Interview de M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à CNews le 3 novembre 2023, sur la tempête Ciaran, le conflit au Proche-Orient entre Israël et le Hamas, l'antisémitisme et le projet de loi immigration.

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Média : CNews

Texte intégral

ANTHONY FAVALLI
Bonjour Stanislas GUERINI, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques.

STANISLAS GUERINI
Bonjour.

ANTHONY FAVALLI
Je voudrais tout d'abord parler avec vous d'un sujet d'actualité : la tempête Ciaran. Le jour d'après, beaucoup de foyers sont privés d'électricité aujourd'hui, des transports publics perturbés, des routes barrées ; conséquences des ces vents qui ont soufflé jusqu'à 200 km/h. Il y a même eu deux décès. Emmanuel MACRON se rend en Bretagne aujourd'hui auprès des sinistrés, auprès des forces de secours également. Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que le pire a été évité ?

STANISLAS GUERINI
Probablement oui, c'est toujours difficile à dire quand deux de nos compatriotes ont perdu la vie. Et je veux avoir une pensée pour eux et pour leur famille. Évidemment, c'est toujours un drame quand cela arrive. Mais oui, par rapport à l'ampleur de la tempête que nous avons vécue, quand on compare aux tempêtes précédentes qui avaient déferlé sur notre territoire, on peut dire effectivement qu'il y a eu une mobilisation exceptionnelle. Je veux saluer l'ensemble des agents publics qui ont été mobilisés. Ils ont été très nombreux : les 13 500 sapeurs-pompiers qui sont intervenus, 3 500 fois, et des dispositifs pour adapter notre société à ces phénomènes climatiques, pour pouvoir alerter nos concitoyens. Dans la nuit, au coeur de la tempête, beaucoup de nos concitoyens ont reçu des SMS pour leur indiquer qu'ils étaient dans une zone dangereuse. Il ne fallait pas sortir. Donc on voit bien que grâce à cette mobilisation exceptionnelle, notre société s'adapte et fait face aux pires événements climatiques. Je crois qu'il faut se préparer. Évidemment, on voit bien que l'intensité de ces épisodes, du fait du changement climatique aussi, monte un peu à chaque fois. Et donc on a besoin d'adapter notre société et de mobiliser toutes les forces vives de la nation.

ANTHONY FAVALLI
Stanislas GUERINI, avant de revenir en France, tout d'abord, un mot sur le conflit au Proche-Orient entre Israël et le Hamas. Plusieurs experts mandatés par l'ONU ont alerté hier sur un grave risque de génocide du peuple palestinien. " Génocide ", c'est un mot très fort, c'est l'intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique ou religieux. Ça veut dire que ces experts de l'ONU pourraient prêter à Israël d'autres intentions bien plus graves que celle de sa propre sécurité. Est-ce que le mot génocide, selon vous, est un terme mesuré et responsable ?

STANISLAS GUERINI
Non, il ne me semble pas adapté. La position française, c'est que le Président de la République a toujours été extrêmement clair. Il faut dire les choses ; Israël a le droit de se défendre. Israël a vécu les pires attentats terroristes d'un groupe, le Hamas, terroriste qui est venu sur son sol, celui d'une démocratie tuée, exterminée. Justement-là avec les intentions de faire disparaître une partie de la population parce qu'ils étaient juifs. Il faut dire les choses. Et la position de la France a toujours été claire : Israël a le droit de se défendre dans le cadre des règles internationales, dans le cadre des règles humanitaires.

ANTHONY FAVALLI
Ces experts de l'ONU mettent de l'huile sur le feu en utilisant ce mot ?

STANISLAS GUERINI
Je ne sais pas et je ne veux pas le commenter.

ANTHONY FAVALLI
On rappelle, l'antisémitisme en France.

STANISLAS GUERINI
Au-delà je dis ce qui est la position de la France. La position de la France, c'est le respect pour Israël au droit de se défendre dans le cadre du droit international, du droit humanitaire. C'est aussi de ne pas confondre le Hamas qui est un groupe terroriste, et le peuple palestinien. Les victimes civiles, elles ont la même valeur, qu'elles soient palestiniennes ou israéliennes. C'est pour ça que la France est engagée, justement pour qu'il y ait ce corridor humanitaire, pour qu'il y ait une trêve humanitaire. C'est une position claire, justement pour éviter là des escalades.

ANTHONY FAVALLI
Stanislas GUERINI, les mots sont très importants. Je pense à la haine des Juifs qui se manifeste aujourd'hui partout dans le monde et également en France. Et on y vient, 850 actes antisémites, plus de 850 actes antisémites recensés dans notre pays depuis le 7 octobre dernier. C'est davantage, bien davantage que sur l'ensemble de l'année dernière, des croix gammées, des étoiles de David sur les bâtiments, des chants de haine envers les juifs entonnés dans le métro parisien. Plus grave encore : des menaces et des agressions contre les personnes. Stanislas GUERINI, quand on en est là dans notre société, est-ce qu'il n'est pas déjà trop tard ?

STANISLAS GUERINI
Je crois qu'il n'est jamais trop tard mais il faut ouvrir les yeux sur le fait qu'il y a un antisémitisme qui resurgit, qui est présent dans notre pays, qui est latent, qui n'est pas (contrairement à ce que je peux entendre parfois) l'importation du conflit dont vous venez de me parler entre Israël et la Palestine. Ces actes antisémites, cette résurgence d'actes antisémites intervenaient dès le 7 octobre, au moment où Israël était touché en son coeur. Et 1 400 Israéliens perdaient la vie parce qu'ils étaient Juifs, justement. Et c'est l'affaire de tous.

ANTHONY FAVALLI
Quelle est la source de l'antisémitisme aujourd'hui, si ce n'est pas le conflit israélo-palestinien ?

STANISLAS GUERINI
On voit bien qu'il y a aujourd'hui des formes déguisées d'antisémitisme. Dans des manifestations, on ne crie pas forcément " mort aux Juifs ", on crie " on nique les juifs ". On ne dit pas forcément " sale Juif ", on dit " sale sioniste ". Et un certain nombre le dénonce depuis plusieurs années. Nous avions porté justement à l'Assemblée nationale une résolution pour voir ces nouvelles formes d'antisémitisme. Voir qu'aujourd'hui, l'antisionisme, c'est souvent une façon déguisée d'attaquer les juifs. Et je voulais le dire, ce n'est pas que l'affaire des Français de confession juive, c'est l'affaire de tous.

ANTHONY FAVALLI
L'antisémitisme est-ce qu'il est porté aussi par l'islamisme ? Pensez-vous que l'islamisme est une menace pour la France ? Pourquoi je vous dis ça ? Parce que 78% des Français répondent que oui, et ce même à gauche d'ailleurs. 61%, c'est le résultat d'un sondage CSA pour CNEWS.

STANISLAS GUERINI
Ce qui est étonnant, c'est qu'on ne soit pas à 100% à répondre que l'islamisme c'est une menace pour notre pays, sans jamais confondre l'islam et le droit de pratiquer une religion. C'est le cas de la laïcité et de l'islamisme qui est un projet politique et un projet évidemment menaçant pour notre pays. Tous ceux qui ont péri des attentats islamistes sont là ou ne sont plus là malheureusement pour pouvoir en témoigner ; et donc sont évidemment la preuve que l'islamisme est une menace. Je crois que la question de l'antisémitisme sur laquelle vous m'interrogez, c'est une question qui doit nécessiter une mobilisation collective de dire aux Français de confession juive dans notre pays, qu'ils ont évidemment le droit de vivre en sécurité dans notre pays, que la République doit être là pour les protéger.

ANTHONY FAVALLI
Alors, j'entends bien, Stanislas GUERINI, mais quand hier, l'imam de Beaucaire a été condamné à huit mois de prison avec sursis, je précise bien, avec sursis après avoir incité au meurtre de Juifs sur les réseaux sociaux, quel est le message qui est envoyé aux Juifs de France ?

STANISLAS GUERINI
Vous savez, le message que nous envoyons de façons extrêmement clair, c'est qu'il ne peut pas y avoir d'impunité pour ceux qui attaquent…

ANTHONY FAVALLI
Et comment on peut leur dire que la France les protège ?

STANISLAS GUERINI
Menace… Vous voyez, il y a quelques jours, le rabbin de Levallois était menacé par quelqu'un sur un réseau social. Il a été repéré, il a été conduit devant la justice. Il a été déféré. Plus de 400 personnes, ces derniers jours, ont été interpellées. Il y a une fermeté extrêmement grande et de la part de la police et de la part de la justice pour justement ne pas laisser s'installer un sentiment d'impunité. Je parlais à l'instant des formes déguisées, parfois d'antisémitisme. Il faut pouvoir les condamner. Il faut pointer du doigt, ça va être une mobilisation des forces publiques. Je viens de parler de la sécurité de la police, de la justice. Ça doit être une mobilisation de société. Il fut un temps où les Français descendaient dans la rue quand un cimetière juif était profané et nous avons aujourd'hui des actes qui sont pires que cela. J'ai échangé hier avec un dirigeant de société dans ma circonscription, dont les crèches, puisque c'est un réseau de crèches, ont été menacées. Il a porté plainte à la fois parce qu'il y a des étoiles de David qui ont été mises, mais aussi des croix gammées sur d'autres crèches. Tout cela est insupportable. On voit bien que les témoignages sont extrêmement nombreux que beaucoup de nos concitoyens français de confession juive retirent leur kippa pour aller dans la rue, changent leur nom sur des applications et téléphones portables. C'est une mobilisation de société.

ANTHONY FAVALLI
Stanislas GUERINI, ces jeunes, ces jeunes qu'on entend scander dans le métro des slogans haineux envers les juifs, est-ce que la bataille n'est pas aussi à mener au niveau de l'Education nationale ?

STANISLAS GUERINI
Mais la bataille est à mener à toutes les échelles, dans tous les pans de notre société. Ça va être une bataille régalienne pour pouvoir protéger tous nos concitoyens, tous nos concitoyens, quelle que soit leur confession, que ce soit l'islam, que ce soit le judaïsme, que ce soit la chrétienté. Tout le monde doit vivre en sécurité dans la République. Mais ça va être une mobilisation générale à l'école, dans l'enseignement supérieur, dans la fonction publique aussi. Je le dis en tant que ministre de la Fonction publique, nous formons l'ensemble des agents publics à la lutte contre le racisme, à la lutte contre l'antisémitisme et nous devons encore accélérer ces formations-là. Ça doit être encore une fois une mobilisation de la société tout entière, parce que quand ce sont les Juifs qui sont attaqués dans notre pays, en réalité c'est la République, ce sont nos valeurs que certains veulent éradiquer et ça, nous ne pouvons pas l'accepter, ne pouvons pas avoir de faiblesse sur ces questions-là.

ANTHONY FAVALLI
Une manifestation pro-Palestine, Stanislas GUERINI, s'est tenue hier à Paris, place de la République, manifestation à l'initiative de la France Insoumise et d'autres collectifs politiques et syndicaux. Une autre aura lieu demain samedi. Est-ce que l'antisionisme, ouvertement affiché aujourd'hui par la France Insoumise dans ses manifestations, fait le lit de l'antisémitisme en France ?

STANISLAS GUERINI
Ecoutez, je crois que le pire des pièges, au fond, ce serait de confondre le peuple palestinien et le Hamas. Nous en parlions à l'instant, il y a un groupe terroriste, on l'a bien vu. C'était évident que certaines forces politiques de la France Insoumise n'étaient pas capables de mettre les mots sur le terrorisme. Dès lors, ils sont disqualifiés pour porter des positions d'équilibre, justement de concorde et d'unité dans notre pays quand ils ne savent pas qualifier même la situation. Donc, je crois qu'il ne faut pas confondre la volonté de manifester pour le peuple palestinien, elle peut s'entendre, je la respecte et les débordements que nous venons d'évoquer à l'instant d'antisionisme, d'antisémitisme, j'ai évidemment vu que dans ces manifestations, il y avait des pancartes qui niaient les crimes abjects qui ont été commis sur le sol d'Israël, qui niaient le fait que des bébés aient été tués. On en a aujourd'hui toutes les preuves. Et donc ça, ce n'est pas acceptable. Et donc, le rôle de la République Française…

ANTHONY FAVALLI
71% des Français…

STANISLAS GUERINI
Encore une fois, c'est de ne pas laisser ces débordements se faire. C'est à chaque fois les décisions, je veux le dire, difficiles que prennent les préfets de la République.

ANTHONY FAVALLI
71 % des Français considèrent que Jean-Luc Mélenchon est un danger pour la République, sondage, CSA pour CNEWS, là aussi, qu'en pensez-vous ?

STANISLAS GUERINI
Dès lors que sa parole porte et personne ne le conteste, moi j'ai respecté pendant longtemps la parole de Jean-Luc MELENCHON qui était une parole au fond, empreinte de culture, qui était une parole réfléchie. On voit bien qu'il y a une dérive insupportable aujourd'hui de la France Insoumise, de son dirigeant actuel. Je suis encore glacé en me remémorant le tweet qu'il a pu faire, en évoquant le fait qu'Yaël BRAUN-PIVET campe à Tel Aviv. Tout ça est une dérive qui l'a amené effectivement en dehors du champ républicain. Donc, je crois que cette parole-là, elle est dangereuse précisément parce qu'elle porte dans notre société.

ANTHONY FAVALLI
Stanislas GUERINI, ministre de la Transformation et de la Fonction publique. On va parler du projet de loi immigration qui arrive au Sénat le 6 novembre, c'est-à-dire lundi prochain. Est-ce que vous allez entendre les Français, qui sont une majorité à réclamer des dispositions plus répressives ? C'est ce que révèle cette semaine un sondage ODOXA pour Le Figaro. Ils veulent rétablir le délit de séjour irrégulier, durcir les conditions du regroupement familial, faire des quotas annuels pour l'immigration et les demandes d'asile ou encore supprimer l'aide médicale d'État. Tiens donc, ce sont en fait les propositions des LR.

STANISLAS GUERINI
Vous savez, je crois que les Français, nos concitoyens, ils veulent, sur ces questions-là, sur les enjeux de l'immigration, de l'efficacité. Ils veulent que les lois de la République puissent s'appliquer. Ils veulent que quand on prend des décisions de reconduire des personnes qui n'ont pas leur place sur le territoire français à la frontière, on puisse le faire, qu'on puisse expulser celles et ceux qui sont justement des dangers pour notre République, qu'on puisse mettre en place des critères, par exemple par les Français, pour accorder des titres de séjour. Ils veulent qu'on puisse raccourcir les délais. On voit bien qu'aujourd'hui, il y a beaucoup de procédures de recours quand on donne une décision quant au droit d'asile. Tout cela, c'est ce que porte le projet de loi que présente Gérald DARMANIN.

ANTHONY FAVALLI
Et l'article 3 permet de régulariser les sans-papiers dans les métiers en tension ?

STANISLAS GUERINI
Mais c'est parce que c'est ça aussi la réalité de notre pays. Je pense que nos concitoyens, ils sont très pragmatiques en réalité.

ANTHONY FAVALLI
C'est ce que veulent les concitoyens ?

STANISLAS GUERINI
C'est ce que les sondages montrent, ils veulent qu'on puisse coller à la réalité de notre pays. La réalité, c'est qu'aujourd'hui on n'applique pas suffisamment bien le droit et nous nous en donnons les moyens dans ce projet de loi, Mais que la réalité, c'est aussi que certains de… Certains, aujourd'hui étrangers en France, travaillent, travaillent durement, sont attachés aux valeurs de la République, le sont dans des métiers en tension et donc on doit pouvoir régulariser ces situations. Encore une fois, la ligne du Gouvernement, notre ligne de conduite, c'est une ligne d'efficacité sur ces questions-là…

ANTHONY FAVALLI
Donc pas de référendum ?

STANISLAS GUERINI
Et je mesure aujourd'hui…

ANTHONY FAVALLI
Pas de référendum pour modifier la Constitution ?

STANISLAS GUERINI
Mais un référendum, pourquoi pas, mais ça prendrait trois ans. Il faudrait d'abord faire un référendum sur le référendum pour pouvoir à la fin avoir un débat sur l'immigration. Moi, je préfère et je crois que les Français raisonnent comme je suis en train de le faire, des mesures d'efficacité qu'on puisse appliquer rapidement. C'est une bonne chose que le débat parlementaire puisse se faire au Sénat, puis à l'Assemblée, pour pouvoir encore une fois nous donner tous les moyens de l'efficacité de coller aux réalités de terrain pour apporter des réponses attendues par nos concitoyens.

ANTHONY FAVALLI
Merci à vous, Stanislas GUERINI, ministre de la Transformation et de la Fonction publique. Vous étiez l'invité de CNEWS et d'Europe 1. Vos programmes continuent sur nos deux antennes.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 novembre 2023