Interview de M. Olivier Becht, ministre délégué, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, à France Inter le 4 novembre 2023, sur une campagne à l'international pour promouvoir l'attractivité de la France.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Olivier Becht - Ministre délégué, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

Média : France Inter

Texte intégral

Q - Notre invité, ce samedi matin, Olivier Becht, bonjour.

R - Bonjour.

Q - Vous êtes le ministre du commerce extérieur, vous venez de lancer une grande campagne à l'international pour promouvoir l'attractivité du pays, la signature "Marquer les esprits - choisir la France" dans les pays francophones, en anglais "Make it iconic - Choose France", en anglais cette fois vous l'aurez reconnu. Alors que le contexte géopolitique a rarement été aussi tendu, quelle place pour la France ? Comment convaincre les investisseurs d'investir chez nous ? Comment aider nos entreprises à gagner des marchés au-delà de nos frontières ? On va voir tout cela.

Mais déjà, pourquoi lancer, là, cette campagne maintenant ?

R - Eh bien parce que le contexte, finalement, s'y prête. Nous sortons de la Coupe du monde de rugby, qui a été un succès en France, et nous allons rentrer, l'année prochaine, dans l'organisation des Jeux olympiques. Il se trouve que maintenant, depuis quatre années exactement, la France est le pays le plus attractif en Europe. Nous avons dépassé l'Allemagne, nous avons dépassé le Royaume-Uni. Il y a plus de 1.750 projets qui, chaque année, se dirigent vers la France, avec quelque chose de tout à fait exceptionnel, c'est que la moitié de ces projets, en plus, s'installent dans des territoires ruraux ou périurbains, c'est-à-dire qu'ils viennent en plus répondre à la question de la fracture territoriale. Cela crée des emplois, c'est bon pour la France. Il faut capitaliser là-dessus et continuer à attirer ces investissements étrangers.

Q - Alors, pour capitaliser, vous avez convoqué Kylian Mbappé, Philippe Starck, Thomas Pesquet pour porter le message... Pourquoi eux ?

R - Parce que ce sont, chacun à leur niveau, des personnalités qui incarnent l'audace. Et l'objectif, c'était un peu de briser aussi certaines images d'Epinal, qui parfois ont la vie dure, sur la France : la France, c'est un pays de complexités administratives, c'est un pays où il est difficile d'investir, où le coût du travail est important, où les impôts sont élevés, etc. Nous voulons montrer que la France est aussi et surtout un pays d'audace, un pays où les gens osent réussir, de manière d'ailleurs très jeune - Kylian Mbappé, champion du monde de football à 19 ans, Thomas Pesquet, jeune astronaute...

Q - Vous leur avez demandé leur avis avant de les utiliser ?

R - Bien sûr !

Q - Vous les payez pour ça ?

R - Non, absolument pas.

Q - Ils font ça gratuitement ?

R - Ils font ça gratuitement.

Q - Bon, au moins comme ça...

R - Et c'est évidemment... Alors, on a sollicité les personnalités, mais elles ont évidemment toutes données leur accord et elles le font de manière bénévole, comme Mory Sacko également, le jeune chef cuisinier, Philippe Starck, ou d'autres...

Q - Oui j'aurais pu en citer plein : notre future astronaute, qui est une femme, ce genre de personnalités...

R - Oui, Sophie Adenot, etc.

Q - Une femme extraordinaire...

R - ..., qui incarnent tous cette audace française, cette capacité justement à marquer les esprits. C'est ce qu'on souhaite faire : venir en France pour participer à ces challenges.

Q - Vous visez dans un premier temps l'Allemagne, le Canada, les Emirats arabes unis, l'Inde et les Etats-Unis. Pourquoi ces pays en particulier ?

R - Alors parce que ce sont les pays qui sont déjà les pays qui investissent le plus en France, donc il faut continuer à capitaliser là-dessus ; on a, on va dire, un terrain plutôt favorable. Dans un deuxième temps, on lancera une deuxième campagne, avec une dizaine d'autres pays, qui permettra d'aller chercher des investisseurs, des clients supplémentaires.

Q - On peut avoir une idée déjà de quelques-uns de ces pays ?

R - On les annoncera tout à fait début 2024...

Q - On est entre nous là, personne n'écoute, vous pouvez nous en donner quelques-uns !

R - ... voilà, on les annoncera début 2024. Et cela permettra d'aller chercher aussi des pays sur lesquels on est, on va dire, un peu moins bon aujourd'hui en terme d'attractivité.

Q - Certains de nos auditeurs ou auditrices pourraient se dire : "bon, allez, une campagne d'affichage, une campagne de promotion... à quoi ça sert ? Est-ce que ça marche ?"

R - Cela sert justement à marquer les esprits. Je vous donne un exemple, qui n'est pas très loin, puisque il suffit de traverser la Manche : les Anglais ont lancé "Great Britain" il y a quelques années. C'est une campagne qui a rapporté au Royaume-Uni, en termes d'investissements, entre 5 et 6 milliards d'euros. Donc oui, cela marche, oui, il faut le faire, et surtout capitaliser dans ces moments justement importants : coupe du Monde de Rugby, Jeux olympiques, c'est le moment, justement, de vanter l'attractivité de la France.

Q - C'est intéressant, l'exemple que vous prenez, parce que la Grande-Bretagne a un message principal : venir en Grande-Bretagne. Nous, je suis allé regarder, vous avez la région Auvergne-Rhône-Alpes qui a ses propres messages, la région Haut-de-France, et même dans les Hauts-de-France ! Vous avez encore le Cotentin, vous avez plein d'autres régions... Est-ce qu'on ne devrait pas avoir, justement, une équipe de France ? Là, on a une équipe diffuse de France qui joue un peu sur tous les niveaux.

R - Cela tombe bien, puisque c'est justement ce qu'on fait. C'est-à-dire que nous avons une équipe de France, ce qu'on appelle la Team France - la Team France Export et la Team France Invest, avec Business France, les chambres de commerce et d'industrie, BPI, ainsi que les régions. Maintenant, désormais, nous aurons la Marque France, qui viendra chapeauter, évidemment, d'autres marques.

Q - Donc tout le monde doit se mettre derrière ?

R - C'est l'objectif. Pour vendre la France à l'étranger, pour faire en sorte que nous soyons encore davantage attractifs, oui, nous devons aujourd'hui, tous, nous ranger derrière cette Marque France, qui n'exclut pas, évidemment, que dans les régions... Vous savez, je viens d'Alsace, on a une marque Alsace, voilà, on peut être fier d'être alsacien et très fier d'être français aussi, et vanter cette attractivité-là.

Q - Vous rentrez tout juste d'un déplacement avec Emmanuel Macron au Kazakhstan et en Ouzbékistan. Vous vous êtes posé hier. L'idée de ce voyage, c'était de contrer les influences russe, chinoise et, dans une moindre mesure, turque. Quand on lance une telle campagne, on pourrait se dire, au regard de tout cela, "mais est-ce qu'il y a encore vraiment de la place pour nous ?"

R - Alors, non seulement il y a de la place pour nous, parce que ces pays souhaitent justement diversifier également leurs partenariats et ne pas dépendre de la Russie, de la Chine, de la Turquie ou encore de leurs grands voisins du Sud, tels que l'Inde....

Q - C'est vraiment ce qu'ils vous ont dit ?

R - Ah c'est vraiment ce qu'ils nous ont dit.

Q - Ils vous ont dit "on veut miser sur vous parce qu'on veut être plus libre", d'une certaine manière ?

R - Oui. Ils veulent être plus libres, ils veulent être indépendants, avoir des partenariats diversifiés. Et je peux vous dire qu'en plus, cela marche très bien, parce que les entreprises françaises sont attendues. On a toujours tendance parfois, en France, à se dévaloriser, à regarder les fameux Google, Facebook, Amazon, etc.

Q - De toute façon, on n'en a pas. On ne risque pas de les envoyer à l'étranger...

R - Oui, mais nous avons autre chose. Nous avons des entreprises championnes du monde : je pense notamment à Veolia, championne du monde de l'environnement dans l'adduction ou l'assainissement de l'eau...

Q - Qui a signé justement un contrat pendant ce voyage.

R - Tout à fait. Et cela tombe bien parce que quand on a 2,5 milliards de personnes qui n'ont pas encore accès à l'eau potable, avoir le champion du monde dans l'environnement, c'est très bien. Avec EDF, on a le deuxième énergéticien mondial. Nous avons des entreprises de taille mondiale, comme Airbus, qui est également numéro un.... Nous avons Alstom, nous avons Vinci etc.

Q - Puis on est allé signer des contrats pour les mines avec Orano aussi.

R - Oui. L'électricité qui aujourd'hui nous permet de diffuser cette émission radio, elle vient aujourd'hui du Kazakhstan, à travers l'uranium que nous avons au Kazakhstan. Le Kazakhstan, c'est notre premier fournisseur...

Q - Pour qu'on explique bien : il faut de l'uranium pour faire du nucléaire...

R - Eh oui !

Q - ... et donc c'est pour cela qu'on a besoin effectivement du Kazakhstan. C'est un très bon exemple que vous prenez, puisqu'après l'invasion russe en Ukraine, on a dû revoir complètement nos approvisionnements, notamment de gaz. Et à ce moment on a signé des gros contrats avec l'Azerbaïdjan. Quand on voit ce qui vient de se passer au Haut-Karabakh avec le conflit avec l'Arménie... On peut commercer avec tout le monde ?

R - La France n'a pas signé de contrat gigantesque avec l'Azerbaïdjan...

Q - L'Union européenne.

R - C'est l'Union européenne. La France, le premier partenaire gazier de la France, c'est la Norvège. Est-ce qu'on peut faire du commerce avec tout le monde ? La réponse est oui, à partir du moment où tout le monde respecte le droit international. Nous l'avons vu, et c'étaient les sanctions qui ont été prises au moment de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, lorsque nous avons des partenaires qui se mettent en violation flagrante du droit international, nous sommes fondés à prendre des sanctions. C'est ce que nous avons fait, notamment sur le gaz.

Q - Mais l'Azerbaïdjan, pas de regrets qu'au niveau européen ce soit un partenaire important aujourd'hui ?

R - C'est un partenaire de l'Union européenne, et nous sommes aujourd'hui dans une relation diplomatique...

Q - Ce que vous dites, c'est qu'on est mieux avec les Norvégiens, côté français ?

R - ... avec l'Azerbaïdjan et l'Arménie pour chercher, là aussi, une désescalade de ce conflit et faire en sorte que le droit international soit respecté dans cette région du monde.

Q - Autre conflit dramatique, ce qui se passe aujourd'hui au Proche-Orient entre Israël, bien évidemment, et le Hamas. Vous avez une carte de visite large, ministre du commerce extérieur, de l'attractivité, mais également des Français de l'étranger. Comment faire pour s'assurer que sur place, nos ressortissants, qu'ils soient dans des entreprises ou non, puissent être en sécurité, dans un moment où tout est imprévisible ?

R - Eh bien, la France, et je pense que c'est l'honneur de notre pays, n'abandonne personne. Elle n'abandonne aucun de ses concitoyens. Nous avons rapatrié plus de 3.600 personnes françaises d'Israël, dans les premiers jours du conflit après le 7 octobre. Nous sommes en train de veiller à l'évacuation de nos ressortissants à Gaza. 34 Français ainsi que leurs conjoints ont pu sortir hier. Nous en attendons une cinquantaine aujourd'hui ; il y en a eu cinq, déjà jeudi. Voilà, donc nous sommes à la manoeuvre pour faire en sorte que chaque Française et chaque Français qui souhaite rejoindre le territoire national puisse être évacué dans les meilleures conditions de sécurité possibles.

Q - Revenons sur l'attractivité. On attend de gros projets d'implantation en France, en tout cas on espère. Il y a deux noms qui ressortent souvent : Moderna, qui avait été celui qui a permis d'avoir des vaccins pour le Covid, qui est dirigé par un Français, et puis une entreprise qu'on connaît moins en France, en tout cas son nom, BYD qui est l'un des plus grands fabricants de voitures électriques chinoises. Bon alors, vous nous le dites ce matin : ils arrivent ?

R - Pour l'instant, les discussions se poursuivent avec ces deux grands acteurs. Il n'est pas impossible qu'à un moment ou à un autre, ils puissent décider de choisir la France. En tout cas, ils sont les bienvenus.

Q - Donc la réponse est "oui, peut-être".

R - Nous avons eu de grandes implantations récemment. Nous avons eu un investissement dans les microprocesseurs de Globalfoundries avec STMicroelectronics.

Q - Le plus gros investissement industriel de ces quarante dernières années en France.

R - Prologium, sur les batteries, 5,3 milliards d'euros d'investissement, 3.000 emplois...

Q - Là, on est à Bourbourg, dans les Hauts-de-France.

R - Tout à fait, 3.000 emplois créés. Et nous aurons dans les prochaines semaines d'autres annonces, avec plusieurs milliards d'euros d'investissements dans le domaine notamment de la santé.

Q - Dans la santé, on attend un investissement de combien de milliards d'euros ?

R - On verra. Je laisserai évidemment aux investisseurs le soin de faire leurs annonces...

Q - Mais c'est un dossier signé de plusieurs milliards qui va être annoncé.

R - En tout cas, nous avons de bons espoirs d'avoir dans les prochaines semaines de belles annonces.

Q - Vous lancez donc cette campagne de communication, mais pour les derniers dossiers remportés, ce qui a fait qu'on les a eus, c'est qu'on a sorti le carnet de chèques, ce qu'on faisait peu jusque-là, les subventions. Est-ce que ce n'est pas ça aujourd'hui la meilleure communication de la France, de dire "on s'aligne, on paye, on vous donne les subventions" ?

R - Alors, oui et non. Oui, parce que c'est effectivement, on va dire, une incitation. C'est le plan France 2030 : on a 54 milliards d'euros pour financer notamment l'innovation et la décarbonation de l'industrie. Donc c'est un poids important pour attirer les entreprises, mais pas qu'étrangères, c'est un plan qui est surtout destiné aux entreprises françaises. Mais nous avons aussi toutes les réformes qui ont été faites jusqu'à présent.

Q - Non mais vous citiez par exemple Prologium, c'est 2 milliards de subventions et...

R - Oui mais attendez, la baisse de la fiscalité, le crédit d'impôt recherche, aujourd'hui le crédit d'impôt vert...

Q - Mais sans ces subventions, ces entreprises ne viendraient pas, soyons clairs.

R - Je n'en suis pas certain parce que... peut-être pour les très grands projets, les projets à plusieurs milliards ; mais nous avons... je vous citais tout à l'heure l'Alsace puisque je suis Alsacien : on a eu les investissements de Merck, on a eu les investissements de Hartmann France, on a eu les investissements de Lilly également dans le domaine de la santé. Voilà, cela n'a pas été fait parce qu'il y avait un carnet de chèques gigantesque. Cela a été fait parce que la France est attractive sur le droit du travail, sur la fiscalité, sur le prix de l'énergie, et aussi sur les talents, c'est-à-dire les compétences que nous avons.

Q - Merci beaucoup Olivier Becht, ministre du commerce extérieur.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 2023