Texte intégral
Bonsoir à toutes et à tous.
Je suis très heureux de vous annoncer que nous sommes parvenus, avec mon homologue allemand Robert Habeck et avec mon homologue italien Adolfo Urso, à un accord sur Ariane 6 et sur le futur des lanceurs européens.
Cet accord est un succès majeur et marque un tournant décisif dans l'histoire spatiale européenne. Il a demandé 6 mois de négociations avec les deux ministres, Adolfo Urso et Robert Habeck, des dizaines de réunions techniques et des réunions politiques à haut niveau en format trilatéral, l'une à Berlin, l'autre à Rome. Jusque tard ce week-end, nous avons poursuivi la négociation pour parvenir à cet accord.
Je le redis, cet accord est un succès majeur et surtout un tournant décisif dans l'histoire spatiale européenne. C'est un succès majeur d'abord parce qu'il préserve l'unité européenne sur la question stratégique de l'accès à l'espace. On préserve cette unité entre les 3 plus grands Etats spatiaux européens : la France, l'Allemagne et l'Italie.
C'est un succès majeur et un tournant décisif parce qu'il ouvre une nouvelle ère pour les lanceurs européens, une ère d'innovation et une ère de compétitivité.
Enfin, c'est un tournant décisif dans l'histoire spatiale européenne parce qu'il va permettre à l'Europe de continuer à jouer son rôle comme grande puissance de l'espace avec la Chine, l'Inde, la Russie et les Etats-Unis. L'Europe restera donc une des grandes puissances spatiales du 21ème siècle. C'est aussi l'enjeu de cet accord.
Il était d'autant plus important de parvenir à cette entente que nous nous trouvons dans un contexte dont chacun sait qu'il est difficile. Ariane 6 a pris du retard, 4 années de retard. Vega a connu un certain nombre de difficultés techniques que vous connaissez. Enfin, la guerre en Ukraine a immobilisé les lanceurs Soyouz qui sont tirés depuis Kourou.
D'autant plus important également que nous faisons face désormais à une concurrence très vive, la concurrence habituelle des Etats-Unis qui déploie des lanceurs très compétitifs, des lanceurs innovants avec un soutien public massif et la compétition d'acteurs émergents comme l'Inde et la Chine. Ces éléments de contexte nous ont poussé à travailler à cet accord et à faire tout ce qui était nécessaire pour parvenir à un accord entre la France, l'Allemagne et l'Italie.
Sur le fond, qu'est-ce qui se trouve dans cet accord ? D'abord premier point, une garantie pour l'équilibre économique d'Ariane 6 pour la décennie qui vient. Avec cet accord, Ariane 6 qui est le seul lanceur lourd capable d'assurer un accès autonome de l'Europe à l'espace, voit son financement garanti. Le financement reprendra donc à partir de 2026, à hauteur de 340 millions d'euros par an. Cette somme a été obtenue en contrepartie d'une baisse de prix des industriels de l'ordre de 11% en général. 340 millions d'euros d'aides publiques par an, c'est une somme qui est importante, mais c'est une somme qui est parfaitement comparable à ce que font tous nos autres grands concurrents. Je rappelle pour donner un exemple qu'un lancement de SpaceX sur le marché coûte 50 millions d'euros, quand les clients américains doivent débourser 150 à 200 millions d'euros, ce qui est évidemment une aide indirecte à SpaceX.
Enfin, toujours sur la soutenabilité d'Ariane 6, au-delà de ce financement, il est prévu, et c'était évidemment un des points très durs de la discussion pour la France. Il est prévu dans cet accord 4 lancements institutionnels par an d'Ariane 6 d'ici 2030. Il était essentiel pour nous que ce nombre de lancements soit garanti pour Ariane 6, ce qui permettra 15 lancements complémentaires par rapport aux 27 lancements qui ont déjà été contractualisés, soit 42 lancements d'Ariane 6. Le nombre de lancements est décisif pour assurer l'équilibre économique de ce lanceur. Nous en faisions un point dur, la France a obtenu gain de cause sur ces 4 lancements institutionnels.
Le deuxième élément qui fait que cet accord est décisif et marque un tournant majeur dans l'histoire spatiale européenne, c'est que, pour la première fois, les 3 grands Etats européens, France, Allemagne et Italie, valident le principe d'une compétition européenne sur les nouveaux lanceurs. Là où nous travaillons en situation de monopole, nous acceptons une compétition qui est conforme à ce qu'avait souhaité le Président de la République il y a maintenant près de deux ans. Lorsque le Président de la République avait lancé France 2030, nous avions engagé au niveau national et sous ma direction, une réflexion sur la manière d'obtenir les prix les plus compétitifs et les technologies les plus attractives pour les futurs lanceurs.
Nous étions arrivés à la conclusion qu'il fallait sortir d'une logique institutionnelle pour entrer dans une logique économique et de compétition. Nous avions donc lancé le programme Maia qui, pour la première fois de l'histoire spatiale nationale, engageait un nouveau programme sur la base d'innovations de rupture, de compétition entre des start-ups et d'associations des start-ups avec ArianeGroup. Il s'agissait donc d'un vrai changement de modèle pour la France. Nous avons accepté que ce changement de modèle pour la France soit étendu à l'Europe du spatial, en plein accord avec l'Allemagne et avec l'Italie.
J'ai la conviction profonde, d'abord parce que c'est le choix qui a été fait par le Président de la République et qui a été fait par France 2030, ensuite parce que j'ai mené ces discussions depuis 2 ans au niveau national, que ce modèle de compétition, la France peut et va le gagner. D'abord, parce que nous nous y préparons depuis 2 ans. Ensuite, parce que nous avons prévu dans France 2030 1,5 milliard d'euros pour cette compétition. En troisième lieu, parce que nous disposons de PME performantes qui vont pouvoir prendre toute leur place dans cette compétition. Je pense à Maia, à Hyperspace, à Latitude, à Dark, à Opus Aerospace. Enfin, cette compétition va se faire avec des règles communes. C'est le challenge ESA qui a été retenu à partir de 2025, avec un financement maximum de 150 millions d'euros pour la nouvelle génération de lanceurs. Cette somme indique clairement qu'il s'agit plutôt d'une compétition pour des mini-lanceurs plutôt que pour des gros lanceurs. Cela ouvre la voie à cette compétition que nous appelons de nos voeux avec le Président de la République depuis deux ans et dans laquelle, je le redis, la France a tous les atouts technologiques et financiers pour l'emporter.
Enfin, le dernier point de cet accord, il confirme le rôle du Centre spatial guyanais comme port spatial de classe mondiale, non seulement pour Ariane 6, mais également pour Vega C ou pour tous les nouveaux lanceurs qui pourront s'y développer. Je souligne que la France, à notre demande, récupérera le pas de tir Soyouz pour y lancer à partir de 2026 deux lanceurs légers.
Tout dernier point enfin, parce que j'ai vu les critiques qui étaient émises parfois dans la presse pour dire que l'Europe, qui s'engage désormais dans une compétition sur les lanceurs, qui valide la soutenabilité du programme Ariane 6 qui se rassemble autour de l'Allemagne, de la France et de l'Italie pour défendre son ambition spatiale, conserve également une ambition en matière d'exploration, avec notamment un programme d'achat de services de cargo spatial, c'est-à-dire un cargo réutilisable qui permettra d'amener en orbite basse du fret et des passagers et de revenir sur terre.
L'Europe garde donc une ambition en matière d'exploration spatiale. Elle ne limite pas son ambition aux lanceurs et aux satellites. Elle a aussi vocation à rester une grande puissance en matière d'exploration de l'espace.
En conclusion, j'ai beaucoup vu que l'Europe des lanceurs risquait d'être en crise. Il sort toujours quelque chose de neuf et de positif de la crise que nous avons connue au cours des derniers mois, des échanges parfois difficiles, longs, que nous avons eus avec nos partenaires, sort aujourd'hui une nouvelle ambition spatiale européenne pour le XXIe siècle, avec un lanceur lourd dont le financement et les technologies sont validés. Ariane 6 avec une compétition pour les futurs lanceurs, avec un pas de tir reconnu de classe mondiale sur le site de Kourou, et enfin, une ambition intacte en matière d'exploration spatiale. C'est donc, je crois une excellente nouvelle pour l'Europe de l'espace et pour tous ceux qui croient qu'une partie de l'avenir de l'humanité se joue dans les étoiles.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 novembre 2023