Déclaration de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, sur la régulation du marché de l'électricité et la politique énergétique au sein de l'Union européenne, à Luxembourg le 17 octobre 2023.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Arrivée au Conseil "Transports, télécommunications et énergie" (Énergie)

Texte intégral

Mme Agnès Pannier-Runacher : "Permettez-moi tout d'abord manifester, au nom du gouvernement français, mon plein soutien à la Belgique et à la Suède, qui ont été victimes hier d'un attentat islamiste, comme nous l'avons été vendredi dernier, et de manifester également mon soutien aux proches et aux familles de ces victimes.

Nous allons aujourd'hui, au Conseil de l'énergie, examiner un texte important : celui sur la régulation du marché de l'électricité. Ce texte est important pour trois raisons. La première raison, c'est que nous devons rassurer les acteurs économiques européens sur le fait que l'Europe est capable d'avoir un marché compétitif en termes de coûts de l'énergie et de donner une visibilité à moyen terme sur ces coûts de l'énergie. Ces coûts de l'énergie permettent d'investir dans la décarbonation, et permettent aussi aux producteurs d'électricité d'investir dans de nouvelles capacités de production. Ces deux éléments sont essentiels si nous voulons à la fois atteindre nos objectifs climatiques, mais également assurer la compétitivité et la réindustrialisation du continent européen.

Donc ce texte, c'est en premier lieu une réponse à l'Inflation Reduction Act américain et au mode de fonctionnement des marchés chinois de l'énergie ; c'est le premier point. Le deuxième point, c'est que ce texte vise à permettre aux acteurs économiques européens d'avoir une vision de long terme. Il s'agit, en plus de ce qui permet tous les jours d'ajuster l'offre et la demande d'électricité, de permettre d'avoir des prix qui soient fixés à 5 ans, 10 ans, éventuellement plus loin, sur la base de la réalité des coûts de production de notre mix et donc de réduire la volatilité qu'on a pu connaître l'année dernière, l'emballement des prix du marché de l'électricité du fait d'événements géopolitiques ou de crises ponctuelles, alors même que nos actifs continuent à produire avec les mêmes coûts de production. C'est cela que nous voulons en Européens.

Par rapport à ça, la France continuera à négocier de bonne foi et avec l'objectif d'aboutir aujourd'hui. Nous avons une ligne rouge très claire qui est de ne pas créer une discrimination entre les différents types de technologies énergétiques, entre le renouvelable, en particulier, et le nucléaire. Et je sais que ces derniers jours il y a eu des discussions et des interrogations sur la question du risque que les mécanismes, qui pourraient être prévus par le texte européen, créent des distorsions sur le marché européen, des distorsions de concurrence. Je suis très étonnée de cette affirmation, dans la mesure où le coût du nucléaire aujourd'hui est dans les mêmes eaux que le coût des installations renouvelables. C'est un coût qui est dans la moyenne des coûts européens, et c'est une force pour les Européens d'avoir accès à cette énergie disponible à tout moment, qui permet d'équilibrer le système, de sécuriser l'approvisionnement en électricité et de baisser la facture pour l'ensemble des Européens. Et ce que nous voulons, c'est qu'effectivement cela soit reflété dans le texte.

Nous avons eu des discussions intenses avec les Allemands qui étaient arrivées à un bon point vendredi dernier. Je redis ma disponibilité pour aller jusqu'au bout de ces discussions. Je redis aussi ma disponibilité vis-à-vis de la Présidence espagnole de faire aboutir un texte équilibré qui sécurise l'approvisionnement des Européens en électricité, qui permette aux Européens de bénéficier des meilleurs prix de leur mix et qui, encore une fois, nous mette sur la bonne trajectoire énergétique vis-à-vis de nos objectifs climatiques, en envoyant des signaux très clairs pour que les industriels puissent décarboner leur processus de production, et pour que les producteurs d'énergie puissent investir massivement dans le renouvelable et dans le nucléaire, y compris le nucléaire et le renouvelable existant.

Est-ce que la France est prête à accepter des limitations des plafonnements sur la redistribution des recettes issues des CFD sur le nucléaire existant ? C'est une demande de l'Allemagne. Est-ce que la France est prête à donner des gages sur ce point ?

Mme Agnès Pannier-Runacher : Encore une fois, nous sommes prêts à négocier de bonne foi pour tout ce qui a, économiquement, un sens. Tout ce qui crée en revanche une distorsion entre le nucléaire et le renouvelable n'est pas bon pour les Européens, parce que ça va augmenter le prix du marché européen. C'est de ça dont il est question aujourd'hui et je pense qu'il faut dire très nettement : je ne vois pas en quoi il y aurait un risque de distorsion de la compétitivité dès lors que le nucléaire a un prix qui est grosso modo équivalent à la plupart des infrastructures renouvelables existantes aujourd'hui, ou en tout cas qui font l'objet de connexions sur le réseau. Je pense évidemment à l'éolien marin, mais je pense aussi à l'éolien terrestre et au photovoltaïque.

Donc je ne voudrais pas que cette nouvelle attention sur le risque de distorsion de marché dissimule un prétexte pour, au fond, refaire une discrimination envers le nucléaire. Et je crois que l'alliance du nucléaire aujourd'hui, et les pays qui savent combien le nucléaire a sa place dans notre mix énergétique aux côtés des renouvelables, partagent ce point de vue.

Est-ce qu'on comprend que la France n'accepte pas la dernière proposition espagnole où les CFD pour le nucléaire existant, les centrales existantes disparaissent totalement. Ce n'est pas une base de négociation qui peut paraître acceptable pour vous ?

Mme Agnès Pannier-Runacher :Ce n'est pas ce que j'ai dit. Le texte espagnol n'empêche pas de faire des CFD sur le nucléaire existant. Il correspond - et je salue le travail de la Présidence espagnole - à un texte qui est une sorte de plus petit dénominateur commun, mais qui préserve un certain nombre de choses importantes : la protection du consommateur, les signaux de long terme, le fait de permettre des CFD et des PPA dans un cadre harmonisé, qui sont autant d'éléments dont nous avons besoin pour répondre à l'Inflation Reduction Act.

Quel était l'intérêt de la réunion de ce matin, qu'est-ce qu'il en est ressorti avec l'alliance… ce n'est pas exactement l'Alliance du nucléaire, d'après que j'ai compris…

Mme Agnès Pannier-Runacher :C'était une réunion des affinitaires sur le texte.

Qu'est-ce qu'il en est ressorti ? Est-ce que vous avez drafté un compromis commun ?

Mme Agnès Pannier-Runacher : Non, je crois que nous partageons les objectifs. C'est-à-dire que notre objectif, encore une fois, c'est de négocier de bonne foi en essayant de partager une vision commune sur les actifs existants et d'avancer avec une ligne rouge : on ne peut pas, aujourd'hui - et c'est contre les intérêts des Européens - discriminer le nucléaire. Le nucléaire, c'est encore une fois l'énergie qui assure la sécurité d'approvisionnement des Européens. Ce n'est pas l'éolien terrestre, ce n'est pas l'éolien marin, ce n'est pas le photovoltaïque. C'est le nucléaire qui assure la sécurité d'approvisionnement des Européens et c'est la seule énergie de base qui n'est pas fossile parce que les centrales à charbon sont fossiles et les centrales à gaz sont fossiles. Et ce sont les deux autres options technologiques pour assurer cette sécurité. Donc je pense qu'il faut être collectivement très clair sur le fait que nous avons collectivement besoin d'avoir un système qui reflète les coûts de notre production. Ça bénéficie à tous les Européens. Il n'y a aucun intérêt à exposer les Européens à la volatilité des prix du fossile et c'est cet esprit européen que nous voulons porter aujourd'hui. Et je le redis, le texte espagnol n'empêchera pas les Français d'avoir une régulation puisqu'il ne prévoit rien de particulier. On a déjà une régulation, on peut encore en avoir une. Mais je regretterais vraiment profondément qu'on soit pas capable d'avoir un accord en européen parce que c'est une réponse essentielle à l'Inflation Reduction Act.

How important is it to get a deal today or is there still more time to get the right deal, in your opinion ?

Mme Agnès Pannier-Runacher : You know, I think we have discussed what are the key elements around this deal. So once again, we will - in good faith - try to have the deal today, because we believe that everything was told about this text. But of course we will not support something that could hurt the competitiveness of the European continent".


Source https://ue.delegfrance.org, le 19 octobre 2023