Entretien de M. Olivier Becht, ministre délégué, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, à France Info le 21 novembre 2023, sur le plan gouvernemental pour aider les PME françaises à exporter.

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  • Olivier Becht - Ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

Média : France Info

Texte intégral

Q - Bonsoir, Olivier Becht.

R - Bonsoir.

Q - Vous êtes ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger. Pourquoi les PME doivent-elles grandir pour se lancer à l'international ?

R - Elles doivent grandir, en général, pour pouvoir être plus fortes, et elles doivent pouvoir aller à l'international pour grandir, aussi. C'est une condition. Le plan ETIncelles qui a été présenté par le Président de la République et la ministre des PME, Olivia Grégoire, vise justement à accompagner un certain nombre de PME de manière très individualisée, pour leur permettre de devenir des entreprises de taille intermédiaire, c'est-à-dire plus de 250 salariés, et qui leur permet justement d'être plus fortes et surtout plus résilientes face aux crises. Mais il faut...

Q - Il faut avoir une taille critique pour se lancer à l'export ?

R - Non. Il ne faut pas avoir une taille critique pour se lancer à l'export. Il y a de très petites entreprises qui sont présentes à l'export. En revanche, pour pouvoir grandir, pour atteindre cette taille d'entreprises de taille intermédiaire, les PME doivent aller à l'international. Il suffit de regarder, en fait, les grands groupes français. Qu'est-ce qui leur a permis d'être des grands groupes ? C'est justement cette capacité de se déployer à l'international. Lorsque vous regardez Airbus, lorsque vous regardez Veolia - champion numéro un au monde en matière d'environnement -, lorsque vous regardez Vinci, LVMH, L'Oréal, Alstom ou d'autres grands groupes français, ce sont tous des groupes qui sont à l'international. On n'a pas les GAFAM américains - les fameux Google, Facebook, Amazon -, mais on a de très grandes entreprises, des entreprises qui sont championnes du monde dans leur domaine. Et elles l'ont fait grâce à l'international.

Q - Sauf qu'on a quand même l'impression qu'il y a une spécificité française : les PME françaises ne représentent que 2% de la valeur des exportations ; c'est 9% en Allemagne, 54% en Italie.

R - Oui, c'est une spécificité française. Nos PME, elles se sentent certainement très bien en France, elles ont un marché local ou un marché national. Elles vont très peu à l'international, contrairement...

Q - Comment vous l'expliquez, Olivier Becht ?

R - Je pense que la France est un grand marché, qu'elles ont donc la capacité à faire des affaires en restant sur leur marché, mais en réalité...

Q - Mais l'Allemagne est un grand marché ; l'Italie aussi.

R - Moi, mon analyse personnelle, c'est que la France est un pays qui a toujours eu une géographie et un climat assez sympathiques, ce qui a permis une autosuffisance alimentaire. Et il y a d'autres pays qui n'ont pas eu cette chance-là, et donc qui ont été obligés d'importer pour pouvoir se nourrir. Et pour importer, il faut pouvoir exporter, pour échanger quelque chose. Et donc il y a eu cette culture de l'export plus forte dans d'autres pays. En Italie, en Allemagne, on ne se pose même pas la question, c'est dans l'ADN des entreprises : vous êtes une entreprise, vous allez à l'international. En France ce n'est pas le cas. Ça doit changer. C'est cette révolution culturelle. Pourquoi ? Parce qu'en fait on est dans un monde de chocs, et dans ce monde de chocs, vous ne pouvez pas dépendre que d'un seul marché, c'est mettre tous ses oeufs dans le même panier. Donc il est impératif d'aller à l'international pour diversifier les risques.

Q - Et vous avez d'ailleurs lancé un plan, que vous avez baptisé "Osez l'export !", qui est doté de 125 millions d'euros de budget. Comment ça se traduit, concrètement, l'aide aux PME pour se lancer à l'international ?

R - Concrètement, nous avons un certain nombre d'aides, qui d'ailleurs existaient déjà pour ce qui est de l'assurance export, les garanties ou l'assurance protection par Bpifrance. Nous rajoutons...

Q - C'est-à-dire qu'en gros, il y a des garanties publiques quand on va à l'international ?

R - Tout à fait. Nous rajoutons un outil extrêmement important, c'est le volontaire territorial à l'export. Nous mettons dans les PME qui le souhaitent, un jeune qualifié, pris en charge à 50% par l'Etat, qui va accompagner l'entreprise dans sa stratégie export, qui va aller voir quels sont les marchés que l'on peut conquérir, et surtout organiser l'entreprise pour aller à l'international.

Q - Et c'est donc financé, à moitié, par l'État ?

R - C'est financé, jusqu'à 12.000 euros à moitié par l'État.

Q - Parce qu'ils sont souvent seuls, en fait, les patrons, quand ils veulent se lancer.

R - C'est ce que disent les chefs d'entreprise, ils disent : "vous savez, nous on a un peu le nez dans le guidon, on est au four et au moulin, on n'a pas le temps de penser la stratégie internationale", donc on crée le VTE qui viendra compléter également un outil...

Q - Le volontariat...

R - ...un outil qui existe déjà, c'est le VIE, le volontaire international en entreprise qui, lui, va aller prospecter sur les marchés à l'international pour le compte de l'entreprise ; mais ça, c'est l'étape numéro deux, il faut déjà que l'entreprise veuille aller à l'international et qu'elle s'organise pour, c'est ce que nous faisons.

Q - Et vous avez aussi besoin des PME pour redresser cette balance commerciale, qui est dans le rouge depuis vingt ans, 54 milliards d'euros depuis le début de l'année ?

R - Oui.

Q - C'est aussi une nécessité pour l'État ?

R - C'est une nécessité pour tout le monde. C'est une nécessité pour l'entreprise pour résister aux chocs que nous subissons et c'est une nécessité pour la Nation de ne pas s'appauvrir. Parce que lorsqu'on importe plus que l'on exporte, c'est la Nation tout entière qui s'appauvrit. Donc effectivement, c'est une grande cause nationale que de faire en sorte que nous redevenions ce que nous étions d'ailleurs par le passé, une grande puissance commerciale.

Q - Alors, vous avez, tout à l'heure, parlé des grands champions français, vous avez cité Airbus. Finalement, est-ce que ça ne fait pas partie aussi du mal français ? Toujours citer les grandes entreprises, les Alstom, Airbus, EDF, qui sont toujours dans les bagages des ministres et des présidents de la République quand ils vont dans d'autres pays et ce n'est pas le cas des PME ?

R - D'abord, il faut dire que...

Q - Et c'est important dans certains pays.

R - Il faut dire que c'est une chance pour la France d'avoir ces grands groupes, parce que, comme dit, les Américains ont Google, Amazon, Facebook etc. Nous avons Airbus, LVMH, L'Oréal, Alstom, Vinci, Veolia, etc.

Q - Mais on parle toujours d'eux !

R - C'est aussi notre tâche que d'emmener les PME avec nous à l'international. C'est ce que je fais, moi. J'ai déjà parcouru 55 pays, depuis un an et demi que j'ai été nommé par le Président de la République. J'emmène avec moi, dans tous mes déplacements, des délégations des PME pour en faire en sorte qu'elles puissent avoir également cet accès à l'international, pouvoir négocier leurs contrats dans les pays, et ainsi asseoir également leur prospérité en France. Parce que quand nous exportons à l'international, cela crée de l'emploi en France dans les territoires, et c'est bon évidemment pour l'économie française.

Q - Et donc, demain vous entamez une tournée en Afrique subsaharienne. La France est toujours présente en Afrique ?

R - La France est non seulement encore présente en Afrique, mais elle est plus que jamais présente en Afrique. Lorsque l'on entend certains dire "la France est en déclin en Afrique, elle est même chassée d'Afrique, etc.", en réalité...

Q - Au profit des Russes et des Chinois.

R - Mais en réalité, ce n'est pas le cas. Certains effectivement manipulent l'information pour faire croire que la France n'est plus désirée. Lorsque l'on regarde les chiffres, on a deux fois plus d'entreprises françaises, aujourd'hui, en Afrique qu'il y a dix ans. On a trois fois plus d'investissements directs français en Afrique qu'il y a dix ans.

Donc oui, les produits français continuent à faire rêver. Ils continuent à faire rêver en Afrique, ils sont attendus. Les entreprises françaises sont attendues en Afrique, c'est le continent de la croissance du XXIème siècle, il y a énormément d'opportunités, et je souhaite effectivement que les entreprises françaises puissent aller sur les marchés africains. Je suis là pour les aider et pour les accompagner.

Q - Merci beaucoup, Olivier Becht, ministre délégué, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, invité éco de France info, ce soir.

R - Merci à vous.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2023