Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Enfin vous êtes là ! Bonjour Patrice VERGRIETE, vous êtes le ministre délégué du Logement et ceux qui nous écoutent, qu'ils soient locataires, qu'ils soient propriétaires, qu'ils soient acheteurs ou vendeurs, ils attendent beaucoup, beaucoup de vous et depuis très longtemps ce plan logement qui a été sans cesse repoussé. Vous venez donc nous en donner les grandes lignes ce matin en exclusivité sur RMC. Plein de questions concrètes d'abord pour les acheteurs : est-ce que le prêt à taux 0 va être élargi ?
PATRICE VERGRIETE
Bonjour. Oui, le prêt à taux 0 va être élargi effectivement. C'est l'un des fondamentaux du marché du logement sur lequel on doit jouer pour renforcer, j'ai envie de dire, la demande puisque les taux d'intérêt ont augmenté et ont désolvabilisé une partie des acquéreurs potentiels. Et c'est vrai qu'on va passer de 50 % des Français éligibles au prêt à taux 0 à 70% des Français éligibles au prêt à taux 0 dans les zones tendues, des zones tendues qui seront élargies puisqu'on a ajouté 200 communes dans, j'ai envie de dire, la liste des communes qui seront éligibles au prêt à taux 0. Donc oui, c'est élargi et très largement.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça, ce sera une des réponses parce que c'est aussi ce qui décourageait un certain nombre de personnes d'oser ou de réussir tout simplement à obtenir un emprunt et à acheter. Près de 40% des dossiers de financement à la banque sont refusés. Est-ce que vous allez trouver une manière de faciliter l'accès à l'argent ?
PATRICE VERGRIETE
Alors vous savez que ça ne dépend pas du gouvernement, c'est le gouverneur qui décide de ces questions-là.
APOLLINE DE MALHERBE
Le gouverneur de la Banque de France.
PATRICE VERGRIETE
Le gouverneur de la Banque de France effectivement. Avec Bruno LE MAIRE, nous échangeons avec le gouverneur là-dessus, notamment on est en train d'évoquer des marges de manœuvre supplémentaires qui pourraient être données aux banques pour accorder des crédits. Aujourd'hui pour l'instant, le gouverneur n'a pas encore bougé sur cette question mais on continue effectivement à faire pression.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne lâcherez pas.
PATRICE VERGRIETE
On ne lâchera pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous avez quand même un peu de marge de manœuvre ?
PATRICE VERGRIETE
Non, on n'a pas de marge de manœuvre sur la question des crédits, donc il y a des règles prudentielles qui sont fixées par le gouverneur de la Banque de France.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que vous pouvez espérer, imaginer peut-être dans les dans les mois qui viennent qu'est-ce qui pourrait se débloquer ?
PATRICE VERGRIETE
Ce qui pourrait se débloquer, c'est que les banques aient plus de marge de manœuvre sur la marge qu'elles ont sur les prêts. Parce que vous savez qu'en fait, il y a 20% de possibilités de dérogation aux règles prudentielles. Aujourd'hui les banques n'utilisent pas toutes ces dérogations, on est à peu près à 13 % au lieu de 20 %.
APOLLINE DE MALHERBE
Elles n'osent pas prendre le risque.
PATRICE VERGRIETE
Alors les banques n'osent pas ou alors parce qu'il y a des sous-critères. Par exemple, il faut 70 % de primo-accédants dans les dérogations. Pourquoi ? À la limite ça, ça pourrait faire évoluer et on est en train de discuter avec le gouverneur pour voir, pour faire évoluer ces sous-critères de manière à ce que…
APOLLINE DE MALHERBE
Pour faire sauter un certain nombre de verrous.
PATRICE VERGRIETE
Voilà, exactement. Pour que les banques puissent utiliser à plein leurs marges de manœuvre, leur 20 % de marge.
APOLLINE DE MALHERBE
Monsieur le Ministre, trop peu de logements neufs qui sont construits ; comment faire pour relancer la machine ?
PATRICE VERGRIETE
Alors déjà, j'évoquais le prêt à taux 0, donc ça ça va permettre de développer l'accession à la propriété. Ensuite on a le logement social, vous savez qu'on a passé un accord avec le mouvement HLM. Effectivement on apporte 1,2 milliard pour l'aide à la rénovation énergétique, ce qui permettra aux bailleurs de déployer davantage d'argent sur la production de logements. On a également des prêts bonifiés de la Caisse des Dépôts, donc sur le logement social ça avance. On booste en ce moment le logement locatif intermédiaire. Vous savez, 10 à 15 % des loyers, 10 à 15 % en dessous du marché. On est en train de boosté ça, notamment on a mobilisé les investisseurs institutionnels là-dessus, c'est dans le projet de loi de financement 2024. On a également élargi la possibilité pour les bailleurs sociaux de faire plus de logements locatifs intermédiaires, donc ça on va le développer. Le foncier, on travaille dessus avec des abattements qui permettront de libérer effectivement davantage de foncier pour tous ceux qui veulent construire. Et enfin, un programme exceptionnel qui va être mis en place sur une quinzaine, une vingtaine de sites en France, des territoires engagés pour le logement – on peut appeler ça comme ça - qui bénéficieront d'une accélération très forte de la production de logements dans les territoires qui en ont le plus besoin.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est quoi ces territoires, ces territoires exceptionnels ?
PATRICE VERGRIETE
Alors il y aura sans doute des métropoles. C'est les territoires qui en ont le plus besoin. On peut imaginer demain qu'il y ait des sites en réindustrialisation, qui ont besoin énormément de logements. On peut imaginer des villes moyennes aussi qui sont confrontées à l'arrivée d'une grande entreprise, et dans ces territoires-là nous allons identifier des sites fonciers où on va accélérer la production de logements. Vous savez, ça a été fait pour les Jeux olympiques : on a accéléré à un moment donné la production de logements pour être au rendez-vous. Eh bien on pourra, de la même manière, s'inspirer de ce qui a été fait pour les Jeux olympiques, pour accélérer la production de logements là où il y en a absolument le plus besoin.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est très important ce que vous nous dites là parce que, pour le coup, je crois que c'est une piste qui n'avait jamais été évoquée jusqu'à présent et que vous nous révélez ce matin. Imaginons qu'une entreprise - on a beaucoup parlé de la vallée de la batterie, de ce genre de choses - des entreprises qui vont redevenir des bassins d'emploi s'installent, il y a souvent des problèmes de logement dans la proximité, vous allez faire sauter les verrous. L'artificialisation des sols ? Il y aura des dérogations ? Parce que sinon, votre promesse va rester lettre morte.
PATRICE VERGRIETE
C'est souvent des blocages liés à l'aménagement en fait. En réalité, on s'aperçoit que soit parce qu'un foncier est difficilement disponible, où il faut rajouter un peu d'argent public pour essayer de débloquer un certain nombre de foncier, débloquer un certain nombre d'opérations, simplifier des normes, simplifier des règlements. Pas forcément effectivement le 0 artificialisation nette parce qu'en fait, c'est souvent j'ai envie de dire les espaces où on peut construire ces logements sont souvent des espaces qui sont déjà urbanisés, donc on n'est pas en contradiction avec le 0 artificialisation nette.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est la friche industrielle.
PATRICE VERGRIETE
C'est la friche industrielle qui nécessite plus d'argent pour être recyclée, et donc là on peut mettre un petit coup de booster pour pouvoir recycler une friche plus rapidement.
APOLLINE DE MALHERBE
Patrice VERGRIETE, je rappelle donc que vous êtes le ministre du Logement. Il y a le ministre de l'Économie, lui, qui a évoqué un report de l'interdiction de louer des passoires thermiques. Est-ce que ça sera vraiment appliqué ? C'est un des points qui fait qu'il y a beaucoup de logements qui ne se retrouvent plus sur le marché.
PATRICE VERGRIETE
Il y a plusieurs points qui expliquent qu'il y a moins de logements locatifs. Aujourd'hui il y a notamment la question des meublés touristiques pour lequel je me suis déjà exprimé sur ce sujet, mais la question des passoires thermiques, il faut la préciser. On parle de 673 000 logements, donc souvent on évoque des millions de logements, c'est 673 000 logements.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est déjà pas mal. Dans les temps actuels, 673 000 ça fait déjà référence.
PATRICE VERGRIETE
Dedans, il y a déjà 140 000 logements qui sont en G+ et qui ne peuvent plus correspondre aux critères de décence d'aujourd'hui. Donc déjà, il y en a 140 000 qui sont déjà concernés par l'interdiction entre guillemets. Ce qu'on veut faire, c'est non pas retarder le calendrier parce que la transition écologique ce n'est pas une option donc il faut être à l'heure. La planète elle ne va pas attendre, et donc le but du jeu c'est de renforcer l'accompagnement en fait de ces propriétaires-bailleurs qui ont des logements en G. Avoir une sorte de MaPrimeRénov renforcée avec des accompagnateurs plus, plus, plus. Aller vers, on est en train de travailler par exemple avec la FNAIM ou l'UNIS pour aller au contact de ces propriétaires-bailleurs en G et essayer de voir comment on peut accélérer les choses. Passer de G en F en un an, c'est possible. C'est possible. C'est des évolutions, j'ai envie de dire, ou des rénovations plus importantes notamment dans les copropriétés qui mettent plus de temps.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça va quand même prendre un peu de temps. C'est-à-dire qu'en fait, vous êtes en train de nous dire que ces 673 000 logements ne vont pas revenir sur le marché tout de suite.
PATRICE VERGRIETE
La grande majorité de ces logements-là, on peut le faire en six, huit mois. On peut les passer en F en six, huit mois. Alors pourquoi on n'y va pas ? Pourquoi on devrait retarder ? Pourquoi on doit attendre encore et reporter des calendriers de la transition écologique ? À un moment donné il faut y aller, il faut avancer. Et quand j'ai discuté notamment avec les professionnels de l'immobilier, ils ont compris. Ils ont dit effectivement : si on retarde à chaque fois les calendriers, à un moment donné ça ne marchera plus, et finalement on ne sera plus crédible en termes de calendrier.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous l'avez dit à Bruno LE MAIRE ?
PATRICE VERGRIETE
Oui, bien sûr qu'on échange avec Bruno LE MAIRE et on échange avec l'ensemble du gouvernement sur cette question. Ce n'est pas une question facile et on doit être pragmatique. Donc à la fin effectivement, on veillera à ce qu'effectivement ne disparaissent pas des centaines de milliers de logements, mais commençons par vouloir le faire. Et on va accompagner, accompagnons.
APOLLINE DE MALHERBE
Et là vous parlez des propriétaires, je voudrais qu'on parle aussi des locataires. Il y a plus de 2,4 millions de ménages qui sont en attente d'un logement social et parmi eux il y a Gilles. Bonjour Gilles.
GILLES, AUDITEUR DU RHÔNE
Bonjour à tous.
APOLLINE DE MALHERBE
Gilles, vous nous avez appelés ce matin. Vous avez 71 ans, vous vivez dans le Rhône et, si je comprends bien, vous attendez un logement ; le ministre vous écoute.
GILLES
Monsieur le Ministre, bonjour. J'ai 71 ans, je viens d'être à la retraite suite à un accident, je viens d'être nommé, et ça fait 5 ans que j'ai fait une demande pour avoir un logement social. Chaque année, je reçois par le Ministère de la Cohésion du territoire un numéro d'attestation de logement social. J'envoie tout cela au niveau de l'organisme régional et on me dit "on vous a bien enregistré, nous prenons bien votre demande en compte" et il s'avère qu'aujourd'hui, au bout de 5 ans, je n'ai toujours pas - mais pas ! - une réponse au niveau d'un logement. J'aimerais savoir ce que je dois faire.
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous vivez où, Gilles, du coup en attendant ?
GILLES
Je vis dans un studio.
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous pouvez répondre à Gilles ? Parce que là, on a un cas très concret. Ça fait 5 ans qu'on lui dit "oui, vous y avez droit". Vous êtes dans quelle ville exactement, Gilles ?
GILLES
Alors je suis dans la banlieue lyonnaise je suis sur Saint-Bonnet-de-Mure.
APOLLINE DE MALHERBE
Je veux dire il a le numéro d'attestation, le dossier est rempli, il y a parfaitement droit, sauf qu'en attendant il n'y a rien.
PATRICE VERGRIETE
Bien sûr. Là on est sur l'agglomération lyonnaise, on aurait pu avoir un exemple en agglomération parisienne. Il y a aujourd'hui des secteurs en France très tendus et c'est un exemple qui l'illustre, où effectivement il manque de logements sociaux, c'est indéniable. C'est pour ça que tout à l'heure, je parlais de cet accord avec le mouvement HLM qui doit permettre de lancer, relancer la production de logements sociaux. Il faut absolument réussir.
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce qu'il peut faire en attendant ? Il a 71 ans, il vit dans ce studio, il attend depuis 5 ans Gilles.
PATRICE VERGRIETE
Alors la question de la demande du logement social, il y a d'abord un tiers des demandeurs de logements sociaux qui sont déjà dans un logement social. Donc déjà, on doit essayer d'améliorer la mobilité à l'intérieur du parc social. On a évoqué ça avec les bailleurs : renforcer. Il y a parfois des gens qui sont dans…
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous êtes pour, il y a une des propositions qui a été faite par le maire de l'Haÿ-les-Roses que je recevais il y a dix jours - qui disait qu'il était favorable à ce que les logements sociaux fonctionnent exactement comme les autres logements, c'est-à-dire avec des baux 3, 6, 9. Et que ça permette, du coup, un roulement. Pourquoi pas ?
PATRICE VERGRIETE
Le droit au maintien dans les lieux, je pense que c'est quelque chose qui va à l'encontre de la mixité sociale globalement.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça peut être renouvelé.
PATRICE VERGRIETE
Ça va à l'encontre de la mixité sociale, je ne suis pas forcément favorable.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais pendant ce temps-là il y a des gens comme Gilles qui attendent.
PATRICE VERGRIETE
Oui, mais si on ne produit de toute façon pas assez de logements, il y aura toujours des gens qui attendent. Donc il y a un tiers des gens qui attendent qui sont déjà dans le logement social donc déjà il faut améliorer la mobilité dans le parc, réussir à faire que ceux qui sont dans des grands logements puissent aller dans des logements adaptés à leur taille. On est en train de travailler avec les bailleurs là-dessus et puis il faut produire, il faut produire du logement. Quand je parlais des sites d'accélération, évidemment ce seront les grandes métropoles, c'est là où habite cet auditeur.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est la banlieue lyonnaise pour Gilles.
PATRICE VERGRIETE
Mais évidemment, la banlieue lyonnaise, la banlieue parisienne, on aurait pu continuer avec les grandes métropoles, c'est les sites en réindustrialisation que j'évoquais, là on a ces exemples-là, ce n'est pas vrai partout en France, il y a aujourd'hui pas forcément besoin de construire partout, dans toutes les villes, et on n'a pas forcément ces exemples-là partout, donc les territoires d'accélération que j'évoquais tout à l'heure, ces territoires engagés pour le logement, voilà des exemples très concrets qui vont permettre de répondre à la situation de votre auditeur.
APOLLINE DE MALHERBE
Un dispositif spécial pour les travailleurs clés, ça va fonctionner comment et qui sont les travailleurs clés ?
PATRICE VERGRIETE
C'est ce que j'évoquais tout à l'heure quand je parlais du logement locatif intermédiaire, donc là c'est effectivement des loyers qui sont 10 à 15 % en dessous du marché…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est qui, c'est les soignants, c'est les profs, c'est tous ceux qui n'arrivent pas à se loger dans les centres-villes ?
PATRICE VERGRIETE
Oui, c'est soignants, profs, tout ça, et puis on est en train de réfléchir à des dispositifs aussi qui permettent de renforcer l'accession au logement social pour ces travailleurs clés aujourd'hui, on est en train de travailler également avec les bailleurs sur la question des attributions de logements sociaux, on aura l'occasion d'y revenir dans les semaines qui viennent, de manière à favoriser le logement pour ces travailleurs clés dans les territoires, donc ce sont les fonctionnaires, ce sont effectivement…c'est la caissière du supermarché, voilà, donc…
APOLLINE DE MALHERBE
Tous ceux qui depuis des années bossent, même pendant le Covid, et qu'on a identifiés comme étant vraiment ceux qui sont en première ligne.
PATRICE VERGRIETE
Et font une heure pour aller parfois au travail.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Patrice VERGRIETE d'être venu en exclusivité ce matin sur RMC, "Apolline Matin" plus fort que le Conseil des ministres puisque nous aurons donc eu vos mesures avant même que vous ne les dévoiliez tout à l'heure en Conseil des ministres, vous êtes le ministre délégué au Logement, vous nous annoncez donc ces territoires d'accélération notamment, et on pense particulièrement à Gilles qui va sans doute devoir encore tristement patienter
source : Service d'information du Gouvernement, le 19 octobre 2023