Interview de Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville, à Europe 1/CNEWS le 17 octobre 2023, sur les attentats terroristes et la question migratoire.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1 - CNews

Texte intégral

DIMITRI PAVLENKO
C'est la "Grande interview" Europe 1 / Cnews, Sonia MABROUK reçoit la secrétaire d'État chargée de la Ville et de la Citoyenneté, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE.

SONIA MABROUK
Place donc à la "Grande interview" sur Cnews et Europe 1. Bonjour à vous Sabrina AGRESTI-ROUBACHE.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Bonjour Sonia MABROUK.

SONIA MABROUK
Et bienvenue. Vous êtes secrétaire d'État en charge de la Citoyenneté et de la Ville. Un attentat islamiste a donc frappé la Belgique hier, l'assaillant a abattu deux Suédois. Le terroriste se revendique de l'État islamique. C'est un Tunisien qui était en situation irrégulière sur le sol belge. Je voudrais vous préciser qu'à l'instant, c'est ce qui nous parvient de la Belgique, il y aurait eu une interpellation de cet individu, probablement de ce suspect, si c'est bien lui, on attend confirmation. On est en train d'assister à une vague d'attentats. Est-ce que ce n'est que le début, Madame la Secrétaire d'État ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors, ce que je sais, c'est que ce matin, moi comme vous, je pense comme tous les Français, tous les Israéliens, on a les mots qui pleurent. Moi ce matin j'ai les mots qui pleurent. J'ai les mots qui pleurent, parce que, est-ce que c'est le début, en tout cas il y a quelque chose qui est en train de se passer, et on le voit, le Hamas, qui est un groupe terroriste, on le répète, parce que je pense qu'on ne le répétera jamais assez, ont commis des atrocités, des horreurs. Je pensais qu'il y avait une fin à l'horreur chez l'être humain, en fait, on s'aperçoit qu'il n'y en a pas. Donc ce qui est sûr, c'est que si ce terroriste est arrêté, tant mieux. Par contre, ce qui est sûr, c'est que le Président de la République l'a rappelé, je tenais moi, à le rappeler aussi, nous serons impitoyables avec les terroristes.

SONIA MABROUK
Parlons-en…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Impitoyables. Voilà. Et ça veut dire quoi, ça veut dire mettre les moyens là où il faut, ne pas se mentir, dire par exemple que tous les fichés S, et c'est ce qui a été demandé, le Président de la République, l'a demandé, et maintenant, moi qui suis en charge de la citoyenneté, tous les fichés S avec une carte de séjour, donc étrangers, réguliers ou irréguliers, on leur retira. Donc, les irréguliers ont vocation tout de suite à quitter le territoire, et pour les réguliers, retirer leur titre de séjour et les expulser. Et dans un premier temps les priver de liberté. Et je pense qu'il faut aller beaucoup, beaucoup plus loin…

SONIA MABROUK
Que ne l'avez-vous fait avant ? On entend vos mots...

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Parce que le droit nous l'empêchait !

SONIA MABROUK
Mais alors on est pieds et poings liés !

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Eh bien non, donc il faut changer le droit. Il faut changer le droit. Moi c'est très simple, pour la sécurité…

SONIA MABROUK
Mais madame, l'illégalité est aujourd'hui protégée par la jurisprudence, par la complexité normative, par les cours internationales…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, parce qu'il y a des associations, par exemple, si vous prenez le cas de celui qui a tué le professeur Dominique BERNARD et qui a blessé grièvement trois autres personnes, il me semble bien qu'il y avait des arrêtés d'expulsion. Le préfet avait pris l'arrêté d'expulsion. Et qu'est ce qui s'est passé ? Ce sont des associations qui sont allées contre le droit. Parce que le travail des associations…

SONIA MABROUK
Vous le découvrez ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, je ne le découvre pas, je le savais comme vous.

SONIA MABROUK
Mais alors pourquoi on n'a pas…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Eh bien parce qu'il est compliqué de changer le droit, et je pense que c'est le moment, c'est le moment notamment dans la loi immigration et donc mieux contrôler l'immigration et mieux assumer l'intégration, c'est ce qu'il faut faire. Il faut aller beaucoup... Quand le droit ne va pas et qu'il ne correspond plus à son époque, il faut le changer. Moi c'est ce que je crois.

SONIA MABROUK
C'est ce que dit le ministre de l'Intérieur. Il dit justement : "Il faut voter cette loi immigration". Mais la droite et à la droite de la droite, ils disent : "Mais au contraire, ça va être un appel d'air encore plus important…"

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, parce qu'ils se trompent.

SONIA MABROUK
Nos frontières seront encore moins maîtrisées par la régularisation des se trouve encore moins maintenant dans la régularisation des sans-papiers, dans les métiers en tension.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, ce n'est pas cela qui est prévu et je pense que c'est – pas je pense – je sais que c'est une déformation de ce qui est réel dans cette loi. Dans ce projet de loi, qu'est-ce qu'on dit ? On dit : il y a des gens qui travaillent chez nous, des personnes d'origine étrangère, qui ne posent pas de problème, qui travaillent dans des métiers, comme vous dites, en tension, parce qu'on en a besoin…

SONIA MABROUK
En situation irrégulière.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Est-ce que c'est admissible d'avoir des gens qui travaillent, qui paient leurs impôts, et dont les employeurs, par exemple, disent " eh bien on en a besoin " ? Là, il faut, moi, c'est ce que je crois, il faut régulariser ceux qui, sur notre territoire, ne posent pas de problème, qui sont là depuis longtemps. Rappelez-vous, Gérald DARMANIN l'a rappelé, qui sont là depuis plus de 3 ans. En revanche, être beaucoup plus sévère sur tout ce qui est irréguliers. Et quand vous prenez le cas du terroriste d'Arras, celui qui a commis cet acte atroce contre le professeur Dominique BERNARD. Qu'est ce qui se passe ? On n'a pas pu l'expulser parce qu'il est arrivé sur le sol français avant 13 ans. Il faut changer le droit.

SONIA MABROUK
Madame la Secrétaire d'État, les téléspectateurs qui vous regardent et les auditeurs qui vous écoutent ce matin, ils se disent : "Mais l'honnête citoyen, ce n'est pas être démagogique que de le dire, il est puni pour la moindre amende et pour la moindre infraction…"

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Complètement vrai.

SONIA MABROUK
... et c'est complètement normal, mais c'est celui qui est en passe de commettre un attentat, qui est radicalisé, qui est fiché, qui est connu, qui est suivi, qui a été contrôlé la veille…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Tout à fait.

SONIA MABROUK
Lui, il n'est pas expulsable.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Le droit empêchait…

SONIA MABROUK
Tout va bien.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Le droit empêchait la DGSI de l'expulser ou de faire quoi que ce soit, parce qu'il n'a pas commis de délit.

SONIA MABROUK
Donc le droit est un ennemi aujourd'hui ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, je pense que le droit n'est plus adapté au monde dans lequel on vit. Moi, c'est ce que je crois. Et sur la loi asile immigration, croyez-moi, je prendrai toute ma part aux côtés de Gérald DARMANIN.

SONIA MABROUK
On veut bien vous croire, mais pourquoi ne pas soumettre notre politique migratoire à référendum ? Finalement, vous êtes en train de nous dire que notre droit n'est plus adapté, qu'il faut faire sauter les verrous juridiques. Eh bien, la meilleure manière, c'est de donner la voix au peuple.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors écoutez, ça on peut en discuter. Moi, ce que je crois surtout, au-delà de donner la voix au peuple, regardez les sondages, on parle de sondages pour l'immigration, tout le monde, vous le savez, je vous avais entendu le dire, tout le monde veut une loi sur l'immigration, mais personne ne veut exactement la même. Je pense que c'est le rôle du politique, donc l'exécutif et les deux Parlements, le Sénat et l'Assemblée nationale, de prendre leur part et de proposer quelque chose qui corresponde à son époque. On ne peut plus être anachronique dans notre droit. Ça c'est ce que je crois, je l'assume, je le dis, je sais qu'encore une fois, on va dire, "oh, ce n'est pas possible de dire des choses comme ça". Moi, je le dis. Oui, il faut aller beaucoup plus loin.

SONIA MABROUK
Mais est-ce qu'on a encore la maîtrise de nos frontières ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Oui, on…

SONIA MABROUK
On entend vos mots. J'ai noté, entre, Eric DUPOND-MORETTI dit : "La justice est intraitable". Emmanuel MACRON : "L'État est impitoyable". Gérald DARMANIN Il y a quelques temps : "Nous serons méchants avec les méchants".

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Vous savez combien…

SONIA MABROUK
Et pourtant ils nous frappent, ils nous tuent.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non mais vous savez combien d'attentats déjoués par la DGSI ?

SONIA MABROUK
Il est vrai, il faut saluer cela.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
43.

SONIA MABROUK
Il faut saluer cela. Malheureusement, on regarde aussi…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
On n'arrive pas à tout arrêter, vous le savez. Est-ce qu'il est impossible d'arrêter l'horreur de l'humanité ? Moi, je ne crois pas. Je ne crois pas, puisque l'humanité nous démontre à chaque époque, à chaque décennie qui passe, qu'elle est capable d'être encore plus terrible que celle qui l'a précédée. Mais à un moment donné, la réalité, quand je dis, adapter notre droit, nous connaissons les failles de notre... Parce que, la réalité, c'est ce que me disent les gens. Bon, vous savez, je suis quelqu'un de normal et qui vit avec…

SONIA MABROUK
... sur notre territoire. Hier, à cette place, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, il y avait l'eurodéputée LR Nadine MORANO, elle dit : "Mais il est temps, il est temps de prendre la maîtrise sur notre politique migratoire". Et elle dit "Il faut – ce sont ses mots – stopper l'invasion migratoire".

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non non non. Vous savez, être outrancier dans les propos, n'aide pas…

SONIA MABROUK
Ce n'est pas une réalité.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, ce n'est pas une réalité. Parce que notre réalité, c'est que nous savons exactement combien de gens rentrent, combien de titres de séjour nous donnons…

SONIA MABROUK
Mais est-ce que vous savez qui ?

SONIA MABROUK
Non, mais bien sûr, évidemment que nous savons qui, puisque nous sommes capables, je vous donne un chiffre, sur les fichés S, voilà, je vous le redonne, c'est 2 852. Donc dans ces 2 852 nous en avons 489 très dangereux, donc la moitié, 214, à peu près, qui sont en privation de liberté, et quand ils ne sont pas en privation de liberté, ils sont dans des endroits où nous pouvons les contrôler. Donc, comme on dit, assignation à résidence. La réalité c'est qu'il faut généraliser cela. On ne peut plus laisser nos services de renseignements, la DGSI notamment…

SONIA MABROUK
Pourquoi avoir attendu ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
... savoir repérer des fichés S, parce que ça, ce n'est pas mon travail, ce n'est pas le vôtre, c'est le leur, ils le font parfaitement. Ils arrivent à les repérer, mais on n'arrive pas à les arrêter parce que notre droit nous empêche d'aller plus loin, parce qu'on attend…

SONIA MABROUK
C'est kafkaïen.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
C'est kafkaïen. Donc maintenant, je pense qu'il est temps que cette loi sur l'immigration arrive tout de suite, et que tous les courageux, vous savez, les commentateurs…

SONIA MABROUK
Alors, vous êtes vraiment capable de dire ce matin que c'est une loi sur l'immigration qui va nous protéger.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, je dis que c'est une loi sur l'immigration qui va pouvoir répondre en tout cas aux enjeux de notre époque. Regardez, réussir à identifier quelqu'un d'isolé. Parce que là, ce qu'on voit, sur l'attentat d'Arras, les attentats de Suède et encore une fois, je regarde les choses aussi de manière pragmatique, parce que c'est notre devoir.

SONIA MABROUK
Sur les deux Suédois, oui.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Ce sont des individus isolés, qui agissent. C'est beaucoup plus compliqué que d'avoir en face une organisation terroriste. Et c'est vrai, c'est beaucoup plus difficile. Mais ça ne veut pas dire que c'est impossible.

SONIA MABROUK
En tous les cas, pour celui de Bruxelles, il se revendique de l'État islamique, on va attendre ce qu'il en est. Est-ce que la réponse, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, pour protéger les professeurs, c'est des portiques de sécurité et c'est des caméras de surveillance ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, alors, pas que. Pas que, par exemple, là, j'ai demandé au ministre de l'Intérieur, j'ai préparé une circulaire sur la possibilité de donner aux préfets de décider, avec les collectivités, de la vidéosurveillance là où ils pensent que c'est nécessaire. Donc dans les écoles, les écoles, les collèges, les lycées, des lieux de culte et les bâtiments publics. Parce qu'en attendant, si on ne fait rien, c'est-à-dire si on vient commenter tranquillement sur votre plateau et dire : "Bon, écoutez, ça ne va pas très bien", non, c'est le début d'une solution. Les portiques, je sais qu'il y a certains professeurs, certains syndicats qui le demandent aussi. Parce que, que les professeurs aient peur, heureusement, nous les parents, enfin moi je ne suis parent, enfin, avant d'être ministre ou avant même de faire de la politique, je suis une maman. Donc je comprends la demande. Et quand je vous dis être à la hauteur des enjeux, cela veut dire arrêter de se masquer la vérité. La réalité, c'est que nous sommes en train de changer de monde, mais pas à cause de la France. La France reste quand même, enfin, quoi qu'on dise, un grand pays.

SONIA MABROUK
Dominique BERNARD, Samuel PATY, deux professeurs, deux hussards de la République, mais aussi 40 ans de renoncement, 40 ans de lâcheté, 40 ans de pas de vague. Ici même, Gérard LARCHER, il a dit - entre parenthèses ce sont ces mots - "Nous avons tous failli". Est-ce que vous avez tous failli ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors, en tout cas, on ne peut pas…

SONIA MABROUK
Il l'a reconnu.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
On ne peut pas arriver à ce résultat-là et dire que nous avons réussi. Des professeurs sont morts. Des professeurs sont morts, donc comment devant leur mémoire, à part s'incliner et se dire que, moi j'aurais donné pour que cela n'arrive jamais, mais la réalité, c'est que maintenant nous sommes... Je suis en fonction, du haut de mon secrétariat d'État à la Citoyenneté et à la Ville, je compte prendre non seulement toute ma part et aller avec tout le courage qui m'anime, parce que c'est un engagement, un vrai engagement…

SONIA MABROUK
Oui, citoyenneté.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument, et la citoyenneté, c'est très important.

SONIA MABROUK
Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, c'est très important, parlons-en.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument.

SONIA MABROUK
Dans l'Hérault, je vous donne un exemple, un professeur a été menacé de mort par un élève, qui a diffusé sur son compte Snapchat son nom, avec l'émoticône un couteau. Et il a écrit "t'es le prochain". Il a interpellé cet élève et on a découvert qu'il va être sanctionné par un stage de citoyenneté. Pourquoi, à la place du nom de sa classe, il a écrit, il aurait écrit, je prends toutes les précautions, Al-Qaïda. Alors, un stage de citoyenneté quand à cet âge-là, vous faites ça, on ne sait pas ce que ça peut donner un peu plus tard.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors je ne suis pas sûre, parce que sur les plateformes, maintenant vous le savez, sur les réseaux sociaux, la justice est capable de s'emparer des sujets. Donc ça, c'est un sujet de justice. Et juste lui dire : "Tu vas faire un stage de laïcité", enfin franchement, enfin moi je ne peux pas entendre, moi, en tant que ministre de la Citoyenneté, que cela va être la réponse. Non, la réponse doit être beaucoup plus ferme. Et je rappelle encore les mots du président, être impitoyable, ça veut dire démarrer là. Ce n'est pas parce qu'il a 17 ans, ce n'est pas parce que c'est un jeune homme, parce que bon, il est encore mineur, qu'il n'a pas droit à une sanction. La justice doit s'emparer de ce sujet tout de suite et je l'invite à le faire.

SONIA MABROUK
Être impitoyable, c'est aussi avoir un diagnostic…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
C'est une menace, pardon, c'est une menace de mort contre son professeur. Donc il me semble bien qu'une menace de mort, c'est un délit, donc...

SONIA MABROUK
Être impitoyable, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, c'est aussi avoir un diagnostic lucide. Quand il y a eu les émeutes qui ont secoué notre pays, il n'y a pas si longtemps, eh bien un comité interministériel pour la Ville, devait proposer des solutions des premières pistes. Pfft, il est où ? Il est parti.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, il arrive bientôt. Il arrive bientôt, parce que…

SONIA MABROUK
Il y avait urgence.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non. Non, non, il n'y a pas eu urgence. On n'était pas à deux ou trois semaines pour finaliser certaines options. Vous voyez, hier encore, j'avais le président de Villes et banlieues, Gilles LEPROUST, demain il me semble qu'ils fêtent leurs 40 ans. C'est ça. La réalité, c'est que nous avons beaucoup de propositions sur la table et que j'ai estimé, en étant arrivé cet été dans ce ministère de la Ville, donc maintenant c'est la Citoyenneté et la Ville, de dire : "On peut prendre encore un petit peu de temps pour se concerter et finaliser des propositions", mais qui viennent d'eux…

SONIA MABROUK
Oui, mais se mettre d'accord sur le diagnostic…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Je veux dire, moi, ça n'arrive pas d'en haut…

SONIA MABROUK
Parce que vous, en août 2023, vous avez dit : "Le raccourci entre l'immigration et les émeutiers est faux". Or, selon un rapport réalisé conjointement par l'Inspection générale de l'administration et l'Inspection générale de la justice, là je préfère vous lire les mots : "Les condamnés sont majoritairement des hommes de nationalité française. Selon la préfecture de police, pour sa zone de compétences, une grande majorité des émeutiers interpellés sont des jeunes individus de nationalité française, mais originaires de l'immigration, deuxième ou troisième génération…"

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Donc on parle bien de citoyenneté.

SONIA MABROUK
... principalement du Maghreb et d'Afrique Sub-saharienne.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Donc on parle bien de citoyenneté.

SONIA MABROUK
Il n'y a pas de sujet d'immigration, d'intégration, d'assimilation.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors d'immigration, non, puisqu'ils sont Français, ils sont nés sur le territoire, ils sont français. Qu'il y ait un sujet d'adhésion à nos valeurs de la République, cela va sans dire. Enfin, comment oser venir sur ce plateau contredire une réalité, que nous devons faire tout ce qui est de notre devoir, moi en tout cas, c'est comme cela que je le prends, mon devoir, c'est aussi de dire à ces jeunes la chance qu'ils ont d'être Français. Et leur dire cela, ça ne suffit pas.

SONIA MABROUK
Une partie de ces jeunes, je ne dis pas de ceux-là, mais une partie mettent la religion, le communautarisme et tout cela avant…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
On appelle cela le repli.

SONIA MABROUK
Avant… Oui, comment on lutte contre cela ? Est-ce que ce n'est pas une bataille culturelle que nous avons déjà perdue ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non on ne l'a pas, les seules batailles que vous pouvez perdre, c'est celle que vous ne menez pas.

SONIA MABROUK
C'est beau mais dans les faits, Madame AGRESTI-ROUBACHE…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, non mais madame, dans les faits, l'école, une partie des élèves, remettent au centre du jeu, les parents, l'éducation, il me semble bien que nous tous autour de cette table.

SONIA MABROUK
Parfois les parents sont aussi un problème.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument. Nous avons bien reçu une éducation. Il me semble bien que ceux qui sont responsables, je l'ai dit, ce n'est pas parce que maintenant que je suis ministre, je ne vais pas le dire, on est responsable de ce qu'on fabrique, à l'exception des mamans isolées, parce qu'on s'en rend compte, vous voyez dans les quartiers prioritaires, 30% de femmes sont des mamans isolées. Comment une maman isolée, seule, avec trois enfants, qui a un petit salaire peut-elle s'en sortir ? Je pense que là, il faut aider. En revanche, ceux qui ont les moyens d'éduquer correctement leurs enfants et qui ne le font pas, là est la responsabilité. Je vous rappelle juste que quand on marie les gens, moi je ne suis pas maire, mais quand il y a des maires qui marient nos concitoyens, l'article 371-1 du code civil, vous devez, ils doivent s'occuper de leurs enfants, c'est-à -dire assistance, et ils ont la responsabilité de l'éducation de leur foyer. Une fois qu'on a dit ça…

SONIA MABROUK
L'école a instruit les parents, normalement les parents éduquent.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
L'école instruit, les parents éduquent et la nation protège.

SONIA MABROUK
Alors protège justement on va finir là-dessus, malheureusement, parfois…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Autant que faire se peut.

SONIA MABROUK
Elle n'y arrive pas face à une vague d'attentats.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Autant que faire se peut.

SONIA MABROUK
On va rappeler ce qui s'est passé à Bruxelles, cette information selon laquelle le suspect aurait été arrêté, je préfère le dire au conditionnel.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Disons-le au conditionnel.

SONIA MABROUK
Ce sera ma dernière question, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, quand le Président, quelques jours avant que Dominique BERNARD ne soit assassiné dit " nous devons rester unis, est ce qu'il prêche dans le vide ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Pas du tout, il a raison.

SONIA MABROUK
Nous sommes, il y a les fractures, il y a la fragmentation, il y a tous les problèmes dont nous venons de parler, il n'y a même pas d'unité nationale. Le RN demande la démission de Gérald DARMANIN, où est l'unité aujourd'hui ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors, écoutez, moi, je ne sais pas. Enfin, je laisse le, le Rassemblement national face à ses responsabilités, mais en tout cas, je vois la responsabilité…

SONIA MABROUK
Il n'a pas été au pouvoir encore.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument et c'est tant mieux. La réalité, c'est que le président de la République, ça reste quand même le Président de la République dans sa fonction, donc appeler à l'unité de la nation, il a raison de le rappeler. Je sais que cela peut paraître des mots vains, mais quand vous vous baladez, moi tous les jours, je suis dehors, je suis très peu dans mon bureau, je suis toute la journée, comme je le dis avec les gens dehors. L'appel du président de la République à faire nation a été entendu et comment il a été entendu ? Parce que vous savez comme des choses graves comme il arrive en ce moment, regardez ce qui se passe en Israël, regardez ce qui se passe chez nous, si on n'est pas ensemble, là, je peux vous garantir qu'on n'y arrivera pas. Et moi je crois que nous sommes une grande nation. J'aime mon pays, mais comme jamais je pourrais le dire et je l'ai écrit, je l'ai écrit et vous le savez, en étant là, je l'aime encore plus parce que je vois ce dont nous sommes capables, vraiment. Et quand vous me parlez de ces jeunes qui ne se sentent pas Français, ce que je leur dis c'est qu'ils se sentent quoi ? Vous savez, ils sont ni d'ici, ni d'ailleurs, en fait, il faut les ramener ici.

SONIA MABROUK
Merci Sabrina AGRESTI-ROUBACHE.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Merci.

SONIA MABROUK
Merci d'avoir été notre invitée, c'était votre "Grande interview". À bientôt et bonne journée à vous.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Merci beaucoup, Sonia MABROUK


source : Service d'information du Gouvernement, le 20 octobre 2023