Texte intégral
Monsieur le ministre de l'Intérieur et des Outremers [Gérald DARMANIN],
Monsieur le Préfet [Pierre-André DURAND],
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil départemental de Haute-Garonne [Sébastien VINCINI],
Monsieur le maire d'Aussonne [Michel BEUILLE],
Monsieur le maire de Toulouse [Jean-Luc MOUDENC],
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président de la FNSPF [Lieutenant-Colonel Jean-Paul BOSLAND],
Madame la présidente de la société française de médecine d'urgence, chère Sandrine Charpentier,
Mesdames et Messieurs les sapeurs-pompiers,
Je suis très heureux d'être avec vous ce matin à Toulouse pour ce Congrès national des sapeurs-pompiers de France.
Je vous remercie très chaleureusement de m'y accueillir, car il semblerait qu'en 129 éditions de ces rencontres je sois le tout premier ministre de la Santé à y intervenir.
J'en suis évidemment très honoré, et je remercie également le ministre Gérald DARMANIN de l'avoir permis.
Au-delà du symbole, je me réjouis d'avoir l'occasion de m'adresser à vous. C'est important, car avec le développement et le renforcement continu des missions de secours à la personne que vous exercez, vos liens avec le système de santé, tout particulièrement les services et professionnels impliqués dans la gestion des urgences et des soins non-programmés, au quotidien comme dans les situations de crise, se sont renforcés.
Aussi, dans le respect des missions, des compétences et des périmètres de chacun, je suis résolument attaché à construire avec vous les déterminants d'une collaboration toujours plus efficace et fluide, au service de la santé et de la sécurité de nos concitoyens.
1/ Le MSP a beaucoup accompagné le développement des missions des SDIS et a étendu les compétences des sapeurs-pompiers
Je l'ai mentionné d'entrée, depuis 70 ans, vos missions de secours à la personne se sont continuellement renforcées et développées.
Si l'on remonte un peu dans l'histoire des sapeurs-pompiers, on peut noter que c'est en 1954 que les premiers véhicules de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) sont mis en service.
Les choses ont ensuite évolué, de façon continue, tant et si bien que ces missions de secours à personne sont aujourd'hui devenues prédominantes, représentant 84% de votre activité quotidienne.
Cela n'enlève rien au fait que vous restez, avant tout, des « soldats du feu », avec la mission de lutte contre les incendies fixée au premier rang de vos priorités dans l'article du code général des collectivités territoriales qui liste vos missions.
Cette prépondérance en volume des activités de secours, mon Ministère l'a bien intégrée, et nous l'avons prouvé en élargissant encore récemment le champ de vos attributions.
Tout d'abord, dans le cadre de la crise sanitaire, et j'en profite ici pour saluer l'implication des sapeurs-pompiers dans le bon déploiement des campagnes de vaccination contre le Covid.
En tant qu'ancien Directeur général de l'ARS d'Ile-de-France, durant cette période si exceptionnelle de la crise, on peut dire que j'ai été témoin, au premier chef, du caractère essentiel de votre implication.
Participer à ce congrès est ainsi pour moi l'occasion de vous en remercier, en mon nom comme en celui du ministère de la Santé et de la Prévention. C'est important et cela n'a peut-être pas assez été fait.
En effet, ce ne sont pas moins de 38 « vaccinodromes » qui ont été gérés par les sapeurs-pompiers, avec également de nombreuses opérations de coopérations interprofessionnelles avec les soignants qui se sont nouées dans un nombre bien supérieur de centres de vaccinations.
Ce sont 25 000 sapeurs-pompiers qui ont été formés à la vaccination et 2 500 sapeurs-pompiers se sont vu chargés de l'organisation de la logistique, quand il fallait tout faire, très vite et à très large échelle.
Ensuite, après le vote de la loi MATRAS, mon ministère a veillé à sa bonne et rapide application, en publiant en moins d'un an tous les textes nécessaires pour élargir le champ d'intervention des sapeurs-pompiers en matière de gestes d'urgence.
En particulier, le décret du 22 avril 2022 a défini 10 actes de gestes d'urgence relevant de la compétence des sapeurs-pompiers, dont cinq sont réalisables en autonomie.
Et cinq autres réalisables sur prescription du médecin régulateur ou d'un médecin présent sur les lieux comme l'enregistrement et transmission d'électrocardiogramme.
Les sapeurs-pompiers sont également désormais reconnus comme des acteurs pouvant participer à la réalisation d'actes de télémédecine.
La formation nécessaire pour réaliser ces gestes est désormais en place, grâce à un dernier arrêté du 19 août 2022.
Je vous invite à vous saisir largement de toutes ces nouvelles compétences qui vous seront utiles dans vos missions, pour agir de manière toujours plus utile, ciblée et pertinente, alors que dans beaucoup de situations auxquelles vous faites face, chaque geste peut être décisif et chaque seconde compte.
2/ Le MSP sait aussi aider les pompiers quand ils en ont besoin : la relation n'est pas à sens unique
Comme nos services d'urgences font actuellement face à un certain nombre de tensions, je sais combien vous êtes aussi confrontés à des difficultés de ressources humaines similaires, et combien cela peut peser sur votre fonctionnement au quotidien.
A Beaulieu en Haute-Loire, à Jenlain dans le Nord ou encore à Woincourt dans la Somme… ces exemples nous ont montré combien les fermetures des casernes sont toujours des moments difficiles pour vous comme pour la population. Vous l'avez rappelé Monsieur le Président, vous avez également du mal à recruter des sapeurs-pompiers volontaires. Et il est frappant de constater combien tous les secteurs professionnels d'aide à la personne sont exposés peu ou prou à ces problèmes d'embauche, révélateurs d'un marché du travail qui évolue, dont nous devons collectivement tenir compte.
J'ai mentionné combien votre implication et vos nouvelles compétences ont été et seront essentielles dans la chaîne des urgences et soins non-programmés.
Mais je veux aussi affirmer très clairement que non, vous n'êtes pas et ne serez jamais considérés comme une des « variable d'ajustement » de la Santé !
Nous sommes conscients que nous devons faire notre part pour éviter de vous mobiliser à tort. C'est tout l'enjeu de la réforme de la garde ambulancière que nous avons conduite et qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2022.
Avant cette réforme, les carences ambulancières augmentaient chaque année, mais depuis juillet 2022, elles ont baissé de 25%.
C'est une réussite et c'est véritablement « gagnant-gagnant » :
- Autant pour les patients, qui bénéficient d'une réponse améliorée lorsqu'il y a un besoin de transport urgent
- Que pour les sapeurs-pompiers, afin de préserver vos ressources, alors que vous êtes soumis à des contraintes nouvelles, je pense notamment aux incendies d'été qui sont un enjeu majeur et qui s'intensifient
Je tiens aussi à vous annoncer que mon ministère va revaloriser significativement le tarif de la carence ambulancière, avec effet au 1er janvier 2023 !
Par ailleurs, je tenais à vous rassurer sur le fait que la publication du décret relatif à la mise en place de la commission de conciliation paritaire sur les carences est imminente.
Nous devons poursuivre cette réflexion, car les recompositions de l'offre de soins et les regroupements de plateaux techniques allongent mécaniquement les temps de transports.
Je suis tout à fait favorable à ce que nous puissions agir rapidement, pour faciliter les relais entre pompiers et ambulances pour éviter de vous mobiliser sur toute la durée d'un trajet lorsqu'une alternative est possible.
Dans cette même logique, je suis également tout à fait engagé sur l'enjeu de la diminution des temps d'attente des sapeurs-pompiers, lorsque vous accompagnez un patient aux urgences.
Dans de nombreux hôpitaux et services, des solutions ont été mises en place. Nous devons nous en inspirer, encourager et essaimer partout ces bonnes pratiques.
Un groupe contact entre les médecins urgentistes hospitaliers et les sapeurs-pompiers, réunissant les représentants des principales entités a été créé il y a quelques mois.
Le groupe contact a déjà validé plusieurs points de travail importants, qui serviront de socle à ses réflexions autour notamment de l'optimisation de l'utilisation des ressources humaines et matérielles et du partage d'informations opérationnelles.
S'agissant du recrutement des pharmaciens à usage intérieur, mon ministère a entamé des travaux avec l'Ordre des pharmaciens dans la suite d'un courrier que le ministre de l'Intérieur m'a fait parvenir.
Nous avons missionné, avec ma collègue Sylvie RETAILLEAU, la conférence des doyens de pharmacie et les représentants des étudiants, pour nous proposer des mesures et des passerelles facilitant l'accès à cette filière.
Monsieur le Président, comme vous, je suis persuadé qu'il faut se donner les moyens de se coordonner, au quotidien, entre bleus, blancs et rouges, et pas uniquement en situation de difficultés.
Cela me paraît d'autant plus nécessaire à l'approche des Jeux Olympiques et Paralympiques. Je crois que l'ensemble des moyens de la sécurité civile et de l'aide médicale urgente doivent se saisir de cette occasion, qui nous donne l'opportunité de construire un modèle innovant et intégré davantage fondé sur la réponse aux besoins des usagers que sur la couleur du véhicule.
3/ Le MSP assure la bonne mise en oeuvre de la loi MATRAS dans le respect de l'intérêt des usagers du système de santé
Monsieur le Président, j'ai pu souligner mon attachement à mettre en oeuvre rapidement les innovations issues de la loi MATRAS. Et je peux à ce titre également vous confirmer que les travaux de l'expérimentation des modèles de plateformes communes ont démarré.
La région Auvergne-Rhône-Alpes a été choisie comme cadre pour cette expérimentation et deux comités directeur de pilotage se sont déjà tenus au niveau national.
Aussi, dans son discours à Corbeil-Essonnes le 6 janvier 2023, le président de la République avait rappelé la nécessité forte de généraliser le Service d'Accès aux Soins avant la fin de l'année 2023.
Je souhaite ainsi réaffirmer ici le rôle fondamental de la régulation médicale, exclusivement exercée dans les SAMU-SAS, comme élément pivot de l'organisation des soins urgents et des parcours de soins.
En tant que ministre de la Santé et de la Prévention, il y a un point sur lequel je serai très vigilant. C'est celui de la qualité et de la sécurité de la prise en charge des appels de l'aide médicale urgente pour éviter toute perte de chance aux patients.
L'expérimentation du numéro d'appel unique ne doit engendrer aucune dégradation de la qualité de service, ni aucune augmentation du nombre d'évènements indésirables graves.
A ce titre, l'arbre décisionnel de la plateforme de gestion commune des appels devra nécessairement être le résultat d'un travail concerté entre les professionnels relevant de nos deux ministères pour que l'expérimentation puisse démarrer dans de bonnes conditions.
4/ Avançons dans le respect des missions de chacun
Mesdames et Messieurs, si j'ai tenu à venir ici devant vous, c'est parce que je veux vous proposer d'écrire un nouveau chapitre dans les relations entre les blancs et les rouges.
Un chapitre de progrès, dans le respect des compétences et savoir-faire de chacun. Car comme le veut la morale de la fable Le Cheval et le Loup, « chacun à son métier doit toujours s'attacher ».
Vous avez évoqué le fait que nous avons pu mettre en place des équipes paramédicales de médecine d'urgence dans le cadre d'une dérogation temporaire. Ce modèle n'est pas notre cible.
Vous le savez, une mission a été confiée à la Société française de médecine d'urgence (SFMU) et au syndicat Samu-Urgences de France (SUdF) sur la paramédicalisation et l'organisation des services d'urgence. Cette mission travaille à établir des standards précis et clairs.
S'agissant du SMUR, la présence de médecins demeure un élément incontournable pour la prise en charge des patients en situations d'urgence vitale préhospitalière.
Nous réfléchissons à des évolutions, par exemple la possibilité d'une intervention paramédicale en tant qu'« avant-coureur », lorsque le SMUR est implanté à plus de 30 minutes du patient.
Ces sujets seront bien sûr travaillés dans le cadre du groupe contact que j'ai pu mentionner, pour se coordonner avec vos dispositifs existants, je pense par exemple aux infirmiers sapeurs-pompiers (ISP).
Vous l'avez également mentionné, la Première ministre a souhaité confier au député Pierre MOREL-A-L'HUISSIER une mission portant sur les moyens héliportés. Chacun comprendra qu'il n'est pas possible à date d'en anticiper les conclusions.
En revanche, je voudrais vous convaincre qu'il est inexact de dire qu'aujourd'hui encore vous seriez ignorés dans la gouvernance de la Santé. Il y a notamment bien un représentant des SDIS qui siège à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie (CRSA) dans chaque ARS.
De même, le Président du Conseil d'Administration du SDIS est membre de droit du CODAMUPS (Comité Départemental de l'Aide Médicale Urgente, de la Permanence des Soins).
S'agissant du Conseil national de l'urgence hospitalière (CNUH), et faisant suite à une préconisation du rapport du député Hubert FALCO sur la modernisation de la sécurité civile, je vous annonce que je suis favorable à l'inclusion d'une représentation des sapeurs-pompiers dans ce Conseil national !
Mesdames et Messieurs, j'entends parfois dire qu'il y aurait une « guerre » entre les blancs et les rouges.
Vous ne me ferez pas dire que tout est rose, et que les tensions n'existent pas. Mais ce que je constate surtout, c'est que dans une majorité de départements, l'articulation se passe bien. Les sapeurs-pompiers et les urgentistes travaillent en bonne intelligence et en pleine coopération.
On m'a d'ailleurs dit que les médecins qui travaillent à la fois pour le SDIS et le SAMU sont surnommés des « radis » !
Je souhaite le souligner car la réalité c'est d'abord celle-ci. Parce que le métier de pompier, comme les métiers de soignants, ce sont des métiers d'engagement et d'altruisme, guidés par l'objectif que nous avons tous en commun ici et qui est de venir en aide et de porter secours, au quotidien, à toutes celles et ceux qui en ont besoin.
Je vous remercie.
Source https://www.pompiers.fr, le 11 octobre 2023