Texte intégral
Monsieur le président, je vous félicite pour votre élection à ce poste.
La situation au Proche-Orient est grave. La France s'active pour éviter un engrenage dangereux, multipliant les contacts, jusqu'au niveau présidentiel, avec les pays régionaux, nos principaux partenaires européens, les Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni et d'autres. Un Conseil européen à distance s'est tenu hier et nos ambassades sont mobilisées pour transmettre les messages essentiels.
Pour ce qui concerne l'urgence, nous demandons un accès humanitaire à la bande de Gaza, la fourniture de biens de première nécessité et de médicaments pour les populations réfugiées dans le Sud, la protection des civils et le respect du droit international par Israël. Cet Etat a subi les attaques terroristes - leur horreur n'est plus à démontrer - du Hamas, une organisation terroriste et il a le droit et le devoir de protéger sa population, tout en respectant le droit. À Gaza, vous le savez, les besoins humanitaires sont urgents.
Un autre axe de notre diplomatie est de faire appel à la responsabilité de chacun pour éviter l'escalade et un embrasement régional qui pourrait atteindre d'autres pays, en tenter certains et emporter des répercussions chez nous. Face aux tensions existantes et à la grande volatilité de la situation, des précautions ont été prises sur le territoire national, incluant le déploiement de forces de sécurité, et des instructions spécifiques ont été adressées à nos institutions.
Les événements récents montrent toutefois que nos craintes pourraient se concrétiser. J'ai clairement fait part de nos préoccupations à mes interlocuteurs lors de mes récentes visites à Tel-Aviv, Jérusalem, Le Caire et Beyrouth. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté cet après-midi une résolution présentée par le Brésil, condamnant les actions terroristes du Hamas, appelant à la désescalade et rappelant les principes du droit humanitaire.
Nous devons enfin restaurer une perspective de paix, car seule la paix garantira la sécurité de tous. Cette paix devra prendre en compte le droit absolu d'Israël à la sécurité et le droit des Palestiniens à disposer d'un Etat. Notre conviction demeure qu'une solution à deux Etats est nécessaire pour que chacun puisse vivre en paix et en sécurité. Il est difficile de parler de paix dans ces moments, mais il est important de ne pas se laisser emporter par les événements.
Pour ce qui est du budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour 2024, le projet de loi de finances pour 2023 avait donné lieu à des avancées, mais le budget actuellement soumis au Parlement est offensif, pour mettre en oeuvre les priorités énoncées par le Président de la République en mars dernier, lors de la conclusion des Etats généraux de la diplomatie. Ce projet de loi de finances nous permettra d'affirmer nos principes, nos intérêts et notre solidarité.
Avant de le détailler, je souhaite aborder le contexte international actuel, au-delà de la situation au Proche-Orient, qui reflète l'intensification de la brutalité mondiale. Nous sommes ainsi témoins de la guerre persistante en Ukraine, des événements tragiques en Afrique, de l'effondrement au Sahel, des tensions croissantes en Asie et de situations préoccupantes au Caucase et au Soudan. Nous vivons dans un monde marqué par l'individualisme dans lequel les règles sont moins respectées, les cadres habituels remis en cause. Les divisions au sein du G20, la contestation de la gouvernance internationale et les difficultés à trouver des compromis, notamment sur le climat, en sont des illustrations. Les droits de l'homme reculent dans de nombreux pays, et ce monde est marqué par une propagande sans complexes et par la manipulation de l'information amplifiée par les réseaux sociaux. Il s'agit là d'une accélération de mouvements qui étaient déjà à l'oeuvre.
Face à ces défis, nous privilégions trois lignes d'action.
D'abord, nous continuons à jouer notre rôle, à être ce que le Président de la République a qualifié de "partenaire de confiance". Nous cherchons à former des coalitions et à élargir nos partenariats, en traitant différents sujets avec divers groupes de pays. Nous intervenons activement pour résoudre les crises de sécurité, que ce soit dans le Caucase ou en Ukraine. Récemment, je me suis rendu dans ces régions, ainsi qu'au Proche-Orient.
Sur les enjeux globaux, nous souhaitons aussi être des partenaires de confiance, nous prenons des initiatives et nous nous mobilisons sur plusieurs fronts : climat, biodiversité et océans, en vue de la conférence des Nations unies sur les océans qui se tiendra à Nice en 2025, et finances internationales, notamment à la suite des conclusions du sommet pour un nouveau pacte financier mondial des 22 et 23 juin à Paris. Ces sujets continueront de dominer notre agenda. Nous mettons aussi l'accent sur les partenariats pour le développement rénovés grâce aux décisions du Conseil présidentiel du développement au printemps et du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) de juillet, en mettant fin aux critères géographiques au profit d'une concentration par objectifs pour mieux piloter politiquement l'aide publique au développement.
Ensuite, malgré le contexte actuel d'individualisme, nous défendons résolument nos intérêts, en matière de diplomatie économique, notamment grâce à l'action du ministre délégué Olivier Bechtel. Nous avons lancé un plan export, nous encourageons nos entreprises à conquérir des marchés et nous attirons des investisseurs. La France est, pour la quatrième année consécutive, le premier pays en Europe à attirer les investissements internationaux. Nous avons également développé des partenariats structurants, comme avec l'Inde lors de la visite du Premier ministre Modi le 14 juillet et avec la Mongolie, lors de la visite récente de son président à Paris.
Nous défendons également notre modèle économique, et singulièrement notre modèle énergétique. Nous avons obtenu de bons résultats sur ce dernier point, notamment en matière de nucléaire civil. Je me suis récemment rendue en Finlande pour l'inauguration du premier réacteur de type EPR en fonctionnement en Europe, qui fournit déjà 30% de l'électricité du pays, lui conférant une autonomie énergétique. Nous avons également réussi à conclure récemment un accord européen en vue d'une réforme du marché de l'électricité.
Nous cherchons à mieux réguler et à mieux défendre nos intérêts, mais rien n'est possible à ce titre sans l'Europe, qui est notre levier de puissance le plus sûr. Nous poursuivons, au niveau européen, l'agenda de Versailles touchant à la souveraineté économique, à la défense, à l'énergie et aux migrations.
Enfin, le projet de loi de finances acte le réarmement de notre diplomatie, grâce à une augmentation inédite de ses moyens. Ainsi, après des décennies de baisse, nous prévoyons une hausse de 165 équivalents temps plein (ETP) et une augmentation de nos crédits de 4,5% par rapport à 2023. D'ici à 2027, 700 équivalents temps plein supplémentaires sont planifiés dans le programme pluriannuel, ainsi qu'une hausse des crédits de 22%.
En 2024, le budget du ministère atteindra 6,765 milliards d'euros en crédits de paiement hors pensions, soit une augmentation de 293 millions d'euros par rapport à cette année. La mission "Action extérieure de l'Etat" recevra 3,344 milliards d'euros, soit une hausse de 11% par rapport à 2023, et le programme 209 "Solidarité à l'égard des pays en développement", 3,42 milliards d'euros, tous deux hors pensions. Ces moyens supplémentaires serviront des priorités que je souhaite vous présenter.
La première porte sur les fonctions politiques, y compris sur les enjeux globaux.
Le programme 105 "Action de la France en Europe et dans le monde", englobant les crédits de fonctionnement de nos ambassades et consulats, connaîtra ainsi une augmentation de 13% l'année prochaine. Ces crédits serviront à moderniser notre ministère en poursuivant nos investissements dans le numérique, notamment pour introduire des outils collaboratifs afin de moderniser le travail diplomatique et de développer nos capacités d'analyse et d'anticipation. Il s'agit également de renforcer l'efficacité énergétique et la sécurité de nos bâtiments et enfin de renforcer certains postes, comme les services de presse de nos ambassades ou la direction de la communication et de la presse du ministère, mais aussi le protocole, essentiel lors de nos sommets. La création de l'académie diplomatique est enfin en projet, ainsi qu'un renforcement de nos plus petites ambassades, nos postes de présence diplomatique (PPD). Ces ressources supplémentaires amélioreront le quotidien de nos agents et de leurs familles, en offrant une meilleure couverture des frais de scolarité à l'étranger et en renforçant le logement social.
Concernant le programme 209 "Solidarité avec les pays en développement", dédié à l'aide au développement et à la gestion des crises, il disposera d'un budget de plus de 3,2 milliards d'euros, nous permettant de tenir nos engagements et de rester le quatrième bailleur mondial en matière d'aide publique au développement.
Le caractère prioritaire de l'aide humanitaire a été réaffirmé par le Cicid de juillet dernier ; celle-ci s'élève à près de 900 millions d'euros et je compte sur votre approbation pour la maintenir à ce niveau en 2024. Ce programme comprend aussi la provision pour crise majeure qui atteint 270 millions d'euros, utilisée notamment pour le Soudan, le Caucase et récemment pour les réfugiés palestiniens. Je tiens à souligner l'importance de ce dispositif, qui nous a permis d'intervenir rapidement face à des crises humanitaires en Ukraine, en Turquie, en Libye, à Gaza et en Arménie, notamment pour les populations du Haut-Karabagh. Je veille personnellement à ce que cette provision soit utilisée conformément à son objet, pour des actions ciblées sur des besoins urgents. Un exemple concret est l'envoi d'aide médicale en Arménie en réponse à la situation des réfugiés du Haut-Karabagh. Le projet de loi de finances qui vous est présenté la reconduit.
Nous allouons également davantage pour l'Ukraine, en coordination avec les Etats membres de l'Union européenne. La facilité européenne pour la paix (FEP) deviendra ainsi bénéficiaire de notre plus grande contribution internationale en 2024, dans la perspective d'une installation dans la durée du conflit en Ukraine.
La coopération bilatérale augmentera de 5% pour atteindre 209 millions d'euros, soit un total de plus de 2 milliards d'euros en crédits de paiement. Ce renforcement abondera les outils à disposition directe de nos ambassades. Par exemple, le fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) verrait son budget augmenter de 20 millions d'euros, atteignant 100 millions d'euros. Il s'agit d'un dispositif efficace que nous souhaitons développer. J'ai décidé d'accroître le fonds Equipe France (FEF) pour favoriser une collaboration renforcée au sein de nos ambassades. Par ailleurs, le fonds d'appui à l'entrepreneuriat culturel (Faec), dont nous avons observé les résultats lors du forum Création Africa, bénéficiera d'une allocation de 77 millions d'euros. Je souhaite également souligner l'augmentation de 7 millions d'euros pour les ONG via l'Agence française de développement (AFD) afin de soutenir les organisations de la société civile.
En ce qui concerne la coopération multilatérale, les crédits seront légèrement réduits, à 796 millions d'euros en 2024. Avant d'entendre vos critiques à ce sujet, il est important de préciser que cette baisse est due à des dépenses exceptionnelles en 2023 qui ne seront pas renouvelées. Par exemple, nous avions déboursé 70 millions d'euros pour le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et cette somme ne sera pas nécessaire en 2024. De même, il n'est pas prévu d'allouer de nouveau 20 millions d'euros pour la facilité pour les réfugiés en Turquie.
Ces 796 millions d'euros permettront de financer de nouveaux engagements et de renforcer nos contributions sur des sujets clés tels que le climat, la santé, l'égalité entre les sexes ou l'éducation. Enfin, le Fonds européen de développement s'éteindra progressivement jusqu'en 2027, nous donnant la marge pour de nouveaux projets sur le programme 209 à budget constant.
Notre deuxième grande priorité est la diplomatie culturelle et d'influence, qui correspond au programme 185. En 2024, la dotation, hors dépenses de personnel, augmenterait de 50 millions d'euros par rapport à 2023, s'établissant ainsi à 721 millions d'euros, soit +8%.
Cette diplomatie d'influence se structure autour de deux grands axes : le développement d'un nouveau partenariat culturel et solidaire avec le continent africain ; la consolidation de l'attractivité française dans les autres pays prioritaires, notamment en Indo-Pacifique.
Le renforcement du réseau culturel est engagé. Les dotations aux établissements à autonomie financière, notamment les instituts français et les instituts français de recherche à l'étranger, verraient leurs moyens augmenter de plus de 8 millions d'euros par rapport à l'année 2023. De même, les crédits octroyés aux alliances françaises augmenteraient de 1,5 million d'euros, soit +20%, pour financer leur transformation numérique et leur sécurisation.
Nous augmenterons également les crédits d'intervention de 24 millions d'euros, soit +60 %, pour offrir de nouvelles capacités à notre réseau de coopération et d'action culturelle.
Dans un contexte de compétition internationale accrue, la politique d'attractivité étudiante doit faire l'objet d'un investissement continu pour que la France maintienne son rang. Les crédits alloués aux bourses versées aux étudiants étrangers en France seraient portés à 70 millions d'euros, soit +6 millions d'euros par rapport à cette année, notamment pour attirer des profils qualifiés dans les secteurs en tension. De même, nous augmenterons de 2 millions d'euros, soit +15%, les échanges scientifiques, lesquels contribuent également à la politique d'attractivité de la France.
Nous renforcerons la place de la France dans le système multilatéral. Ainsi, nous verserons 6,5 millions d'euros supplémentaires à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) et 17 millions d'euros de plus aux différents organes des Nations unies.
Troisième priorité : la communication et la diplomatie publique. Les crédits de nos services de presse sont trop faibles. Aussi, nous avons prévu de les augmenter de 2,2 millions d'euros pour accroître le rôle du ministère dans le pilotage de la communication générale de la France à l'étranger, ainsi que les capacités de nos ambassades, en priorité celles qui sont en Afrique et en Indo-Pacifique. De plus, nous continuerons à renforcer les moyens de la direction de la communication et de la presse.
Plus généralement, nous cherchons à doter le ministère d'une culture de la communication stratégique. Aussi, nous souhaitons accentuer notre présence dans les médias et sur les réseaux sociaux : nous augmenterons nos productions audiovisuelles et nous travaillerons avec des influenceurs. De plus, nous renforcerons nos capacités pour lutter contre les manipulations, notamment en développant nos moyens de veille médiatique. Par ailleurs, nous avons mis en place un fonds d'innovation pour aider les projets les plus pertinents élaborés dans les postes.
Par ailleurs, dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques, une enveloppe de 6 millions d'euros a été dégagée pour financer un programme d'accompagnement spécifique de certains journalistes et pour déployer notre plan de communication en la matière.
Quatrième priorité : les Français de l'étranger, qui correspond au programme 151, "Français à l'étranger et affaires consulaires". En 2024, ce programme verrait ses crédits, hors dépenses de personnel, croître de 24 millions d'euros, soit +17 % par rapport à 2023, pour un montant total de 165 millions d'euros.
Le coût de l'organisation par les services du ministère des élections européennes s'élèverait à 6 millions d'euros. À ce titre, le programme 151 bénéficierait d'une augmentation de plus de 1 million d'euros, laquelle sera complétée par un transfert du ministère de l'intérieur.
Les crédits consacrés à l'accès des élèves français au réseau scolaire de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) s'élèveraient à 120,5 millions d'euros, soit 15 millions d'euros en plus par rapport à l'année 2023. Cette enveloppe permettra de financer les bourses des élèves du réseau d'enseignement français à l'étranger. Nous avons fait un effort particulier pour les élèves en situation de handicap, en leur consacrant 1,5 million d'euros. Enfin, nous financerons l'instauration du Pass Education langue française à hauteur de 1 million d'euros.
Les crédits alloués au service public consulaire ainsi qu'à la modernisation de l'administration consulaire augmenteraient de 2,8 millions d'euros, notamment grâce à la poursuite du déploiement du service France consulaire, qui sera étendu à l'Europe d'ici à la fin de l'année. Nous poursuivrons également le déploiement du vote et du service d'état civil électroniques.
Ce deuxième budget du quinquennat reflète l'importance accordée par nos autorités à la diplomatie française, qu'il s'agit de réarmer. Au reste, je remercie les sénateurs qui nous ont aidés à redonner aux services du ministère les moyens d'accomplir leurs missions.
(...)
R - Monsieur le sénateur, vous avez raison : dans le continuum défense, diplomatie, développement, le pilier de la diplomatie a bien été oublié, mais nous corrigeons cela !
La politique immobilière des années 2000 que vous avez évoquée n'a plus cours aujourd'hui. Aussi, nous devons trouver de nouveaux moyens de sécuriser et d'embellir notre patrimoine immobilier.
Le chantier de la réserve diplomatique a avancé, puisque nous avons nommé un préfigurateur, chargé d'étudier la meilleure façon de déployer un tel dispositif propre à notre ministère.
Pour dire les choses clairement, nos contributions volontaires ont subi un déclin, mais nous les avons rehaussées progressivement. Elles devraient s'élever à 61 millions d'euros en 2024, soit +2 millions par rapport à 2023. La France accède ainsi à la dixième place dans le classement des contributeurs volontaires des Nations unies, même si notre pays reste derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni. La pente est favorable.
Ces efforts sont indispensables dans le cadre de la compétition accrue qui se déroule au sein des institutions internationales. Aussi faut-il soutenir les candidatures françaises, afin d'avoir un certain nombre de Français dans les postes internationaux. Au cours des dernières années, nous avons mis l'accent sur le programme des jeunes experts associés (JEA) pour élargir notre vivier et préparer les cadres de demain, plutôt que de compter sur un ou deux postes de direction.
En matière de politique de développement, le montant de nos contributions volontaires pour les organes de l'ONU augmente de 5 millions d'euros en 2024 pour atteindre 340 millions d'euros. Un tel montant, sans précédent, est indispensable si l'on veut peser sur les choix stratégiques de ces organisations, aussi bien dans le domaine de l'aide humanitaire, de la santé, des droits de l'homme que du développement.
En plus de nos contributions volontaires aux Nations unies, nous allons consacrer d'importants efforts à d'autres contributions multilatérales, à l'instar du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou du Partenariat mondial pour l'éducation, qui s'élèveront à près de 362 millions d'euros.
En 2024, la politique humaine du ministère se traduira par une augmentation de 165 ETP. En 2023, plus de la moitié des emplois créés ont concerné les postes, et le reste l'administration centrale. En 2024, nous souhaitons renforcer les fonctions politiques et de communication dans les géographies prioritaires, c'est-à-dire l'Afrique et l'Indo-Pacifique. Nous souhaitons également renforcer notre réseau consulaire, qui connaît un afflux de demandes de visas depuis la fin de la pandémie, et prolonger le dispositif d'envoi d'agents en mission de longue durée depuis Paris, qui apporte davantage de souplesse.
La désinformation, qui devient un moyen redoutable d'influence et de guerre hybride, est désormais au coeur de l'action du ministère. Nous avons créé une nouvelle sous-direction - véritable révolution culturelle au Quai d'Orsay - et augmenté les moyens humains et techniques pour lutter contre la désinformation. Cela nous permet de riposter rapidement contre des opérations de déstabilisation, que nous rendons parfois publiques.
La presse doit également être plus attentive aux informations qu'elle diffuse, en vérifiant les faits et les sources et en croisant les informations. Pour cela, il faut des médias indépendants et viables ainsi que des journalistes bien formés. Aussi, nous poursuivons notre programme de formation avec CFI, l'Agence française de développement médias, et nous avons demandé à France Médias Monde de veiller davantage à la lutte contre la désinformation en langue vernaculaire. Nous agissons à visage découvert : notre métier n'est pas de créer ou d'entretenir de fermes à troll !
Enfin, nous voulons ouvrir la future Académie diplomatique, qui formera des diplomates français et étrangers, aux Français qui s'intéresseraient à la diplomatie, afin de développer la culture diplomatique au-delà du ministère, notamment dans nos régions.
(...)
R - Face à la reprise des demandes de visa, nous avons effectivement projeté, pour la durée de quelques mois, des agents supplémentaires sans revoir le plafond d'emploi de chaque poste. Dans certains pays, les délais d'instruction plus longs s'expliquent par des besoins de sécurité accrus.
En ce qui concerne les élections européennes, un budget d'un montant arrondi de 6 millions d'euros nous permettra de tenir ces élections le samedi 8 juin dans le continent américain et les Caraïbes, les territoires d'outre-mer de cette zone inclus, et le dimanche 9 juin en métropole et dans les territoires d'outre-mer restants.
Le service France consulaire, qui est cofinancé très largement par mon ministère, est l'un des chantiers prioritaires. Compte tenu du taux de satisfaction des usagers - autour de 90%, ce qui est très élevé pour une administration -, nous continuons à investir pour développer ce service.
J'en viens à la situation au Mali, au Niger et au Burkina Faso, pays où les coups d'Etat se sont succédé et où des groupes terroristes armés sont actifs. Afin de protéger nos ambassades, nous avons placé ces pays en zone rouge, réduit les effectifs de nos ambassades, fermé temporairement les services de visa et suspendu une partie de nos coopérations, tout en maintenant notre aide humanitaire.
Si nous avons dû revoir à la baisse nos actions de coopération dans ces pays, cela ne signifie en rien que nous n'avons plus de coopération avec les ressortissants de ces pays, artistes ou non. Quelque 6 700 étudiants maliens, nigérians et burkinabés, dont certains bénéficient d'une bourse, sont accueillis aujourd'hui dans nos universités. Je le dis clairement : étudiants, artistes et chercheurs sont les bienvenus dans notre pays, et ni mon ministère ni moi-même n'avons jamais donné d'instruction qui aurait pu conduire à ce que le ministère de la culture envoie le courrier qu'il a, semble-t-il, envoyé.
(...)
R - Madame Dumas, en 2023, nous avons octroyé une subvention pour charges de service public d'un montant de 20 millions d'euros à l'AEFE. Cet effort considérable visait à compenser la revalorisation du point d'indice. Dans le cadre du budget pour 2024, nous avons demandé à l'AEFE d'intérioriser le surcoût restant, d'un montant d'environ 7 millions d'euros, au titre de la participation de l'ensemble des opérateurs à l'effort de redressement des comptes publics.
Par ailleurs, des travaux sont en cours avec la direction du budget pour sécuriser durablement la trésorerie de l'AEFE.
Les Alliances françaises disposent d'ores et déjà de différentes sources de recettes - organisation d'examens, programmation culturelle, etc. Je vous confirme par ailleurs que leur financement fait effectivement l'objet d'une programmation jusqu'en 2027.
L'augmentation des moyens alloués aux bourses a pour objectif de nous permettre d'attirer de meilleurs élèves, mais il faut également, même si cela ne relève pas de mon ministère, que nos universités continuent de s'adapter pour être plus attractives, notamment dans le cadre du label "Bienvenue en France", auquel ma collègue Sylvie Retailleau est très attachée.
En ce qui concerne l'interdiction d'enseigner le français dans les établissements privés algériens, je n'ai pas de commentaire particulier. Cette décision a été prise par l'Algérie, pays avec lequel nous avons de bonnes relations. J'ajoute qu'un certain nombre d'élèves résidents en Algérie sont inscrits au Centre national d'enseignement à distance (Cned).
(...)
R - Monsieur Cambon, je vous remercie d'avoir salué l'effort considérable en matière d'aide au développement qui a été consenti depuis 2017 et qui nous a permis de nous hisser au quatrième rang des bailleurs internationaux.
Les critères d'attribution de l'aide au développement ont effectivement été revus. À une logique géographique, qui ciblait 19 pays dont les situations étaient très différentes et dont la liste était généralement reconduite, nous avons substitué une logique d'objectif. Le principal avantage de ce changement de dispositif est de permettre un pilotage plus politique.
J'en viens à notre influence en Afrique. Il faut se garder de penser que le Sahel représente toute l'Afrique. Bien avant les récents coups d'Etat, le Président de la République avait poursuivi la réorientation de nos grands axes, en mettant notamment l'accent sur les partenariats d'égal à égal avec les gouvernements et sur les actions ciblant les sociétés civiles, la jeunesse et les jeunes entrepreneurs, dans une logique d'investissement. Cela s'est accompagné d'une réduction de notre présence militaire au bénéfice d'actions de formation et de cessions de matériels. Les événements récents nous ont plutôt donné raison.
Nous maintenons l'aide humanitaire au Mali, au Burkina Faso et au Niger, même si certains pays, comme le Mali, entravent cette aide. En raison de la dégradation de la situation sécuritaire dans ces pays, nous avons par ailleurs suspendu l'ensemble des projets d'aide au développement, y compris lorsqu'ils étaient déjà engagés et que ces derniers soient menés par les Etats, des ONG ou des collectivités locales. Si ces pays devaient renouer avec un chemin démocratique, nous pourrions réviser notre positionnement.
Au Soudan et dans les pays avoisinants qui ont dû accueillir de nombreux réfugiés, notre action se borne à de l'aide humanitaire, mais nous y allouons beaucoup de moyens. En Guinée, l'attitude à l'égard de notre pays étant bien différente, nous avons pu maintenir quelques projets de coopération en sus de l'aide humanitaire que nous apportons.
Je souhaite enfin préciser que la décision de suspendre l'aide aux populations palestiniennes a été annoncée, non pas par la Commission européenne, mais par un commissaire qui n'en avait avisé aucun de ses collègues. Compte tenu de la situation, loin de prendre une telle décision, l'Union européenne a décidé d'accroître l'aide aux populations palestiniennes. Je précise que celle-ci passe le plus souvent par le canal de l'ONU ou de ses organisations spécialisées ou encore par celui de nos ONG.
(...)
R - Les négociations conduites ces derniers jours avaient pourtant permis d'améliorer le texte. La France a voté en faveur de son adoption, comme onze autres Etats ; deux autres membres du Conseil de Sécurité se sont abstenus, mais les Etats-Unis d'Amérique ont utilisé leur droit de veto : il leur faudra l'expliquer, car ce texte visait à limiter l'escalade, tout en rappelant le droit d'Israël à se défendre. Il semblait suffisamment bon pour être voté. Nous aurions préféré un consensus.
(...)
R - La situation du lycée français de Niamey est largement dépendante de la situation qui prévaut au Niger. Nous nous efforçons de trouver en priorité des réponses pour les bacheliers du lycée français de Niamey qui relève du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et pour les boursiers. Notre ambassade n'est pas fermée, mais elle est sous blocus, ce qui complique considérablement le fonctionnement de nos services. Nous cherchons toutefois à trouver des solutions au cas par cas pour ces élèves.
Nous avons le projet d'ouvrir un second lycée français à Alger. Nous en discutons avec les autorités algériennes.
Le dossier du Pass Education langue française progresse. Il s'agit d'un engagement du Président de la République. Une expérimentation sera menée grâce aux crédits de 1 million d'euros inscrits au programme 151, "Français à l'étranger et affaires consulaires". Le but est de renforcer les compétences en langue française des enfants français vivant à l'étranger. En 2024, sera ainsi créé un dispositif d'apprentissage numérique qui s'adressera, dans un premier temps, aux élèves du primaire. Cette expérimentation sera lancée l'année prochaine, mais je ne sais pas quand exactement, car le projet est encore en cours de finalisation. Je souligne qu'il n'y aura pas d'effet d'éviction financière au détriment des autres actions du programme 151. Nous ne voulons pas non plus créer une usine à gaz. Enfin, en ce qui concerne la participation des parlementaires et des conseillers de Français de l'étranger, je ne peux que vous faire la même réponse ouverte que j'ai faite à Frédéric Petit.
Monsieur Folliot, le sommet de l'Amazonie se décomposait en une réunion des pays membres de l'OTCA, à laquelle la France n'a pas participé, car elle n'est pas membre de cette organisation, et en une conférence, à laquelle la France était invitée et a participé.
Nous sommes ouverts à tout projet de représentation diplomatique future. Peut-être en reparlerons-nous à l'occasion du projet de loi de finances pour 2025. Ces pays méritent notre attention. Notre priorité est pour le moment l'Afrique, où il y a beaucoup à faire, et l'Indo-Pacifique, où nous avons augmenté le nombre de postes diplomatiques et prévu d'ouvrir un petit poste diplomatique à Samoa en 2024. Nous n'excluons pas d'étendre notre présence ailleurs si notre situation budgétaire le permet.
(...)
R - Nous devons être présents dans l'Indo-Pacifique, zone aux enjeux géostratégiques importants.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 novembre 2023