Déclaration de Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État, chargée de la Citoyenneté et de la Ville, sur les crédits de la mission " Immigration, asile et intégration ", à l'Assemblée nationale le 25 octobre 2023.

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Circonstance : Audition devant la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République

Texte intégral

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté et de la ville. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, la Lopmi, votée il y a quelques mois par le Parlement, octroie près de 15 milliards d'euros au ministère de l'intérieur et des outre-mer pour les cinq prochaines années. Les crédits que je vais présenter s'inscrivent dans ce cadre.

Je vous prie d'excuser le ministre, qui ne peut être présent ce matin, mais dont chacun connaît l'implication pour défendre les crédits de son ministère.

Pour 2024, le Gouvernement présente un budget en hausse de plus de 7%, pour un montant total de 2,2 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit environ 10% des crédits du ministère entrant dans le périmètre de la Lopmi. Cette augmentation représentera près de 147 millions de crédits supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2023. Elle inclut les crédits issus de la Lopmi pour la période 2022-2027, y compris ceux du plan CRA 3 000.

Ce budget marque une nouvelle étape dans les efforts consentis depuis 2017 pour consolider notre capacité à maîtriser les flux migratoires et lutter contre l'immigration irrégulière, à garantir l'exercice du droit d'asile et à renforcer l'intégration des étrangers en situation régulière dits primo-arrivants. Il s'inscrit dans le cadre de la Lopmi, avec une programmation budgétaire inédite. En cinq ans, nous aurons fait progresser de façon inégalée les crédits affectés à la mission, donc à la politique migratoire de la France.

Le budget de la mission Immigration, asile et intégration repose sur deux programmes complémentaires : le programme 303, Immigration et asile, et le programme 104, Intégration et accès à la nationalité française.

Les crédits du premier s'établissent à hauteur de 1,7 milliard d'euros, en augmentation de 17,7 %. Cette progression sensible reflète le transfert du financement des programmes numériques et de celui des places d'hébergement pour réfugiés précédemment assurés par le programme 104, ainsi que 165 millions de mesures nouvelles.

Pour sa part, le programme 104 s'élève à 431 millions d'euros. La diminution d'environ 20 % de ses crédits par rapport à 2023 correspond pour l'essentiel au transfert que je viens d'évoquer. Ce programme prévoit une augmentation des places d'accueil en 2024, par un rééquilibrage interne des actions soutenues, pour une plus grande lisibilité et sans incidence sur les grandes orientations de la mission.

Près de 65% des crédits seront consacrés à l'accueil et à l'examen des situations des demandeurs d'asile et des réfugiés. Ce montant de 1,4 milliard d'euros doit permettre d'assurer les dépenses d'hébergement à hauteur de 996 millions, les dépenses pour l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) à hauteur de 300 millions et les crédits nécessaires au fonctionnement de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) à hauteur de 108 millions.

Par ailleurs, 20 % des crédits, soit 431 millions d'euros, seront consacrés à la politique d'intégration. Ainsi, 260 millions seront mobilisés pour la maîtrise des flux migratoires, en complément des dépenses dédiées à ces missions par les budgets de la police nationale, de la police aux frontières et de la gendarmerie. Ce montant comprend notamment les crédits alloués à la politique des visas, à l'aide au retour et au financement des lieux de rétention.

Un autre pilier de la politique permise par la mission Immigration, asile et intégration est la conduite de plusieurs chantiers numériques, pour un montant de plus de 50 millions, visant à fournir un service public de qualité dans des délais contraints.

Ce budget n'inclut pas les crédits qui seront rendus nécessaires par les mesures du projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration que votre assemblée examinera prochainement. Il n'intègre pas non plus ceux requis par l'accueil et l'accompagnement exceptionnel des 73 000 bénéficiaires de la protection temporaire qui ont fui l'Ukraine en mars 2022. A contrario, il intègre la prise en charge des coûts de la revalorisation salariale décidée par le Gouvernement en septembre 2022 afin que les salariés du secteur privé non lucratif bénéficient de l'équivalent de l'augmentation de la valeur du point d'indice de la fonction publique. Cette prise en charge représente environ 19,4 millions d'euros pour la mission.

L'engagement du Gouvernement pour une politique migratoire plus efficace et plus humaine est total. En matière d'asile, nous souhaitons continuer à améliorer l'accueil et l'examen des situations des demandeurs. Au total, 138 577 premières demandes ont été enregistrées en 2022. Ce niveau est proche de celui de 2019, année durant laquelle la demande d'asile a été la plus forte en France. Depuis le début de l'année, la hausse du nombre de demandes d'asile s'est poursuivie, pour atteindre 8 %. Toutefois, ce niveau reste moins élevé que dans le reste de l'Europe, où elle avoisine les 30 %.

Dans un contexte de forte incertitude et de tensions internationales, le Gouvernement a établi sa programmation en anticipant environ 160 000 demandeurs d'asile en 2024 et en prévoyant un montant d'environ 300 millions d'euros pour l'ADA. Nous souhaitons promouvoir deux axes. Le premier est l'amélioration des délais de traitement de la demande d'asile par l'Ofpra, dont les effectifs ont été renforcés depuis 2020. Depuis 2017, la dotation annuelle de l'Ofpra a augmenté de 43 millions, et près de 250 équivalents temps plein (ETP) ont été recrutés par l'opérateur.

Le second axe est la poursuite de l'évolution du dispositif national d'accueil (DNA) pour les demandeurs d'asile et les réfugiés. Celle-ci passe par le renforcement des capacités d'hébergement au niveau national, avec l'ouverture de 1 500 nouvelles places en 2024. Le parc d'hébergement comptera ainsi plus de 121 000 places, soit 30 000 places supplémentaires depuis 2017. En complément, nous entendons maintenir les 500 places dédiées aux salles d'accueil temporaire créées dans dix régions de métropole pour accueillir les personnes sans solution d'hébergement ou de logement prises en charge dans le cadre d'opérations de mise à l'abri.

En matière d'intégration, nous souhaitons poursuivre les efforts engagés depuis cinq ans. Ceux-ci ont déjà permis de relever le niveau d'exigence pour l'apprentissage linguistique et civique. Dans l'attente du vote du projet de loi relatif à l'immigration, lequel prévoit des mesures fortes pour renforcer l'intégration par le travail et par la langue, le Gouvernement a prévu de renforcer trois mesures d'intégration – la généralisation d'ici la fin de l'année prochaine du programme Agir, programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés vers le logement et l'emploi, déjà déployé dans la moitié des départements, le développement des formations linguistiques à visée professionnelle et la poursuite du renforcement du rendez-vous de santé.

En matière d'immigration, le dispositif d'aide au retour volontaire (ARV) sera refondu pour être plus incitatif, le montant de l'aide étant rendu dégressif dans le temps pour accélérer le rythme des éloignements. Nous poursuivons aussi l'augmentation de nos capacités de rétention dans le cadre défini par la Lopmi, pour porter à 3 000 le nombre de places en centre de rétention administrative (CRA) d'ici à 2027, soit un doublement du nombre de places qui existaient fin 2017. Par ailleurs, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a récemment annoncé l'implantation de dix CRA de plus de 100 places chacun. Les efforts en matière de lutte contre l'immigration clandestine seront rehaussés de 90 millions d'euros, pour atteindre 261 millions. Enfin, nous consacrerons près de 15 millions au renforcement de nos moyens matériels, en procédant à l'achat d'intercepteurs et de moyens de projection, et à la constitution d'un état-major dédié.

L'actualité récente a, encore une fois, montré l'importance de doter la France d'outils et de moyens budgétaires lui permettant de déployer une politique migratoire efficace, pragmatique et humaine. Nous devons donner à l'État, aux préfets et aux services déconcentrés les moyens d'agir le plus efficacement possible. Nous le devons à nos concitoyens, comme à ceux qui demandent à résider en France ou à y trouver refuge. C'est l'objectif du budget que je vous présente. Ce sera aussi celui du projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration. Vous pourrez compter sur ma détermination, comme sur celle du ministre, pour œuvrer à cette ambition.

Mme Blandine Brocard, rapporteure pour avis. En 2024, les crédits consacrés à la mission Immigration, asile et intégration augmenteront pour la septième année consécutive. Ils s'élèveront à 2,16 milliards d'euros en CP, contre 2 milliards en loi de finances initiale pour 2023. En autorisations d'engagement (AE), néanmoins, ils diminueront de 34%, passant de 2,7 milliards d'euros à 1,7 milliard.

Le programme 303, Immigration et asile, qui réunit la plupart des crédits de la mission, finance les politiques publiques relatives à l'entrée, à la circulation, au séjour et au travail des étrangers, ainsi qu'à l'éloignement des personnes en situation irrégulière et à l'exercice du droit d'asile. En 2024, ses crédits diminueront de 37,5% en AE, mais progresseront de 17,7% en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.

L'action 02, Garantie de l'exercice du droit d'asile, finance notamment l'ADA. En 2024, la dotation correspondante connaîtra une diminution de 7%. Le projet annuel de performances indique que cette projection résulte de l'accélération du traitement des demandes d'asile, diminuant mécaniquement le montant consacré à l'ADA. Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous expliquer plus précisément les raisons de cette diminution et les hypothèses sur lesquelles elle a été construite ?

L'action 02 récupère, par ailleurs, la dotation inscrite en loi de finances initiale pour 2023 pour l'action 15, Accompagnement des réfugiés, du programme 104, et consacrée au financement des centres provisoires d'hébergement des réfugiés. Le transfert de ces crédits vise à regrouper les places d'hébergement du dispositif national d'accueil dans cette action. En outre, le plafond d'emplois de l'Ofpra sera relevé de 17 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT). Il faut le saluer, car cela permettra de poursuivre la réduction des délais de traitement des demandes d'asile.

Les crédits de l'action 03, Lutte contre l'immigration irrégulière, sont en hausse de 46 % en AE et de 53,8 % en CP. Cette augmentation porte principalement sur les frais d'éloignement des étrangers en situation irrégulière et s'explique par la fin des restrictions sanitaires liées à la pandémie, par une action diplomatique auprès des pays tiers pour faciliter les retours et par l'effet de l'inflation sur le prix des carburants.

Le programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, comprend quatre actions relatives à l'intégration des étrangers en situation régulière. Ses crédits sont en baisse de 20% en AE et en CP, pour s'établir à 431 millions d'euros. Cette évolution s'explique, pour une large part, par la suppression de la totalité des crédits de l'action 15, Accompagnement des réfugiés, soit 121 millions qui ont été transférés pour leur quasi-totalité au programme 303.

Je félicite le Gouvernement pour l'augmentation ambitieuse, de près de 29%, des crédits de l'action 12, Intégration des étrangers primo-arrivants. La formation linguistique, composante essentielle de la politique d'intégration des étrangers, est financée à la fois par l'action 11, dont les crédits diminuent de 10 %, et par l'action 12, dont les crédits augmentent. Comment évoluera le budget consolidé affecté à ces formations pour 2024 ? Quel sera spécifiquement le budget consacré à la composante linguistique du contrat d'intégration républicaine (CIR) ?

Je note, enfin, une diminution de 17,8% des crédits consacrés à l'action 16, Accompagnement des foyers de travailleurs migrants. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, madame la secrétaire d'État ?

Après avoir consacré mon avis budgétaire de l'an dernier à la procédure de régularisation des étrangers en situation irrégulière, en application de la circulaire Valls de 2012, je me suis intéressée cette année à l'un des aspects de la lutte contre l'immigration irrégulière : le régime juridique des OQTF, les obligations de quitter le territoire français. J'ai souhaité l'évaluer du point de vue de l'exécution de ces dernières, mais aussi de la place qu'il réserve à la notion de menace à l'ordre public. Après mes auditions préparatoires, j'ai la conviction qu'il est indispensable d'œuvrer dans le sens de la plus grande célérité possible en matière d'octroi et de renouvellement de titres de séjour, ainsi que d'exécution des OQTF. Nous sommes trop souvent sollicités par des étrangers présents sur le territoire de façon irrégulière depuis de nombreuses années et frappés d'OQTF alors que, désormais, leur vie est en France et que leurs enfants n'ont connu que notre pays. Ces situations sont insupportables, et l'une des priorités de notre politique migratoire doit être d'y mettre fin.

Entre 2011 et 2022, le nombre d'OQTF a augmenté de 123%. En 2022, 134 000 OQTF ont été prononcées. Mais, dans le même temps, leur taux d'exécution n'a cessé de faiblir – 17 % en 2015, 12,2% en 2019 et 5,7 % au premier semestre 2021, marqué par la pandémie de covid-19 –, ce qui interroge. La faiblesse de ce taux nuit à la crédibilité de notre politique d'éloignement et entraîne une préoccupante perte de sens chez les agents publics chargés du droit des étrangers. J'en identifie les différentes causes dans mon avis, et formule le vœu que nous avancions prioritairement sur trois pistes : l'amélioration de l'obtention des laissez-passer consulaires grâce à un effort diplomatique multicanal au niveau national et européen ; une meilleure connaissance et un renforcement du recours aux outils juridiques qui existent déjà, comme le refus de délai de départ volontaire ou l'édiction d'interdictions de retour sur le territoire français ; la simplification du contentieux des OQTF, notamment en raccourcissant certains délais.

S'agissant de la prise en compte de la menace à l'ordre public dans le régime juridique des OQTF, je me suis intéressée à trois aspects. Le premier est l'OQTF fondée sur le motif de menace à l'ordre public figurant à l'article L. 611-11 du Ceseda (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) et qui représente 7 % des OQTF. Le deuxième est la place occupée par l'ordre public dans les OQTF fondées sur d'autres motifs – par exemple, un refus de titre de séjour, lequel peut résulter de la caractérisation d'une menace à l'ordre public. Le troisième aspect est la priorité accordée au placement en CRA des étrangers représentant une menace pour l'ordre public. Je juge cette priorité pertinente et souhaite qu'elle se poursuive et s'accompagne d'un renforcement de la capacité de nos CRA. En cela, je salue la volonté du Gouvernement de porter leur nombre de places à 3 000 d'ici à 2027. Il est également souhaitable de renforcer parallèlement le recours à l'assignation à résidence.

S'agissant du régime juridique des OQTF à proprement parler et de la prise en compte de l'ordre public, il est utile d'assouplir le régime de protection existant contre les OQTF. Je souhaite laisser à l'autorité administrative et au juge la possibilité d'apprécier in concreto si un étranger doit faire l'objet d'une OQTF compte tenu du niveau de menace qu'il représente pour l'ordre public, d'une part, et de sa situation personnelle et de ses liens avec la France, d'autre part. Les protections qui existent dans le Ceseda constituent un frein parfois trop fort. Je serai attentive aux dispositions du projet de loi à venir sur ce point.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Ludovic Mendes (RE). Les flux migratoires sont élevés et leur maîtrise demeure un enjeu essentiel. Pour lutter contre l'immigration irrégulière avec l'appui de ses partenaires européens, la France se dote d'outils et de processus efficaces. L'accent est mis sur l'amélioration des contrôles, la lutte contre la fraude documentaire – par exemple grâce à l'utilisation proportionnée de la biométrie –, la lutte contre le détournement des procédures, le renforcement des contrôles aux frontières et la dynamisation de la politique d'éloignement. La lutte contre les filières qui exploitent la précarité et la fragilité des personnes souhaitant s'établir sur notre territoire – et qui, ce faisant, participent à la traite des êtres humains – est également prioritaire.

Dans le même temps, il convient de veiller aux conditions d'application de la législation en matière d'entrée et de séjour des étrangers, en apportant un appui permanent aux services qui instruisent et délivrent les titres de séjour, et en veillant aux conditions, notamment de délai, dans lesquelles sont examinées les demandes de délivrance et de renouvellement des titres de séjour. L'accent doit aussi être mis sur la garantie du droit d'asile, lequel est une exigence constitutionnelle, un engagement international en vertu de la convention de Genève et une obligation du droit de l'Union européenne. En 2022, l'Ofpra, dont je salue le remarquable travail, a reçu de plus de 131 000 demandes d'asile. Ce nombre sans précédent fait de la France le deuxième pays d'accueil en Europe, derrière l'Allemagne.

Le plan d'action gouvernemental pour garantir le droit d'asile et mieux maîtriser les flux migratoires du 12 juillet 2017 avait notamment pour objectif d'améliorer le traitement des demandeurs d'asile et leurs conditions d'accueil. Le renforcement des moyens dédiés a produit des effets pour le premier accueil et pour l'enregistrement de la demande d'asile au niveau des guichets uniques. En 2022, ce délai s'est élevé en moyenne à 4,1 jours, en raison de l'accueil des déplacés d'Ukraine, mobilisant fortement les préfectures, ainsi que de la nette augmentation de la demande d'asile au cours du dernier quadrimestre. Ce délai a toutefois progressivement diminué, pour s'établir à 3,1 jours entre janvier et août 2023 – ce qui est conforme au niveau légal de 3 jours.

Alors que le renforcement des capacités d'accueil se poursuivra en 2024, avec la création de 1 500 places supplémentaires pour les demandeurs d'asile et les réfugiés, une attention particulière doit être accordée à l'intégration des étrangers en situation régulière – qui ont vocation à séjourner durablement en France après l'obtention d'un premier titre de séjour ou à bénéficier de la protection internationale après l'obtention du statut de réfugié.

Dans le cas des demandeurs d'asile, les étrangers primo-arrivants s'engagent dans un parcours personnalisé d'intégration républicaine, concrétisé par la signature d'un contrat d'intégration républicaine sur les plateformes d'accueil de l'Ofii, l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Avec plus de 110 000 contrats signés en 2022, jamais les attentes en matière de politique d'intégration n'ont été aussi élevées. Chaque année, environ 100 000 étrangers issus de pays tiers à l'Union européenne signent un CIR, lequel constitue la première étape du parcours d'intégration personnalisé et consacre des engagements réciproques, en particulier l'apprentissage du français et l'appropriation des valeurs de la République. Le comité interministériel à l'intégration du 5 juin 2018 a doublé le volume d'heures de formation linguistique et civique dispensées dans le cadre du CIR et a accentué la nécessaire prise en compte de l'insertion professionnelle locale des étrangers primo-arrivants dès le premier mois de leur arrivée en France, en déployant des moyens accrus pour les territoires afin de lever les freins à l'accès à l'emploi et à la formation.

Par ailleurs, il s'agit d'adapter l'immigration régulière aux réalités économiques et sociales de notre pays et à la nécessité de renforcer son attractivité tant vis-à-vis des étudiants internationaux que pour rechercher des profils hautement qualifiés, dans les secteurs innovants par exemple. Les mobilités étudiantes internationales sont un levier d'attractivité et d'influence pour notre pays. Il est ainsi nécessaire de trouver l'équilibre entre un objectif quantitatif et un objectif qualitatif. Nos besoins scientifiques et économiques doivent nous éclairer dans cette démarche. Concernant l'attractivité économique et touristique, les initiatives multipliées ces dernières années en plus des réformes structurelles font de notre pays la première terre d'accueil des projets d'investissement créateurs d'emplois en Europe.

Madame la secrétaire d'État, quels moyens complémentaires iront à la lutte contre l'immigration clandestine en 2024 ?

S'agissant de l'ADA, pourquoi prévoyez-vous un budget supérieur aux prévisions du nombre de demandeurs d'asile ?

Mme Edwige Diaz (RN). Au-delà de plusieurs centaines de milliers d'euros d'économies possibles en matière d'immigration – par exemple en transformant l'aide médicale de l'État (AME) en aide médicale d'urgence –, nous proposons d'autres mesures fortes permettant de sauvegarder d'importantes sommes pour l'État. Ainsi, parmi les amendements que nous défendrons, la fin du traitement sur le sol français des demandes d'asile, qui seraient examinées directement dans les pays de départ, se traduirait par une économie de 200 millions d'euros. Nous proposons également d'allouer à la création de nouvelles places en CRA 100 millions que le PLF prévoit de consacrer à l'accueil de migrants. Nous souhaitons aussi baisser les dépenses insensées, comme le versement d'aides encourageant l'immigration économique, dont le montant a bondi de 45% entre 2021 et 2022, et augmenter les fonds alloués à la lutte contre l'immigration irrégulière.

Entre 600 0000 et 700 000 étrangers en situation irrégulière sont présents sur notre sol. C'est autant que la population de la Charente-Maritime ou des Pyrénées-Atlantiques. Ces chiffres sont glaçants, surtout quand ils sont mis en parallèle avec le nombre des OQTF non exécutées – à peine 5% ont été exécutées en 2021.

Autre poste de dépenses délirant, les associations : le montant des subventions versées aux associations immigrationnistes explose ! En 2016, la France leur accordait 306 millions d'euros. En 2022, 981 millions sont venus abonder les caisses de ceux pour qui l'immigration devient un business lucratif. Cette dépense incompréhensible achève de montrer l'hypocrisie d'un gouvernement avare à l'euro près avec les Français, mais dilapidateur avec des associations immigrationnistes. Celles-ci n'ont pourtant pas besoin d'autant de moyens. Elles disposent déjà de relais à l'Assemblée nationale : la NUPES dépose des amendements farfelus pour demander l'augmentation du montant de l'ADA, la création de places d'hébergement d'urgence supplémentaires pour les demandeurs d'asile, celle d'une nouvelle dépense pour un fonds de soutien aux hébergeurs solidaires des demandeurs d'asile et réfugiés, ou encore la régularisation des travailleurs sans papiers. La gauche a définitivement tourné le dos à la défense des classes populaires !

Le texte que vous nous présentez, avant le projet de loi " immigration " annoncé depuis plus d'un an déjà, nourrira le mécontentement des Français en 2024. Comment pouvez-vous vous prévaloir de fermeté en matière d'immigration, alors que vous refusez de mettre fin au regroupement familial ou au droit du sol ? Comment pouvez-vous dire que vous protégez la population, alors que l'expulsion des clandestins, des délinquants et des criminels étrangers n'est pas systématique ? Comment ne pas croire que l'immigration est un projet macroniste, quand vous refusez de réserver les aides sociales aux Français, transformant ainsi la France en guichet social pour migrants ? L'immigration que vous financez, et même organisez, fait exploser tous les postes de dépenses de l'État et des collectivités, à commencer par les départements qui doivent faire face au déferlement de mineurs non accompagnés, dont près de 40% seraient de faux mineurs selon un rapport sénatorial, pour un coût proche de 50 000 euros par an et par mineur. Pour toutes ces raisons, il est bien normal que 78% des Français aient une mauvaise opinion de la politique menée par le Gouvernement en matière d'immigration. Je veux dire à ces Français légitimement inquiets qu'en 2027, lorsque le Rassemblement national arrivera au pouvoir, la politique menée sera radicalement différente.

M. le président Sacha Houlié. Madame la secrétaire d'État, vous n'aurez pas assez d'une demi-heure pour démonter ces contrevérités !

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Notre pays a été condamné à douze reprises pour traitement inhumain et dégradant pour avoir enfermé des enfants et leurs familles dans des centres de rétention. Votre budget est à l'image de cette indignité internationale. Il prépare le terrain d'une loi qui criminalisera toujours plus les étrangers et démolira le droit d'asile. Vous préférez gonfler les crédits du programme Immigration et asile en poursuivant la " dynamisation de la politique d'éloignement ". Eh oui, il faut bien construire ces onze CRA supplémentaires et porter la capacité de rétention à 3 000 places pour satisfaire les desiderata racistes d'Éric Ciotti et du Rassemblement national !

Vous enfermez plus, plus vite et plus longtemps, alors que vous êtes incapables, pour des raisons juridiques et diplomatiques, d'éloigner les personnes retenues. Qu'importe si les associations démontrent depuis des années que la prolongation de la rétention n'a aucun effet sur les chances d'éloignement de la personne retenue, surtout quand elle a été faite sans discernement. Le 20 octobre, une Française a été libérée du CRA du Mesnil-Amelot après y avoir été enfermée pendant cinq semaines. C'est la conséquence de votre politique de délivrance d'OQTF à tout-va, absurde et dangereuse. Vous renforcez les services en préfecture, en créant 8 équivalents temps plein pour poursuivre les travaux préparatoires des « espaces France asile », cette territorialisation insensée de l'Ofpra que le projet de loi Darmanin prépare. Demain, les fonctionnaires de cet organisme seront en grève pour dénoncer leurs conditions de travail, au moment où vous vous apprêtez à compresser les délais de traitement des demandes d'asile. Vous créditez donc des actions qui n'ont pas encore été votées. La prochaine fois, supprimez le Parlement ! Non, la loi Darmanin n'a pas été adoptée par cette assemblée, et elle ne trouve pour l'instant aucune majorité, même si je sais que vous n'hésiterez pas à l'imposer par la force à coups de 49.3, comme le projet de loi de finances pour 2024.

Votre fuite en avant répressive masque mal l'indigence de votre politique d'accueil. Les crédits alloués à l'ADA sont en chute libre : moins 10% par rapport à 2023, alors que les projections font état d'une augmentation des demandeurs. Ils avaient déjà été réduits de 36% l'an dernier. Vous clochardisez notre système d'accueil en le rendant défaillant et indigne.

Les demandeurs d'asile sont de moins en moins logés dans les structures d'accueil. Si 70% y étaient hébergés en 2023, ils ne seraient plus que 64 % en 2024. Le financement de 53 000 places est insuffisant. Le milieu associatif et la solidarité citoyenne tentent, tant bien que mal, de combler les défaillances de la puissance publique. L'État laisse les collectivités locales démunies dans les territoires qui connaissent de fortes tensions en matière d'hébergement. Le rapport annuel de Médecins du monde montre que huit personnes sur dix éligibles à l'aide médicale de l'État n'y ont pas accès. Vous préférez développer la dématérialisation de bout en bout afin de « fluidifier les processus et de réduire les délais » – ou, plutôt, de faire des économies sur le dos de certains usagers du service public qui ne mériteraient pas un accueil humain en préfecture. Ceux qui souffrent déjà de la fracture numérique sont maintenus en situation précaire, voire perdent leur titre de séjour et subissent des ruptures de droits. Les conséquences, nous les connaissons : risques d'interpellation en cas de contrôle policier, difficultés à accéder à un emploi, à la formation, aux études et aux droits sociaux.

Ce budget appuie des politiques publiques inhumaines, qui renvoient des gens dans la précarité et laissent les autres dans l'indigence la plus totale. Nous nous y opposerons fermement.

M. le président Sacha Houlié. La Lopmi a été votée…

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Je parle de la prochaine, la loi " immigration ".

M. le président Sacha Houlié. … et c'est sur la Lopmi que se fonde le financement des CRA dont vous parlez.

M. Éric Pauget (LR). Quand arrêterons-nous de financer ceux qui nous empêchent d'expulser des étrangers en situation irrégulière, dont certains deviennent des terroristes ? Dans une tribune publiée la semaine dernière, Agnès Verdier-Molinié, directrice de l'Ifrap, la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques, met en garde contre le dévoiement et l'absence de transparence des subventions publiques versées aux associations de protection des étrangers qui font tout pour empêcher leur expulsion, y compris lorsqu'ils représentent un risque terroriste avéré pour la France. Malgré le salafisme affiché par la famille du terroriste Mohammed Mogouchkov, qui avait fait l'objet d'une tentative d'expulsion du territoire français en 2014, la Cimade ou le Réseau éducation sans frontières ont tout fait pour empêcher son expulsion.

La France est fière d'être une terre d'asile, mais elle ne peut devenir une terre de terroristes en laissant dévoyer ses valeurs humanistes. Alors que l'État consacre à peine 63 millions d'euros à essayer d'éloigner des étrangers en situation irrégulière et que 7% seulement des OQTF sont exécutées, il choisit dans le même temps de verser 980 millions à des associations qui s'efforcent de faire annuler ses décisions. Cette disproportion inacceptable – les moyens alloués à la défense des demandeurs d'asile sont quinze fois supérieurs à ceux destinés à la lutte contre l'immigration irrégulière – appelle un rééquilibrage d'urgence, que proposera le président Éric Ciotti par amendement.

Le ministère de l'intérieur pourrait-il communiquer à la représentation nationale le registre des subventions publiques versées aux associations de défense des étrangers, en précisant qui sont les bénéficiaires et quelles actions ont été conduites avec ces fonds publics, lesquels représentent presque la moitié des crédits de la mission Immigration, asile et intégration ?

Le ministère serait-il prêt à être auditionné par une mission d'information parlementaire afin de rendre des comptes quant à l'utilisation de ces crédits, qui appelle plus de transparence ?

M. Emmanuel Mandon (Dem). La mission budgétaire Immigration, asile et intégration pose avec acuité le délicat problème de l'équilibre entre les aspects régaliens et les aspects humanitaires de la politique publique. Ce débat renvoie à des questions concrètes qui structurent la ligne de conduite du Gouvernement, laquelle consiste à garantir que l'apport migratoire soit accepté et acceptable. Les crédits que nous examinons traduisent sur le plan budgétaire cette double volonté : maîtriser une immigration régulière, tout en luttant contre l'immigration irrégulière, en cohérence avec la Lopmi.

Ils sont globalement en légère hausse, au-delà des modifications de nomenclature qui pourraient rendre difficilement perceptible l'évolution des efforts du Gouvernement en leur faveur. Si nous en avions le temps, nous pourrions décrire la réalité chiffrée des flux migratoires, loin des tensions idéologiques suscitées par les arrivées récentes de migrants à Lampedusa et aux Canaries. En 2022, près d'un million de personnes ont demandé l'asile dans l'Union européenne, soit le plus fort afflux observé depuis 2016. Deuxième pays d'entrée, la France est aussi le deuxième pays européen pour les demandes d'asile, derrière l'Allemagne et juste avant l'Espagne. Depuis la fin de la crise sanitaire, on observe une reprise généralisée des flux migratoires en Europe, particulièrement en France. En conséquence, le Gouvernement a alloué des moyens budgétaires supplémentaires à la politique d'asile, qui représente désormais les deux tiers des crédits de la mission. On en voit les premiers effets positifs, comme le traitement dans des délais raisonnables des demandes d'asile, le déploiement du programme Agir, doté de 30 millions d'euros de crédits supplémentaires, ou l'accompagnement immédiat, durable et personnalisé des étrangers auxquels il est demandé de signer un CIR.

Les premiers résultats obtenus par le rééquilibrage territorial des demandeurs d'asile, que l'État s'efforce de structurer par le guichet unique départemental d'intégration et avec le concours des préfectures, sont encourageants. Se pose néanmoins la question de la participation des élus au dispositif national d'accueil et au nouveau schéma d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés. Pensez-vous, madame la secrétaire d'État, généraliser la consultation des élus dans tous les départements ?

J'en viens à la lutte contre l'immigration irrégulière, dont les crédits sont en forte progression, en raison de l'augmentation de 30% du nombre de places dans les CRA, conformément à la Lopmi. Cette hausse nécessitera le recrutement de nouveaux personnels. Dans les deux CRA que j'ai visités, le manque d'effectifs soulève la question de l'externalisation de certaines missions, y compris celle de surveillance, et du développement de recrutements d'agents polyvalents, à la fois administratifs et de sécurité. La création de nouvelles places s'accompagne-t-elle d'une réflexion sur l'évolution des profils et du statut des futurs personnels ?

Enfin, quelles sont les difficultés qui résultent de la forte augmentation du nombre de mineurs accompagnés ? Où en est la coopération à l'échelle européenne, notamment dans le cadre du nouveau pacte sur la migration et l'asile ? Notre groupe y est favorable, comme il est favorable à ce budget.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Les crédits de la mission sont globalement en augmentation, mais l'évolution est contrastée selon les programmes et les actions. Le programme 303 connaît ainsi une augmentation significative de ses crédits de paiement, qui passent de 1,465 milliard à 1,725 milliard d'euros, soit une évolution de 18% ; les crédits de l'action Lutte contre l'immigration irrégulière augmentent de 91 millions, contre 139 millions pour l'action Garantie de l'exercice du droit d'asile.

Le projet annuel de performances indique que 306,7 millions sont versés à l'Ofii en provenance du programme 303 dans le cadre de la gestion de l'ADA, dont 6,5 millions de frais de gestion. Le programme 104 subit lui aussi une baisse, de 21 %, passant de 543,164 millions dans la loi de finances initiale pour 2023 à 431,158 millions dans le projet de loi de finances pour 2024. Ces évolutions suscitent des interrogations. Toutes les dépenses ne sont pas agrégées et consolidées. En l'espèce, les crédits des collectivités territoriales, souvent en première ligne pour accompagner les migrants, ne sont pas rapprochés de ceux de l'État. Il en va de même de ceux de l'assurance maladie. Cela rend difficile une approche objectivée des crédits et de leur évolution face aux besoins.

La stabilité du montant de l'ADA pose la question du nombre de bénéficiaires et celle du montant de l'allocation, alors que les dépenses contraintes des foyers augmentent en période d'inflation. En 2022, les crédits de l'ADA étaient de l'ordre de 491 millions. Cette stagnation, qui suit une baisse importante, renvoie au problème de la continuité des politiques suivies par l'État. En 2016, l'ADA, d'un montant quasi équivalent à celui d'aujourd'hui, concernait 85 000 demandes d'asile, tandis qu'en 2023, 135 000 demandes seront vraisemblablement en jeu. Comment expliquer que le montant de l'ADA n'évolue plus ?

Le retard dans l'hébergement des demandeurs d'asile n'est pas rattrapé. Les chiffres disponibles font état de la création de 1 000 places en 2024, dont 500 en Cada (centre d'accueil pour demandeurs d'asile) et 500 en CAES (centre d'accueil et d'examen des situations). Dans le PLF pour 2023, 4 900 places supplémentaires étaient annoncées pour les demandeurs d'asile. À titre de comparaison, 15 000 places ont été créées entre 2015 et 2017. Le PLF pour 2020 n'en a créé aucune. Madame la secrétaire d'État, quelle est la capacité réellement installée, et pas seulement celle arrêtée par vos soins ? Dans quelle mesure permet-elle de couvrir les besoins effectivement mesurés, dans chaque département et sur le plan national ?

Enfin, le projet annuel de performances souligne le caractère essentiel de l'apprentissage du français pour l'intégration des migrants. Ce document reste toutefois lacunaire, en ce qu'il n'offre ni vision globale, ni évaluation sommaire des efforts consentis et des résultats obtenus. Pouvez-vous y revenir dans vos réponses, que je souhaite aussi circonstanciées que possible ?

M. Didier Lemaire (HOR). Malgré une baisse des autorisations d'engagement, les crédits de paiement de la mission Immigration, asile et intégration sont en hausse de plus de 7% pour 2024, s'élevant à plus de 2 milliards d'euros. Le programme Immigration et asile concentre la quasi-totalité des crédits consacrés à cette mission.

Le groupe Horizons et apparentés salue l'accélération du délai d'instruction des demandes d'asile déposées à l'Ofpra, qui est parmi les plus maîtrisés au sein des États membres de l'Union européenne, malgré une augmentation des demandes attendue en 2024 – au nombre de 155 000, soit une moyenne de 13 000 décisions par mois. La diminution de ce délai doit se poursuivre. Il s'élevait en moyenne à 260 jours en 2020-2021, contre 159 jours en 2022 et 121 jours au premier semestre 2023.

Ce budget témoigne de la poursuite des efforts de lutte contre l'immigration irrégulière, une lutte qui bénéficie d'une augmentation de plus de 50% pour 2024. Depuis 2017, plus de 700 étrangers radicalisés ont été expulsés. En deux ans, plus de 90 000 titres de séjour ont été retirés ou refusés, et 3 200 étrangers représentant une menace pour l'ordre public ont été expulsés. Cet effort doit se maintenir ; le groupe Horizons et apparentés salue le plan ambitieux, inclus dans la Lopmi, d'ouverture de places en CRA, afin de porter le parc à 3 000 places d'ici fin 2027. Ces 3 000 places s'ajouteront aux 1 959 places existantes au sein des vingt-six CRA que compte notre territoire. Toutefois, comme pour les établissements pénitentiaires, si la construction des CRA recueille un net soutien, les possibilités d'implantation sont limitées compte tenu des réticences locales. À quel stade en est la construction de ces 3 000 places ? L'État a-t-il, dans son dialogue avec les collectivités, trouvé des lieux d'implantation ?

L'intégration est un aspect central de la politique migratoire de la France. Ce sont 100 000 étrangers issus de pays tiers à l'Union européenne qui ont signé un CIR. Les efforts en matière d'apprentissage de la langue doivent être poursuivis et relevés au niveau A2, voire B1.

Enfin, le groupe Horizons et apparentés se réjouit que plus de la moitié de ces crédits soient mis à la disposition des préfets de région compte tenu de la nécessaire territorialisation des politiques d'intégration.

Nous voterons en faveur des crédits de la mission.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Le groupe Écologistes ne peut que voter contre ce budget en baisse, en particulier pour la garantie du droit d'asile et l'intégration des étrangers, triste avant-goût de la situation qui résultera pour eux du projet de loi Darmanin.

Vous vous vantez d'augmenter le nombre de places dans les centres de rétention, mais quiconque en a visité, et je vous invite à le faire, a constaté des rétentions illégales, des expulsions illégales et un problème général d'accès au juge et aux droits. On parle d'enfermement de personnes innocentes, donc sans aucune justification. La France a été condamnée à des dizaines de reprises par la Cour européenne des droits de l'homme pour l'enfermement d'enfants dans des CRA – des enfants, innocents, et parfois des bébés ! C'est une majorité qui se dit humaniste qui le permet et qui a renforcé ce dispositif depuis 2018. Nous demandons la fin de l'enfermement des mineurs de moins de 18 ans en France, y compris à Mayotte.

Par ailleurs, nous avons besoin d'une régularisation massive, en particulier des travailleurs sans papiers, pour leurs droits et leur dignité et pour lutter contre le dumping social. Malgré elles, ces personnes pèsent sur les salaires des Françaises et des Français. Ainsi, toute la société gagne à ce qu'elles obtiennent des droits. Toutes les études concordent sur ce point. La grande régularisation opérée par François Mitterrand en 1980 a permis d'augmenter les salaires. C'est d'ailleurs peut-être pour cela que le Front national s'y oppose, lui qui refuse systématiquement l'augmentation des salaires.

Enfin, la France a transformé ses préfectures en machines à fabriquer des sans-papiers. Faute de rendez-vous, les étrangers régulièrement présents sur le territoire craignent pour leur statut et le renouvellement de leur titre. C'est à l'origine d'un contentieux qui embolise les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, qui croulent sous les recours pour faire annuler des décisions et des OQTF illégales, pour contraindre l'administration à donner des rendez-vous et pour faire exécuter les décisions ; 40 à 50% des procédures au tribunal administratif concernent le droit des étrangers. C'est kafkaïen ! Nous proposons une mesure simple : un délai maximal, comme pour les passeports talent ou pour autoriser les titres, et une autorisation tacite de renouvellement. Cela simplifiera la vie de nombreux habitants et des agents en préfecture.

Je souhaite encore dénoncer le jeu minable autour du projet de loi " immigration " : le Front national instrumentalise l'horreur et utilise la stratégie du vautour lors de drames qui secouent notre pays, pour alimenter des thèses erronées ; la droite lui court après et la majorité ne fait pas beaucoup mieux. On nous parle de ce projet de loi depuis un an et demi, mais pendant ce temps-là, rien n'est fait pour les urgences économiques et sociales du pays. Voilà un an et demi que la majorité fait la danse du ventre pour obtenir les voix de M. Marleix et de ses amis, alors qu'elle sait qu'il finira par la lâcher. Je le sais, vous le savez, lui le sait, tout le monde le sait ! C'est pathétique, alors qu'une majorité de Français estime à raison que l'immigration est une richesse et que les travailleurs sans papiers sont ici chez eux. Je voudrais saluer l'action de soutien de la CGT à une belle grève des sans-papiers il y a quelques jours, qui a conduit à la régularisation de centaines de personnes. Je me suis entretenu avec le patron d'une agence d'intérim, qui ne vote pas pour les écologistes. Je lui ai demandé ce que la régularisation de ces travailleurs changeait pour lui. Il m'a répondu : « Rien, mais je comprends que pour eux, ça change tout. » Régularisons les travailleurs sans papiers !

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). La hausse de ce budget n'est pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c'est la politique migratoire qu'il permet : depuis 2017, elle est marquée à la fois par une dégradation des conditions d'accueil et d'accompagnement, par des atteintes répétées aux droits fondamentaux et par des traitements dégradants, en particulier s'agissant de l'accueil des mineurs isolés étrangers.

Un arrêt rendu en juillet 2020 par la CEDH (Cour européenne des droits de l'homme) condamne la France pour les conditions d'existence inhumaines et dégradantes des demandeurs d'asile vivant dans la rue. Trois ans plus tard, à Cayenne, place des Amandiers, les demandeurs d'asile s'entassent encore et toujours dans la rue, dans des conditions misérables et indignes. Car les territoires ultramarins sont entièrement dépourvus de Cada. Certes, la présentation du programme 303 annonce la création de nouvelles places de Cada, de CAES et de centres provisoires d'hébergement, mais il est précisé que ces mesures s'inscrivent dans le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés. Or, ce schéma n'a jamais été décliné dans les territoires ultramarins. Qu'en sera-t-il concernant son renouvellement pour la période 2024-2027 ? La Guyane concentrant l'essentiel des demandes d'asile déposées outre-mer, il serait normal qu'elle y figure.

Il n'y a pas non plus de CRA outre-mer, du moins pas partout. À la place, on privilégie les locaux de rétention administrative (LRA), qui, en principe, ne doivent être utilisés que lorsque des circonstances particulières empêchent un placement en CRA. C'est le cas en Martinique et à Saint-Martin, qui ne disposent pas de CRA, ou à Mayotte, où des LRA provisoires sont régulièrement créés du fait de la saturation du CRA. L'absence d'accompagnement effectif dans les LRA en fait des zones de non-droit, et il n'est pas rare que des personnes placées en LRA soient reconduites à la frontière sans avoir eu accès à une assistance juridique. Notons toutefois qu'à défaut de la création demandée de longue date de CRA dans nos territoires ultramarins, le ministre Gérald Darmanin a annoncé l'implantation d'un CRA supplémentaire à Mayotte. Restons optimistes. Au moins, les étrangers qui y sont enfermés ne s'empileront plus les uns sur les autres. Mais restons aussi réalistes : c'est avant tout le signe que l'on privilégie les dispositifs d'enfermement et de répression plutôt que ceux visant l'accompagnement et l'intégration.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les moyens de la lutte contre l'immigration irrégulière sont démultipliés, tandis que la dotation du programme dédié à l'intégration et à l'accès à la nationalité française est en baisse et que les outre-mer sont encore une fois mis de côté. J'appelle mes collègues à se pencher sur les nombreuses mesures dérogatoires à l'œuvre dans nos territoires ultramarins, que ce soit en matière de structures d'hébergement, de traitement accéléré des demandes d'asile ou de droits sociaux au rabais. Ce qui est en place à titre expérimental chez nous n'est que le reflet de ce qu'il sera bientôt proposé d'appliquer chez vous.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Quel était en 2022 le taux d'exécution des OQTF – simples ou après passage en CRA ?

Pouvez-vous nous donner des chiffres précis concernant les laissez-passer consulaires, notamment ceux accordés par les trois pays du Maghreb ?

Les forces de sécurité nous rappellent fréquemment leurs difficultés à exécuter les OQTF, alors que le délit de séjour illégal n'existe plus en France. Pouvez-vous nous assurer que le rétablissement de ce délit figurera dans le futur projet de loi " immigration " ?

Quelle est la part de l'immigration économique par rapport à l'immigration pour motif familial ? On nous explique que l'immigration économique est la plus importante. Les chiffres dont je dispose ne le démontrent pas. J'aurais voulu avoir les vôtres.

En 2022, 981 millions d'euros ont été versés à des associations qui aident l'immigration, notamment clandestine. Comment justifiez-vous une telle somme, alors que certaines associations ont clairement pour objectif de s'opposer à l'action de l'État en matière de lutte contre l'immigration illégale ?

L'Ofpra et la CNDA, la Cour nationale du droit d'asile, ont rendu 56 179 décisions favorables d'attribution de l'asile en 2022, ce qui représente 41,8% des décisions rendues. Se pose alors la question de la situation des 60% de demandeurs déboutés. Selon un rapport de la Cour des comptes de 2015, 96% d'entre eux resteraient en France après le rejet de leur dossier. Avez-vous des données plus récentes ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. Madame la rapporteure pour avis, le nombre de 160 000 demandeurs d'asile en 2024 est une prévision. Nous avons sanctuarisé le budget de l'ADA à hauteur de 300 millions d'euros, soit le montant nécessaire pour couvrir 180 000 demandes. Le budget est en hausse, même si les demandes sont en baisse.

Le programme 104 n'est pas en diminution, mais 27 millions proviendront des fonds européens au lieu d'être sanctuarisés dans le PLF. La dotation du fonds Asile, migration et intégration (FAMI) est en hausse pour la période 2021-2027.

Vous considérez, à juste titre, que la maîtrise de la langue est essentielle. C'est la raison pour laquelle des mesures nouvelles sont dotées à hauteur de 7,5 millions d'euros. Dans son budget initial pour 2023, l'Ofii avait programmé 87,5 millions de dépenses pour les formations linguistiques. Pour 2024, il prévoit 9 millions pour les seules formations A2 et B1.

Monsieur Mendes, en ce qui concerne les moyens complémentaires dédiés à la lutte contre l'immigration clandestine, 15 millions sont sanctuarisés dans le PLF, pour financer des outils liés aux nouvelles technologies, et le traité franco-britannique de Sandhurst nous apporte une somme substantielle de 540 millions, dédiée à la protection de nos frontières.

Madame Taurinya, le nombre de places en CRA devrait atteindre 3 000 fin 2027. Cela représente environ 60 millions d'euros par an. On peut considérer que ce n'est pas assez, mais…

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). C'est trop !

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. Vous avez le droit de le penser, mais nous en avons besoin. Nous pouvons proposer d'autres dispositifs, mais il faut bien essayer de gérer le flux de demandeurs d'asile qui ne peuvent pas rester.

En 2023, il y avait 121 230 places, dont 11 400 en CPH (centre provisoire d'hébergement).

S'agissant des OQTF, les relations diplomatiques sont primordiales. En 2022, 3 615 étrangers menaçant l'ordre public ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Nous devons travailler aux laissez-passer consulaires avec les pays avec lesquels nous pouvons encore discuter, comme la Russie. Il faut bien reprendre les discussions là où elles ont été laissées. Au Maghreb, nous pouvons discuter avec certains pays, mais pas avec d'autres.

J'en viens aux subventions accordées à des associations. En 2024, ces subventions représenteront 1 milliard d'euros, dont 4,2 millions pour la Cimade. Ces associations assurent une mission fondamentale de service public en assurant l'accompagnement des demandeurs d'asile, qui est leur ADN. Elles opèrent pour l'État. Leur mission s'arrête là : le droit reprend ensuite sa place et lorsqu'il a rendu son jugement, les associations ne doivent plus intervenir.

Monsieur Mandon, vous évoquez l'externalisation des missions des CRA. Notre objectif est de ramener les policiers qui opèrent en CRA à leur mission première : le maintien de la sécurité. Mais l'on peut externaliser l'accueil du public ou la blanchisserie. Sauf erreur, le budget dédié à l'externalisation des services en CRA est en augmentation de 10 millions.

Madame Taurinya, je reviens à votre question relative à la dématérialisation des demandes d'asile. Quatre passages en préfecture, pour quelqu'un qui n'a pas les moyens de se déplacer, c'est compliqué. Il existe parfois même des ruptures de mobilité. Le budget dédié à la dématérialisation s'élève à 56 millions d'euros sur quatre-vingt-seize mois. L'existence de plateformes dématérialisées est une bonne chose pour faciliter les démarches et éviter d'avoir à se déplacer, comme pour nos concitoyens. Les préfectures ne sont pas sous-dotées, mais elles forment des agents à l'accès au numérique. Lorsqu'un demandeur d'asile se déplace, il peut être accompagné pour effectuer une demande dématérialisée. C'est une avancée, même si rien n'est parfait. Ne passer qu'une ou deux fois en préfecture au lieu de quatre améliore le confort des usagers.

Avec l'Anef (administration numérique des étrangers en France), les délais de traitement se sont beaucoup réduits par rapport aux procédures classiques : à dix-sept jours en moyenne pour les titres étudiant, treize jours pour les passeports talent et dix jours pour les autorisations de travail. Les délais sont donc de plus en plus raisonnables, mais vous avez raison, il faut aller plus loin.

S'agissant de l'implantation des CRA, monsieur Lemaire, l'amendement Ciotti à la Lopmi a sanctuarisé 3 000 places. Les nouveaux sites localisés à Dijon, Oissel, Nantes, Béziers, Aix-en-Provence, Goussainville, Nice, Olivet, Mérignac et Mayotte, ainsi que dans le Dunkerquois, compteront une centaine de places chacun.

Monsieur Bayou, les mineurs en CRA sont minoritaires. Lors de mes visites, par exemple au Canet, dans le 14e arrondissement de Marseille, je ne me souviens pas d'avoir été frappée par le nombre de mineurs. Vous vouliez un chiffre, le voici : 108 mineurs accompagnés en 2022.

Vous m'avez également interpellée sur le futur projet de loi " immigration ". Il interdira la rétention des mineurs en CRA.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Y compris à Mayotte ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. Nous en discuterons. Ce projet vous sera présenté prochainement. Gardez vos forces pour ce débat, nous en aurons besoin.

M. le président Sacha Houlié. Il ne s'agit pas d'un dialogue. Je vous invite à terminer votre réponse.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. Vous avez raison d'indiquer qu'il faut trouver une autre solution pour les mineurs. Avec le futur projet de loi, les mineurs ne pourront plus aller en CRA. C'est une très bonne mesure. Nous en débattrons.

Monsieur Rimane, on ne peut pas dire que le ministère de l'intérieur ne prend pas en compte les outre-mer. Faut-il plus de Cada ? Oui : vous avez raison sur le fond ; mais je vous invite plutôt à déposer des amendements au futur projet de loi. Au lieu de perdre notre temps à nous dire que nous ne sommes pas d'accord, essayons de tomber d'accord sur certains sujets. Il est vrai que nous ne répondons pas suffisamment à la demande. Nous devons aller plus loin. Comment sanctuariser ce qui doit être fait et l'évaluer ? Vous savez que l'immigration irrégulière à Mayotte ou en Guyane est un sujet un peu à part, du fait de la situation géographique de ces territoires.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Yoann Gillet (RN). Comme membre du Gouvernement et élue de Marseille, vous savez que le lien entre immigration et insécurité est établi. Dans la cité phocéenne, 55% des actes de délinquance sont le fait d'étrangers. La délinquance est en hausse de près de 11%. Chez vous comme ailleurs – à Nîmes, dans ma circonscription, à Nantes, à Paris, à Lyon –, le bilan de votre ministère de tutelle est mauvais. C'est factuel. Alors que, partout en France, la délinquance et l'ensauvagement de la société pourrissent la vie des Français, le PLF pour 2024 s'inscrit dans la continuité, celle de l'échec.

Madame la secrétaire d'État, 96% des OQTF ne sont pas exécutées. Alors qu'en France on dénombre une agression toutes les quarante-quatre secondes et 120 attaques quotidiennes à l'arme blanche, puisque le lien entre immigration et insécurité est établi et puisque les exemples de personnes sous OQTF qui commettent des délits, des crimes et des actes de terrorisme sont nombreux, qu'attendez-vous pour réagir ?

Au-delà de l'aspect purement juridique, parfois diplomatique, il existe un aspect pratique. Emmanuel Macron s'était engagé à atteindre 100% d'exécution des OQTF. Chers collègues, il faut ouvrir les yeux ! Nous vous y invitons, Madame la secrétaire d'État. Assez d'assassinats, assez de viols, assez d'agressions gratuites, assez de vols ! Les Français en ont assez. Ils veulent que l'immobilisme cesse.

Vos documents budgétaires ne fixent aucun objectif d'exécution des OQTF. Mettre de l'argent en plus, c'est bien et c'est nécessaire. Mais il faut une réelle volonté, et afficher un objectif clair en affirmant qu'on expulse. Il faut envoyer un message clair aux pays concernés.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Le droit des étrangers a constitué un terrain d'expérimentation de la dématérialisation des procédures, avant que celle-ci ne soit généralisée à d'autres politiques. Entre 2018 et 2022, les réclamations auprès de la Défenseure des droits portant sur les droits fondamentaux des étrangers sont passées de 6 540 à 21 666. Cette hausse de 231% est en bonne partie liée aux procédures de dématérialisation des guichets préfectoraux, avec le déploiement des modules de prise de rendez-vous en ligne, l'essor de la plateforme Démarches simplifiées, censée permettre d'effectuer l'intégralité du dépôt de demande d'un titre de séjour en ligne, et le développement de l'Anef.

Les ressortissants des pays tiers de l'Union européenne sont les plus durement touchés, car ils n'ont pas d'autre option que les démarches en ligne pour se voir reconnaître un droit au séjour. Ces dernières années, les procédures qui leur sont imposées ont connu de nombreux dysfonctionnements structurels, comme des modules de prise de rendez-vous saturés et des accompagnements inadaptés, entraînant d'importantes ruptures de droits. Tout cela a pour conséquence de maintenir ces personnes dans une situation précaire, voire de les placer dans une situation irrégulière puisqu'elles ne disposent pas de l'ensemble des éléments leur permettant de déposer une demande.

La Défenseure des droits a souligné que le téléservice dans sa forme obligatoire et sans alternative était source de graves atteintes aux droits, lesquelles engendrent un contentieux de masse devant les tribunaux. Par deux décisions, en novembre 2019 et le 3 juin 2022, le Conseil d'État a consacré deux obligations pour les pouvoirs publics : proposer aux personnes en difficulté un accueil et un accompagnement dans leurs démarches numérisées, et prévoir une modalité de substitution pour enregistrer les demandes en cas de bug du téléservice. Comment appliquerez-vous ces décisions ?

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Vous dites que rien n'est parfait, mais concernant l'accueil en préfecture, on est vraiment loin de la perfection ! On ne compte plus, dans nos circonscriptions, les personnes qui viennent nous voir parce qu'elles ont perdu leur emploi alors qu'elles étaient en situation régulière, parce qu'elles ont une carte de séjour en attente et ne la reçoivent qu'une fois qu'elle est périmée, ou parce qu'elles n'ont que des récépissés pendant deux ans et demi, ce qui limite leurs droits et leurs déplacements.

Le budget du programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, est en baisse, tandis que celui consacré à la lutte contre l'immigration irrégulière connaît une forte hausse du fait de la création de places supplémentaires en CRA. Vous avez adopté la vision de la droite et de l'extrême droite en validant la demande de M. Ciotti en la matière, sans même étudier les conditions dans lesquelles sont retenus les étrangers dans ces centres. De nombreuses condamnations ont été prononcées concernant l'enfermement des enfants, mais aussi celui des adultes. Ils sont innocents, emprisonnés pour la seule raison qu'ils sont étrangers. Avant d'augmenter le nombre de places en CRA – pour notre part, nous pensons qu'il faut tout bonnement supprimer ces derniers –, vous êtes-vous demandé comment ces places supplémentaires allaient permettre le respect des droits fondamentaux ?

Enfin, je ne vous permets pas de dire que le projet de loi qui va nous être présenté prévoit l'interdiction de l'enfermement des enfants, puisqu'il l'autorise pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans et pour tous les mineurs dans les locaux de rétention administrative et à Mayotte.

M. le président Sacha Houlié. Vous faites référence à une disposition de l'article 12 du projet de loi.

Mme Émilie Chandler (RE). Face au nouveau défi migratoire, le Gouvernement a pris ses responsabilités pour mieux accueillir et intégrer les réfugiés et les talents, tout en luttant contre l'immigration irrégulière. Les flux migratoires restent toutefois importants et leur maîtrise demeure un enjeu essentiel. La question se posant tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle européenne, l'Europe et la France doivent, ensemble, lutter davantage contre les passeurs et leurs complices. Dans la continuité des efforts déjà entrepris ces dernières années, le projet de loi de finances pour 2024 consacre au dispositif d'intégration des étrangers des moyens en hausse, et l'enveloppe globale des crédits d'intégration continue de progresser, avec une hausse de 3%, après une augmentation de plus de 24% l'an passé. Ces efforts budgétaires traduisent la volonté de réduire les délais administratifs, tout en protégeant mieux ceux qui sont dans le besoin et en renvoyant ceux qui ne respectent pas les valeurs de la République.

Comment garantir une meilleure intégration des étrangers primo-arrivants sur le territoire ?

M. Thomas Ménagé (RN). Madame la secrétaire d'État, vous venez de nous annoncer que le montant des subventions versées par le ministère de l'intérieur aux associations s'élèverait pour 2024 à 1 milliard d'euros, alors que la plupart d'entre elles sont orientées politiquement – je rappelle que Coallia et France terre d'asile sont dirigées par des élues NUPES en exercice – et que dans certaines d'entre elles, c'est connu, de l'argent public a été détourné. Le directeur général d'Equalis percevait un salaire de 18 000 euros mensuels, bénéficiait d'une voiture d'une valeur de 90 000 euros et d'un logement de fonction : ce monsieur roulait en Audi Q7 et c'étaient les Français qui payaient le prix de l'immigration massive et celui de son véhicule. Cette association a touché en 2021 plus de 12 millions d'euros de la part des pouvoirs publics, soit le montant alloué à la redynamisation du commerce rural : cherchez l'erreur.

Ce n'est pas moi qui le dis, mais Didier Leschi, directeur général de l'Ofii : " La difficulté pour l'État, c'est que des associations comme la Cimade postulent à des marchés publics comprenant un cahier des charges précis, alors qu'une partie importante de leurs salariés est fondamentalement hostile à la politique publique qui correspond à ce cahier des charges. " La Cimade reçoit une subvention de 6,4 millions d'euros. Pire : elle est l'une des associations qui a empêché en 2014 l'expulsion de la famille de Mohammed Mogouchkov. L'État subventionne donc des associations qui s'infiltrent dans les CRA pour faire du sabotage et détourner la loi, mettant ainsi les Français en danger par pure idéologie. Il ne s'agit pas de service public, madame la secrétaire d'État : ces gens-là ne défendent pas l'intérêt général, ils défendent une idéologie ; ils n'accompagnent pas les demandeurs d'asile, ils leur donnent des récits prérédigés pour détourner l'État de droit et nuire aux Français. Allez-vous continuer à allouer des subventions à ces associations ou, enfin, instaurer des contrôles et retirer les subventions aux associations qui jouent contre les Français et leur sécurité ?

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Si on ouvre des places en CRA, on va les pourvoir. Cela pose le problème de principe de la rétention. La France a été condamnée par les instances européennes pour cette raison. En outre, notre droit de visite – quand nous pouvons l'exercer convenablement, car j'ai dû récemment attendre trois heures avec des collègues pour pouvoir visiter le CRA 2 de Lyon Saint-Exupéry – nous a permis de constater sur place la surpopulation et le non-respect de la vie privée ainsi que de l'accès à certains droits. Les CRA posent donc une question de principe, celle du respect des droits, mais également celle de l'efficacité.

M. Florent Boudié (RE). Il y a au contraire un changement de nature de la rétention administrative. Elle était autrefois systématiquement prononcée en cas d'OQTF. La stratégie actuelle est plus ciblée : la rétention vise en priorité les personnes qui ont commis un crime ou un délit et qui sont – pardonnez-moi l'expression – expulsables, c'est-à-dire pour lesquelles un laissez-passer consulaire peut être délivré.

Il est vrai que les conditions de rétention ne sont pas toujours bonnes et si nous souhaitons ajouter des capacités de rétention, c'est précisément pour les améliorer. Je précise que la France n'a pas été condamnée pour les mauvaises conditions de rétention, mais pour la rétention de mineurs, et ce en 2012 et 2016 – et non récemment puisque, dans la pratique, les familles ne sont plus retenues avec des mineurs. Nous proposerons dans quelques semaines d'inscrire dans la loi l'interdiction de retenir des mineurs de 16 ans. Nous pourrons d'ailleurs discuter de cette limite d'âge.

Madame la secrétaire d'État, avec vingt-cinq places situées dans les sous-sols de l'hôtel de police, les conditions de rétention du CRA de Bordeaux sont inacceptables. Elles ont d'ailleurs récemment provoqué une grève. Comment comptez-vous intervenir pour remédier à cette situation ?

M. Stéphane Rambaud (RN). La Cour des comptes, dans son dernier rapport relatif à l'analyse de l'exécution budgétaire 2022 de la mission Immigration, asile et intégration, a pointé une sous-utilisation significative et inquiétante des crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière. Pour 2022, 57,3 millions d'euros en AE et 64,4 millions en CP ont été alloués pour l'éloignement des étrangers irréguliers au titre de l'action 03, Lutte contre l'immigration irrégulière, mais seuls 36,3 millions en AE et 31,3 millions en CP ont finalement été engagés, soit une sous-exécution de 36,6% et de 51,4%, respectivement.

Dans la situation migratoire chaotique que connaît la France, ces chiffres sont alarmants. Les déclarations fermes du ministre de l'intérieur sur l'immigration sont en décalage avec la réalité budgétaire. Cette sous-exécution témoigne d'un renoncement du Gouvernement et du Président de la République face au problème de l'immigration massive. Des millions de Françaises et de Français, victimes directes ou indirectes de ses conséquences, sont abandonnés à leur triste sort.

Madame la secrétaire d'État, comment comptez-vous assurer une meilleure exécution des crédits consacrés à l'éloignement des étrangers en situation régulière ? Comment concrétiserez-vous les paroles du ministre de l'intérieur pour répondre aux préoccupations des Français concernant l'immigration massive et les enjeux de sécurité qu'elle implique ?

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Parler d'immigration, c'est parler de la France, parce que depuis la Révolution française, l'invention du drapeau tricolore, de la Marseillaise et de la Constitution de 1793, nous avons défini le peuple français comme étant un peuple citoyen et républicain et non un peuple au sens ethnique. En 1793, nous donnions la nationalité aux étrangers au bout d'un an de résidence sur le territoire national ; en 1848, nous avons même abaissé cette durée à six mois. Comment voulez-vous faire des immigrés des Français si vous baissez de 54 à 43 millions d'euros les crédits alloués à l'intégration et à la nationalité française ?

Faire des immigrés des Français, c'est l'histoire de la ville de Marseille : Marseille, qui est née il y a 2 600 ans du mariage d'un Grec et d'une princesse gauloise ; Marseille, qui nous a donné, grâce à des pieds de vigne venus de l'étranger, nos vignobles, qui font la fierté de la France ; Marseille, qui a été conquise par Rome et qui nous a donné notre langue actuelle ; Marseille, qui a été la ville d'accueil des réfugiés des guerres de Religion ; Marseille, qui a été la ville rebelle à l'autorité des rois ; Marseille, qui a donné son nom à notre hymne national en envoyant en 1792 des fédérés pour participer au renversement de la monarchie ; Marseille, qui a eu sa Commune ; Marseille, ville de l'immigration italienne dont je suis moi-même issu ; Marseille, qui s'est libérée par elle-même, grâce à l'insurrection des Forces françaises de l'intérieur et à la participation des tirailleurs algériens et des goumiers marocains ; Marseille, enfin, qui a été la terre d'accueil de la décolonisation. Finalement, faire des Français, c'est un peu faire des Marseillais, puisque Marseille est une ville créole. En augmentant les crédits alloués à l'intégration et à l'accès à la nationalité française, vous feriez œuvre utile pour l'intérêt général et pour notre nation.

M. Philippe Gosselin (LR). J'associe à ma question MM. Éric Ciotti et Éric Pauget.

En 2021, le Premier ministre Jean Castex a validé l'expérimentation de la renationalisation du revenu de solidarité active (RSA) en Seine-Saint-Denis. Cela montre que décider de renationaliser une politique publique locale est possible.

La gestion des mineurs non accompagnés, dont le nombre a explosé, pose de nombreuses difficultés aux départements, à qui on demande de l'assurer alors qu'ils n'ont pas la main sur ces dossiers puisque l'accueil de ces jeunes est fait par et au nom de l'État. La réalité de l'âge des intéressés est un vrai problème. Nous avons d'ailleurs discuté des tests osseux il y a quelques semaines. On apprenait ce week-end dans Le Parisien que dans le Territoire de Belfort, sur quatre-vingt-douze mineurs non accompagnés, soixante-huit seraient majeurs. Il y a donc un détournement de l'esprit de la loi. Accompagner des mineurs, c'est une chose ; accueillir toute la misère du monde, c'est tout autre chose.

Quelle est votre position, madame la secrétaire d'État, sur la renationalisation du dispositif des mineurs non accompagnés ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État. Monsieur Gillet, parler des exécutions réelles des OQTF n'a pas grand sens : dans un État de droit, il existe des recours et il n'est pas possible d'exécuter une OQTF faisant l'objet d'un recours. Là encore, nous aurons l'occasion d'en reparler dans le cadre du projet de loi " immigration ". Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2021, 124 111 OQTF ont été prononcées et 7 488 ont été exécutées ; en 2022, ces chiffres étaient respectivement de 134 280 et 9 121.

Monsieur Ménagé, je répète que les associations dont vous parlez sont des opérateurs du service public. Les subventions qui leur sont versées sont inscrites dans le PLF ; si vous ne les approuvez pas, vous pouvez proposer de modifier celui-ci par amendement. Si vous ne le faites pas, c'est que vous devez avoir de très bonnes raisons.

Madame Obono, la dématérialisation n'est certes pas la réponse à tous les problèmes de délai pour l'obtention d'un titre, qu'il s'agisse du titre de séjour ou du passeport, mais elle est un début de réponse. Quatre-vingt personnes s'occupent de traiter ces demandes au sein de l'Anef. On ne peut pas attribuer un agent à chaque demandeur d'asile. Mais nous avons mis les moyens financiers, avec 56 millions d'euros sur quatre-vingt-seize mois. La question de l'augmentation de ces moyens se pose chaque année, car les flux sont en augmentation constante, mais on constate déjà que les files diminuent. L'objectif est de réduire le nombre de passages en préfecture.

Concernant les CRA, je rappelle que 95% des personnes qui y sont retenues sont des délinquants et que 30 % font l'objet d'une procédure d'éloignement. Ils ne sont pas condamnés, certes, mais ils ne sont pas non plus dans la légalité. Que faire avec les personnes en situation irrégulière ? Les mettre en prison ?

Madame Martin, au sujet de votre visite au CRA de Lyon Saint-Exupéry, il me semble que le ministre de l'intérieur vous a répondu. Je crois savoir que vous êtes arrivée avec la presse, ce qui explique sans doute vos difficultés pour y accéder, puisque les personnes qui y travaillent et celles qui y sont retenues ont légitimement pu vouloir protéger leur droit à l'image.

Monsieur Boudié, des travaux devraient débuter en octobre 2024 au CRA de Bordeaux pour une mise en service début 2026. Ce sont, malheureusement, des délais incompressibles.

Monsieur Léaument, merci pour votre hymne à Marseille. Oui, la plus vieille ville de France s'est construite par des vagues d'immigration, comme la France elle-même, et je suis, comme vous, une enfant d'immigrés. Mais, comme l'a dit Gérald Darmanin, le problème n'est pas les étrangers qui veulent habiter ici, vivre mieux que chez eux, partager nos valeurs et devenir français, mais ceux qui commettent des délits ou qui se trouvent en situation irrégulière. S'il n'y a pas de règles, c'est l'anarchie. Or, ce n'est pas ce que cherchent les personnes qui fuient leur pays, parce qu'il n'est pas une démocratie, pour venir chez nous.

Vous m'avez interpellée sur la baisse des crédits du programme 104, Intégration et accès à la nationalité française. Je le répète : il ne s'agit pas d'une baisse, mais d'un transfert de crédits et de compétences vers le programme 303, Asile et immigration.

Monsieur Gosselin, les flux d'arrivée de mineurs non accompagnés sont effectivement en hausse après une forte réduction due à la crise sanitaire, avec 17 782 mineurs accueillis, soit une hausse de 30 % au cours de l'année 2023. Le garde des sceaux s'est exprimé à ce sujet. J'ai également été interpellée par le conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Cette question relève de l'aide sociale à l'enfance (ASE), donc de la compétence de ma collègue Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance, qui sera ravie de travailler avec vous sur cette question primordiale.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 9 novembre 2023