Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les relations franco-suisses et les ressortissants français en Suisse, à Berne le 15 novembre 2023.

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Circonstance : Voyage officiel les 15 et 16 novembre 2023 en Suisse ; Discours devant la communauté française

Texte intégral

Merci beaucoup pour votre accueil.
Mesdames et Messieurs les ministres, 
Mesdames Messieurs les parlementaires, 
Madame l'ambassadrice, 
Monsieur l'ambassadeur, 
Mesdames et Messieurs les élus des Français de l'étranger, 
Mes chers compatriotes.


Je suis très heureux de vous retrouver avec mon épouse et d'être parmi vous aujourd'hui lors de cette visite et d'avoir avec cette réunion, en quelque sorte, une primauté, une primeur, la première communauté française à l'étranger et ma première visite d'État en Suisse. Car oui, je le rappelais tout à l'heure en conférence de presse avec le Président BERSET, vous êtes la première communauté française à l'étranger. Plus de 200 000 compatriotes ont choisi de passer quelques années, leur vie parfois, dans ce cher pays voisin avec lequel nous partageons une identité profondément européenne, une histoire qui vient de loin. On a eu l'occasion de le rappeler là aussi avec le Président BERSET. De nos traités de paix perpétuels à nos grands philosophes, nos auteurs, nos artistes et nos scientifiques, nous avons cette histoire qui nous a très profondément liés et qui, d'ailleurs, continue aujourd'hui à nous lier à travers les institutions onusiennes, plusieurs organisations internationales et une communauté de destin et de pensée qu'il y a entre la Suisse et la France.

Mais au-delà des 200 000 compatriotes, ce lien, c'est aussi les 200 000 Français qui, quotidiennement, traversent la frontière pour venir ici travailler, les plus de 200 000 Suisses qui vont de l'autre côté et qui sont aujourd'hui en train de vivre, de travailler en France. Ce sont nos liens économiques, ceux que vos entreprises font vivre avec environ 40 milliards d'euros d'échanges et avec une place d'investisseurs et d'un côté et de l'autre qui est dans les cinq premières nations. Et donc une vitalité, vous le voyez bien, humaine, économique, scientifique et culturelle, absolument inédite et que vous faites vivre. Je pense aussi à nos étudiants, puisque nous avons 11 000 étudiants français dans les universités suisses qui participent également à leur rayonnement.

Alors, on aurait pu se dire pourquoi diable, en ce moment, alors qu'il y a tant de difficultés en France, à l'international, un Président français doit venir faire une visite d'État en Suisse ? Eh bien, je revendique la nécessité d'une telle démarche. D'abord parce que si on n'entretient pas les amitiés profondes, et si on ne le fait pas malgré les vicissitudes du temps, on les perd. Et que nous sommes à un moment où la Suisse est en train, peut-être plus ardemment qu'elle ne l'a fait à d'autres moments, de réfléchir à son lien avec l'Union européenne, que je crois important, parce que nous avons justement tous ces débats géopolitiques devant nous, où la Suisse, en ce moment même, au Conseil de sécurité, joue un rôle important à nos côtés. Et parce que quand on regarde ce que les idées démocratiques, qui sont les nôtres, subissent de bousculade à l'international, venir et entretenir une amitié solide et nous rappeler ensemble les priorités qui sont les nôtres est essentiel.

La Suisse, quoique neutre, a décidé avec beaucoup de courage et de clarté de nous soutenir suite à l'agression russe en Ukraine. Elle l'a fait en suivant les sanctions. Et nous travaillons ardemment pour que, sur la question des armements, la neutralité puisse se conjuguer avec des politiques de réexportation qui vont nous aider à mener notre chemin. Nous avons, ensemble, beaucoup travaillé ces derniers mois pour que la stratégie qui est la nôtre puisse aussi justement se concrétiser. Face à l'attaque terroriste du Hamas contre Israël puis les bombardements sur Gaza, nous avons une approche très voisine et nous oeuvrons ensemble pour la sécurité d'Israël, pour le droit humanitaire et la protection des peuples, et en particulier du peuple palestinien dans la bande de Gaza, et pour la solution politique. Et au sein de la communauté politique européenne, nous avons une très grande proximité de vue. Cette proposition que j'avais faite il y a un peu plus de deux ans nous permet de nous retrouver tous les 6 mois avec justement les autorités suisses et de travailler avec tous les autres Européens dans un cadre apaisé, loin de tous les débats institutionnels et d'oeuvrer ensemble à tous ces sujets.

La deuxième chose qui justifie ma présence, c'est précisément ce que vous êtes, l'importance de cette communauté française, de nos liens et l'importance de notre dialogue transfrontalier. On l'a largement évoqué avec, là aussi, le Président et l'ensemble des conseillers fédéraux, mais nous souhaitons aller beaucoup plus loin, régler les sujets d'infrastructure et avancer, nous permettre de finaliser les discussions sur les eaux du Doubs et du Rhône, qui ont repris une bonne dynamique, faire davantage en mobilité étudiante parce que nous n'avons pas assez d'étudiants suisses qui viennent en France et parce que nous souhaitons aussi relancer cette dynamique. On a signé un accord important et, justement aussi, sur notre French Tech qui est déjà si forte et notre attractivité française, faire davantage avec les grands acteurs suisses et donner une force à ce développement et donc de la vitalité estudiantine économique aux relations transfrontalières.

Il y a autour de cette visite, plusieurs textes importants qui sont signés, y compris également en termes de recherche, puisque nous avons signé, actant la traduction très concrète de notre premier sommet polaire du 10 novembre dernier, un accord de recherche partenariale sur la cryosphère, les glaciers et les Alpes. Et donc, il y a une actualité, en effet, inédite entre nos deux pays qui a pu se faire et se préparer grâce à cette visite d'État et parce que nous avons, ces derniers mois, travaillé ardemment, et je veux en féliciter notre ministre en charge de l'Europe, des Affaires européennes, la secrétaire d'État auprès d'elle en charge des Affaires européennes, les ministres qui ont porté ces dossiers et qui m'accompagnent, en charge de l'industrie, en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche, et notre ambassadrice ainsi que son équipe.

Mais, au-delà de tout cela, je le disais, je suis là aussi pour venir vous remercier de votre engagement et vous dire que nous continuerons d'être à vos côtés, parce que ce lien se construit, s'établit, se renforce grâce à ces plus de 200 000 compatriotes que vous êtes. Et pour cela, nous avons souhaité que la France soit à vos côtés, avec une politique de service public pour les Français à l'étranger renforcée, sur laquelle on a réinvesti beaucoup ces dernières années et qui est portée par plusieurs d'entre vous ici. Je constate que nous faisons beaucoup, beaucoup plus que d'autres pays voisins, y compris européens, pour nos compatriotes - et c'est une fierté de la France - pour avoir un service public de qualité, mais nous devons encore faire davantage pour faire mieux, simplifier et dématérialiser. Parce que, vous le savez, même dans un pays voisin, même dans un pays francophone, l'expatriation est une expérience qui va avec ses réalités, y compris les plus administratives et quotidiennes.

Le Gouvernement est à cet égard attentif aux besoins croissants dans nos services consulaires, particulièrement en Suisse, parce que vous avez une communauté qui, en plus, est en progression rapide, et le ministre délégué en charge des Français de l'étranger, Olivier BECHT, était venu vous le dire en juin dernier. Vos élus aussi y veillent, ils m'ont accompagné ici, votre député Marc FERRACCI, promoteur inlassable de vos intérêts à Paris, l'ensemble des conseillers consulaires, que je remercie pour vos engagements, mais également d'autres députés en charge des Français de l'étranger. Monsieur ANGLADE m'accompagne, et puis vous avez beaucoup de députés en charge de régions transfrontalières, députés et sénateurs qui sont dans cette délégation et d'élus et qui sont là, et je les en remercie. Votre présence témoigne de cette vitalité, et que ce soient nos présidents, justement, des commissions des affaires étrangères et de la défense du Sénat, nos députés et nos parlementaires des régions frontalières ou nos élus bisontins ou quasi qui sont à mes côtés, tout ça témoigne de cette vitalité, de cette défense de vos intérêts. J'ai demandé également qu'on ait plus d'efficacité, l'envoi de passeport par courrier sécurisé, la plateforme de réponse téléphonique France Consulaire qui sera ouverte aux Français de Suisse d'ici la fin de l'année. Et soyons clairs, notre volonté, c'est que les choses redeviennent accessibles, simples et rapides. Et pour répondre à ces défis, on a pris des engagements en termes de moyens et d'effectifs pour les années qui viennent qui sont dans le texte que la ministre a défendu et les moyens qu'elle a engagés sur notre réseau diplomatique.

Vous pouvez aussi compter sur le soutien de l'ambassade, je l'évoquais, des consulats généraux de Genève et de Zurich et de nos consuls honoraires, je les en remercie. Vous pouvez compter, je le disais sur votre député, vos élus de proximité, conseillers des Français de l'étranger, sur les bénévoles des associations, que je ne veux pas oublier, qui travaillent également en étroite coopération avec nous et que je veux très profondément remercier. Je souhaite aussi saluer les citoyens volontaires qui ont tenu vos 123 bureaux de vote lors des élections de l'an dernier. Vous avez montré que la Suisse et la France ont en partage la vitalité démocratique. Et je sais que c'est du temps et de l'engagement. Alors, l'expatriation, ce sont ces services publics sur lesquels, vous l'avez vu, on a beaucoup réinvesti, sur lesquels on va continuer d'investir pour aller au bout des simplifications, de la numérisation. Et rien ne se fait de manière naturelle, je vous rassure. Mais c'est de l'engagement et nous y sommes.

C'est évidemment aussi l'importance de l'éducation et de l'enseignement. Et à ce titre, c'est un engagement très important de la France ici en Suisse et que nous allons poursuivre. Je souhaite en effet qu'on puisse poursuivre cet effort pour doubler les effectifs de l'enseignement français à l'étranger, ce qu'on a engagé avec la réforme de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Et en Suisse, nos 5 écoles de Bâle, Berne, Genève, Lausanne et Zurich qui appartiennent à ce réseau jouent un rôle essentiel. Je veux en remercier les enseignants et l'ensemble du personnel, remercier aussi les familles. Elles se développent grâce à l'engagement de nos équipes, des familles, aux jeunes aussi, avec leur soif d'apprendre en français. Et je veux vous remercier parce que vous n'êtes pas simplement essentiels pour tous nos compatriotes, mais beaucoup de francophones qui veulent un enseignement et une pédagogie à la française, qui sont portés par ces établissements et sur lesquels nous allons continuer à investir. Tout ça s'inscrit dans un réinvestissement que nous avons fait pour le français et la francophonie, qui va s'appuyer justement sur l'accord qui a été signé avec Campus France pour développer la mobilité de nos étudiants et qui s'appuie également sur la relance de notre politique de francophonie qui s'est traduite par l'ouverture de la Cité internationale de la langue française il y a quelques jours à Villers-Cotterêts et l'organisation à l'automne prochain du 20? Sommet de la Francophonie que la France va organiser et qui va nous permettre de mettre les bouchées doubles. Voilà un point également très important de notre coopération et de ma présence.

Et puis, je l'évoquais en parlant de nos forces actuelles. Mais je ne veux pas finir en oubliant, au-delà de tous ces sujets, l'importance de la recherche, de l'innovation, de la création, du savoir. Je le disais, l'importance de nos relations économiques, tout ce que nous voulons faire. Je serai demain auprès de nos étudiants et d'étudiants suisses. Je serai demain aussi au CERN. Mais nous avons la volonté de donner encore plus de vitalité à notre coopération sur ces domaines essentiels. C'est d'ailleurs ceux qui ont nourri la vitalité de cette relation économique de nos écosystèmes. Je veux qu'à cet égard, nos systèmes d'innovation, nos startups développent des liens privilégiés. Et je veux que nous puissions développer des centres d'innovation conjoints. Je l'ai proposé au Gouvernement en matière justement d'innovation spatiale, de cybersécurité, des thèmes qui sont à la convergence aussi de nos relations en matière de défense et sur lesquels on peut avoir des intérêts communs. Je pense que le CERN est à l'orée d'une nouvelle génération qui va nécessiter des investissements massifs sur lesquels la France sera au rendez-vous, qu'il s'agisse du secteur public comme du secteur privé. Et je souhaite que nous puissions également avoir des investissements au-delà de ce que j'évoquais sur la recherche sur la cryosphère et les glaciers, en matière d'innovation conjointe, intelligence artificielle et quantique tout particulièrement. C'est ce que nous sommes en train de préparer avec le Conseil fédéral et l'ensemble des acteurs privés sur lesquels cette visite, je l'espère, marquera une étape importante.

Et puis, parler des domaines du savoir et de la création - surtout ici, merci Madame la directrice, de nous accueillir ; j'ai compris que j'étais le seul qui n'avait pas le droit de visiter le centre et de partager les oeuvres de Paul KLEE lors de cette visite mais au moins nous abritez-vous, merci infiniment — mais nous avons ce lien extraordinaire avec les universités suisses, mais aussi avec les musées, les festivals, les galeries. La Suisse est un acteur incontournable qui fait rayonner la francophonie, beaucoup de nos artistes, et oserais-je dire que pour beaucoup de Françaises et Français, tout comme Jean-Luc GODARD et quelques autres. Nous avons cette capacité parfois à emprunter vos artistes. Laissez-les-nous sur la base d'un malentendu. Mais quand nous venons ici, nous les reconnaissons bien volontiers. Plus sérieusement, nous allons continuer de faciliter ces circulations de talents, d'artistes, d'échanges, parce que c'est à mes yeux aussi un point très important.

Je ne veux pas être plus long, je veux surtout passer du temps avec vous. Demain, je visiterai la Fondation Jean MONNET pour l'Europe qui est, là aussi, un clin d'oeil de cet ancrage européen que je souhaitais faire. Et si nous pouvons, avec cette visite, apporter quelques éléments clés, nous le ferons, puis nos étudiants, puis le CERN, comme je l'évoquais. Mais être parmi vous aujourd'hui, c'est vous dire le soutien, l'affection de la France à votre endroit et mes remerciements pour faire vivre cette relation bilatérale qui est si importante. Comme vous l'avez compris, dans un monde plein de troubles et de désordres, aucune relation bilatérale n'est innocente ou ne pourrait passer au second rang, à commencer par la relation avec un voisin qui nous est cher et avec lequel nous voulons faire. C'est pourquoi je suis parmi vous aujourd'hui avec beaucoup de bonheur pour cette première visite d'État et c'est pourquoi je vous remercie infiniment des contributions qui sont les vôtres chaque jour pour oeuvrer à cette relation.


Vive la République ! Vive la France !