Interview de Mme Élisabeth Borne, Première ministre, à France Inter le 6 novembre 2023, sur la situation au Proche-Orient et la recrudescence d'actes antisémites, la rentrée des classes trois semaines après l'assassinat du professeur Dominique Bernard et le projet de loi pour contrôler l'immigration.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Et avec Léa SALAME, nous vous proposons ce matin un "Grand entretien" exceptionnel dont l'invitée est la Première ministre, Élisabeth BORNE. Vous pourriez dialoguer avec elle dans une quinzaine de minutes au 01 45 24 7000 et sur l'application France Inter. Élisabeth BORNE, bonjour.

ELISABETH BORNE
Bonjour.

NICOLAS DEMORAND
Et bienvenue à ce micro. On va revenir avec vous sur le projet de loi de cet automne, qui arrive aujourd'hui au Sénat, le projet de loi Immigration, on va revenir aussi sur la rentrée scolaire, trois semaines après l'assassinat du professeur Dominique BERNARD. Mais d'abord, la situation au Proche-Orient, demain, cela fera un mois que le Hamas a lancé l'attaque la plus meurtrière contre l'État d'Israël. Un mois après le 7 octobre, Élisabeth BORNE, quelle image retenez-vous, qu'est-ce qui vous a le plus marquée de ces attaques qui ont ébranlé, à la fois le Proche-Orient, mais aussi le monde en tant que tel ?

ELISABETH BORNE
Écoutez, d'abord, je pense que personne ne peut oublier les images effroyables qu'on a pu voir après l'attaque terroriste du Hamas sur Israël, on a des actes de barbarie impensables qui ont été commis. Et je pense que ça reste dans toutes les mémoires. Et puis, depuis, on a évidemment les frappes israéliennes sur la bande de Gaza, avec des milliers de morts, et c'est pour ça que la France appelle à une trêve humanitaire, pour pouvoir acheminer de l'aide vers ces populations civiles, qui ne doivent pas être les victimes de cette attaque terroriste.

LEA SALAME
Jusque-là, vous répétiez qu'Israël avait le droit de se défendre, depuis quelques jours, vous demandez effectivement une trêve humanitaire. Votre ministre des Affaires étrangères évoque même l'idée d'un cessez-le-feu, il faut aller vers le cessez-le-feu. Quels sont les termes, parce que vous savez, vous avez entendu Pierre HASKI, chaque terme diplomatique est très important, ce matin, vous dites quoi, il faut une trêve humanitaire, Israël a le droit de se défendre ou il faut un cessez-le-feu ?

ELISABETH BORNE
Alors, on dit tout à la fois que, naturellement, Israël a le droit de se défendre, d'assurer sa survie, par rapport à un groupe terroriste qui est le Hamas, mais on dit également que cette défense d'Israël doit se faire dans le respect du droit international humanitaire, et que ces civils dans la bande de Gaza ne doivent pas être les victimes de cette attaque terroriste. On ne peut pas confondre le peuple palestinien et le groupe terroriste qui est le Hamas…

LEA SALAME
Mais vous demandez un cessez-le-feu ce matin ou non ?

ELISABETH BORNE
Et ce que demande la France, ce sont effectivement des trêves humanitaires, et on espère ensuite que la solution politique pourra prendre le pas, et cette solution politique, sans aucun doute, elle passe à la fois par la sécurité d'Israël, et elle passe aussi par une réponse aux aspirations des Palestiniens d'avoir un État.

NICOLAS DEMORAND
Le Quai d'Orsay a annoncé que 39 Français ont été tués dans l'attaque terroriste du Hamas le 7 octobre. Neuf sont toujours portés disparus. Il y a donc possiblement neuf otages français vivants aujourd'hui, neuf otages français vivants aujourd'hui aux mains du Hamas. Y a-t-il des négociations pour leur libération ou tout est bloqué ?

ELISABETH BORNE
Alors, le bilan, ce matin, il est de 40 morts et 8 disparus, parmi lesquels, parmi ces disparus, il y a évidemment des otages, la discussion, elle est en cours, d'abord, avec les autorités israéliennes, mais aussi avec les partenaires de la région. Notre priorité, c'est bien sûr la libération des otages.

LEA SALAME
Aujourd'hui, il y en a 8 donc, vous nous dites…

ELISABETH BORNE
On ne peut pas dire le nombre d'otages…

LEA SALAME
On ne sait pas combien sont disparus…

ELISABETH BORNE
Il y a des disparus, parmi lesquels il y a certainement des otages.

LEA SALAME
En France, on a pu voir ces derniers jours des étoiles de David sur les murs de Paris, des croix gammées sur les écoles de Strasbourg, des inscriptions qui appellent à tuer des juifs, des vidéos dans le métro de chants antisémites. Il y a des juifs français aujourd'hui qui hésitent à envoyer leurs enfants à l'école, qui hésitent à commander un Uber. Gérald DARMANIN a donné hier ce chiffre : plus de 1 000 actes antisémites ont été recensés depuis le début du conflit au Proche-Orient, c'est-à-dire, plus en un mois que sur toute l'année écoulée. Qu'est-ce que vous dites ce matin, Madame la Première ministre, aux juifs français qui ont peur, qui voient bien que vous avez renforcé le dispositif policier, mais qui ont quand même peur ?

ELISABETH BORNE
Alors, ce que je dis d'abord aux juifs français, c'est que je mesure pleinement leur angoisse face à cette recrudescence d'actes antisémites. Alors, ça peut prendre des formes différentes, c'est des slogans dans des manifestations, c'est des propos haineux sur les réseaux sociaux, ce sont aussi des agressions sur des personnes de confession juive. Et moi, je redis à tous nos concitoyens de confession juive que le Gouvernement fait tout pour les protéger, qu'on est à leurs côtés. C'est en effet ce que vous avez mentionné sur la protection autour des lieux de culte et des écoles qui a été mise en place immédiatement dès l'attaque du 7 octobre. Et puis, par ailleurs, nous retrouvons les auteurs, nous nous assurons qu'ils font l'objet de poursuites, qu'ils sont condamnés. C'est le sens de la circulaire que le garde des Sceaux avait adressée début octobre au Parquet pour qu'on soit intraitable face à ces actes antisémites…

LEA SALAME
Mais ça n'arrête pas les actes, ce que vous dites est juste, mais ça n'arrête pas les actes…

ELISABETH BORNE
Enfin, ce que je peux vous dire, c'est qu'on ne peut pas…

LEA SALAME
Les insultes, les tags, ça continue en fait...

ELISABETH BORNE
On ne peut pas évidemment pas accepter dans notre pays cette résurgence de cet antisémitisme qu'on n'avait pas connu depuis des années, et on sera intraitable. On ne laissera rien passer. Des personnes seront retrouvées et condamnées.

LEA SALAME
Gérald DARMANIN a évoqué la responsabilité d'une forme d'ultragauche dans cette hausse des actes antisémites. Vous parlez pareil. Vous dites la même chose ?

ELISABETH BORNE
Enfin, je pense qu'on a tous vu que, notamment, La France Insoumise a beaucoup de mal à mettre des noms sur des actes, a beaucoup de mal à qualifier de terroriste, le Hamas, confond parfois l'antisionisme et l'antisémitisme. Donc je pense qu'il faut que chacun prenne conscience de la gravité de ce que vivent nos concitoyens de confession juive, se ressaisisse, et qu'on ait ce sursaut pour dire qu'en France, il n'y a pas de place pour l'antisémitisme.

LEA SALAME
Olivier FAURE a appelé hier tous les partis politiques contre à faire une marche contre l'antisémitisme, tous, y compris le Rassemblement national, avant de rétropédaler. Qu'est-ce que vous en pensez d'une telle initiative ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi, je ne vais pas commenter des initiatives d'Olivier FAURE qui sans doute essaie aussi de se racheter une conscience dans son alliance avec La France Insoumise. Je pense qu'il est important qu'un maximum de voix puissent s'élever pour dire que l'antisémitisme n'a pas sa place dans notre pays. S'en prendre à un juif, c'est s'en prendre à la République, et on doit tous se dresser contre cette résurgence de l'antisémitisme.

NICOLAS DEMORAND
C'est aujourd'hui, Élisabeth BORNE, la rentrée des classes, trois semaines après l'assassinat du professeur Dominique BERNARD devant son lycée d'Arras. Vous avez annoncé le déploiement de 1 000 brigades mobiles de sécurité. Après cet assassinat, ces brigades seront déployées ce matin. Elles sont renforcées. Que dites-vous aux élèves et aux enseignants qui prennent, là, en ce moment le chemin de l'école ?

ELISABETH BORNE
Eh bien, je leur dis que le Gouvernement est totalement mobilisé pour assurer la sécurité sur l'ensemble du territoire, et notamment autour des écoles. Vous savez qu'après l'attentat d'Arras, j'ai relevé la posture Vigipirate pour passer en urgence attentat, c'est-à-dire, la posture la plus élevée.

LEA SALAME
On y est toujours…

ELISABETH BORNE
Et on y est toujours. Et donc cela veut dire qu'il y a une mobilisation exceptionnelle de nos policiers, de nos gendarmes, qu'on a aussi renforcé le nombre de militaires qui sont mobilisés dans le cadre de l'opération Sentinelle, qu'on a aussi adapté les règles autour des écoles pour que, en particulier, il ne puisse pas y avoir de rassemblement autour des écoles. Et on discute aussi avec les collectivités. Vous savez que ce sont les communes pour les écoles, les départements pour les collèges, les régions pour les lycées, qui sont responsables des bâtiments scolaires. Et aujourd'hui, ce matin même, Gabriel ATTAL, le ministre de l'Education nationale, rencontre les présidents d'associations d'élus pour définir ensemble les mesures de sécurité qu'on peut mettre en place.

LEA SALAME
Il veut aller plus loin, Gabriel ATTAL, des portiques dans les établissements, des vigiles, des caméras de surveillance. Il y a Laurent WAUQUIEZ, le président de région, qui s'occupe donc des lycées de sa région, qui veut utiliser des logiciels de reconnaissance faciale à titre expérimental aux abords des lycées pour identifier les personnes suivies pour radicalisation. C'est une bonne idée ça ou ça va trop loin ?

ELISABETH BORNE
Alors, vous savez que tout ça renvoie, le cas échéant, à des dispositions législatives. Donc moi, ce que je cherche, c'est des mesures efficaces. Par exemple, vous savez des boutons d'appel qui permettent de prévenir immédiatement le commissariat. Mais, c'est des solutions…

LEA SALAME
Il n'y en a pas aujourd'hui, il n'y a pas de bouton d'appel dans les collèges ou les lycées ?

ELISABETH BORNE
Ça existe dans certains établissements. La discussion se tiendra tout à l'heure avec les associations d'élus, mais je pense que c'est par exemple une réponse qui peut être généralisée…

LEA SALAME
C'est-à-dire installer un bouton dans toutes les écoles, dans tous les lycées…

ELISABETH BORNE
Un bouton dans toutes les écoles, dans tous les établissements pour pouvoir alerter le plus vite possible…

LEA SALAME
Qu'un professeur peut appuyer, et directement, le commissariat est alerté…

ELISABETH BORNE
Absolument.

LEA SALAME
Ça, ça serait une des idées.

ELISABETH BORNE
Eh bien, je pense que c'est une piste sur laquelle on devrait pouvoir se mettre d'accord.

NICOLAS DEMORAND
Alors, venons-en au projet de loi Immigration, reporté à plusieurs reprises, déjà très commenté depuis des semaines et des semaines, le texte qui arrive au Sénat, Élisabeth BORNE, a été durci et amendé en commission. Les sénateurs ont notamment ajouté la suppression de l'AME, l'Aide Médicale d'État, remplacée par une Aide Médicale d'Urgence beaucoup plus restrictive. Gérald DARMANIN s'est déclaré favorable à la suppression de l'AME. L'êtes-vous également ?

ELISABETH BORNE
Alors, vous savez, je pense que si on prend un peu de recul parce qu'on a tendance à présenter ce texte au travers d'un article ou de deux articles, revenons peut-être à la logique de ce texte. Et cette logique, c'est à la fois de pouvoir être plus efficace, d'éloigner plus vite ceux qui n'ont pas à être sur notre sol, et en même temps, de mieux intégrer ceux qui ont vocation à y rester. Donc le texte, il a été examiné il y a maintenant un certain temps au Sénat, puisqu'à la demande du président du Sénat, on en avait suspendu l'examen. Il y a des dispositions, notamment sur l'AME, qui n'ont pas totalement leur place dans ce texte, normalement...

LEA SALAME
Mais qui y sont, Madame la Première ministre, ils y sont…

ELISABETH BORNE
Normalement, il y a des règles sur les amendements qu'on peut apporter à un texte. Moi, ce que je peux vous dire, c'est que…

LEA SALAME
Sur l'AME, pardon, parce que Gérald DARMANIN a dit : je suis favorable à supprimer l'AME, à la transformer en Aide Médicale d'Urgence. Vous, Madame, la Première ministre, c'est vous la chef. Vous y êtes favorable ou pas ?

ELISABETH BORNE
Alors, ce que je dis, moi, c'est qu'on ne doit pas prendre des décisions sur la base de totems, de symboles. L'AME, ça sert à quoi, l'AME, c'est un enjeu évidemment d'humanité. C'est un enjeu de santé publique. Depuis des années, on considère que dans notre pays, à la fois pour répondre aux besoins des personnes, des étrangers qui sont sur notre sol, mais aussi, aux enjeux de santé publique pour l'ensemble de nos concitoyens, il faut apporter les soins nécessaires aux personnes qui sont sur notre territoire. J'ai souhaité objectiver la situation. On peut se réinterroger régulièrement. C'est ce qu'on a fait dans le précédent quinquennat…

LEA SALAME
Vous avez commandé un rapport…

ELISABETH BORNE
Donc, j'ai commandé un rapport à deux personnalités, monsieur STEFANINI, et EVIN, qui ont rendu des conclusions provisoires. Et donc, on aura le rapport début décembre. Est-ce qu'il faut adapter le dispositif ? Les deux personnalités que j'ai mentionnées nous le diront, mais je pense qu'il faut absolument que, dans notre pays, on maintienne un système qui permet de soigner les personnes qui en ont besoin, qui permet, je vous dis, de nous protéger aussi en termes de santé publique, évidemment, en s'assurant que ça se fait dans les meilleures conditions en termes…

LEA SALAME
Donc à ce stade, vous n'êtes pas favorable d'une suppression de l'AME ?

ELISABETH BORNE
Non, non, je ne suis pas favorable à une suppression de l'AME. Alors, après ça, on peut changer de nom. Mais le principe qu'on peut être soigné parce que ça renvoie à un enjeu de santé publique, je pense qu'il est important dans notre pays.

LEA SALAME
Alors, venons-en à l'article 3, celui qui suscite le plus de critiques venant de la droite LR, mais aussi d'une partie de votre camp, puisqu'il y a des gens dans la majorité, comme par exemple la députée Horizons Naïma MOUTCHOU, qui dénonce un encouragement pour les clandestins. Cet article 3, c'est l'article qui prévoit la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension. Chiffon rouge pour la droite. Ce matin encore, Bruno RETAILLEAU a dit : "C'est notre chiffon rouge. S'il est dans le texte, on ne votera pas le texte". Alors, on en est où ?

ELISABETH BORNE
Alors, moi j'invite chacun à regarder les dispositions de cet article, qui peut naturellement, la rédaction peut évoluer dans les débats parlementaires. Les débats parlementaires, c'est fait pour ça. Mais de quoi parle-t-on ? Il s'agit de permettre à des personnes qui sont sur notre territoire depuis des années, qui sont bien intégrées, qui travaillent depuis des années, de pouvoir être régularisées. Et je pense que beaucoup, y compris d'employeurs, soulignent l'utilité de ce type d'article. Evidemment, l'intention du Gouvernement, ce n'est pas, contrairement à ce que je peux entendre, de faire des appels d'air. On est dans un pays où on a encore un taux de chômage de plus de 7 %. Donc la priorité, c'est naturellement que les emplois puissent être pourvus par ceux qui n'en ont pas.

LEA SALAME
La droite dit : "C'est un appel d'air. On n'a qu'à augmenter les salaires des Français et comme ça on n'aura pas besoin d'étrangers pour faire ces travaux". Voilà, c'est ça qu'ils disent.

ELISABETH BORNE
Alors, je vous confirme, je vous confirme que tout ça ne doit pas dispenser les employeurs, de réfléchir à l'attractivité de leurs emplois, s'ils ne trouvent pas effectivement de personnes qui peuvent tenir ces emplois. Mais pour autant, je pense que c'est une mesure de bon sens qui est largement partagée, quand on a des gens qui s'intègrent, qui travaillent, de pouvoir les régulariser.

LEA SALAME
Je vais vous poser la question simplement : est-ce qu'à l'issue des discussions qui vont durer au Sénat puis à l'Assemblée nationale, il serait envisageable de sortir cet article 3 de la loi pour la faire passer en voie réglementaire par une circulaire, par exemple ? Est-ce que c'est possible, ou vous nous dites…

ELISABETH BORNE
Alors, on ne va pas rentrer dans des débats trop techniques, mais il se trouve qu'il y a besoin d'une disposition législative, parce qu'aujourd'hui une personne, même si elle est très bien intégrée, même si elle est sur notre sol depuis des années, même si elle travaille, ne peut pas, elle-même, demander sa régularisation. Et vous savez, moi j'ai été ministre du Travail, des employeurs qui emploient, on va dire, enfin, par erreur une personne en situation irrégulière et qui demande la régularisation, ça existe. Des employeurs qui emploient sciemment des personnes en situation irrégulière et qui évidemment n'en demanderont jamais la régularisation, ça existe aussi, et aujourd'hui il n'est pas possible pour une personne, de demander…

LEA SALAME
Donc l'article 3 restera dans la loi.

ELISABETH BORNE
Enfin, moi je vous dis, le débat parlementaire, par définition, il est là pour pouvoir, enfin, adopter, améliorer un texte…

LEA SALAME
Il peut être réécrit, mais il sera dans la loi.

ELISABETH BORNE
Mais, cette nécessité de permettre à une personne de demander sa régularisation, quand elle remplit les conditions que j'ai évoquées, ça me semble important.

NICOLAS DEMORAND
Et de ce fait, vous assumeriez de faire passer ce texte, avec l'article 3, par un 49.3, si la droite fait défaut.

ELISABETH BORNE
Je n'ai pas dit ça. Je pense, vous savez... Alors, est-ce que vous savez combien de textes ont été adoptés depuis le début de la législature ?

LEA SALAME
Par 49.3 ?

ELISABETH BORNE
En général.

LEA SALAME
En général, une centaine.

ELISABETH BORNE
52 textes ont été adoptés, 49 sans recourir au 49.3. C'est-à-dire qu'en dehors des textes financiers, ce que je demande au ministre, et ce pour quoi je m'implique personnellement, c'est pour qu'on trouve des majorités, on l'a fait sur 49 textes. Evidemment, je souhaite qu'on trouve une majorité sur ce texte.

LEA SALAME
Vous avez utilisé le 49.3, Madame la Première ministre, 15 fois. Vous allez bientôt battre le record de Michel ROCARD !

ELISABETH BORNE
Oui, mais vous savez, ça fait trois textes... Trois textes. Mais vous savez, il se trouve que pour adopter un texte, un budget, il faut cinq 49.3. 49 textes ont été adoptés, sans 49.3, trois l'ont été avec le 49.3. La règle, c'est de pouvoir trouver des majorités texte par texte. Et naturellement, l'objectif, c'est qu'on trouve une majorité sur ce texte.

LEA SALAME
Pour une grande majorité de Français, le 49.3 est vu comme un outil antidémocratique, un outil qui coupe la discussion, le débat, et qui fait que les parlementaires qui sont théoriquement élus pour voter les lois, ne la votent pas.

ELISABETH BORNE
Donc, ils en ont voté 49 sur 52.

LEA SALAME
Même votre ministre de la Santé, Aurélien ROUSSEAU, a même eu cette phrase : "À l'œil nu, on ne voit pas la différence entre le 49.3 et l'enfer". Vous pouvez nous expliquer la différence ?

ELISABETH BORNE
Alors, je ne peux pas, je ne sais pas dans quel contexte il a dit ça. Je le redis, le 49.3, moi je l'ai utilisé sur des textes financiers. Et est-ce qu'on imagine que notre pays puisse fonctionner sans budget ? Est-ce qu'on imagine que ce soit possible de ne pas mener les augmentations salariales qui ont été promises aux enseignants, est-ce qu'on imagine que notre pays peut fonctionner sans un budget de la Sécurité sociale ? Donc…

LEA SALAME
En l'occurrence, vous avez le droit d'utiliser autant de fois le 49.3 que vous voulez, sur le budget…

ELISABETH BORNE
Oui, c'est bien ce que je vous dis.

LEA SALAME
... sur les textes budgétaires.

ELISABETH BORNE
Et donc c'est essentiellement sur ces textes.

LEA SALAME
Là, on est sur un texte sur l'immigration, un texte très important…

ELISABETH BORNE
C'est pour ça que je viens de vous redire…

LEA SALAME
Que vous n'utiliserez pas le 49.3 ?

ELISABETH BORNE
C'est pour ça que je viens de vous redire que sur ce texte, comme sur les 49 autres qui ont été adoptés sur 52, sans 49.3, nous chercherons des majorités. Le ministre de l'Intérieur est évidemment mobilisé, et comme je le fais sur chacun des textes, si nécessaire, je m'implique aussi pour aider à trouver des majorités.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 novembre 2023