Interview de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à France Bleu Breizh le 17 novembre 2023, sur le glyphosate et les aides aux agriculteurs après la tempête Ciaran.

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Intervenant(s) : 
  • Marc Fesneau - Ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Média : France Bleu Breizh-Izel

Texte intégral

REGIS HERVE
Il est temps de s'intéresser aux lourdes conséquences de la tempête Ciaran sur les exploitations agricoles avec un autre invité de la rédaction, ce matin, Thomas VICHARD. C'est le ministre de l'Agriculture qui est en visite dans notre région depuis hier.

THOMAS VICHARD
Bonjour Marc FESNEAU.

MARC FESNEAU
Bonjour.

THOMAS VICHARD
Une question d'abord sur le glyphosate, avant de revenir sur la tempête Ciaran. L'autorisation de cet herbicide controversé a été renouvelée hier par la Commission européenne pour dix ans, faute d'accord des 27 Etats membres pour dégager une majorité pour ou contre. La France, de son côté, s'est abstenue. Qu'est-ce que cela signifie, Marc FESNEAU ? Que c'est vraiment indispensable, le glyphosate ? On ne peut pas s'en passer ?

MARC FESNEAU
Ça signifie que, pour un certain nombre d'usages, c'est indispensable. Je pense à l'agriculture de conservation des sols qui pratique l'agriculture en évitant de travailler le sol trop profondément ou de le travailler tout-court. C'est par contre possible de s'en passer dans un certain nombre d'alternatives. Et c'est bien ce qu'on a fait en France. Donc ce n'est pas... Nous, nous le réclamions au niveau européen, c'est pour ça que nous nous sommes abstenus, le fait qu'on puisse continuer à l'utiliser, là, où il y avait des impasses, en particulier dans l'agriculture de conservation des sols qui a beaucoup de vertus en termes de stockage de carbone, d'amélioration de la matière organique, etc., de stockage de l'eau. Mais en même temps de se dire que là où il y a une trajectoire de réduction, on le fait parce que c'est la voie qui nous paraît la plus raisonnable.

THOMAS VICHARD
Ça veut dire que l'objectif de la France, ça reste quand même d'arrêter le glyphosate à terme ?

MARC FESNEAU
Non, l'objectif de la France, ça reste de réduire partout où on peut réduire et partout où on a des impasses de continuer à avoir du glyphosate. C'est ça l'objectif. Personne ne peut dire à 50 ans ou à 30 ans ce que sera l'avenir de tout ça, mais en tout cas, aujourd'hui, on sait très bien qu'il y a des situations dans lesquelles il y a des impasses : l'agriculture de conservation, l'agriculture dans des zones qui sont avec une... (comment dirais-je) une géographie compliquée. Tout ça, ça permet de résoudre et de sortir des impasses, le glyphosate. Donc là où on peut s'en passer, là où on peut réduire ; faisons-le. C'est ce qu'on a fait, on a réduit de 30% l'utilisation du glyphosate en France. On est le seul pays du monde à l'avoir fait. Et puis, là où il y a des impasses, assumons-le et laissons les agriculteurs utiliser du glyphosate sinon on met des tas d'agriculteurs en situation d'impasse.

THOMAS VICHARD
La décision, on le rappelle quand même, qui était très contestée, décision de la Commission européenne très contestée par les oppositions et les associations écologistes. Marc FESNEAU, on va revenir maintenant plus en détail sur ce qui nous intéresse en ce moment dans notre région : les suites de la tempête Ciaran. Vous poursuivez aujourd'hui votre visite en Bretagne. Vous serez ce matin au congrès de légumes de France à Saint-Pol-de-Léon dans le Finistère, pour préciser les mesures de soutien justement aux agriculteurs qui ont été touchés. Sévères dégâts après Ciaran ; plus de 2 000 exploitations agricoles touchées, plus de la moitié dans le Finistère. Pour certains, les dégâts sont énormes en termes d'infrastructures, de cultures aussi, et parfois les assurances ne couvrent pas toujours tout. Qu'est-ce que vous allez faire concrètement pour ces exploitants agricoles, Marc FESNEAU ?

MARC FESNEAU
Comme vous l'avez dit assez bien, ce qui va être couvert par les assurances, ce sera couvert par les assurances. Je rappelle que le système assurantiel que nous avons complètement modifié à la demande du Président de la République. Plus de 600 millions d'euros annuellement, qui sont consacrés par les agriculteurs, par leurs cotisations, et le reste, c'est l'Etat et les fonds européens ; qui sont consacrés à mieux protéger les agriculteurs. Une partie sera prise en charge par les assurances, une partie est prise en charge par l'Etat, ce qu'on appelle le troisième étage de ce système assurantiel ; premier élément. Ça, c'est pour les pertes de récoltes. Il peut arriver sur un certain nombre de ces pertes de récoltes que certains ne puissent pas y accéder, qu'il y ait des problèmes de trésorerie. Et c'est là que viendra abonder, le cas échéant, pour ceux qui seront dans ces difficultés-là. Le fonds que je viens de dédier, que j'ai évoqué hier, avec les habitants…

THOMAS VICHARD
80 millions d'euros.

MARC FESNEAU
De 80 millions d'euros. Deuxième élément, ce sont les pertes de fonds. Pertes de fonds, c'est quoi ? Ce sont les serres hautes ou basses, en verre ou en plastique, qui sont parfois partiellement ou totalement détruites. Il arrive souvent. Donc là, ce sont des calamités agricoles qui vont s'appliquer et qui seront déclarées pour ces départements et en particulier le Finistère, comme vous l'avez dit, qui est très touché. Pour eux, parfois il y a de la vétusté qui est appliquée, comme vous l'avez dit. Et à ce moment-là, ce qu'on mettra en place dans le cadre de ce fonds de 80 millions d'euros, c'est une aide spécifique à l'investissement avec un plafond de subvention de 65%, mais qui est un énorme... un plafond très haut (comme vous le savez) et qui permettra de mieux couvrir la perte, non pas sur le système assurantiel limité, mais sur un système de subventions. Pourquoi ? Parce qu'il y a besoin que les producteurs puissent redémarrer leur production, et donc il y a besoin qu'on puisse réinvestir. Donc les réaccompagnera dans l'investissement.

REGIS HERVE
Vous êtes agriculteurs, vous nous écoutez ce matin, vous avez subi des dégâts suite à la tempête Ciaran. Aujourd'hui, vous êtes inquiets pour l'avenir, vous pouvez nous appeler dès maintenant ; 02 98 53 65 65 pour venir témoigner à l'antenne de France Bleu Breizh Izel.

THOMAS VICHARD
Marc FESNEAU, ministre de l'Agriculture, avec nous ce matin sur France Bleu Breizh Izel. Vous nous avez parlé à l'instant de cette enveloppe de 80 millions d'euros. Elle concerne plusieurs régions. Est-ce qu'on sait combien la Bretagne va toucher de ce fonds-là ?

MARC FESNEAU
Non, difficile d'évaluer à ce stade. Mais la tempête Ciaran, c'était il y a huit jours, neuf jours. Donc difficile d'évaluer tout de suite ce que peut être la réalité.

THOMAS VICHARD
Il y a quinze jours plutôt.

MARC FESNEAU
Oui, quinze jours. Mais enfin, je veux dire, difficile d'évaluer pendant ces quinze jours. Entre les tempêtes et les inondations, on est un peu malheureusement soumis à beaucoup trop d'évènements climatiques ; c'était il y a quinze jours. Et donc on voit bien qu'il faut quand même le temps de l'évaluation. J'en parlais hier avec des agriculteurs ; il y a une difficulté d'évaluation. On n'est pas encore au bout des choses. Donc, c'est une enveloppe qui va couvrir les besoins bretons, les besoins normands, éventuellement les besoins du Pas-de-Calais, compte tenu des inondations. Mais c'est une enveloppe indicative, on verra bien ce que seront les besoins. Mais ce n'est pas une question... Il n'y aura pas de pré-répartition par région ; c'est en fonction de là où il y a le plus de dégâts, qu'évidemment l'enveloppe sera fléchée.

THOMAS VICHARD
On ne sait pas, quand est-ce qu'il sera donné cet argent. En attendant…

MARC FESNEAU
Si, si. Pour la question des moyens, l'idée c'est de le déployer entre décembre-janvier, c'est-à-dire dans les semaines qui viennent. Ça pour le coup, oui. Après, sur le montant…

THOMAS VICHARD
Donc assez rapidement, c'est vrai que les agriculteurs demandent de pouvoir vite s'adapter, de vite passer à autre chose.

MARC FESNEAU
Donc, assez vite. Il y a une nécessité d'aller vite. Parce que, pour le coup, pour beaucoup d'agriculteurs, le sujet ça va être de pouvoir redémarrer et donc de pouvoir être rassuré, alors qu'une partie puisse être versée assez rapidement. Le solde sans doute un peu plus tard. Mais, enfin, vous voyez bien qu'on essaie de tenir des délais qui sont des délais courts par rapport à ce qui est la coutume, si je puis dire.

THOMAS VICHARD
Est-ce que ce plan d'aide tout de même va s'appliquer sur un temps long aussi ? Je dis ça parce que certaines exploitations verront les conséquences de Ciaran que parfois dans plusieurs années, sur leurs récoltes. Notamment, je pense à l'arboriculture. Est-ce que vous pouvez leur promettre un accompagnement aussi sur le temps long ?

MARC FESNEAU
Oui. Alors, vous avez raison. Il y a ce qui est le maraîchage où on voit assez vite, assez tôt, ce que sont les pertes. Pour d'autres, il y a une perte de production pendant plusieurs années, en particulier l'arboriculture et principalement l'arboriculture. Je pense aussi à l'élevage où il y a des dégâts qui sont des dégâts sur des pertes de production et des pertes génétiques parfois aussi sur lesquelles il faut qu'on travaille. Donc oui, on va regarder dans la durée comment on peut les accompagner. Évidemment, dans le système assurantiel, quand vous perdez des arbres en arboriculture, vous êtes aussi... c'est une perte de récoltes à venir aussi, qui est couverte par le système assurantiel. Donc oui, on aura une attention particulière sur la durée, parce qu'on sait que parfois, au début ça passe, puis dans les mois et les années qui suivent, on n'arrive pas à tenir financièrement les besoins de trésorerie.

THOMAS VICHARD
Marc FESNEAU, il y a aussi une question très spécifique autour des déchets amiantés. Je m'explique : des plaques d'amiante, de ciment qui composaient certains bâtiments, qui sont tombées durant le passage Ciaran. Déchets qui vont devoir être jetés, sauf que les déchetteries ne les acceptent pas. Est-ce qu'il y a une solution à ce problème-là ? Est-ce que vous y avez déjà réfléchi ?

MARC FESNEAU
C'est des matériaux qui sont produits de bâtiment, si je puis dire. C'est couvert par le système assurantiel. C'est-à-dire que le désamiantage, le traitement des déchets amiantés fait partie du système assurantiel. J'en parlais hier dans les Côtes-d'Armor. Et donc la collecte, si je peux dire, le désamiantage et la déconstruction des bâtiments qui seraient liés aux conséquences de la tempête, c'est pris normalement par le système assurantiel. Donc on regardera s'il y a des sujets... C'est toujours la même chose, il y a toujours des cas particuliers, des difficultés particulières et donc j'y prête une attention importante. Parce qu'évidemment, il faut faire attention à ça. Mais normalement, c'est couvert par le système assurantiel. Vous avez un bâtiment qui est plein d'amiante ; et le désamiantage est couvert par l'assurance.

THOMAS VICHARD
Merci Marc FESNEAU.

MARC FESNEAU
Merci à vous.

THOMAS VICHARD
Ministre de l'Agriculture, d'avoir été avec nous ce matin sur France Bleu Breizh Izel. Je rappelle que vous serez en déplacement en Bretagne à nouveau ce matin, notamment au congrès de légumes de France à Saint-Pol-de-Léon. Merci d'avoir été avec nous et bonne journée.

MARC FESNEAU
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2023