Texte intégral
BENJAMIN DUHAMEL
Tout juste 8h30 sur RMC et BFM TV, mon invité ce matin dans " Le face à face " c'est le ministre de l'Intérieur Gérald DARMANIN, bonjour Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
BENJAMIN DUHAMEL
Alors hier soir c'était une soirée cauchemardesque à Marseille, où le match entre l'Olympique de Marseille et l'Olympique Lyonnais a donc été annulé après le caillassage de bus de l'équipe lyonnaise, de supporters lyonnais, par des pseudo-supporters marseillais, l'entraîneur de l'OL en sang, blessé au visage. Je vous ai écouté, vous vous félicitiez hier de la bonne tenue de la Coupe du monde de rugby, là c'est raté non ?
GERALD DARMANIN
D'abord on peut peut-être dire que la Coupe du monde de rugby s'est bien passée, il y a eu 2 millions…
BENJAMIN DUHAMEL
Je l'ai dit.
GERALD DARMANIN
Non, mais bien sûr, la sécurité ne fait pas de bruit, vous préférez faire la Une sur l'insécurité, c'est dommage comme modèle médiatique…
BENJAMIN DUHAMEL
On parle de tout, on parle de tout.
GERALD DARMANIN
Non, vous ne parlez jamais de la sécurité ; 2 millions de spectateurs qui sont venus en France, des dizaines de matchs à enjeux, alors qu'il y a une crise, on le voit bien, au Proche-Orient, des risques d'attentats, et je crois que les policiers français, les gendarmes français, les sapeurs-pompiers, les militaires, ont permis la sécurité de nos concitoyens partout sur le territoire national, y compris lors de cette finale. Et puis il y a des événements…
BENJAMIN DUHAMEL
Sur hier soir à Marseille.
GERALD DARMANIN
Oui, j'avais compris que vous vouliez parler de l'insécurité, mais on peut quand même remercier les policiers, les gendarmes, parce qu'en même temps il y a eu le Pape à Marseille, en même temps il y a eu, vous le savez bien, le Roi et la Reine d'Angleterre, et je pense que ça a été l'honneur de la France que de le faire. Après il y a ce match hier soir à Marseille, évidemment c'est inacceptable, " l'Equipe " ce matin dans son éditorial titre " Abrutis ", je pense qu'il n'y a pas mieux comme mot, il y a eu aussi de nombreux policiers blessés, lors de ce match qui n'a pas eu lieu, vous l'avez vu, on a beaucoup…
BENJAMIN DUHAMEL
Il y a combien de policiers blessés ?
GERALD DARMANIN
On a eu cinq policiers blessés, il y a eu neuf interpellations, et notamment, en effet, des gens qui se disent supporters marseillais, nés en France, qui manifestement ont attaqué ce bus, à la fois de l'équipe, qui ont blessé ainsi l'entraîneur et son adjoint, mais aussi des supporters, alors qu'il y avait 500 policiers et gendarmes mobilisés. Et vous savez, pendant longtemps on a, puisqu'on a vu qu'il y avait beaucoup de violence dans le football, malheureusement, qui est un sport magnifique, mais beaucoup de violence, j'ai noté, l'année dernière, si je prends la saison, c'est 103 policiers blessés, pendant toute la saison, il y a eu 870 interpellations dans toute la saison de football, il n'y a pas un autre sport, malheureusement, qui connaît cette violence, on exclut les gens violents du stade, et là vous avez vu que les agressions ont eu lieu en dehors du stade.
BENJAMIN DUHAMEL
Mais justement, est-ce qu'il n'y a pas un sujet de responsabilité des pouvoirs publics dans la façon dont ce match a été sécurisé, on était sur la voie publique, vous le disiez, est-ce qu'il y a eu une sous-estimation du risque de dérapage, est-ce qu'il y a eu des défaillances de ce point de vue-là ?
GERALD DARMANIN
Non, mais ce n'est pas le cas. Il y a eu 500 policiers, un demi-millier de policiers, de gendarmes, pour un match de football. De quoi parlons-nous, est-ce qu'il n'y a pas une responsabilité des supporters, est-ce qu'il n'y a pas une responsabilité des clubs ? moi je remercie l'OM d'avoir condamné…
BENJAMIN DUHAMEL
C'est ce que dit ce matin la ministre des Sports, elle dit il y a une responsabilité des clubs pour ce que font leurs supporters.
GERALD DARMANIN
Qu'est-ce qui s'est passé hier ? Il s'est passé qu'alors qu'il y avait des motards, des policiers, des CRS, qui encadraient des bus de supporters et des bus de joueurs, c'est déjà pas très normal dans un monde classique, mais enfin imaginons, 500 policiers mobilisés pour un match de football au stade Vélodrome, il y a eu des gens qui ont jeté des canettes, c'est ça qui s'est passé, des canettes de bière, sur les vitres d'un bus. Est-ce que vous pensez que c'est de la responsabilité des policiers ou du ministère de l'Intérieur ? eh bien non, c'est de la responsabilité de ceux qui jettent la canette de bière sur le bus, donc il ne faut pas inverser les valeurs, ce qu'il faut c'est, nous l'espérons, condamner durement ces personnes. Moi, depuis le début de la saison, j'ai interdit trois déplacements de supporters, notamment deux fois pour l'équipe de Marseille malheureusement, eh bien j'ai compris qu'il fallait donc peut-être plus systématiquement interdire la venue de supporters ; quoi que là, ce qui s'est passé c'est quand même une équipe de football qui est agressée par des " supporters " d'une équipe locale, donc si j'en viens à interdire les spectateurs dans les matchs de football, et même la venue des équipes de football dans les matchs, il va y avoir un certain nombre de problèmes, c'est la responsabilité des personnes, arrêtons de faire de la violence dans le football.
BENJAMIN DUHAMEL
Gérald DARMANIN, vous évoquiez neuf interpellations, est-ce que tous ceux qui se sont rendus coupables de ces actes hier soir, ont été interpellés, ou est-ce que les investigations continuent ?
GERALD DARMANIN
Non, ils ne sont sans doute pas tous interpellés, je rappelle qu'il y a eu une attaque rapide, en effet, de ce bus de joueurs, puis après une attaque rapide des bus de supporters, neuf interpellations, ce n'est sans doute pas assez encore, la vidéosurveillance nous permettra sans doute d'interpeller d'autres personnes.
BENJAMIN DUHAMEL
J'insiste, une dernière question sur ce sujet, on avait beaucoup d'auditeurs ce matin, notamment sur RMC, qui expliquaient qu'il y avait un sujet épouvantable d'image pour la France, là encore huit mois avant l'organisation des Jeux olympiques, est-ce qu'il faut que les Français s'habituent à voir ce type d'événement se reproduire, est-ce qu'il y a des choses à changer ou est-ce que c'est juste une fatalité parce que, comme vous le dites, il y a un sujet de violence intrinsèque au monde du football par rapport par exemple au monde du rugby ?
GERALD DARMANIN
Alors je ne compare pas des choses qui ne sont pas comparables. Il y a eu des dizaines d'organisations qui se sont tenues depuis un an dans les grands stades, que ce soit la venue du Pape à Marseille, que ce soit des grands concerts, que ce soit des grands matchs de rugby ou des grands matchs de football, et ça s'est très bien passé. On peut se réjouir que la Coupe du monde de rugby, le cinquième événement au monde, se soit passé sans incident majeur. Il y a en revanche - et je crois que la Ligue de football en est bien consciente, j'en suis à ma troisième réunion avec eux depuis que je suis ministre de l'Intérieur- il y a en revanche, dans le monde du football, et dans certains endroits particulièrement, ce n'est pas le cas seulement à Marseille, on sait qu'il y a d'autres villes en France où c'est le cas, des personnes qui sont, soit des hooligans, soit des gens extrêmement violents, qu'on a parfois interdit de stade, et qui doivent comprendre que la violence n'a pas sa place.
BENJAMIN DUHAMEL
Mais il faudra des sanctions pour ces personnes-là.
GERALD DARMANIN
Donc j'espère qu'il y aura des sanctions administratives et sportives, ça ce sera évidemment à la Ligue de football que de les mener…
BENJAMIN DUHAMEL
Vous espérez que les clubs soient sanctionnés ?
GERALD DARMANIN
Moi je pense que c'est aux clubs de gérer leurs supporters, c'est comme ça que les choses sont ainsi faites, et j'espère que par ailleurs nous aurons de la justice, des peines de prison, le plus important possible, pour pouvoir condamner des supporters qui malheureusement gâchent la fête de tout le monde.
BENJAMIN DUHAMEL
Gérald DARMANIN, des images terribles nous sont arrivées de la région du Daghestan hier soir, en Russie, où l'aéroport a été littéralement pris d'assaut par des militants anti-Israël qui voulaient s'en prendre à un avion qui arrivait de Tel-Aviv. Qu'est-ce que vous dites aux Français de confession juive qui se disent on a peur que ça nous arrive ?
GERALD DARMANIN
Que ça ne leur arrivera pas, qu'on met les moyens, et c'est à la demande du président de la République, très importants pour protéger tous les Français de confession juive, les synagogues, les écoles, les lieux qu'on pourrait qualifier de communautaires, qu'il y a beaucoup d'actes antisémites en France, c'est tout à fait vrai, 819 actes antisémites depuis le 7 octobre dernier, c'est aussi, et ça c'est important de le dire, 414 interpellations par les policiers, les gendarmes, pour des personnes qui faisaient des actes antisémites, donc les policiers, les gendarmes, les militaires de Sentinelle sont là pour protéger nos concitoyens, mais il y a un antisémitisme latent, important, dans le monde, mais en Europe en particulier, et nous qui avons la première communauté juive d'Europe je veux dire à nos concitoyens juifs que nous faisons tout pour les protéger.
BENJAMIN DUHAMEL
Mais ces scènes, j'y reviens, marquent particulièrement parce qu'au fond elles font écho à ce que l'on entend des familles juives qui disent " on a peur d'emmener nos enfants à l'école ", des pères, des mères de confession juive qui disent " on n'ose même pas appeler nos enfants quand on les emmène au parc de peur d'être être inquiétés ", qu'est-ce que vous pouvez faire de plus que de dire effectivement il y a ce déploiement de policiers, est-ce qu'il faut un combat encore plus affirmé, est-ce qu'il faut des sanctions plus lourdes pour ceux qui se rendent coupables de ce type d'agissements ?
GERALD DARMANIN
Je comprends la peur des Français de confession juive, je les rencontre extrêmement souvent, je suis souvent auprès d'eux, je peux comprendre leur peur, je veux aussi leur dire qu'ils sont protégés par la République. Tous les samedis, à la synagogue, ils prient pour la République, pour les policiers, pour les gendarmes, aujourd'hui c'est la République qui les protège, et il n'y a pas eu, fort heureusement, ce qu'il y a eu dans d'autres pays, des synagogues, je prends l'exemple de l'Allemagne, qui ont été attaquées au cocktail Molotov, des manifestations qui défendaient le Hamas avec des drapeaux de Daesh ou de l'Etat islamique qui ensuite se sont tournés en " mort aux juifs " dans les rues d'autres pays européens, ou, comme on l'a vu malheureusement en Russie effectivement, ces actes antisémites mimétiques insupportables, parce qu'en France nous avons interdit des manifestations pro-Hamas, parce qu'en France on a fait plus de 400 interpellations, parce qu'en France on a mis 11.000 policiers et gendarmes pour protéger les Français de confession juive. Donc je comprends cette peur, mais je peux vous dire que la République est le pays qui les protège le plus.
BENJAMIN DUHAMEL
Vous évoquez ces manifestations qui ont été interdites, de fait samedi une manifestation à Paris, qui devait partir de la place du Châtelet, a été dit été interdite, interdiction validée par la justice administrative, et dans le même temps on voyait des dizaines de milliers de personnes qui pouvaient manifester à Londres, sur le pont de Westminster, sur les rives de la Tamise, Paris est le seul endroit où on ne peut pas manifester pour défendre la cause palestinienne ?
GERALD DARMANIN
Alors, pas toutes les manifestations palestiniennes ont été interdites, il ne faut pas caricaturer les choses…
BENJAMIN DUHAMEL
Non, c'est vrai, celle de dimanche d'avant a été autorisée.
GERALD DARMANIN
Comment ça se passe ? quand il y a une manifestation qui est proposée par des personnes dont on peut soupçonner qu'elles n'ont pas de difficultés particulières à l'ordre public, qu'elles ne veulent pas appeler à la haine des Juifs, qu'elles ne défendent pas les exactions terroristes du Hamas, évidemment que nous autorisons les manifestations, mais lorsque des collectifs qui sont connus pour être antisémites, lorsqu'il n'y a pas de service d'ordre, lorsqu'on n'est pas d'accord sur le parcours, on propose des manifestations, alors évidemment qu'on les interdit, et après la justice soit valide ou ne valide pas… des préfets.
BENJAMIN DUHAMEL
Ce qui d'ailleurs n'empêche pas, malgré l'interdiction, des manifestants de se rendre place du Châtelet, parfois de tenir des propos absolument inacceptables…
GERALD DARMANIN
Oui, mais ils sont interpellés, ils sont verbalisés, interpellés, présentés devant la justice, et il n'y a pas eu de manifestation ce week-end, il n'y a pas eu de déambulation ce week-end, il y a eu des personnes qui se sont retrouvées, à qui le préfet de police a dit " vous ne pouvez pas rester là ", mais il y a eu des interpellations lorsque les gens ne voulaient pas…
BENJAMIN DUHAMEL
Mais il n'y a pas un problème de libertés publiques, pardon Gérald DARMANIN, quand on voit ces images, encore une fois, à Londres, malgré les débordements qui peuvent exister, de se dire qu'en France ce type-là, de manifestations-là, ne sont pas possibles, ou en tout cas sont souvent interdits par les préfets et donc sur votre instruction ?
GERALD DARMANIN
En France, en France, les manifestations sont libres, et évidemment qu'on peut manifester son envie de la cause palestinienne, de l'Etat palestinien, de protéger les civils palestiniens, nous pleurons les enfants de Gaza bien évidemment, mais ça ne peut pas être l'occasion de crier " mort aux juifs " ou de se réjouir avec des drapeaux de Daesh dans la rue, donc moi je suis un ministre de l'Intérieur qui interdit, et c'est normal, me semble-t-il, comme en 2014-2013 où les choses se sont mal passées, vous le savez bien, dans les rues de Paris, où on crie " morts juifs " dans la rue, ce n'est pas normal d'attaquer les synagogues après dans des cortèges sauvages comme ça s'est passé en 2013-2014. Vous seriez le premier à m'interroger pour me dire " pourquoi vous n'avez pas interdit cette manifestation ? " Donc, quand on défend la cause palestinienne, nous autorisons les manifestations, lorsque ceux qui déclarent ces manifestations ne respectent pas l'ordre public et ont un antisémitisme latent, oui, nous les interdisons.
BENJAMIN DUHAMEL
Donc, la règle continuera d'être du cas par cas, selon quoi, selon le…
GERALD DARMANIN
Il y a une manifestation, cette semaine, qui est déposée par des partis politiques, le préfet de police à Paris va l'autoriser, parce que nous pensons, nous avons un maximum de garanties, même si on a vu que dans la dernière manifestation des panneaux inacceptables sur des " faux " bébés décapités par exemple, les personnes sont interpellées et présentées devant la justice. Ce n'est pas parce qu'on a le droit de manifester qu'on a le droit de dire des propos antisémites caractérisés dans les rues de Paris. Donc, cette semaine, une autre manifestation sera autorisée, parce que nous avons confiance dans les organisateurs, alors évidemment la confiance n'exclut pas le contrôle, et lorsqu'on n'a pas confiance dans les organisateurs, nous l'interdisons.
BENJAMIN DUHAMEL
Gérald DARMANIN, toujours sur les conséquences de la situation au Proche-Orient, il y a cette menace terroriste, nous sommes toujours en " Urgence attentat ", est-ce que vous craignez que ce qui se passe à Gaza, vous évoquiez les images de ces victimes civiles palestiniennes, ait des répercussions en France et que cette menace continue d'augmenter ?
GERALD DARMANIN
Alors, je ne sais pas si la menace continue d'augmenter, on n'a pas de menace caractérisée qui toucherait la France, comme information des services de renseignement…
BENJAMIN DUHAMEL
Toujours pas ?
GERALD DARMANIN
Non, mais nous avons effectivement, comme je l'ai déjà évoqué, un djihadisme d'atmosphère, comme disait Gilles KEPEL, il y a un passage à l'acte qui est davantage possible lorsqu'il y a des événements comme cela, qui peuvent permettre évidemment de considérer qu'il faut ici venger le prophète ou là passer à l'acte. Donc bien sûr nous sommes, comme tous les services occidentaux, extrêmement attentifs à ce qui se passe, et la police et nos services de renseignement sont très attentifs à ce qui se passe.
BENJAMIN DUHAMEL
Donc 17 jours après l'assassinat de Dominique BERNARD il n'y a pas de risque encore accru compte tenu de ce qui se passe au Proche-Orient ?
GERALD DARMANIN
Le risque terroriste est très élevé, est-ce que nous avons aujourd'hui des connaissances particulières de partenaires étrangers ou de l'action de service, de menaces à l'acte sur des lieux particuliers, ou des personnes particulières, la réponse est non, mais il y a, vous le savez bien, des possibilités de passage à l'acte, regardez ce qui s'est passé à Bruxelles, regardez ce qui s'est passé malheureusement à Arras, qui sont peu prévisibles, qui demandent donc la vigilance de chacun.
BENJAMIN DUHAMEL
A la suite de l'assassinat de Dominique BERNARD vous avez évoqué une volonté de fermeté, notamment en ce qui concerne les expulsions, vous avez voulu viser 60 Russes en situation irrégulière, fichés pour leur radicalisation islamiste, notamment onze dont vous disiez vouloir les expulser. Est-ce qu'ils l'ont été ces onze Russes ?
GERALD DARMANIN
Alors, nous avons fait une liste de 39 citoyens Russes que nous suivons particulièrement et que nous soupçonnons de radicalisation, nous avons présenté aux autorités russes, donc ça a été fait la semaine dernière, la liste des personnes, on a déjà eu une première réponse des autorités russes…
BENJAMIN DUHAMEL
Donc il y en a 39 que vous vouez expulser ?
GERALD DARMANIN
39 qui sont sur une liste où nous demandons l'identification, vous savez les gens se disent parfois Russes et ils ne le sont pas, donc d'abord on identifie les personnes, les autorités russes nous ont répondu sur l'identification de ces personnes et nous allons prendre le chemin de l'expulsion, dès que les autorités russes feront les laissez-passer consulaires.
BENJAMIN DUHAMEL
Et la Russie va accepter de les récupérer ?
GERALD DARMANIN
En tout cas, nous l'espérons, on l'a fait avant la guerre en Ukraine, Il y a eu beaucoup de personnes, de citoyens russes qui ont été expulsés du territoire français. Les Russes nous faisaient leur laissez-passer consulaire. Je constatais aussi que ces personnes ne sont pas dehors, soit elles sont en prison, soit elles sont dans les centres de rétention administrative. Aujourd'hui, au moment où je parle, il y a plus de 60 personnes qui sont radicalisées, que j'ai fait mettre depuis une semaine dans les centres de rétention administrative, c'est à dire qu'elles ne sont pas en liberté, donc tant qu'ils ne sont pas expulsés, ils sont dans ces centres de rétention.
BENJAMIN DUHAMEL
Un mot encore avant de parler de la loi immigration. Votre collègue, le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel ATTAL, a dit vouloir sortir des établissements scolaires les mineurs radicalisés les plus dangereux. Est-ce que c'est un objectif que vous partagez ? Est-ce que vous savez ou est ce qu'il pourrait être mis, la rentrée des classes c'est dans une semaine ?
GERALD DARMANIN
Mais il a raison Gabriel ATTAL, bien sûr que les personnes les plus dangereuses pour les professeurs, pour les autres élèves, doivent être sorties du système scolaire. Donc, je sais qu'il y travaille avec le garde des Sceaux et bien sûr, avec le ministère de l'Intérieur pour que nous puissions faire ces signalements à la justice puisque c'est évidemment à la justice.
BENJAMIN DUHAMEL
Mais il y a des pistes, parce qu'on a du mal à voir en l'état où est-ce qu'ils vont….
GERALD DARMANIN
C'est au ministre de l'Education nationale que de porter évidemment la solution en lien avec la justice….
BENJAMIN DUHAMEL
Ça vous regarde un petit peu quand même.
GERALD DARMANIN
Puisqu'il faudra une décision judiciaire ou en tout cas la décision d'un juge pour pouvoir les mettre notamment dans un centre éducatif fermé. Il y a des centres éducatifs fermés, des centres de déradicalisation, ça existe, c'est toujours sur décision de justice. Je voudrais d'ailleurs dire que depuis plusieurs semaines, j'ai entendu le fait que nous nous n'expulserions pas des étrangers dangereux du territoire national, en cette semaine, j'en ai fait expulser 92, 92 étrangers dangereux.
BENJAMIN DUHAMEL
D'ailleurs c'est twitté sur tweeter.
GERALD DARMANIN
Et je le redis à nos concitoyens français, pour ne pas entendre les palinodies, notamment de l'extrême droite et du populisme, que désormais, sur les réseaux sociaux, j'ai décidé de mettre chaque jour le nombre et les personnes que nous expulsions du territoire national.
BENJAMIN DUHAMEL
C'est quoi, de montrer qu'il n'y a pas d'impuissance ?
GERALD DARMANIN
Il n'y a pas d'impuissance.
BENJAMIN DUHAMEL
92 c'est beaucoup mais pas non plus considérable. Non ?
GERALD DARMANIN
J'en ai fait, j'en ai expulsé 2500 l'année dernière. Et ce qui est évident, c'est que chaque semaine…
BENJAMIN DUHAMEL
Par rapport au nombre d'OQTF qui ne sont pas exécutés.
GERALD DARMANIN
Nous parlons des personnes dangereuses. Donc on peut se réjouir quelques instants que la fermeté de l'État existe, que l'autorité de l'État existe et que nous expulsions chaque jour des dizaines de personnes dangereuses du territoire national.
BENJAMIN DUHAMEL
Gérald DARMANIN, la discussion sur la loi immigration doit reprendre au Sénat la semaine prochaine et c'est toujours le brouillard, la droite refuse absolument cet article trois qui permet la régularisation des métiers en tension. Sans la droite, pas de majorité. Alors question simple est ce que oui ou non, vous êtes prêt à reculer sur cet article trois pour arriver à un compromis avec la droite ?
GERALD DARMANIN
Mais toute la droite ne refuse pas le fait que des gens qui travaillent, qui n'ont pas de casier judiciaire, qui respectent les règles de la République, puissent travailler dans nos restaurants ou dans le monde agricole. Hervé MARSEILLE qui fait partie de ….
BENJAMIN DUHAMEL
Qui est centriste, moi je parle de la droite, Eric CIOTTI, Olivier MARLEIX, Bruno RETAILLEAU, ils disent tous, on ne veut pas entendre parler de cet article 3.
GERALD DARMANIN
Nous présentons notre texte au Sénat le 6 novembre prochain. Ce texte de loi a été adopté en commission des lois du Sénat où, comme vous le dites, la droite est majoritaire. Ils n'ont pas supprimé cet article 3 en commission des lois du Sénat. Nous avons donc la séance lundi, on va débattre avec des sénateurs qui sont des gens qui sont très liés, j'en suis sûr, à l'intérêt général. C'est un texte, Il y a 48 articles qui a été coconstruit pour l'instant avec le Sénat. C'est un texte de grande fermeté. Est ce qu'on imagine un seul instant que la droite sénatoriale, pour qui j'ai beaucoup de respect, va refuser de voter un texte parce que nous disons, indépendamment du fait qu'on va simplifier les procédures, indépendamment du fait qu'on va expulser les étrangers délinquants qu'on va pouvoir avoir en France des gens qui travaillent dans nos restaurants et dans notre agriculture.
BENJAMIN DUHAMEL
Donc, ça veut dire que vous tenez bon et vous gardez cet article 3.
GERALD DARMANIN
Je suis évidemment très attaché au fait de ne pas confondre tout et n'importe quoi. Mes deux grands parents sont venus de l'autre côté de la Méditerranée travailler dans les mines pour l'un, dans l'armée pour l'autre et c'est normal qu'il y ait….
BENJAMIN DUHAMEL
Non mais Gérald DARMANIN, il y a la question de fond, mais il y a la question politique. Juste je vais vous dire ce que disait Olivier MARLEIX hier dans les colonnes du Parisien, « Gérald DARMANIN ment aux Français, c'est un texte avec des fausses mesures de droite, sans effets et avec des vraies mesures de gauche ». Pardon, mais si vous voulez arriver à un compromis avec des gens qui vous parlent comme ça, ça va être compliqué, je pense.
GERALD DARMANIN
Je n'ai pas lu ce qu'a dit Monsieur MARLEIX.
BENJAMIN DUHAMEL
Ah bon.
GERALD DARMANIN
Non ça ne m'a pas beaucoup intéressé. Ce qui m'a intéressé, c'est le fond, c'est la bataille du fond. Est-ce que oui ou non ce texte est important pour la sécurité des Français ? Est-ce que oui ou non, ce texte (inaudible) à la simplification des procédures. J'ai vu que madame LE PEN, ça Monsieur MARLEIX, devrait s'en rendre compte, a dit, " voilà, nous pouvons discuter de ce texte ".
BENJAMIN DUHAMEL
Elle dit " On pourrait, je peux voter si l'article 3 est retiré ".
GERALD DARMANIN
Donc si madame LE PEN le dit, j'espère que la droite républicaine aura un peu de conscience qu'elle est un parti de gouvernement.
BENJAMIN DUHAMEL
Pardon, ça peut paraitre un petit peu technique et politique pour ceux qui nous écoutent et nous regardent, mais Marine LE PEN, d'autres disent si cet article 3 sur la régularisation des métiers en tension est retiré.
GERALD DARMANIN
Attendez, je vous rassure, je ne cherche pas les voix de madame LE PEN. Je dis, je montrais juste l'absurdité du comportement de monsieur MARLEIX. Ce que je voulais vous dire, c'est que nous présentons un texte d'intérêt général qui ne cherche que l'efficacité. Et ce texte, c'est quoi pour les Français ? La politique politicienne, ça a peu d'intérêt quand il y a des attentats dans notre sol, sur notre sol. UN : La simplification des procédures, on n'applique pas les OQTF parce que c'est trop long, il y a trop de procédures, douze procédures, on divise ça par trois. Simplification des procédures. C'est demandé par qui ? Par la droite sénatoriale et le rapport Buffet qui est le sénateur LR du Sénat ? Donc un nous présentons cela. Deux Les étrangers délinquants. Je n'ai pas pu expulser l'assaillant d'Arras parce que la loi m'empêche de le faire. Pourquoi, parce que la droite, à l'époque, je vais terminer peut-être, c'est intéressant aussi.
BENJAMIN DUHAMEL
C'est très intéressant, mais justement…
GERALD DARMANIN
Parce que la droite, à l'époque, a mis des dispositions qui m'empêchent, moi, ministre de l'Intérieur, de pas expulser les personnes.
BENJAMIN DUHAMEL
Gérald DARMANIN, pour toutes ces mesures….
GERALD DARMANIN
Je demande….
BENJAMIN DUHAMEL
On pourrait inverser….
GERALD DARMANIN
Attendez, je termine.
BENJAMIN DUHAMEL
Juste vous dites ces mesures-là, elles sont utiles pour expulser…
GERALD DARMANIN
Vous ne voulez pas me laisser parler.
BENJAMIN DUHAMEL
Si, si, je pense qu'on vous a entendu parler et c'est intéressant comme dialogue. La droite vous dit précisément pour faire passer ces mesures-là débarrassez-vous de cet article 3. Est-ce qu'il n'y a pas une forme de responsabilité politique.
GERALD DARMANIN
Donc deux, les étrangers délinquants. Trois, qu'est-ce que nous disons ? On, doit intégrer mieux les étrangers qui viennent en France, et notamment ça se passe par la langue, les cours de français obligatoires et la réussite du français pour avoir son titre de séjour, mais aussi le travail. La droite c'est le travail. Moi je viens de la droite, la droite c'est le travail. Donc il faut savoir ce que l'on veut. Si on veut intégrer les personnes, parce qu'on n'est pas, je pense, chez les LR, sur une ligne du Rassemblement national, ou alors je n'ai pas compris ce qu'était la droite française. Si on veut intégrer les personnes, il faut qu'elles puissent travailler dans les restaurants, dans l'agriculture, dans le BTP. Vous savez quoi ? Il y a plein d'étrangers. Il suffit de regarder ce qui se passe dans les restaurants, dans les constructions d'immeubles.
BENJAMIN DUHAMEL
Oui mois je lis dans…
GERALD DARMANIN
Il n'y a pas d'étrangers qui servent nos plats dans les restaurants ?
BENJAMIN DUHAMEL
Non non, moi je lis dans les colonnes du Figaro ce que dit une membre de votre majorité, qui est vice-présidente de l'Assemblée nationale, elle dit que cette régularisation des métiers en tension est, je cite, une forme d'encouragement à l'immigration clandestine.
GERALD DARMANIN
Mais c'est tout à fait faux. Et je m'en expliquerai avec Naïma MOUTCHOU. Il faut d'abord que nous puissions tous regarder le texte tel qu'il existe, et vous, les Français peuvent le regarder, il est sur le site du Sénat. Que dit l'article 3 ? Il dit : " Pour toute personne qui est là depuis plus de 3 ans sur le territoire national, qui sont parfois arrivées dans les LR étaient en responsabilité, s'ils travaillent dans un métier en tension, par exemple dans le bâtiment ou travaux publics ou dans l'agriculture, et si par exemple ils n'ont pas de casier judiciaire, alors le préfet peut les régulariser, sans ouvrir au regroupement familial ". On ne parle pas des gens qui viendraient demain, on parle des gens qui sont là déjà sur notre sol. Donc moi je veux dire que, autant on doit expulser l'étranger délinquant, autant on doit intégrer l'étranger qui travaille.
BENJAMIN DUHAMEL
Donc, si je comprends bien ce que vous me dites, vous ne lâcherez pas sur cet article 3.
GERALD DARMANIN
Il ne peut pas y avoir de politique qui encourage simplement la fermeté sur les étrangers délinquants et ne pas entendre que des gens veulent travailler en France, aiment la France, veulent élever leurs enfants dans l'esprit de la République. Etre français, ce n'est pas une race, c'est une Nation…
BENJAMIN DUHAMEL
Et donc vous ne laissez pas la possibilité dans le débat, de faire évoluer cet article, si la droite vous le demande.
GERALD DARMANIN
Mais si. Depuis le début, je dis que je suis un homme qui est ouvert au dialogue. Je suis moi-même parlementaire et j'aime la politique. On va trouver un compromis. Mais le compromis, c'est de le faire sur une base d'efficacité et de justice. Ce n'est pas être comme ça, parce qu'il faut faire un slogan politique un peu rapide, parce qu'on a peur du Rassemblement national, jeter à la mer tous ceux qui travaillent, respectent les règles de la République, vibrent au son de la Marseillaise et travaillent très durement. Vous savez, les femmes de ménage qui nettoient les bureaux à l'Assemblée nationale ou au Sénat, ou au ministère de l'Intérieur, c'est parfois des gens qui viennent de l'étranger. J'espère qu'ils leur disent bonjour de temps en temps à ces personnes. Eh bien ces femmes de ménage, ce sont des femmes, vous savez, souvent des femmes seules qu'on régularise. Vous savez que l'immigration de travail, ce sont des femmes seules, ce sont les nourrices. Le nombre de personnes qui m'écrivent pour me dire : " j'ai besoin - y compris des parlementaires LR, d'ailleurs monsieur DUHAMEL - j'ai besoin qu'on régularise ma nourrice, parce que, elle, elle est bien ". Eh bien voilà, qu'est-ce qu'on fait avec cette disposition ?
BENJAMIN DUHAMEL
Vous allez donner des noms, d'ailleurs, de ces parlementaires qui vous font des demandes de régularisation ?
GERALD DARMANIN
Non, mais parce que, je le rappelle à la cohérence, entre leur discours public et ce qu'ils écrivent. Voilà. Donc moi, ce que je veux vous dire, c'est qu'on doit, et je pense que les Français sont d'accord avec ça, être très dur pour les étrangers délinquants et qu'on doit intégrer ceux qui veulent travailler.
BENJAMIN DUHAMEL
Il y a une difficulté, Gérald DARMANIN, c'est qu'on a le sentiment que tout le monde n'est pas totalement aligné au sein de l'exécutif. Elisabeth BORNE, votre patronne, la Première ministre, aurait dit au patron des sénateurs LR, à l'occasion d'un dîner, qu'elle ne tenait pas franchement à cet article 3, ce qui fait même dire à Sébastien CHENU du RN, que vous êtes " comme une mouche sous un verre, qui essaie de bouger, mais madame BORNE tient fermement le verre pour empêcher la mouche de prendre son envol ".
GERALD DARMANIN
Bon, d'abord, monsieur CHENU, il utilise un mot ordurier. C'est typique de l'extrême droite, ça, les comparaisons avec les animaux, les comparaisons avec les bêtes immondes. Voilà. Donc le RN n'a finalement pas grand-chose, appris grand-chose, il reste un parti qui utilise des mots vraiment ignominieux. Bon, mais pour…
BENJAMIN DUHAMEL
Mais il y a un désalignement avec Elisabeth BORNE ?
GERALD DARMANIN
Non, mais, attendez, bien sûr, pas du tout. Madame BORNE, elle a dit elle-même que, ce qu'elle avait dit manifestement de monsieur RETAILLEAU, n'était pas vrai. Madame BORNE est une femme de gauche. Moi, je la connais, elle est sérieuse. On a apporté ensemble le texte immigration, et nous sommes tous attachés à cet équilibre. En tout cas, je vais vous dire, avec Olivier DUSSOPT, on tient à cet article. Pourquoi on tient à cet article ? Parce qu'il doit y avoir une différence, non pas entre l'étranger et le national, mais entre l'étranger qui veut s'intégrer et qui respecte nos règles, et celui qui ne respecte pas nos règles.
BENJAMIN DUHAMEL
Vous tenez à cet article, quitte à ce que les LR déposent une motion de censure et que le gouvernement tombe ?
GERALD DARMANIN
Mais moi, je ne fais pas de la politique politicienne, ce qui m'intéresse…
BENJAMIN DUHAMEL
Ah, ce n'est pas de la politique politicienne, c'est ce que dit Eric CIOTTI dans les colonnes Journal du Dimanche.
GERALD DARMANIN
Non non, mais attendez, moi ce qui m'intéresse…
BENJAMIN DUHAMEL
Il dit : " Si ça ne va pas, on déposera une motion de censure ".
GERALD DARMANIN
Sur quoi ? Sur le fait qu'on va donner…
BENJAMIN DUHAMEL
C'est du bluff ?
GERALD DARMANIN
Mais monsieur CIOTTI va déposer une motion de censure, parce qu'on dit aux Français qu'on va plus expulser d'étrangers délinquants ? Qu'on va simplifier les procédures ? Ce qu'ils n'ont pas fait pendant 15 ans. Allons, allons, ce n'est pas raisonnable. Ce qui est raisonnable, c'est d'être dur avec les étrangers délinquants, et intégrer ceux qui veulent travailler. Vous savez, il y a plein d'étrangers qui nous écoutent aujourd'hui et qui voient des actes de délinquance faits par des étrangers, en disant, je le vois à Tourcoing, " ceux qui font ça, ça crée le racisme contre nous ", et il y a plein de gens qui bossent, qui se lèvent tôt, qui vont à l'usine, des femmes de ménage qui ramassent la merde dans la rue, eh bien ces personnes, on a le droit de les intégrer, parce qu'elles aiment la République. Il ne faut pas tomber dans la ligne du Rassemblement national, il faut être ferme et il faut être juste.
BENJAMIN DUHAMEL
Merci beaucoup Gérald DARMANIN, d'être venu sur BFM TV et RMC.
GERALD DARMANIN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 novembre 2023