticent.
ROLAND LESCURE
Donc je lui reconnais ça. L'objectif il est quoi ? aujourd'hui on a des gens qui louent des passoires thermiques, qui ont des factures électriques, du coup, chères, en moyenne une facture d'électricité en France c'est 2 000 euros par an, il y a des gens qui payent 3 000, 4 000 euros parce que leur logement est mal isolé, alors le propriétaire, lui, ne paye pas les travaux, mais c'est le locataire qui paye la facture, donc l'objectif de cette mesure c'était de forcer, et donc du coup c'est un peu coercitif, je le comprends, les propriétaires, à rénover, pour que les locataires payent moins cher. Il y a des aides pour ça, elles ne sont peut-être pas suffisantes, mais en tout cas on a deux ans pour le faire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment voulez-vous qu'un petit propriétaire, qui a peu de moyens, puisse rénover son logement ?
ROLAND LESCURE
Oui, alors il y a des petits propriétaires en France…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y en a beaucoup.
ROLAND LESCURE
Oui, et il y a aussi beaucoup de moins petits propriétaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai, c'est vrai.
ROLAND LESCURE
Et, au fond, ce qu'on dit là, et je reconnais que ce n'est pas facile parce que deux ans pour rénover, à un moment où en plus l'industrie du bâtiment ne se tient pas forcément très bien…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux ans, même pas deux ans, un peu plus d'un an.
ROLAND LESCURE
Oui, enfin la rénovation elle-même ça peut être assez rapide, et puis c'est uniquement pour vraiment les passoires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
G.
ROLAND LESCURE
G, donc c'est vraiment… non, mais c'est des logements qui fuient, c'est-à-dire il faut quand même qu'on comprenne de quoi on parle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais il y en a beaucoup.
ROLAND LESCURE
Oui, mais malgré tout, si à un moment on ne fait rien, on continuera à rien faire, c'est-à-dire qu'on dira on ne fait rien pour le réchauffement climatique, on ne fait rien pour les factures énergétiques des Français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas question de reporter la mesure ?
ROLAND LESCURE
En tout cas, aujourd'hui, il faut que les gens fassent les travaux, ceux qui le peuvent, et il faut qu'on voit, parce que ça c'est un vrai sujet, comment on peut aider davantage ceux qui ne peuvent pas, parce qu'effectivement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils seront aidés davantage ?
ROLAND LESCURE
Il faut qu'on y réfléchisse, ça ne sera peut-être pas dans ce budget-ci, je le répète, on a encore un an et demi, mais je pense qu'on doit profiter des mois qui viennent pour réfléchir à la manière de mieux aider ceux qui rénovent. Vous savez que les logements aujourd'hui sont un peu en crise, on a du mal à construire de nouveaux logements, on a du mal à acheter et vendre de nouveaux logements, la rénovation ça peut être une bonne réponse à cette crise du logement parce que ça fait travailler évidemment la construction.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la date d'interdiction sera maintenue ?
ROLAND LESCURE
Oui, moi je pense que oui, on l'a votée, je l'ai votée, j'étais député, il n'y a pas de raison qu'on remette en cause des choses qui ont été votées à l'Assemblée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Autre actualité du jour, les retraites, et notamment les retraites complémentaires. Dans "Les Echos" hier, ça ne vous a pas échappé, le président du MEDEF a mis en garde le gouvernement, pas question de toucher aux excédents du régime Agirc-Arrco, géré par les partenaires sociaux, ce sont les retraites complémentaires, allez-vous renoncer à ponctionner les réserves du régime Agirc-Arrco ?
ROLAND LESCURE
Alors, ce n'est pas de la ponction, c'est de la redistribution d'une retraite à une autre, sachant que le système de retraite Agirc-Arrco, on le sait, il est aujourd'hui excédentaire du fait de la réforme des retraites qu'on a votée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais aussi du fait des créations d'emplois…
ROLAND LESCURE
Mais bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des augmentations de salaires.
ROLAND LESCURE
Bien sûr, et tant mieux, et tant mieux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien oui, tant mieux.
ROLAND LESCURE
Mais tout ça, ça va veut dire quoi ? ça veut dire qu'aujourd'hui il y a deux manières d'équilibrer nos systèmes de retraite, une, vous l'avez dit, par l'emploi et les salaires, et tant mieux, on en est en partie responsable, Monsieur MARTIN sans doute aussi, mais nous aussi, l'emploi monte alors qu'il réduit partout, les salaires augmentent, on ne le dit pas assez, ça ça fait plus de cotisations. Puis par ailleurs on a une bombe démographique, là en l'occurrence, qui fait qu'on a de moins en moins de gens qui vont travailler, de plus en plus de gens qui vont partir à la retraite, qu'il faut équilibrer tout ça, évidemment on n'est pas en train de vider les caisses de l'Agirc-Arrco, on parle de 1 à 2 milliards qui vont être transférés au régime général, donc qui vont contribuer aussi à la solidarité nationale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui, mais c'est du paritarisme l'Agirc-Arrco, c'est géré par les partenaires sociaux, le patronat et les syndicats, l'État vient s'immiscer dans cette gestion, l'État vient ponctionner, est-ce que ce n'est pas un détournement de fonds, je vais jusqu'au bout, Roland LESCURE ?
ROLAND LESCURE
Non, clairement non…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui, clairement.
ROLAND LESCURE
L'État n'est pas un cambrioleur de l'Agirc-Arrco, l'État est un…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il vole l'argent, pardon, des Français.
ROLAND LESCURE
Non, non, non, l'État ne vole rien, attention…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais…
ROLAND LESCURE
Il faut faire attention quand même, on est dans un État de droit, une démocratie, dans lequel le Parlement vote des lois et des mesures, qui sont ensuite appliquées. Aujourd'hui l'État, les syndicats, les représentants des patrons, des dirigeants d'entreprise, ce sont les trois piliers du modèle social français, l'État n'est pas exclu de tout ça. Je vais vous donner un exemple. Quand il y a 10 ans, quand il y a 20 ans, le chômage était en déficit, est-ce qu'on a dit, quand l'État a remis au pot pour recapitaliser le système de l'assurance chômage, que les partenaires sociaux faisaient les poches de l'État ? non. On doit aujourd'hui être solidaire. Moi j'adore qu'on divise tout le monde, mais au fond, le modèle social français, si on veut le pérenniser, il va falloir que tout le monde fasse sa part du boulot, et je dirais merci aux partenaires sociaux de bien gérer ce système, ils vont continuer à le faire, qu'ils puissent contribuer, un peu ,à l'équilibre général du système de retraite, je pense que c'est un beau retour à l'envoyeur parce que les réformes, qu'on a votées, et sur lesquelles on n'a pas été beaucoup soutenus, ni par les uns, ni par les autres, moi je n'ai pas beaucoup entendu, ni Patrick MARTIN, ni son prédécesseur, nous soutenir, je dirais avec force, sur une réforme des retraites qui était courageuse et qu'on était les seuls à tenir. Donc, oui, on va continuer à réformer, oui on va continuer à équilibrer les retraites, avec eux, et avec nous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Roland LESCURE, taxation des sociétés gestionnaires des aéroports, taxation des sociétés d'autoroutes, des taxes qui augmentent, ce sont des impôts qui augmentent, qui va payer, le consommateur ?
ROLAND LESCURE
Alors non, je l'espère bien. Clément BEAUNE, qui est ministre des Transports, a déjà dit qu'il s'assurerait que les tarifs, péages des automobiles, n'augmenteraient pas, du côté des aéroports, c'est les compagnies aériennes qui vont payer, donc je n'exclurais pas que ça se retrouve un peu sur le prix des billets.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc le consommateur paiera.
ROLAND LESCURE
Probablement, en partie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui.
ROLAND LESCURE
Les autoroutes aujourd'hui, elles ont des concessions long terme, confiées dans le cadre d'un contrat qui date maintenant d'une bonne quinzaine d'années par l'État, qui leur ont permis, je dirais à la fois d'investir dans les autoroutes françaises, qui sont parmi les meilleures au monde, mais aussi de très bien gagner leur vie, qu'on envisage de prélever une partie, une partie de ces revenus, là encore face à un défi économique extrêmement important, je dirais ce n'est pas la fin du monde, voilà, je le dis comme ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, la taxe sur les superprofits des raffineurs…
ROLAND LESCURE
Oui, je n'aime pas trop cette appellation, mais c'est vrai que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle sera reconduite ou pas ?
ROLAND LESCURE
En tout cas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
En 2024.
ROLAND LESCURE
On l'a votée en 22-23, et là encore l'État n'a fait les poches personnes, ça lui aurait permis, ça nous a permis de financer le bouclier énergétique, on a fait en sorte que la facture énergétique des Françaises et Français, elle est inférieure à toutes les autres en Europe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais vous en parler de la facture d'électricité dans un instant.
ROLAND LESCURE
Non, mais c'est important, c'est-à-dire qu'on donne parfois l'impression que l'État arrive comme un Rapetou et qu'il fait les poches de tout le monde, non, l'État il finance des politiques publiques, et il aide les Françaises et les Français à faire face à une crise, qui est liée à une guerre qui est aux portes de l'Europe, qu'on n'avait pas connue depuis des dizaines d'années, c'est ça qu'on fait aujourd'hui, on verra, le débat parlementaire nous enrichira, sur le fait de savoir si on poursuit ou pas ce genre de taxation. Je ne suis pas du genre à pointer du doigt les entreprises qui gagnent de l'argent, que les entreprises gagnent de l'argent c'est très bien, ça permet d'investir et de créer de l'emploi, mais quand on a ce qu'on appelle une rente, c'est-à-dire à profit un peu exceptionnel, qui vient du fait que le pétrole a monté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Multiplié par cinq en trois mois pour les raffineurs, entre juillet et septembre.
ROLAND LESCURE
Voilà, donc il n'est pas forcément anormal qu'on redistribue une partie de cette rente, et là encore ce n'est pas le ministre de l'Industrie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un amendement sera déposé allant dans ce sens d'ailleurs, Roland LESCURE.
ROLAND LESCURE
On verra, mais vraiment, là-dessus on verra le débat parlementaire. On dit souvent qu'on bâillonne le Parlement, je peux vous dire que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous y êtes favorable, au gouvernement ?
ROLAND LESCURE
Moi je pense qu'on peut continuer cet effort un an de plus, on va dire comme ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un an de plus.
ROLAND LESCURE
L'essence est chère.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cette taxe sur les raffineurs, un an de plus. De nombreux fabricants de pompes à chaleur en France, il y en a beaucoup, on va parler des pompes à chaleur, beaucoup, parce que c'est un pan industriel important pour l'avenir, beaucoup de fabricants, mais ce sont souvent des assembleurs, les fabricants, de produits venant de l'étranger, est-ce que vous allez mettre en place une nouvelle filière industrielle ?
ROLAND LESCURE
Oui Aujourd'hui il y a à peu près 30000 pompes à chaleur qui sont fabriquées en France, en fait il y a à peine 60 % de contenus français, c'est-à-dire qu'il y a des pièces françaises, il y a beaucoup notamment d'électronique qui vient d'Asie il y a trois entreprises françaises qui font des pompes à chaleur, fabriquées en France, qui sont prêtes à investir, il faut qu'on les accompagne, on les accompagne de deux manières d'abord on est dans l'installation d'usines, on a voté, à l'Assemblée et au Sénat, un projet de loi dit industrie verte qui va mettre en place des crédits d'impôts pour les usines qui s'installent en France et qui font du vert, donc l'éolien, le solaire, les batteries électriques, et les pompes à chaleur, donc on va les aider à s'installer, et puis surtout, on parlait tout à l'heure de la rénovation thermique, on va inciter les Françaises et les Français à acheter français et européen. Aujourd'hui une pompe à chaleur ça coûte entre 10 et 15.000 euros, c'est cher une pompe à chaleur, la chaudière à gaz c'est à peu près deux fois moins, il y a des aides, mais ces aides aujourd'hui elles sont les mêmes que vous achetiez une pompe à chaleur qui vient du bout du monde ou une pompe à chaleur qui est produite de manière plus verte en France ou en Europe, donc ça on va le changer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
ROLAND LESCURE
On va faire en sorte que les primes à l'installation, au fur et à mesure qu'on développe la filière, parce que moi je veux continuer à ce qu'on puisse installer des pompes à chaleur en France, soit réservée aux pompes à chaleur made in France, made in Europe, on le fait pour les voitures déjà. Dès 2024 on va le faire pour les véhicules électriques et on va le faire aussi sans doute en 25 parce qu'il faut qu'on développe l'industrie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les aides seront réservées aux voitures électriques en 2024, on le sait.
ROLAND LESCURE
Faites en Europe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Fabriquées en France et en Europe, même chose pour les pompes à chaleur.
ROLAND LESCURE
On ira mais je pense l'année suivante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En 2025.
ROLAND LESCURE
Parce qu'il faut qu'on développe la filière.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr.
ROLAND LESCURE
I faut qu'on puisse faire fois 3 sur les productions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on aura des aides.
ROLAND LESCURE
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si on installe des pompes à chaleur fabriquées en France ou en Europe.
ROLAND LESCURE
Il n'y a aucune raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En France ou en Europe.
ROLAND LESCURE
Mais bien sûr, moi je suis convaincu que pour réconcilier, vous savez fin du monde, fin du mois, donc l'écologie et l'économie. Il faut qu'on puisse faire la transition écologique et la révolution industrielle qui va avec, c'est-à-dire qu'il faut qu'on produise en France ce qui va nous permettre de verdir notre économie, sinon on va continuer à subventionner l'industrie chinoise, indienne et autres, franchement ce n'est pas mon intérêt.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pour les voitures électriques comme pour les pompes à chaleur mais notamment pour les pompes à chaleur il faut beaucoup d'électricité.
ROLAND LESCURE
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La France va-t-elle réellement pouvoir fixer le prix de son électricité ? Le prix de vente aux consommateurs et à l'entreprise.
ROLAND LESCURE
Le président de la République l'a annoncé. Donc on est, le président de la République l'a annoncé à l'occasion de la planification écologique, on va reprendre le contrôle sur le prix de l'électricité pour les ménages et les industriels, c'est très important parce que si on veut industrialiser, il faut de l'énergie pas chère et décarbonée, ça tombe bien on en a et donc on va changer le mode de, ce qu'n appelle, de régulation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ?
ROLAND LESCURE
On va fixer les règles d'ici la fin du mois. Maintenant attention.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va fixer les règles d'ici la fin du mois.
ROLAND LESCURE
Mais les règles actuelles s'appliquent, il y a ce qu'on appelle l'ARENH, jusqu'à 2025. Donc ce qu'on veut c'est donner de la visibilité aux industriels pour qu'ils sachent au-delà de 2025, je dirais à quelle sauce ils vont être mangés. Et donc son à faire c'est très simple, c'est pour une bonne partie de la consommation, c'est des choses qu'on est en train de discuter avec notre producteur national.
JEAN-JACQUES BOURDIN
EDF.
ROLAND LESCURE
On va fixer un plafond qui va à la fois permettre de limiter les hausses de marché quand le marché fait le yoyo comme il l'a fait l'année dernière et d'assurer évidemment le développement économique d'EDF.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel est le plafond ?
ROLAND LESCURE
C'est-ce qu'on est en train de négocier
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes en train de négocier avec EDF.
ROLAND LESCURE
On reviendra.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais EDF appartient à l'État donc…
ROLAND LESCURE
Exactement et le président de la République l'a lui aussi rappelé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que ça veut dire que les Français paieront une électricité un peu au-dessus du coût de production mais pas beaucoup plus ?
ROLAND LESCURE
Exactement mais attention c'est déjà le cas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dès 2024 ?
ROLAND LESCURE
Non mais c'est déjà le cas Jean-Jacques BOURDIN, aujourd'hui la seule différence, c'est que c'est l'Etat qui paye la facture, mais le bouclier énergétique fait que, je le répète quand même, l'électricité en France…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui.
ROLAND LESCURE
Exactement et donc l'idée…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bouclier énergétique jusqu'à quand ?
ROLAND LESCURE
Alors il va être progressivement levé puisque maintenant l'électricité a retrouvé des niveaux normaux et ensuite il faut qu'on puisse donner de la visibilité aux ménages et aux entreprises, il faut leur dire jusqu'à la nuit des temps parce que et ce n'est pas pour rien, ce n'est pas pour faire les poches là encore de qui que ce soit, parce que les Françaises et les Français ont investi dans un parc nucléaire il y a maintenant 50 ans, 40 ans et que ce parc nucléaire il nous permet d'avoir de l'électricité décarbonée pas chère mais il faut que tout le monde en profite, les industriels qui vont réinstaller des usines en France, pompe à chaleur, les véhicules automobiles et autres et vous et moi quand on paye notre facture.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Puisqu'on parle de nucléaire, le nucléaire civil je précise en France, 56 réacteurs, 18 centrales, combien de réacteurs sont en activité maintenant, ça va beaucoup mieux ?
ROLAND LESCURE
Alors ça va beaucoup mieux. Je n'ai pas le chiffre exact à aujourd'hui mais on est dans une logique où on aura 80, 90 % des réacteurs qui seront en pleine puissance à l'hiver. Vous savez que c'est saisonnier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc aucun danger, nous ne manquerons pas d'électricité cet hiver ?
ROLAND LESCURE
Alors on ne manquera pas d'électricité cet hiver, pour autant moi j'engage tout le monde à continuer les efforts, ce qu'on appelle de sobriété, c'est-à-dire à 19 degrés finalement on dort mieux, restons sur ces efforts parce que ça nous a permis de limiter la facture d'électricité des Françaises et des Français et aussi la facture énergétique parce que il y a des moments où on a manqué d'électricité l'année dernière, on a dû aller chercher chez nos amis allemands qui eux font du charbon et du gaz.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On en a acheté.
ROLAND LESCURE
Donc vraiment continuons les efforts de sobriété, mais non on n'aura pas de problème d'électricité cet hiver et merci EDF, merci les techniciens et les sous-traitants d'EDF.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et merci le nucléaire.
ROLAND LESCURE
Et merci le nucléaire évidemment. On va continuer à développer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La France qui est redevenue le premier exportateur d'électricité en Europe.
ROLAND LESCURE
Oui et puis on va continuer à faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va continuer à faire, à propos de nucléaire, quand sera mis en service l'EPR de Flamanville, depuis dimanche, le début de la semaine, les essais ont commencé à Flamanville.
ROLAND LESCURE
Exactement et en gros entre le début des essais opérationnels et la mise en puissance totale d'un EPR, ça prend 18 mois. La semaine dernière en Finlande on a inauguré un EPR, ça faisait 18 mois qu'il tournait en fait, mais l'inauguration a consisté à dire : ça y est, il marche à pleine vitesse. Donc il va commencer à livrer des électrons dans les foyers français dès 2024 et il sera sans doute en pleine puissance fin 24-début 25.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Fin 24-début 25, pleine puissance pour Flamanville. Roland LESCURE, sur les voitures électriques pour les ménages les plus modestes il y a évidemment des aides, même si elles ne sont pas suffisantes pour beaucoup de ménages. Alors il y a cette proposition de leasing à 100 euros par mois, une voiture électrique, 100 euros par mois batterie comprise ?
ROLAND LESCURE
Oui bien sûr, tout est compris.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout compris 100 euros par mois. Dans un premier temps, combien de bénéficiaires ? Assez peu ?
ROLAND LESCURE
Assez pu, on va être en rodage, c'est le cas de le dire. Donc on va roder un nouveau dispositif. Là encore moi je souhaite que ces véhicules soient des véhicules fabriqués en France et en Europe, et on est en train de monter en puissance du côté des véhicules. Aujourd'hui il y a 130.000 à peu près véhicules faits en France, on en veut un million. C'est sûr que quand on aura un million de véhicules, ce sera plus facile de faire 100 ou 150.000 leasings par an ; là, on n'est pas là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Première année, l'objectif ?
ROLAND LESCURE
Allez, 10-20.000, on va dire. Vraiment du rodage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
10-20.000 en 2024.
ROLAND LESCURE
Après, si on est victime de notre succès, on accélérera la production mais aujourd'hui c'est un nouvel objet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
10-20.000 voitures, ce n'est pas énorme en leasing pour la première année.
ROLAND LESCURE
On en produit 130.000 en France. Quand on en produira un million, on pourra faire 100 ou 200.000. Mais moi, je le répète, je n'ai pas envie qu'on nourrisse la production automobile du bout du monde. Je veux qu'on produise français
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ce seront des voitures françaises et européennes, évidemment, qui seront en leasing.
ROLAND LESCURE
On fera un appel d'offres et je ne doute pas qu'on les regarde avec un œil favorable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elles seront privilégiées.
ROLAND LESCURE
On fera un appel d'offres. Non mais c'est important, parce qu'au-delà… On tiendra compte du bilan environnemental. Vous l'avez dit, les véhicules électriques français sont fabriqués avec de l'électricité décarbonée, ça c'est un avantage énorme. Social, on a des entreprises qui sont responsables en France et en Europe sans doute un peu plus qu'ailleurs. Donc évidemment, on va se concentrer sur des véhicules qui sont bien produits.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai 3 questions encore Roland LESCURE. La France est championne de l'industrie verte, c'est votre objectif.
ROLAND LESCURE
Oui, c'est l'objectif, on n'en est pas encore là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On n'en est pas encore là. Est-ce que les entreprises cotées en bourse seront obligés d'élaborer une stratégie climat et durabilité ?
ROLAND LESCURE
Eh bien vous savez quoi ? Elles le sont déjà et il n'y en a à peu près que 50 % qui remplissent ces obligations. Dans le projet de loi industries vertes, on a renforcé les obligations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça ne plaît pas à Monsieur MARTIN, le président du MEDEF.
ROLAND LESCURE
Oui mais Monsieur MARTIN, il est gentil. Moi je vois des chefs d'entreprise toutes les semaines, moi la semaine dernière…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est président du MEDEF.
ROLAND LESCURE
Oui. Mais les chefs d'entreprise, il l'est aussi, auxquels je parle, moi j'ai inauguré une usine de semi-conducteurs à Grenoble, SOITEC, extrêmement innovante qui réduit sa consommation d'eau, c'est important, et d'électricité de 20 à 25%. Pourquoi ? Pas pour me faire plaisir, parce que les chefs d'entreprise aujourd'hui ils sont convaincus que s'ils veulent attirer des jeunes, s'ils veulent faire plaisir à leurs clients, s'ils veulent que les investisseurs les suivent, ils doivent faire cette transition. Et franchement, le fait qu'une entreprise cotée aujourd'hui fasse un bilan de ses émissions de gaz à effet de serre et un plan de réduction, j'allais dire mais c'est une évidence. Ceux qui ne le font pas n'ont pas compris le monde dans lequel on est, y compris d'ailleurs pour des raisons économiques. Si vous voulez vendre vos produits demain, il va falloir expliquer à ceux qui vous les achètent combien il y a de carbone dedans, sinon ils ne vous les achèteront pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Roland LESCURE, pénurie et production de médicaments, où en est-on de la relocalisation ? Aujourd'hui, nous sommes le 5e producteur européen à peu près, nous étions le premier il y a une dizaine d'années. 2071 usines de production en France aujourd'hui de médicaments, je ne me trompe pas ?
ROLAND LESCURE
Non, non, je suis impressionné par la précision de vos chiffres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, 271 lignes de production, combien demain ?
ROLAND LESCURE
L'objectif, alors ce n'est pas forcément un médicament = une usine mais c'est 50 médicaments qu'on va rapatrier, 25 à court terme. On a déjà fait du paracétamol, pas seulement le cachet mais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quels médicaments ?
ROLAND LESCURE
En fait, on a identifié à peu près 600 médicaments importants. Ça ne veut pas dire qu'on va tous les faire en France, s'ils sont faits en Allemagne, en Espagne ou en Italie ça me va. Mais sur ces 600, il y en a quelques dizaines sur lesquels on est trop dépendants d'un seul producteur qu'il faut qu'on rapatrie. On parlait du paracétamol, de l'amoxicilline, des médicaments pour lutter contre le diabète, donc on a un plan de relocalisation. On a mis de l'argent de côté dans France 2030 pour là encore financer des usines. Après c'est un peu compliqué parce qu'on veut que tout ça ne nous coûte pas trop cher, parce que derrière évidemment c'est la Sécu qui paye. Donc on est vraiment en train de résoudre ce triangle infernal : on veut soigner les Français, pas trop cher mais fabriquer en France et, franchement, on est en train de le faire. Les industriels là encore sont aussi un peu en train de changer d'état d'esprit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors la réindustrialisation de la France demande de la main-d'œuvre qualifiée évidemment, cette main-d'œuvre qualifiée est souvent insuffisante en France. Étrangère ? La réindustrialisation de la France peut-elle se faire sans main-d'œuvre étrangère ?
ROLAND LESCURE
La réponse est non et là encore je vais essayer de calmer un peu le débat qui souvent est un peu énervé sur ce sujet. On a créé 100.000 emplois industriels depuis 10 ans, on va avoir besoin de 1,3 million emplois dans les 10 ans qui viennent. 100 000, 1,3 million, 13 fois plus. Donc évidemment, il va falloir former, aller chercher les jeunes dans les banlieues. Les cités sont construites pour l'industrie, il faut que l'industrie joue sa part dans, je dirais, la pacification des banlieues et ça, ça passe par l'emploi. Mais si on arrive à créer un million d'emplois industriels, à former un million de jeunes, il en restera encore 100, 200, 300.000. Mais oui, il faudra qu'on aille chercher les talents là où ils sont. Le Canada le fait, l'Angleterre le fait, l'Allemagne le fait donc calmons un peu le jeu. Moi je suis persuadé que le défi majeur de l'immigration c'est l'intégration, que la meilleure intégration c'est le travail qui va la donner. L'industrie l'a fait pendant des décennies, il faut qu'on reprenne cette mission qui est, au fond, une mission assez noble.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question Roland LESCURE. La première entreprise étrangère en Russie est française, LEROY MERLIN. Alors question toute simple, est-ce que vous le déplorez ou est-ce que vous vous réjouissez ?
ROLAND LESCURE
Ni l'un, ni l'autre, je le comprends si vous voulez. D'abord évidemment, ils respectent les sanctions donc ils ne sont pas couverts par le régime des sanctions et si c'était le cas, évidemment, ils en seraient sortis. Mais aujourd'hui, on a une grande entreprise française parce que LEROY MERLIN fait partie d'un grand groupe, qui s'il devait lâcher du jour au lendemain ses activités en Russie, ils seraient…
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'autres l'ont fait.
ROLAND LESCURE
Oui, oui, mais ce ne serait pas la même pondération si je puis dire. Moi je ne souhaite pas affaiblir de manière importante un groupe français. Donc évidemment c'est une situation difficile, je peux vous dire pour avoir échangé avec les dirigeants ce n'est pas facile tous les jours, mais tirer la prise comme ça du jour au lendemain, pour eux ç'aurait été extrêmement délétère. Et donc moi, je ne souhaite pas que les entreprises françaises évidemment…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quittent la Russie.
ROLAND LESCURE
Il y en a beaucoup qui l'ont fait et heureusement, notamment dans tous les secteurs qui sont sous le régime des sanctions. Moi je pense qu'à terme, on verra combien de temps dure la guerre mais il y aura sans doute effectivement une réévaluation de leur stratégie là-bas, mais attention à ne pas prendre de raccourci trop court si je puis dire qui conduirait, du coup, à affaiblir de manière importante un énorme employeur en France. Parce que c'est LEROY MERLIN, c'est AUCHAN, enfin c'est un grand employeur français ce groupe, grand groupe du nord de la France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Roland LESCURE.
ROLAND LESCURE
Merci à vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être venu nous rendre visite ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 octobre 2023